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Montebourg dégueule sur la forêt tropicale de Guyane

Désolant, révoltant, criminel, assassin ? Bah, las palabras entonces no sirven, son palabras. À ce stade, en effet, les paroles ne servent à rien, car ce ne sont que des paroles, quand il faudrait des actes. Faisant ce que je peux, si peu, je vous signale que ce pauvre monsieur nommé Arnaud Montebourg fait à nouveau des siennes. Le ridicule ministre du redressement productif vient d’accorder un permis d’exploitation minière à la société française Rexma, spécialisée dans la recherche de l’or. Oui, mes pauvres lecteurs, il s’agit d’exploiter une mine d’or au pays de l’ancien Eldorado, en Guyane française, chez nous. Enfin, d’après ce qu’on dit, car pour ma part, j’ai toujours considéré que nous n’avions rien à faire là-bas. Nos militaires, qui ont transformé la Guyane en base secrète, de manière à permettre les exportations de satellites Ariane, sont d’un avis différent.

Donc, une mine d’or. On sait désormais ce que produit inévitablement l’activité minière, a fortiori aurifère. La destruction directe de la zone concernée, des montagnes de déchets toxiques, éventuellement d’épouvantables pollutions liées à l’usage du cyanure et de métaux lourds dans les bassins de décantation. Qui se souvient de la mort du fleuve Tisza, en Hongrie (ici) ? On ne parle pas là d’un quelconque royaume d’opérette, mais d’une mine située en Roumanie, laquelle appartient, croit-on savoir, à l’Union européenne. Mais évidemment, l’entreprise française Rexma ne pollue pas, elle.

Allez donc jeter un regard sur son site internet (ici), où le storytelling, façon modernisée de traduire le mot orwellien de novlangue, est proprement sublime. Je cite : « Nous avons intégré depuis les débuts de notre activité minière en 1998, les principes du développement durable dans notre démarche industrielle ». La virgule fautive n’est pas de moi, et je la garde donc. Une autre citation : « Nous sommes convaincus que la recherche de l’efficacité économique est compatible avec le respect des hommes et de l’environnement ». Une dernière, qui jette une autre lumière sur le tout : « REXMA intervient également comme prestataire de services pour l’exploitation des alluvions et des saprolites pour le compte de compagnies exploitant des gites primaires ». Mais que voilà de braves gens ! Ne me dites pas que l’exploitation des alluvions n’est pas un noble but.

Précision qui ajoute un peu, un petit peu à l’horreur. Le projet de mine aurifère se situe près du village de Saül, au centre de la forêt amazonienne dont l’histoire récente nous a confié la garde. Un mot sur la Guyane dite française : lagwiyan, ainsi que l’appellent les Guyanais en créole, est le plus grand de « nos » départements : 83 846 km2 au total. Ce n’est rien au regard de la taille du Brésil voisin, mais tout de même, 96 % de cette surface est couverte d’une forêt tropicale, l’une des mieux préservées au monde. Je n’insiste pas sur la biodiversité, qui est miraculeuse : 5 500 espèces végétales parmi lesquelles plus d’un millier d’arbres, 700 espèces d’oiseaux, 177 espèces de mammifères, plus de 500 espèces de poissons dont 45 % sont endémiques, c’est-à-dire présents là et nulle part ailleurs. Ajoutons qu’un parc national, dont le cœur borde d’ailleurs l’éventuelle mine, et si je ne m’abuse six réserves naturelles ont été créés à des fins de protection. Relisez donc calmement : si le cœur du parc national borde le projet d’exploitation, c’est que la mine se situerait sur son territoire, périphérique certes, mais son territoire néanmoins. On se fout donc ouvertement des principes perpétuellement vantés du haut des tribunes. Ce n’est pas étonnant ? Non, cela donne juste envie de tirer dans le tas.

Le parc national, des scientifiques de l’Inra, du Cnrs, des spécialistes de l’orpaillage – la recherche artisanale d’or dans les rivières -, l’association Guyane Nature Environnement, des associations métropolitaines, comme WWF, FNE, la Fondation Hulot, protestent à leur manière, poliment en vérité. J’ajoute au débat une pièce qui, à ma connaissance, n’est pas publique : vous la lirez en bas de mon article. Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), un machin rattaché au ministère de l’Écologie, rassemble notamment de bons scientifiques (ici). Consultatif, très rarement éruptif, le CNPN est censé donner son avis. Eh bien cette fois, bien loin du ton gentillet qui est son habitude, le CNPN gueule. À sa manière, mais d’une façon qui ne laisse planer aucun doute sur l’extraordinaire coup porté à la nature.

