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Mais qui nous sauvera de ceux qui nous perdent ?

Je lis comme vous les informations du monde. Elles sont mauvaises. Le Nordeste brésilien s’enfonce dans une série d’affreuses sécheresses, qui transforme massivement la pauvreté en misère (ici). En Californie, on est en passe de battre un épouvantable record, vieux de cinq siècles (ici) : l’eau semble avoir disparu de l’un des greniers agricoles des États-Unis. En Australie, la température a localement dépassé 50 degrés et s’est maintenue au-dessus de 45 degrés dans des régions entières, pendant des semaines (ici). Des millions d’animaux, domestiques et sauvages, sont simplement morts de soif. On peut sans exagération parler d’Apocalypse.

Dans le même temps, inondations bibliques en Grande-Bretagne, tempêtes sans fin en Bretagne, chutes de neige dantesques au Japon, etc, etc. Bien qu’aucune preuve directe ne puisse – évidemment ! – être apportée, tout indique que le dérèglement climatique commence à faire sentir ses effets. Ce sera probablement pire demain, mais c’est déjà impressionnant. De manière cohérente, cohérente par rapport aux prévisions concernant le désastre, les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient. Ce qui menace à l’horizon, et je suis désolé de devoir l’écrire, c’est la dislocation. La dislocation de toutes les digues sociales, morales, politiques.

Que dire dans ce cadre de nos élites politiques ? Pour une fois, je ne tenterai pas de nous accabler, nous gli uomini qualunqui, nous les hommes ordinaires. J’ai assez dit, et je maintiens, par Dieu !, que nous avons une immense responsabilité dans le lamentable état des lieux. Qui d’autre que nous s’est rué sur la télé à écran plat, la bagnole électronique, l’ordinateur, le téléphone portable ? Mais aujourd’hui, je n’entends parler que de nos dirigeants.

Pour dire les choses simplement, leur médiocrité fait peur. Celle d’Hollande est évidente, celle de Sarkozy également. Pas plus, également. Dignes héritiers tous deux de cet individualisme fou, qui confond toujours plus, depuis deux siècles, droits de l’Homme et fun personnel. Ils veulent, comme les sots accomplis qu’ils sont, le beurre et l’argent du beurre. Le pouvoir, les femmes, la reconnaissance, l’amour même. Crétins ! On serait en droit d’attendre d’eux transcendance, sacrifice, exaltation des qualités les meilleures, et l’on ne rencontre que banalité, train-train et pour tout dire imbécillité. Comment qualifier, dites-moi, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou les bouffées délirantes répétées sur les gaz de schiste ?

Peu de personnalités atteignent aux dimensions de l’Histoire des humains. Encore moins sans doute seraient à l’échelle plus bouleversante de la crise en cours, qui touche la vie elle-même. Et le tout laisse peu d’espoir d’en voir surgir. Pourtant, il en suffit d’un. Voyez plutôt De Gaulle, officier supérieur de 50 ans en 1940, ayant baigné toute sa vie dans des milieux de droite souvent monarchistes et antisémites. Quand il se lève de toute sa hauteur à Londres, en juin de cette année de débâcle, il est seul. Non, il n’est pas seul : il est entouré de militants fascistes (ici). Il va pourtant sauver la République, avec des militants de gauche.

Est-ce à dire que j’attends De Gaulle ? Non pas, mais un sursaut, certainement. Je ne saurais en décrire les contours, je ne saurais dire qui sera la poule – nous ? lui ? elle ? – et que seront les œufs. Mais nous avons d’évidence besoin d’une rupture. D’une cassure du temps politique si morne dans lequel nous sommes si mal. Ma certitude, tant de fois répétée : il n’y a rien à attendre d’eux, qui nous gouvernent. Il faut chercher ailleurs, et vite.

Le ridicule Plan cancer du bon M.Hollande

J’ai honte de nos gouvernants. Ce n’est pas la première fois. Et d’un certain point de vue, cela m’étonne un peu, car je n’attends rigoureusement rien d’eux. Ma rupture avec la gauche ne saurait être plus complète, mais je m’empresse de dire une fois encore que la gauche est une histoire, une invention de deux siècles, et qui n’a pris au reste son sens actuel qu’au moment de l’affaire Dreyfus, il y a un peu plus de cent ans.

