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Je suis allé à Notre-Dame-des-Landes, et j’y retournerai

En pensant à Lilou

Pour ceux qui ne sont pas au courant, car il y en a. Ayrault, actuel Premier ministre et ancien maire de Nantes, veut imposer un deuxième aéroport à cette ville de 300 000 habitants. Il a ressorti pour cela un projet des années 60, qui nécessite de détruire un bocage de près de 2 000 hectares somptueusement préservés. Sur place, la bataille fait rage entre 200 à 300 jeunes qui occupent les arbres et les clairières, d’une part, et environ 1000 flics de l’autre.

Mardi passé, avant-hier, j’étais à Notre-Dame-des-Landes. Je ne peux pas vous raconter pour le moment, car j’y étais en mission commandée. Mais c’était d’une rare beauté. Le bocage convoité par les abrutis du projet d’aéroport est somptueux, gorgé d’eau, décoré de houx géants, d’aubépines, de chênes. On s’y enfonce dans une boue noire qui paraît pouvoir vous aspirer, on y rencontre un peuple sautillant de Hobbits – des jeunes squatters venus de France, de Belgique, d’Angleterre, d’Allemagne, d’Afrique du Sud, d’Australie – qui refusent l’argent et toutes les conneries du monde. Dans ce pays neuf fait pour Peter Pan, le Lapin Blanc, John le Lézard ou le chat du Cheshire, traverser le miroir est un véritable jeu d’enfants.

Vous suivez un chemin, en pleine forêt, encerclé par les bouleaux et les châtaigniers, et vous tombez sur une clairière où les Hobbits ont planté une maison sublime, faite de matériaux récupérés dans les déchetteries et poubelles de notre si pauvre univers. Ou vous vous retrouvez comme par magie au pied d’une cabane poussée dans les arbres, tenue par des cordes et des nœuds, sans l’ombre d’un clou ou d’une vis. Je vous résume : ceux qui refusent le grand massacre sont d’une part un collectif d’habitants, que j’ai rencontrés. Ils sont épatants, et s’appuient avec bonheur sur les 200 à 300 Hobbits dispersés dans les forêts alentour. Ajoutons quelques dizaines de paysans, dont la propriété serait en partie ou en totalité touchée par les sagouins de l’aéroport. Ne pas oublier les flics. Depuis le 9 octobre, ils sont entre 500 et plus de 1 000 à tenter de virer les Hobbits. Avec des dizaines d’engins, parfois des hélicos. Ils ont aidé à détruire quantité de cabanes, mais aussi des maisons en dur, qui étaient là depuis des lustres. Ces pauvres barbares n’ont visiblement pas conscience de la triste besogne qu’on leur fait accomplir.

Bon, stop, car j’ai à faire. J’ai à écrire. Encore un mot : le samedi 17 novembre, une grande manifestation nationale a lieu sur place. Il s’agira de réoccuper le bocage au nez et à la barbe des gardes mobiles. Et de rebâtir, poutres et planchettes en main, ce qui a été détruit. Si la flicaille ne gâche pas cette fête, cela sera sans doute grandiose. Parmi les lecteurs de Planète sans visa, quantité ont déjà demandé : mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il y a des jours où je ne sais pas quoi répondre, mais en ce matin du 8 novembre 2012, je vous le dis sans hésiter : il faut aller à Notre-Dame-des-Landes. Il faut montrer que nous sommes là, bien là, et que ce lamentable aéroport ne doit pas être construit. Merde ! L’heure n’est pas à la dérobade. Il faut y être. Il faut en être. Pas de mot d’excuse.

Le site des Hobbits : http://zad.nadir.org/

Le site de l’Acipa, la grande association locale : http://acipa.free.fr/

Une vidéo : http://www.laseiche.net/les-chroniques-de-la-seiche/article/si-loin-si-proche-3-en-pays-de

Kempf et Superno sur Notre-Dame-des-Landes

Je ne le dirai jamais assez : la bagarre de Notre-Dame-des-Landes est essentielle pour tout écologiste qui se respecte. Je n’ai pas le temps d’y insister, et vous donne donc à lire deux textes qui ne sont pas de moi. D’abord une chronique d’Hervé Kempf, parue dans son journal, Le Monde. Ensuite un billet du blogueur lorrain Superno. Je les salue tous les deux.