Encore deux petits points. Primo, Montebourg, ce crétin, est censé incarner l’aile gauche du parti socialiste au pouvoir, la plus proche du parti mélenchonien. On ne rit pas, on prend des notes. Deuxio, ce gouvernement se croit tout permis. Et s’il se croit tout permis, c’est parce qu’il sait où il met les pieds. Les écologistes officiels et de salon ont commencé par lécher les pieds – restons poli – de Sarkozy en 2007, au moment de la comédie du Grenelle de l’Environnement. Ils continuent, mezza voce, mais tout de même, avec Hollande, comme l’a montré la Conférence environnementale dérisoire de l’automne passé. Je vais vous dire : avec des gens comme Montebourg, il n’est qu’une chose : le prendre au col, et ne plus le lâcher. Mais c’est pour l’heure au dessus des forces débiles du mouvement écologiste. Je ne parle pas de l’ectoplasme des associations serviles. Je parle de nous.

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MOTION DU COMITE PERMANENT DU CONSEIL NATIONAL DE LA PROTECTION DE LA NATURE

Le Comité Permanent du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), réuni le 20 décembre 2012, a pris connaissance de l’arrêté ministériel du 26 octobre 2012, publié au Journal Officiel du 11 décembre 2012, accordant à la société REXMA un permis d’exploitation de mines d’or et substances connexes, dit «Permis Limonade », sur le territoire de la commune de Sau?l en Guyane.

Le Comité permanent du CNPN,

Constate que ce permis est donné en contradiction avec le Schéma Départemental d’Orientation Minière (SDOM), qui en particulier interdit toutes activités minières dans cette zone au regard de sa riche biodiversité ;

S’alarme du fait que l’exploitation minière est située en bordure de la zone coeur du Parc Amazonien de Guyane dans son Aire Optimale d’Adhésion, en amont de la naissance de la « Crique (rivière) Limonade » qui poursuit la majeure partie de son cours en zone coeur du Parc Amazonien de Guyane, entrainant potentiellement et accidentellement des pollutions liées à l’exploitation et des dégradations malheureusement bien connues de la biodiversité, tant aquatique que terrestre ;

Déplore que l’autorisation donnée n’intègre pas, surtout dans le cas présent, le principe de « Solidarité écologique », partie intégrante des « Principes fondamentaux applicables à l’ensemble des Parcs Nationaux » (cf. arrêté ministériel du 23 février 2007) de la loi sur les Parcs Nationaux de 2006 ;

S’étonne que l’autorisation donnée néglige, surtout aussi dans le cas présent, les principes de prévention et/ou de précaution inscrits dans la charte de l’environnement adossée à la constitution française ;

Relève que ce permis d’exploitation est en contradiction avec l’objectif premier fondamental de protection de la zone coeur du Parc Amazonien de Guyane ;

Attire l’attention du gouvernement sur le fait que le principe de cet arrêté est en contradiction avec la responsabilité particulière de la France vis-à-vis de la Guyane et de sa biodiversité mondialement reconnue, et de ses déclarations successives de s’investir, tant au plan national qu’international, pour la conservation et la restauration de la biodiversité ;

S’étonne du caractère non transparent d’une telle décision, alors que le projet de charte du Parc Amazonien de Guyane est en procédure cruciale d’adoption, avec ses conséquences sur la future Zone d’Adhésion, et que la concertation devrait présider à la réforme du Code Minier en cours ;

Compte tenu de ce qui précède, le Comité Permanent du CNPN :

Désapprouve donc très fortement la décision du Ministère du Redressement Productif,
…/…
…/…
Attend de l’Etat la mise en cohérence des politiques publiques et l’exemplarité en matière de conservation
de la biodiversité,

Demande instamment au Gouvernement de revenir sur la décision du Ministère du Redressement Productif,

Le Président du Comité Permanent

Jean-Claude LEFEUVRE

Cette motion a été adoptée à l’unanimité des membres présents du Comité permanent du CNPN, avec le soutien des autres membres suivants du Conseil National de la Protection de la Nature concernés par la Guyane : Philippe BALLON, Bernard DELAY, Francis DURANTON, Pierre-Michel FORGET, Jean-Francis GOSSELIN, Jean-Marie GOURREAU, Gérard LARGIER, Jean-Claude MALAUSA, Jean POIROT, Christian SCHWOEHRER, Christine SOURD, Claude SUZANON,

permis-rexma-2.pdf

Quand l’écologie est seule au monde (sur le loup en Lozère)

La nouvelle qui suit, tirée du journal de Lozère en ligne 48 Info (ici), me semble fondamentale. Comme vous le verrez plus bas, une centaine d’éleveurs et d’habitants du Causse Méjean – et alentour – se sont réunis. À ce stade, c’est déjà un exploit, car le Méjean est un (magnifique) désert humain. 450 personnes peuplent 33 000 hectares, dont une grande partie n’est que steppe, à perte de vue. La totalité de ce plateau calcaire fait partie, depuis 2011, du Patrimoine Mondial établi par l’Unesco. Je ne vous en fais pas la réclame, mais sachez au moins qu’à mes yeux, ce territoire est l’un des plus beaux de France. On y oublie qui l’on est. On y oublie de quoi le monde est fait. On y voit aisément des vautours fauves, des circaètes, des faucons de différentes espèces, des pies grièches, des huppes fasciées, des busards.