Entre Nord et Bouches-du-Rhône

Les formes politiques sont une chose et les valeurs humaines leur préexistent et leur survivent. Moi, je défends ces dernières et conteste radicalement les premières en leur nom. J’espère que c’est suffisamment clair. Je suis du côté de la liberté et de l’égalité, mais de l’égalité pour tous. Je suis pour la fraternité, mais dans une acception qui englobe tous les êtres vivants de cette planète, dont nous sommes certes. Mais les gauches réelles n’ont-elles pas toujours méprisé, au fond, les peuples lointains et les bêtes, et les plantes ?

Fin du préambule. Hollande. Un homme pleinement dépourvu du moindre intérêt pour la nature. Totalement immergé dans une sous-culture politicienne où ne compte, au fond, que le rapport de forces entre courants et territoires. Je rappelle qu’il a été onze ans – 11 ! – secrétaire national d’un mouvement d’une rare médiocrité, le parti socialiste. De 1997 à 2008, le quotidien de cet homme a consisté à arbitrer entre pathétiques factions défendant chacune son bout de gras dans l’appareil. Oui, lecteurs de Planète sans visa, regardez la vie en face, telle qu’elle fut : quand brûlait la planète, lorsque ses équilibres essentiels s’effondraient, M. Hollande ménageait un M.Guérini, dans les Bouches-du-Rhône, ou un M.Percheron, dans le Nord. Et préparait le fameux congrès de Reims – 2008 – au cours duquel les valeureux de son mouvement ont truandé, qui du côté de Martine Aubry, qui du côté de Ségolène Royal, la première gagnant d’une poignée de voix grâce au bourrage des urnes.

Dicky Tricky dans ses œuvres

Fin du deuxième préambule, en vous priant de m’excuser, mais ces phrases m’ont permis de contenir la fureur que je ressens depuis hier, quand Hollande a rendu public son Plan cancer. Vous avez sans doute vu, dans les grandes lignes (ici), ce qu’il contient. 1,5 milliard d’euros pour officiellement réduire les inégalités sociales reliées à cette si terrible maladie. Ce serait burlesque, mais c’est seulement pitoyable. Hollande ressort des chiffres vieux de décennies, qui montrent que des millions de personnes sont exposées à des produits cancérogènes dans le cadre du travail. Mais ces êtres, monsieur le grand Socialiste, sont pour l’essentiel des prolos, dont vous n’avez que foutre. Ce qui n’a pas été fait hier pour eux – s’attaquer au patronat, s’attaquer à la chimie industrielle – ne le sera pas demain. Et l’on rapportera dans dix ans la même chose qu’il y a vingt ans : a moins 10 % des travailleurs morflent du produit cancérigène dès le matin, au boulot.

Le pire n’est pas encore là, oh non ! Commençons par un point d’histoire : en 1971, un certain Tricky Dicky faisait déjà un grand show télévisé, prétendant vaincre le crabe. Tricky Dicky, c’est Richard le Tricheur, c’est-à-dire Nixon, ci-devant président des États-Unis. Il y a quarante-trois ans, donc, Dicky annonce une « guerre totale contre le cancer », qu’il compare explicitement à la mobilisation qui a conduit à la « conquête » de la Lune, à l’été 1969. Des milliards de dollars sont mobilisés, car il s’agit, en toute simplicité, d’éradiquer le cancer avant le bicentenaire de la Déclaration d’indépendance américaine, en 1976. Il faut donc se dépêcher, n’est-ce pas, car Nixon, qui croit encore être au pouvoir pour profiter du triomphe, ne s’est donné que cinq ans. Cinq ans. Bouffon. Qui aura profité des crédits publics ? Les labos, l’industrie, les médecins bien en Cour.

Plus 111 % chez la femme

Chez nous, pareil. Notre roi fainéant Chirac, en 2003, avait lui aussi lancé son petit plan anti-cancer maison. 500 millions d’euros sur cinq ans. À l’arrivée, en 2008, les Verts de l’époque réclament la création d’une commission d’enquête parlementaire, qui ne verra jamais le jour. Il eût été passionnant, pourtant, de comprendre pourquoi ce fric n’avait servi à rien d’autre qu’à nourrir une fois de plus labos et industrie. Car le fiasco est total : selon les chiffres officiels de l’Institut national de veille sanitaire (InVs), le nombre de cancers a augmenté de 107,6 % chez l’homme et de 111,4 % chez la femme entre 1980 et 2012.