Une cause nationale

Hervé Kempf – 21 octobre 2012

Le lourd silence de Cécile Duflot, de José Bové, de Daniel Cohn-Bendit, de Nicolas Hulot et de tant d’autres sommités, le désintérêt des médias, la passivité d’Europe Ecologie Les Verts, le « courage fuyons » des élus PS informés des enjeux écologiques, l’apathie de la grande majorité des associations environnementales, le désir si manifeste de tout ce joli monde de tourner la page n’y font rien : ce qui s’est déroulé cette semaine et se poursuit ces jours-ci autour de Notre Dame des Landes, en Loire-Atlantique, est vital, crucial, essentiel. Si ceux pour qui les mots « crise écologique » veulent dire quelque chose perdent cette bataille, si cet aéroport se faisait, le mouvement écologique en serait aussi durablement affaibli qu’il l’avait été, en 1977, par les événements de Creys-Malville.

On s’étonne que ne soit pas comprise l’importance de ce bras de fer. Mais peut-être faut-il, de nouveau, en expliquer les enjeux. Il s’agit, donc, d’un projet d’aéroport qui occuperait près de 2000 hectares de terres au nord de Nantes. Vieux d’une quarantaine d’années, il a ressurgi au début des années 2000. La résistance tenace, non violente, assise sur des expertises solides, de paysans, d’élus, d’écologistes, de citadins, d’habitants anciens et nouveaux, a retardé le projet. Elle a permis de voir que se cristallisent ici toutes les problématiques qui forment le complexe écologique de ce début du XXIe siècle. Ce n’est pas Trifouilly-les-Oies, c’est une cause nationale.

Alors que le Programme des nations unies pour l’environnement vient d’annoncer que les zones humides, essentielles à la biodiversité et à la régulation des écosystèmes, ont perdu dans le monde la moitié de leur superficie depuis un siècle, on s’apprête en France à détruire un site dont 98 % des terres sont des zones humides. Alors que semaine après semaine, les climatologues publient des études montrant la gravité du changement climatique, on s’apprête en France à construire un aéroport qui stimulera le trafic aérien, important émetteur de gaz à effet de serre. Alors que l’artificialisation des sols et la disparition des paysans sont officiellement déplorées, on la planifie ici, ce qui la justifiera ailleurs. Alors que le pouvoir du capital et les partenariats public-privés sont partout dénoncées, on donne les clés du projet à la multinationale Vinci.
Il y a des moments où il faut savoir dire non. Il est temps que se fassent entendre ces « Non ».

Source : Cet article est paru dans Le Monde daté du 21 octobre 2012. On peut le trouver ici : http://www.reporterre.net//spip.php?article3367

Superno (ici)

 

Assourdissant silence médiatique sur la guerre civile contre l’écologie à l’Ayraultport de Notre-Dame-des-Landes

[La démocratie et l’écologie selon Jean-Marc Ayrault. Cette photo a été prise ces dernières heures à Notre-Dame-des-Landes. Je n’en connais pas l’auteur, mais s’il se fait connaître je le créditerai et le remercierai.]

Ce qui se passe en ce moment même à Notre-Dame-des-Landes est un scandale véritable. Et le deuxième scandale, c’est que tout le monde s’en fout !

La télé, les grands médias, n’en parlent quasiment pas. Un entrefilet sur France Info, un bandeau de quelques secondes sur Itélé, point barre. Ah si, un petit article dans “Le Monde”, un autre sur rue 89. Mais rien dans les JT nationaux.

Sur Internet, c’est à peine mieux. Il faut dire que depuis que Hollandréou et sa clique ont pris le pouvoir, la plupart des blogueurs “de gauche” sont de plus en plus mal à l’aise, le cul entre deux chaises, et se ridiculisent à défendre des gens et des trucs indéfendables (genre le TSCG et le prix Nobel à l’UE). Et puis il faut bien dire qu’il y a des sujets autrement plus importants . Ah, si c’était Sarkozy qui s’était amusé à faire la même chose, c’eût été la révolution !