Les merveilleux chevaux de Przewalski 

Et puis, il y a les chevaux de Przewalski (ici). Des chevaux sublimes que j’ai vus sur place bien des fois, et qui  sont les descendants en captivité des derniers chevaux sauvages de notre planète. Quelques-uns ont été ramenés de Mongolie au XIXe siècle, et ont survécu dans des zoos tandis que leurs frères étaient tués un à un dans leurs dernières îles de liberté. Des naturalistes – mon salut à Sébastien Carton de Grammont et à Claudia Feh – réhabituent ici à la vie sauvage, depuis une vingtaine d’années, de petits troupeaux de Przewalski. Les chevaux disposent de centaines d’hectares achetés par l’association Takh (ici), et forment au gré de leur fantaisie des groupes familiaux, réduisant peu à peu leurs contacts avec les humains. Les soins vétérinaires sont proscrits, ainsi que les compléments d’alimentation en hiver, même quand le gel fait crisser le pied. Les apercevoir, quand ils sont dans un creux du paysage, est parfois impossible.

En 2004 et en 2005, deux voyages extraordinaires ont permis d’envoyer 22 chevaux de Pzrewalski à Khomiin-Tal, dans l’ouest de la Mongolie. Je ne suis plus assez les choses pour vous en dire davantage, mais les chevaux sont toujours là-bas, et le but reste de reconstituer une harde sauvage. D’après les dernières nouvelles que j’ai eues, les chevaux revenus en Mongolie étaient confrontés à un redoutable adversaire local : le Loup. Ce qu’on appelle une belle transition, qui me ramène au Causse Méjean, et à cette réunion assurément historique d’une centaine de personnes à Mas-de-Val, un hameau du Causse.

Précisons de suite que je ne tiens pas ces gens pour des salopards. Beaucoup sont des éleveurs proches de leurs brebis, et certains se sont lancés dans la bagarre contre les gaz de schiste. D’autres et parfois les mêmes sont des néoruraux, qui parlent avec enthousiasme des beautés du Causse. Je suis certain qu’on trouve dans le nombre des altermondialistes. Et pourtant, tous ont trouvé le moyen d’un rendez-vous solennel destiné à la chasse au loup. Vous allez lire, si ce n’est déjà fait : un Collectif des éleveurs de la région des Causses et leur environnement – dont l’acronyme est Cercle – vient donc de se constituer dans le seul but de venir à bout du Loup. Une fois de plus, car cet animal prodigieux a déjà été exterminé en France. Grâce à des primes d’État, grâce au fusil, grâce à la strychnine, Canis lupus a disparu de France à la fin des années 20 du siècle passé. Il occupait ce territoire depuis des centaines de milliers d’années, et en une poignée de saisons, il n’y était plus. Voilà bien un événement que les hommes n’ont pas retenu. Une épidémie bactérienne de listeria qui tue trois personnes âgées devient une catastrophe nationale que l’on commente dans toutes les gazettes. Pas la fin d’un de nos plus vieux compagnons.

Jean de Lescure, président de parc national

Quoi qu’il en soit donc, le Cercle. Il y a aussi des vidéos, que vous pourrez regarder en cliquant dans le lien ci-dessus. C’est assez fascinant, on ne peut le nier. Un éleveur explique vouloir « fédérer les énergies » pour « gérer la difficile problématique du loup ». Et met en cause au passage, lourdement, une « écologie passéiste et répressive » jugée coupable des errements de l’animal et de ses défenseurs. Je passe, vous jugerez. On y voit aussi le président du conseil d’administration du Parc national des Cévennes, présent à la réunion. Jean de Lescure – son nom – est maire divers droite de St-André-de-Capcèze, vice-président du conseil général de Lozère, et il explique sur un ton convaincu des choses idiotes. Je cite : « Ce qu’on gagnerait d’un côté en biodiversité [en protégeant le Loup ], on le perdrait de l’autre au centuple ». Il explique à l’appui de sa thèse baroque que le Loup détruirait les milieux ouverts, ce qui réduirait de manière drastique la richesse naturelle de la région. De nouveau, je n’insiste pas : le président d’un parc national donne son aval à une curée on ne peut plus prévisible contre un animal. Mais l’on sait qu’une délibération récente du parc des Cévennes réclame qu’on puisse tirer sur le loup jusque dans la zone centrale de protection, censée protéger toutes les formes de vie.