La question que tout esprit modérément ouvert devrait poser est bien sûr : pourquoi ? Pourquoi une telle explosion ? Je ne conteste nullement le rôle de l’augmentation de la durée de la vie. Ni d’ailleurs celui du dépistage précoce. Je ne le conteste pas, mais les charlatans qui prennent les décisions, eux, nient effrontément l’une des causes à coup sûr essentielles : la contamination générale de tous les milieux de la vie. Je ne vous ferai pas un cours complet sur le sujet – patience, cela viendra -, mais enfin, il existe des centaines d’études concordantes, qui pointent dans la même direction. L’omniprésence de molécules toxiques dans l’eau, l’air extérieur comme intérieur, les aliments, les sols, les peintures, les vêtements, les cosmétiques, les jouets, dans des milliers de produits de la vie quotidienne est devenue l’une des plus graves questions de notre époque.

Soyons précis : il y a beaucoup d’incertitudes. Et elles dureront. Mais il y en avait pour la clope en 1920. Mais il y en avait pour l’amiante en 1930. Et dans le même temps quantité de signaux sans ambiguïté disaient déjà l’extrême danger. Seules de sordides manœuvres de retardement, lancées par des cabinets spécialisés à la botte de l’industrie, ont fait perdre des dizaines d’années à la société. Et tué du même coup des millions de pauvres couillons comme nous sommes tous.

Il faudrait

La même chose recommence sous notre nez. Lutter réellement contre ce qu’il faut nommer une épidémie de cancers imposerait de mettre en question la liberté d’empoisonner qui est laissée à l’industrie chimique. Ce qui conduirait par entraînement à une refondation morale de la société tout entière. On comprend donc pourquoi Hollande est à ce point couché devant les lobbies de toujours. Mais cela ne console pas. Mais cela n’empêche pas d’insulter dans son for intérieur ce ridicule président de notre pauvre République. En son for intérieur, car l’injure publique – et c’est d’ailleurs normal – mène droit au tribunal. À vous lire.

Poutine au paradis de la neige artificielle (sur les JO de Sotchi)

Publié par Charlie Hebdo du 22 janvier 2014

Les Jeux Olympiques de Sotchi commencent le 6 février, dans une ambiance délirante, faite de canons à neige et de flicages tous azimuts. Question : les Tchétchènes mangent-ils dans la main de Poutine ?

Applaudissements debout. Le 6 février prochain commencent les Jeux olympiques d’hiver 2014, à Sotchi (Russie). La cérémonie est splendide de bout en bout, Vladimir Poutine et notre grand camarade Joseph Staline saluent la foule à leurs pieds d’un langoureux baiser pleine bouche, à la russe. La vodka et la tête des traîtres à la patrie volent dans l’air refroidi des cimes. La neige fabriquée à coup de canons s’approche tout près des pistes.

La magie Sotchi dure depuis qu’on a découvert à la fin du IXe siècle des sources d’eaux thermales à Matsesta, village tout proche. Sotchi est une station balnéaire, fleurie dès le printemps d’hibiscus et de lauriers roses. Le tsar Nicolas II, avant ses ennuis de 1917, y descendait volontiers en famille. Staline y avait ses habitudes dès 1930, puis Khrouchtchev, puis Poutine soi-même. Maurice Thorez, défunt chef stalinien français, y barbotait avec madame Jeannette, et une plage sur la mer Noire porte toujours son nom, preuve qu’il est utile d’être une serpillière.

Mais ne nous égarons pas. Sotchi. Pourquoi Poutine a-t-il décidé d’organiser un événement mondial en ce point-là de la carte ? À priori, il n’y a pas pire. Un, les archives climatiques donnent une moyenne de 6 degrés au mois de février, ce qui n’est guère favorable aux frimas. Et de fait, les stations dédiées au ski, à 600 mètres d’altitude seulement,  sont et seront alimentées par une neige artificielle. Compter environ 1 m3 d’eau pour obtenir 2 m3 de neige.

Deux, le Caucase, ce gigantesque bobinard partagé entre Russie, Géorgie, Arménie, Turquie, Azerbaïdjan. Si par hasard tu prends ta bagnole depuis Sotchi et que tu longes la mer Noire, tu comprendras mieux. D’abord, il faut entrer en Abkhazie, une crotte de mouche de 240 000 habitants, peut-être bien russe, peut-être bien géorgienne, dont l’indépendance fantoche de 1992 est reconnue par cinq pays, dont la Russie, Nauru et Tuvalu. On ne rit pas.