Je ne suis même pas sûr que chacun d’entre vous connaisse les détails du projet de Notre-Dame-des-Landes, et sache ce qui se passe là-bas, maintenant.

Je vais donc essayer de vous le résumer.

Tout d’abord, il y a déjà un aéroport à Nantes, l’aéroport de Nantes Atlantique (anciennement Château-Bougon), à quelques kilomètres au sud-ouest de la ville. Un bel aéroport, d’ailleurs. En place depuis des dizaines d’années. 3 200 000 passagers par an. Et capable d’en accueillir bien plus, puisque lorsque le volcan islandais a fait des siennes, ce sont 20 000 passagers par jour qui y sont passés dans des conditions correctes. On peut donc supposer que son seuil de saturation est au delà de 7 millions de passagers par an.

Il a même obtenu en 2011 le prix européen du meilleur aéroport décerné par l’ERA (European Region Airlines Association). C’est dire s’il est pourri et bon à jeter.

Au passage, il y a au total 14 aéroports dans l’ouest de la France. Cela pourrait sembler suffisant…

Seulement voilà. Aéroport ancien et opérationnel, ça veut dire possibilité de bétonnage supplémentaire limité. Pas bon pour la “croissance”. Et pas bon pour le bétonneur Vinci, société multinationale bien connue pour sa rapacité et son influence sur les politicards, et qui cogère l’aéroport de Nantes Atlantique.

Le maire de Nantes depuis plus de 20 ans s’appelait jusqu’en juin dernier Jean-Marc Ayrault. Un notable régional médiocre, un roublard de la politique comme on en connaît hélas tant. Or, quand un élu le reste trop longtemps, chacun sait qu’il a une fâcheuse tendance à se monarchiser ou se dictateuriser, on ne connaît que trop bien le problème en Lorraine avec Metz et Nancy.

Toujours partant pour faire parler de lui ou pour laisser une trace dans l’histoire régionale, le maire écoute forcément d’une oreille attentive les margoulins cupides qui se pressent autour de lui.

Ayrault, comme Hollande et tous les “socialistes” archaïques, en est resté aux 30 glorieuses, au béton, au nucléaire, et à la sacro-sainte “croissance” qui s’est évanouie mais pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier dans l’espoir de son retour, un peu comme un amoureux éconduit qui ne comprend pas que c’est foutu, elle ne reviendra jamais. En particulier, ils ne semblent jamais avoir entendu parler de Peak Oil ou de réchauffement climatique.

Complètement plongés dans la politique, avec une vision rétrécie qui ne dépasse jamais l’horizon de la prochaine élection, ils n’ont pas vu le temps passer, le monde changer. Oh, ils ont bien entendu parler d’écologie, mais ils n’y ont rien compris. Des conseillers en comm leur ont dit d’en parler ? OK on en parle. Mettez-moi un ou deux ministres écolo, fermez moi une vieille centrale nucléaire, une bagnole hybride pour le président, Montebourg qui se promène en voiture électrique, et voilà, ça fait la rue Michel. Pour le reste ? Ben on change rien, c’est croissance, nucléaire, béton et bagnole.

Il est d’ailleurs assez symptomatique de voir sur Twitter des arguments en faveur de l’Ayraultport qui soient défendus par Théo Aubin, le cheffaillon régional des “jeunes de la droite populaire” ! (Au passage, visez l’oxymore ! Jeunes sur leur carte d’identité, et déjà tellement vieux cons dans leur tête !). Ça ne vous interpelle pas ?

Le projet de Notre-Dame-des-Landes est ancien. On avait même failli réussir à le justifier pour faire atterrir… le Concorde ! C’est dire le niveau et la clairvoyance de nos dirigeants. Qui n’a pas évolué depuis 40 ans.

Mais un jour, j’imagine que quelqu’un de désintéressé à dû souffler à l’oreille de Ayrault qu’un deuxième aéroport à Nantes ce serait bien pour la croissance, pour le rayonnement régional, pour celui du maire, aussi, hein, hé hé…

Et l’aéroport actuel ? Comme le vieux chien dont on veut se débarrasser, on l’accuse de la rage. Ah ? Euh… Oh… Il est vieux et tombe en ruines… Avec la croissance du trafic, il sera bientôt saturé… Et puis il est… dangereux !