So what ? D’évidence, une singulière passion anime les membres de ce tout récent Cercle. Je la connais pour l’avoir vue à l’œuvre chez quantité de gens, et en un nombre surprenant de situations. Comment la qualifier ? En première analyse, on voit bien qu’elle traverse les siècles, les classes, les lieux. En deuxième regard, il n’est pas interdit d’y voir comme une mémoire de l’espèce, une mémoire vivante, et agissante. Je ne vous assommerai pas, sur le sujet, d’une science chez moi inexistante. Simplement, je veux dire qu’intuitivement et sans l’ombre d’une preuve, je pense depuis ma jeunesse que l’homme – l’individu – dispose en lui d’une mémoire profonde, qui est celle accumulée au cours de l’évolution de l’espèce. Je crois que le souvenir de la formidable compétition avec le Loup est en réalité au fondement de la réunion de Lozère. Et j’ajoute que le biologiste américain George Schaller (ici et ici) constate que l’animal le plus proche de l’Homme, sur le plan écologique, c’est le Loup. Le Chimpanzé est certes un frère, génétiquement parlant, mais le Loup et l’Homme ont partagé ce stupéfiant privilège, pendant des centaines de milliers d’années, de chasser en meute.

Un éternel face-à-face

Nul besoin d’être grand clerc pour deviner qu’une telle concurrence a dû laisser des traces. Je gage, moi, que sans y penser une seconde, les participants à la réunion du causse Méjean ont rejoué une des pièces les plus antiques de l’histoire humaine. Lui ou nous. N’est-il pas renversant de constater que la déréliction pourtant presque achevée du pastoralisme, sous le coup de boutoir par exemple – car il en est bien d’autres – de la mondialisation, n’a pas conduit à pareille mobilisation ? Depuis la création en 1972 de l’indemnité spéciale montagne (ISM)  jusqu’à la prime aux ovins et caprins créée en 2010, les subventions ont clairement déconnecté le revenu des éleveurs et celui de leur travail. En clair, sans l’argent de la France et celui de l’Union européenne, il n’y aurait pratiquement plus d’éleveurs de brebis en montagne, fût-elle aussi « petite » que le causse Méjean. Le métier, tel que pratiqué depuis le Néolithique, n’existe plus en France. Et nul ne s’est pourtant mis en travers de cette invraisemblable régression. En revanche, qu’un loup vienne montrer le bout de sa mâchoire sur le Méjean, et une énergie que l’on croyait éteinte mobilise toute la région. Étonnant, non ?

Avant que le malentendu ne brouille tout, je précise que je n’ai jamais pensé, ni écrit, que la présence du Loup en France est une affaire simple. Revenu naturellement en France, depuis l’Italie, il y a une vingtaine d’années, le Loup reconquiert peu à peu ses pays d’antan. D’abord l’arc alpin, puis les Cévennes au sens large, après franchissement de la vallée du Rhône – ligne TGV, autoroute, in fine le fleuve – et même les Pyrénées catalanes françaises. Combien sont-ils ? 250 dit-on, contre 25 000 il y a deux siècles. Non, rien de simple. La revue XXI (ici) publie le 10 janvier un numéro dans lequel j’interroge l’historien Jean-Marc Moriceau sur son très beau travail consacré au Loup. Selon lui, et je le crois, car ses recherches sont remarquables, des milliers d’attaques du Loup sur les hommes ont eu lieu en France entre XVe et XIXe siècles. Non, décidément, ce n’est pas simple.

À bas l’environnement !

Et, non, il va de soi que le Loup ne peut réoccuper toutes les niches écologiques qui étaient les siennes jadis. Mais je ne peux rester sans réaction au spectacle d’hommes se levant encore une fois pour abattre la Bête. Au lieu que de discuter, au lieu que de tenter être meilleurs, un tout petit peu moins lamentables que nos ancêtres, ceux du Cercle entendent répéter les mêmes gestes, et les mêmes tueries. L’affaire, au vrai, plonge au cœur même de cette révolution mentale qu’est l’écologie. Où l’on voit au passage que cette dernière n’a rien à voir avec l’environnementalisme, ce si pénible brouet que l’on sert pourtant sur tant de tables.