Si tu arrives à sortir de là, bienvenue en Géorgie. Ce pays compte en son sein une autre entité, l’Ossétie du Sud, qu’elle considère lui appartenir, tandis que la Russie la juge indépendante depuis 2008. Vu ? Mais il y a aussi une Ossétie du Nord, semblant d’État faisant partie de la fédération de Russie. Avec comme charmants  voisins la République de Kabardino-Balkarie, la République de Karatchaevo-Tcherkessie, le Daguestan, l’Ingouchie, sans oublier la Tchétchénie, rattachés eux aussi à la Russie. On laisse tomber le kraï de Stavropol.

Revenons à nos moutons dérangés : pourquoi ce lieu cinglé ? On en restera à une hypothèse, qui tient le coup : Poutine aura voulu montrer qu’il en a de bien grosses. Depuis le début de sa carrière d’ancien kaguébiste (flic du KGB), il n’a cessé d’instrumentaliser les indépendantistes du Caucase, Tchétchènes en tête. On se souvient que, dès le début du massacre des Tchétchènes, en 1999, il avait promis de « buter les terroristes jusque dans les chiottes ». Outre les innombrables morts sur place – le bilan russe officiel parle de 160 000 tués -, il a multiplié des opérations tordues. Par exemple, l’empoisonnement par le gaz et le flingue de 170 personnes en 2002, au Théâtre de Moscou. Par exemple la très étrange attaque contre l’école de Beslan, en 2004, au cours de laquelle 344 civils, dont 186 mioches, ont été butés par les forces spéciales du régime.

Sotchi pourrait bien être une très grande opération de propagande, davantage destinée à l’opinion intérieure qu’à TF1 et ses clones du monde entier. Et en tout cas, comme par enchantement, les vilains et ténébreux islamistes ont réapparu. En juillet dernier, on a pu voir une vidéo de l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov, proclamé ennemi public numéro 1 – façon Emmanuel Goldstein, personnage de 1984 -, qui menaçait de tout casser à Sotchi, où se trouvent « les ossements de nombreux musulmans enterrés le long de la mer Noire ».

C’est dans ce cadre, fictionnel ou non, qu’ont eu lieu les 29 et 30 décembre 2013 les attentats de Volgograd, l’ancien Stalingrad, avec des dizaines de morts à la clé. S’il s’agit d’un montage, on comprend pourquoi : Poutine a le plus grand intérêt à montrer sa force dans une région où les « terroristes » frappent sans répit depuis la disparition de l’Union soviétique en 1991. Il a du reste déclaré que les JO de Sotchi sont « le plus grand événement de l’histoire postsoviétique », ce qui prend tout son sens sur fond de contestation croissante de son pouvoir.

Le spectacle des JO, entre le 6 et le 23 février, a  été soigneusement mitonné par les maîtres-queux du FSB, qui a pris la suite du KGB. Témoin, s’il en était besoin, l’incroyable système de surveillance des communications mis au point par Poutine. Le quotidien britannique The Guardian (1) publiait en octobre une belle enquête de deux journalistes russes, Irina Borogan et Andrei Soldatov. Prenant les risques que l’on imagine, les deux kamikazes révélaient l’usage à Sotchi d’une technologie dite SORM (pour System for Operative Investigative Activities), sans cesse améliorée depuis 1990.

Tous les échanges, qu’ils passent par le Net ou le téléphone, seront moulinés, éventuellement enregistrés par le FSB, grâce à un système peut-être plus complet que celui de la NSA, ce Prism dévoilé par Edward Snowden. Tel est en tout cas l’avis d’un connaisseur, le Canadien Ron Deibert, le directeur de Citizen Lab (http://citizenlab.org), pour qui le système installé à Sotchi est « un Prism boosté aux stéroïdes ».

On s’en fout ? Pardi, on s’en fout bien. Loin de toute idée de boycott, mais gêné quand même aux entournures, Hollande a décidé de ne pas se rendre à Sotchi pour la cérémonie d’ouverture. Mais Valérie Fourneyron, cette ministre des Sports que personne ne connaît,  en sera, elle. En bon soldat de l’olympisme-sous-le-knout, elle assure que les JO sont l’occasion « d’obtenir des avancées politiques. Cela s’est produit en Chine et, on l’a encore vu en Russie ces dernières semaines avec des libérations d’opposants au régime ». Poutine en fait déjà dans sa culotte.