Comme on l’a vu, cet aéroport est loin de la saturation. Et personne ne l’a jamais trouvé dangereux, ni les pilotes, ni la Direction Générale de l’Aviation Civile. Et s’il doit tomber en ruines, c’est que plus un investissement n’y est fait en raison du nouveau projet.

Souvent, dans les projets régionaux, les clans s’affrontent et cela peut donner des catastrophes aberrantes. Tout près de chez moi, il y a l’exemple magnifique de l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine et de la gare de Cheminot. Après une guerre Metz-Nancy, l’aéroport a été construit, pour ne froisser personne, à exacte distance entre les deux. Sauf qu’il est perdu dans le trou du cul du monde et qu’il faut faire 25m pour y aller. D’ailleurs il y a très peu de trafic, et c’est un gouffre à pognon qui fermera tôt ou tard. Ensuite, il fallait construire une gare TGV. Là encore, deux clans se sont battus. Les uns voulaient cette gare à Cheminot, près de l’aéroport, d’autres à Vandières. C’est la première solution qui a été retenue. Merveilleux. Sauf que cette gare, qui se trouve aussi dans le trou du cul du monde, n’est reliée à rien. Même pas à l’aéroport, distant de quelques km seulement, et encore moins au réseau TER. Du coup, il est à nouveau question de construire une nouvelle gare à Vandières. Bref. Et on confie l’avenir de nos enfants à cette engeance…

Ayrault n’a pas eu ce problème à Nantes. Dès qu’il s’agit de “croissance ou de béton”, l’UMP est toujours d’accord. Comme le PCF. Et les barons du Grand Ouest, comme Fillon et Raffarin, ont soutenu ce projet ridicule et scandaleux. Pour être honnête, il y a un peu d’opposition. Le Parti de Gauche, par exemple (au passage on notera encore une fois que le “Front de Gauche” est un attelage très étrange…). EELV, bien sûr, dont on reparlera. Le Modem, aussi. Ségolène Royal. Et Philippe de Villiers (qui lui n’est pas contre l’aéroport, mais le trouve trop loin de la Vendée, et voudrait donc… construire un nouveau pont sur la Loire… Du béton, des bagnoles, on n’en sort pas). Mais tous ces gens-là ne pèsent pas grand-chose face au Front du Béton.

Le nouveau projet d’aéroport se situe au nord-ouest de Nantes, plus loin, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Tant mieux, c’est toujours autant d’autoroutes et de béton à construire. La surface totale du terrain à saccager est de 1650 hectares. Monstrueux ! Cette ZAD (“Zone à Aménagement Différé”, que les opposants ont rebaptisée “Zone à Défendre”) se trouve dans un secteur rural et fragile. Inutile de préciser que l’eau du secteur a du souci à se faire. Au moment où l’agriculture bio peine à décoller car elle ne trouve pas de terrains pour l’accueillir, inutile de préciser qu’on est en présence d’une ineptie sans nom.

C’est un projet principalement privé, mené par Vinci, qui en obtiendra la concession pour 55 ans ! Le coût du projet, sous-estimé à un peu plus de 500 millions d’euros (la moitié d’argent public), serait en fait au total (comprenant donc les autoroutes) de 4 milliards d’euros.

Mais rien n’arrêtera les bétonneurs et leurs complices politiciens. Les gouvernements passent, et le projet se poursuit. On habille bien entendu l’ignominie avec les habits du droit (enquête d’utilité publique…). Le Grenelle de l’environnement Sarkozyste en 2007 aurait dû enterrer le projet définitivement, mais non, il se poursuit. Il faut dire qu’on a mis le paquet dans le greenwashing et l’intoxication médiatique. À écouter ces andouilles, ce site sera un merveilleux paradis écologique. Non polluant, autosuffisant en énergie. Labellisé “Haute Qualité Environnementale”. Pour un peu, ils nous feraient croire que seuls des avions à pédales ou à élastique vont s’y poser.

Voilà pour ce rapide résumé. Passons maintenant à l’actualité.