Pouah ! À bas les environnementalistes ! À bas l’environnement, d’ailleurs. Car ces mots cachent le désastre coutumier de la pensée humaine dominante. Ce qui compte, c’est ce qui entoure les hommes, ce qui les environne. L’Homme est au centre et ne doit considérer que ce qui est à portée de domination et de contrôle. En somme, l’anthropocentrisme est partout. Sauf chez les (si rares) écologistes, pour qui les hommes doivent accepter une place contrainte et limitée, dans le cadre si complexe de relations qui nous font, qui nous tiennent et parfois nous empêchent. L’essentielle bagarre pour la biodiversité ne saurait être une partie de campagne. Elle oblige à tout repenser de la place de l’Homme sur Terre, elle conduit droit à une Déclaration universelle des devoirs de l’Homme, elle exige le partage. Pas seulement, comme prétendent le faire les gauches, le partage des biens entre humains. Non, le grand partage de l’espace, de l’air, de l’eau. Avec tout ce qui vit.

Nous en sommes loin ? Affreusement.

PS : Je suis personnellement pour un vaste contrat, écologique et social, en faveur de la biodiversité, celle-ci incluant bien sûr des prédateurs dérangeants pour l’Homme que sont le Loup, l’Ours et le Lynx. Un contrat ? Oui, un contrat engageant la société entière, et qui permettrait aux éleveurs de faire face dans les meilleures conditions possibles à une cohabitation parfois très dure à supporter. Je crois que les éleveurs auraient à y gagner. Je suis sûr que, lorsque l’on accepte des subventions qui dépassent le revenu « vrai » du travail, il faut en retour accepter des contreparties.

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Ci-dessous, l’article annonçant la création du Cercle

Pour lutter contre le loup, le Cercle est officiellement né

Le Collectif des éleveurs de la région des Causses et leur environnement a pour but de défendre la vie au pays

Ils étaient une centaine d’agriculteurs, éleveurs, élus et représentants du monde agricole, réunis samedi 22 décembre au Mas-de-Val, pour assister à l’assemblée générale constitutive du Collectif des éleveurs de la région des Causses et leur environnement…

Pour lutter contre le loup, le Cercle est officiellement né

Le « Cercle » est officiellement né vendredi 22 décembre, sur le site historique de Mas-de-Val, au cœur du Causse-Méjean, là où ont eu lieu de nombreuses attaques de troupeaux par les loups. L’assemblée générale constitutive « est le résultat de plusieurs mois de travail et de réflexion de la par des agriculteurs et éleveurs », explique Jean-Claude Robert, le porte-parole de l’association. Les membres ont longuement mûri le projet avant de le matérialiser, pour définir « le positionnement et la ligne d’action » d’une association qui veut se donner les moyens de lutter contre « le prédateur loup » et s’inviter à l’élaboration du futur plan de gestion national. L’objectif du Cercle ne se limite pas au Causse-Méjean, mais s’étend à la Lozère et à tous les départements impactés par le prédateur. Le Cercle a aussi pour vocation de défendre les intérêts des paysans contre « une trop forte pression environnementaliste ».

Photos

Un complément sur l’Inde (à destination des journalistes de L’Express)

En complément de l’article précédent sur l’Inde vue par le journal L’Express, Stéphane Lhomme – qu’il en soit remercié – m’envoie l’adresse d’une vidéo (ici). On y voit une manifestation d’Indiens au Tamil Nadu, protestant contre un projet de centrale nucléaire de technologie russe (ici). Notez que nous, les Français, savons également y faire. Areva projette de construire 6 réacteurs EPR autour du port de Jaitapur, dans l’État du Maharashtra, sur la côte Ouest (ici). De nombreux affrontements ont eu lieu, des milliers de manifestants ont été arrêtés, au moins un a été tué par les flics. Et la zone prévue pour la construction est hautement sismique. Toutes nouvelles oubliées par L’Express, grand journal n’écoutant que son courage.

Ce que l’Express pense de l’Inde (une tragédie française)

Pour Laurent Fournier

L’Express est l’un des grands journaux d’un très grand pays, le nôtre. Né en 1953, cet hebdomadaire a abrité dans ses colonnes des hommes comme Camus ou Mauriac. Notons qu’il a été aussi la propriété d’un ultralibéral délirant, James Goldsmith, à partir de 1977. Je ne détaille pas davantage. En fait, L’Express a bien mérité, au long de son Histoire, de la France officielle. Souvent de droite, le plus souvent de droite. Reste qu’il se pense, et qu’il est d’ailleurs un fleuron. Sa diffusion doit tourner autour de 500 000 exemplaires, ce qui est beaucoup chez nous.