(1) http://www.theguardian.com/world/2013/oct/06/russia-monitor-communications-sochi-winter-olympics

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50 milliards d’euros pour buter la panthère de Perse

Les comptes sont délirants. Bien qu’aucun chiffre vérifiable ne soit disponible, les JO d’hiver de Sotchi seront sûrement les plus coûteux – de loin – de l’Histoire. Le régime Poutine reconnaît, pour les seules dépenses d’infrastructures directement liées aux compétitions, 5 milliards d’euros d’investissements. Et au total, une facture de 50 milliards d’euros – les Jeux d’été de Pékin ont coûté 32 milliards -, qui sera peut-être pulvérisée.

Peut-être, car au passage, Poutine et ses potes auraient déjà siphonné 23 milliards d’euros selon l’opposant Boris Nemtsov. Des centaines de kilomètres de routes et de chemins de fer, des stations de ski ex nihilo, 77 ponts et bien entendu le village olympique sont au programme final. Le désastre écologique est aux dimensions du projet. Des forêts entières ont été détruites, des centaines de millions de tonnes de déchets balancés au ravin ou enfouis à la va-vite dans l’une des dizaines de décharges illégales de la région.

Des espèces emblématiques de la région, comme la panthère de Perse, risquent de disparaître, mais les JO ont été proclamés « verts » par Poutine en personne, et la panthère, mascotte officielle, figurera quand même sur les sacs et les colifichets, ce qui est bien l’essentiel.

Les écologistes locaux sont au premier rang de la contestation. Et les plus lourdement frappés. Evegueni Vitichko, par exemple, vient de se prendre trois ans de camp au moment où il s’apprêtait à rendre public un rapport. De son côté, l’ONG Human Rights Watch accuse les principaux sponsors de regarder ailleurs. Parmi eux, Atos, Coca-Cola, Dow Chemical, General Electric, McDonald’s, Omega, Panasonic, Procter et Gamble, Samsung et Visa. Comme c’est étonnant.

Les 51 bons cons du porte-avions Ronald Reagan

Publié par Charlie-Hebdo le 15 janvier 2014

Faut pas se moquer des malades et des cancéreux. Des dizaines de marins américains ont chopé de furieuses maladies pour être restés un mois sur l’eau, devant la centrale nucléaire de Fukushima.

C’est pas drôle du tout, mais ça fait marrer quand même. D’abord parce que cette connerie de porte-avions à propulsion nucléaire porte le nom de Reagan. Oui, il s’appelle l’USS Ronald Reagan, en hommage au vieux con, et il a été lancé le 4 mars 2001 sous la devise Peace through strength. La paix grâce à la force. La formule est de Reagan soi-même – ou plutôt, de son équipe de com’ – et rappelle furieusement celle du 1984 d’Orwell, La guerre, c’est la paix. Bref. Une grosse crotte de 4,3 milliards de dollars (valeur 1995), inaugurée par Nancy Reagan, mais en l’absence de son mari, retenu à la maison par sa maladie d’Alzheimer.

On ne jurera pas que tout allait bien avant l’affaire que l’on va raconter. Non pas. En 2003, par exemple, on découvre après un incendie mahousse que 20 % des disjoncteurs sont foutus, ce qui donne une idée de l’excellence des contrôles. Et puis la nave va, avec ses 333 mètres de longueur et ses 88 000 tonnes en pleine charge.

On se promène, du détroit de Magellan jusqu’à Hawaï, du golfe Persique jusqu’en Australie, de Singapour jusqu’à Hong Kong. Arrive le 11 mars 2011 : le Ronald Reagan est au large des côtes japonaises au moment où la centrale nucléaire de Fukushima vole en éclats. Comme les Américains sont des gens fort serviables et solidaires, ils rappliquent et envoient des hélicoptères survoler la zone.

Mal joué. Les trois engins s’étant approchés de Fukushima reviennent à bord du porte-avions avec de la radioactivité sur les pales. Les 17 membres des trois équipages ont subi eux aussi des radiations. Graves ? Que non, assure la Navy, qui affirme dans un communiqué que la contamination est comparable à celle reçue au cours d’un mois au contact du soleil ou de rochers.

Malgré tout, on s’éloigne, ce qui ne manque pas d’intriguer compte tenu de la suite. Car la suite est une plainte à la mode américaine. En décembre 2012, un peu moins de deux ans après Fukushima, huit militaires qui se trouvaient à bord de l’USS Ronald Reagan attaquent le gestionnaire de la centrale nucléaire détruite, la compagnie Tepco (Tokyo Electric Power Company), et lui réclament des centaines de millions de dollars de dommages et intérêts (La Presse de Montréal, 28/12/12).