Pourquoi diable vous parler de cela ? Eh bien, pour la raison que je viens de lire le numéro 3207 de ce journal, un numéro double qui court du 19 décembre 2012 au 1er janvier 2013. L’Inde en est le sujet principal, qui fait l’objet d’un copieux dossier de 85 pages. Mazette ! Connaîtra-t-on mieux ce pays lointain après lecture ? Mille fois hélas, ce supplément est une pure merde.

Que contient-il ? Je ne passe pas tout en revue. Dans la première partie – « Les racines » -, on trouve une extravagante série de chiffres sous le titre général Un géant en marche. PIB, exportations, importations, croissance, espérance de vie, nombre d’habitants, etc. Des statistiques, dont l’une est plus grotesque encore que les autres : l’Inde compterait, d’après ces chiffres, 29,8 % de pauvres. Admirons ensemble cette méticuleuse précision. Quelle est la source ? Aucune n’est citée. Qu’est-ce qu’un pauvre en Inde ? On ne le saura pas. Qu’est-ce d’ailleurs que la pauvreté ? Idem. À un autre endroit, on apprend au détour d’une phrase que plus d’un habitant sur deux de l’Inde doit se contenter de moins d’1,50 euro par jour. Et il n’y aurait pourtant que 29,8 % de pauvres. Ces chiffres sont une manière, coutumière certes, mais angoissante de ne rien dire d’un pays. Résumé : ça progresse. Vers où ? Mystère.

Dans la deuxième partie – « L’éveil » -, L’Express y va de ses poncifs. Bombay n’a « jamais cessé d’être une île », « trop indienne pour être occidentale, trop occidentale pour être indienne ». Le système politique est une « démocratie accomplie », mais « toute médaille a son revers ». La pauvreté, « moteur d’innovation », est « la richesse cachée de l’Inde ». On y découvre Arathi, une « entrepreneuse » qui grâce « à un crédit remboursé en cinq mois a développé la vente à domicile dans son village ». Elle pianote sur son Nokia, un téléphone portable évidemment neuf, et se demande gravement s’il faut commander des crèmes pour le visage ou plutôt des doses de ketchup.

Miam : il existe en Inde un marché potentiel de 600 à 800 millions de clients, qu’il s’agit seulement de rendre solvables. Mais cela vient, car les paysans s’équipent en portables, et de nombreuses batteries rechargées au soleil permettent de faire entrer l’électricité dans les villages.  Tout sera bientôt possible : Kiran Mazumdar-Shaw n’a-t-elle pas bâti en quelques décennies Biocon, leader de la biopharmacie ? Mittal, Tata, Arora, Nooyi incarnent de même une classe de patrons de taille mondiale, qui annoncent le bel avenir de la destruction.

Le reste ? Je pourrais tenir encore des pages, et vous ne sauriez pas davantage. Tout y passe : Bollywood – et même Kollywood -, la spiritualité, la cuisine, Jean-Claude Carrière, le tourisme. Mais il vaut mieux aller à l’essentiel, à ce que cache ce dossier effarant, censé éclairer le public français. La première évidence est que l’on ne parle pas des paysans de l’Inde, qui restent la colonne vertébrale de ce pays fabuleux. La population urbaine ne représentait en 2011 que 30, 3% des 1 200 000 000 d’Indiens. Oui, il y a bien 1 milliard et plus de 200 millions d’Indiens, et donc près de 900 millions d’entre eux qui vivent à la campagne, dans 550 000 villages. À première vue, les journalistes de L’Express n’en ont pas visité un seul. À seconde vue non plus.

Rien non plus, et c’est lié, sur la Révolution verte imposée par le Nord dans les années 60, qui augmenta certes les récoltes, mais en dévastant pour des temps très longs les terres agricoles dopées aux pesticides et aux engrais de synthèse. L’irrigation massive, indissociable de l’agriculture industrielle, a conduit à d’épouvantables baisses des nappes phréatiques (ici et ici). Aucune technique connue ne pourra remplacer cette eau qui était l’avenir commun. Pour l’heure, on continue de forer des puits, par millions. Jusqu’à la dernière goutte. Et après ?

Rien non plus dans L’Express sur les Dalits, ces Intouchables qui sont environ 180 millions. Rien sur les infernales discriminations dont ils continuent d’être les victimes. Rien sur la guerre qui oppose l’Inde des villes à l’armée paysanne naxalite, pourtant considérée là-bas comme la question de sécurité intérieure majeure (ici). Rien sur des personnages aussi formidables qu’Anil Agarwal (ici) ou encore Vandana Shiva (ici). Rien sur le désastre urbain et le rôle de la bagnole. Rien sur la victoire des paysans contre le milliardaire Tata et ses projets d’usine automobile Nano (ici). Rien sur les bidonvilles où s’entassent par dizaines de millions les oubliés du « progrès ». Rien sur les Dongria Kondh et leur combat admirable contre la compagnie Vedanta Resources (ici).

Le dossier de L’Express est un faux grossier, une balade dans un vaste village Potemkine appelé l’Inde, un acte de mépris total pour les nombreux peuples de cette péninsule, une authentique merde, comme je l’ai déjà écrit plus haut. Les journaux officiels d’ici parlent de même de la Chine, ou du Brésil, ou de l’Indonésie. Et présentaient d’une manière semblable, il y a seulement vingt ans, la Côte d’Ivoire, tenue pour un havre de prospérité et de stabilité en Afrique de l’Ouest.

Y a-t-il un racisme inavoué dans ces présentations ridicules ? Peut-être bien. Y trouve-t-on ce méprisable regard de classe de notre petite-bourgeoisie pour qui ne fait pas partie de la famille ? Sûrement. J’y ajouterai cette terrible complicité qui unit tant de journalistes du Nord à une grande partie de l’opinion. L’Inde DOIT suivre notre voie, et les consommateurs locaux DOIVENT acheter aux plus vite nos produits, nos centrales nucléaires, nos trains, nos machines. Autrement, comment les journalistes de L’Express – et tant d’autres – pourraient-ils maintenir leur niveau de gaspillage matériel ?

La demande de vérité sociale existe-t-elle ? Je ne sais pas.

Deux autres articles :

https://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=188

https://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=14

L’Orang-outan, le WWF et les Anonymous (une leçon)

Qu’est-ce qui est important ? L’Orang-outan, le Gorille, le Chimpanzé et nous, avons hérité de cinq chromosomes semblables. Pour la raison que notre ancêtre commun les possédait. L’Orang-outan, sans doute moins imbécile, a commencé d’évoluer de son côté, en Asie, il y a environ 12 millions d’années. Loin de notre aventureuse destinée. J’aime énormément les serpents – j’en ai tenu de gros dans les bras, et des petits, venimeux, contre la peau -, les fourmis, les oiseaux, les libellules, les batraciens, les abeilles bien sûr, et des centaines d’autres bestioles de toute taille. Mais j’ai également passé un grand nombre d’heures devant les cages réservées aux orangs-outans du Jardin des Plantes de Paris. Non, inutile de me dire, je sais. Ce sont des taulards. Ils mériteraient qu’on foute le feu à leurs saloperies de cages, j’en suis bien certain. Mais depuis quand ne peut-on considérer, éventuellement aimer des prisonniers ?

J’aime profondément ces bêtes. Leurs gestes de contentement, leurs lubies, leur apparente mélancolie, la grâce de leurs membres s’ouvrant comme des fleurs, les liens noués entre les jeunes et les autres, le cuir de leur paume, leur cheveu roux, et fou. Et je repose la question : qu’est-ce qui est important ? Pour moi, un monde où ne pourraient plus vivre des orangs-outans libres serait une Géhenne pour tous. Je viens de lire un article inouï sur la dévastation de lieux jadis à l’abri de la folie économique (ici). À Bornéo, tronçonneuses et bulldozers détruisent une forêt tropicale si belle à mes yeux qu’écrivant ces mots ordinaires, j’en ai soudain comme un tremblement. Des barbares qui nous ressemblent tant arrachent des arbres et plantent à leur place des palmiers à huile qui se transformeront en nécrocarburant ou en obésité sans frontières, sous la forme de centaines de plats cuisinés industriels.

Je ne cherche pas de qualificatif. Selon moi, les organisateurs de ce massacre relèvent d’un procès de Nuremberg qui n’aura pas lieu. Il y a cinq ans, j’ai écrit un livre (La faim, la bagnole, le blé et nous) pour dénoncer le crime des biocarburants. J’avoue, un peu honteux désormais, que j’espérais un sursaut. Dieu sait que j’ai alerté, directement, la galaxie écologiste et altermondialiste. Rien. La plupart de ces messieurs-dames se vautraient alors dans les salons sarkozystes, pour y fêter leur Grenelle de l’Environnement. À Bornéo, mais aussi dans une partie croissante de l’Asie du sud-est, la forêt disparaît au profit de cette vérole appelée palmier à huile. Les plantations ne durent que quelques années, car au-delà, elles ne donnent plus assez de fruits. C’est l’abandon, suivi d’un autre massacre un peu plus loin. Bientôt, si ce n’est déjà fait ici ou là, la splendeur des forêts n’existera plus que dans les films. Pour les orangs-outans et tant d’autres merveilles, la fin de ces territoires signifie bien entendu la mort. Il resterait moins de 60 000 de ces primates en liberté restreinte.