Pourquoi cet énervement ? Parce que ces gosses d’une vingtaine d’années ont chopé cancers et leucémies. Et parmi eux, des filles, dont l’une, enceinte au moment de l’exposition, a également déposé plainte au nom de son gamin, né depuis. On aurait pu en rester là, ce qui aurait suffi pour ce début d’année. Mais en mars 2013, les huit du départ étaient 26 à souffrir de cancers des couilles et tous autres, tumeurs de la thyroïde, maux de têtes épouvantables. Et à réclamer deux milliards de dollars.

À ce stade, Tepco, accusée d’avoir grossièrement et volontairement sous-estimé les risques encourus, se tait. Le Pentagone, qui est le ministère de la Défense américain, soutient indirectement les nucléocrates japonais, jurant que les radiations subies à bord du porte-avions ne sauraient poser de problème de santé. N’est-ce pas évident ? Mais début décembre 2013, les 26 sont devenus 51 à se joindre à ce qu’on appelle aux États-Unis une class action, c’est-à-dire une action judiciaire collective.

Tepco peut donc s’attendre à des suites désagréables, d’autant que le principal avocat des contaminés, Charles Bonner, est un gros dur, efficace,  qui ne se laissera pas impressionner. Selon ses déclarations, non seulement des membres de l’équipage se sont jetés à l’eau pour secourir des Japonais, mais pendant un mois, à quelques encablures de la côte,  ils ont bu de l’eau dessalée prélevée sur place et se sont baignés dedans. Avant que le capitaine ne les prévienne de niveaux de radiation élevés. On attend pour les prochaines semaines autour de 150 plaignants, chacun réclamant 40 millions de dollars, ce qui ferait six milliards.

Tepco, qui fut au temps de sa splendeur le plus grand producteur privé d’électricité dans le monde, a été nationalisé en 2012 sur fond de désastre nucléaire à Fukushima. Comme il se doit avec l’atome, privatisation des profits avant, nationalisation des pertes après la catastrophe. Au fait, Fukushima continue à fuir.

Une victoire pour les opposants à la « ferme des 1000 vaches »

Je suis obligé d’intercaler ici une nouvelle qui me parvient. L’association Novissen et la Confédération paysanne viennent de remporter une première victoire contre l’infect projet de « ferme des 1000 vaches ». Selon un article du Journal d’Abbeville (ici), l’État obligerait le promoteur Ramery à détruire une partie de ses installations. Bien sûr, il manque les détails, et dans tous les cas, ce ne peut être qu’une première bataille. Mais quand un succès pareil se produit, il n’y a plus qu’une chose à faire, en tout cas chez moi : champagne ! Tous mes bravos aux braves ! Tous mes bravos à Michel Kfoury, Grégoire Frison, Claude Dubois, Gilberte Wable, Pierre-Alain Prévost, Laurent Pinatel, et les centaines d’autres engagés dans ce beau combat contre la laideur du monde.

Le Journal d'Abbeville

 

1000 vaches : l’Etat intime l’ordre à Ramery de démonter son bâtiment !

 Victoire pour Novissen et La Confédération Paysanne, l’Etat a donné raison aux associations en demandant à Michel Ramery de démonter son bâtiment

Lors d'un face-à-face entre les promotteurs de la ferme et les membres de Novissen
Lors d’un face-à-face entre les promoteurs de la ferme et les membres de Novissen

Les membres de Novissen et de la Confédération Paysanne sont “sur un petit nuage” ! Ils ont semble-t-il gagné la lutte qu’ils menent depuis plus de deux ans contre le projet de la “ferme-usine des 1000 vaches”.Le secrétaire de Novissen Marc Dupont vient de confirmer le dernier rebondissement en date : “Laurent Pinatel de la Confédération Paysanne, Michel Fkoury, président de Novissen et notre avocat Grégoire Frison ont été reçus par le chef de cabinet de Cécile Duflot qui est également passée. Et bilan : l’Etat intime l’ordre à Michel Ramery de démonter tous les bâtiments non conformes au permis initital !”Le promoteur va donc devoir démonter l’immense bâtiment qui était censé accueillir le millier de vaches, sous réserve d’un appel. Et Marc Dupont de préciser : “M. Ramery devra ensuite attendre 3 mois après la démolition pour présenter un nouveau permis de construire”.Ce jeudi 23 janvier à 15h, Novissen rencontrera Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout La République) en mairie de Drucat.