L’Indonésie – qui occupe cette partie de Bornéo qu’on nomme Kalimantan – est le plus grand producteur d’huile de palme au monde, et la surface plantée de palmiers y a été multipliée par 27 en une vingtaine d’années. On parle d’augmenter la production d’encore 60 % d’ici 2020. Le soja dans le bassin amazonien, pour nourrir notre malheureux bétail. L’huile de palme des forêts pluviales d’Asie, pour nourrir nos bagnoles. Ce n’est pas une honte, c’est un crime collectif, et il est majeur. Dans les deux cas, une association se prétendant écologiste joue le rôle évident de fourrier. Et c’est le WWF, qui continue d’incarner la protection, alors qu’elle accompagne sans état d’âme la destruction accélérée du monde. En Amérique latine, le WWF a lancé une table-ronde sur le soja responsable en compagnie de Monsanto et Cargill. J’ai déjà tant écrit sur ce sujet que je n’insiste pas. C’est immonde (ici et ici). En Indonésie, idem. Le WWF, qui y trouve un intérêt financier, promeut une soi-disant Table ronde pour une huile de palme durable (ici) avec les responsables industriels du désastre. Il s’agit bien entendu d’une vulgaire caution, qui couvre par exemple l’usage massif du paraquat, l’un des pesticides les plus dangereux au monde, interdit bien sûr en France (ici). Vous avez bien lu : le WWF soutient des gens qui utilisent du paraquat dans les plantations. Les paysans qui triment au milieu des vapeurs méphitiques ne viendront jamais cracher leurs poumons dans les beaux bureaux du WWF-France, carrefour de Longchamp, Paris. Et je le regrette bien.

Or donc, l’huile de palme tue les orangs-outans, et le WWF fait semblant. Tout le monde n’a pas envie d’être gentil avec la marque au Panda. Je souhaite même ardemment que cette mystification soit de plus en plus combattue ouvertement. Et certains ne m’ont pas attendu. Ainsi, les hackers abrités sous le beau nom d’Anonymous (ici) ont-ils mené une action lucide contre le WWF d’Indonésie (ici). Vous trouverez ci-dessous les détails. À mes yeux, le WWF a choisi son camp, et ce n’est évidemment pas le mien.

Le site officiel de l’ONG WWF Indonésie piraté par les Anonymous

25 septembre 2012 – 1 commentaire

wwf_indonesia_logo Publié par UnderNews Actu

Ce n’est pas le premier piratage qui touche l’ONG de protection de la Nature. WWF avait vu son compte Twitter piraté et utilisé pour diffuser de la publicité puis son site des Philippines victime d’une intrusion en 2011. Cette fois, c’est le site Indonésien qui en a fait les frais, action revendiquée par les Anonymous. Explications.

Des Anonymous reprochent à l’organisation mondiale de protection de l’environnement de s’être accoquinée avec Monsanto et les créateurs d’OGM. Le site Internet indonésien du WWF (wwf.or.id) a été visité. Le pirate qui se déclare faire parti du collectif Anonymous et revendique une intrusion sur le serveur. Bilan : des bases de données diffusées sur la Toile.

L’hacktiviste, qui participe à l’opération « Stop Green mafia« , explique que l’association écologiste se serait rapprochée de Monsanto, Syngenta, Cargill, et d’autres sociétés en 2005 lors d’une table ronde sur le soja transgénique (RTRS) et la culture d’huile de palme.

Anonymous reproche à la WWF de ne pas avoir agi contre l’utilisation d’un pesticide basé sur le glyphosate. Un produit qui provoque cancer et altérations génétiques. « A Bornéo 13.920 hectares de la forêt vierge ont été détruits », soulignent Anonymous. « Seuls 80 hectares de la forêt ont été préservés de la destruction. Moins de 10 orangs-outans y vivent, aujourd’hui« . Le WWF certifie que les cultures de palmiers (destinés à la production d’huile)  ont été réalisées de manière efficace, en prenant compte du reboisement.

« WWF, comment pouvez-vous conclure que détruire les forêts, les animaux et la nature, est écologiquement durable ? Votre masque d’écologiste ne peut pas cacher la dévastation des cultures et des êtres vivants par Monsanto, Wilmar International et les autres grandes entreprises de l’agro-industrie génétique« .

L’Anonymous a diffusé adresses, logins, mots de passe et données privées internes à la WWF Indonésie.

Mais ce n’est pas fini. Il n’y a qu’à voir le Twitter @OpGreenRights pour s’en rendre compte. Le site World Wild Life subit de très lourdes attaques DDoS et se retrouve hors ligne depuis quelques jours consécutifs.

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