Depuis quelques années, et malgré la quasi-unanimité des politiciens du Front des Bétonneurs, la résistance s’est organisée sur place. Des riverains. Des écolos. Une association, l’ACIPA, compte désormais 3000 membres. Et même des citoyens engagés venus de loin : Notre-Dame-des-Landes est devenu un symbole de la résistance à l’absurdité. Des séminaires y ont eu lieu, réunissant décroissants, écolos, et “Vraie Gauche”. Force est de constater que la situation a comme un arrière-goût de Larzac, 40 ans après.

Tiens, le Larzac. Voilà qui doit faire mal au cul à quelques “socialistes” qui dans leur jeunesse y sont venus affûter leurs dents de lait contre le pouvoir de droite de l’époque. Mais comme les notaires de Jacques Brel, ils sont désormais passés dans l’autre camp..

Des propriétaires qui ont eu la malchance de se trouver sur la zone ont été sommés de déguerpir. Nombreux sont ceux qui refusent de vendre leur maison à Vinci. Et des maisons expulsées sont squattées par des opposants. La résistance s’est concentrée dans la ferme maraîchère du sabot où les derniers irréductibles se sont installés.

Et c’est dans ce contexte que les bétonneurs ont commencé à passer à l’action. Hier, ils ont envoyé 1200 flics (CRS, gendarmes mobiles, BAC…) déloger les empêcheurs de bétonner en rond. Mille deux cents ! Plus que l’effectif total de l’armée Luxembourgeoise ! Milice au service de Vinci. Des scènes de guerre civile dans le bocage nantais (cf photo d’illustration). Des robocops qui gazent les manifestants pacifiques, et selon certains témoignages, tirent au flash ball. C’est ça, la “gauche” ?

Les flics ont reculé hier soir le temps de la nuit, mais sont revenus ce matin. Et à l’heure où j’écris ces lignes les affrontements se poursuivent. Dans le silence télévisuel.

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est un projet pharaonique et anachronique. C’est le triste résultat de raisonnements faits par des cerveaux malades de gens drogués depuis leur enfance par l’idée de “croissance”. Ces gens-là sont persuadés que le trafic aérien va poursuivre une croissance exponentielle, alors que dès qu’on regarde la situation sans œillères, on voit clairement que le secteur aérien sera l’un des premiers touchés par la crise de l’énergie et l’effondrement économique qui va s’ensuivre (et qui a déjà commencé).

[ça donne envie, hein ?]

Et puis ce qui est saturé, ce sont les plages et les stations balnéaires de la région, prises d’assaut en été. Même si le trafic aérien était multiplié par 3, où mettrait-on ces touristes ? On bétonnerait 3 fois plus Saint Jean de Monts ? On mettrait des mezzanines sur les plages ? C’est ridicule.

Comme le dit si bien Paul Ariès pour illustrer l’absurdité du concept de “croissance”, le problème n’est pas de faire grossir le gâteau, le problème c’est de changer la recette. Et dans cette recette, le kérosène, le béton est les avions n’ont pas leur place.

La croissance infinie n’existe pas, inutile de courir après. Il ne faut pas chercher toujours plus de croissance, il faut réfléchir aux moyens de vivre mieux sans croissance et les mettre en place. Respecter la planète au lieu de l’exploiter jusqu’à en faire un désert inhabitable et surchauffé. Si on écoute les croissancistes, on va creuser des puits de gaz de schiste dans tous les jardins, saloper toutes les nappes phréatiques pour repousser l’inéluctable de quelques années.
Ces “socialistes” n’ont rien compris à l’écologie. Pire, ils ne comprennent plus rien à rien. Notre-Dame-des-Landes juste après le TSCG, personne ne peut avaler ça. Quoi qu’ils en disent, ils veulent poursuivre et amplifier le nucléaire. Ils veulent faire baisser le prix de l’essence, et le nouveau “bonus/malus écologique” confirme le choix du “tout-diesel” cancérigène. Des aveugles, des incompétents, des irresponsables. Je n’ai pour ces gens que mépris. D’ailleurs, quand on voit qu’ils veulent pénaliser de 130 000 euros les impudents qui ont osé dire non au TSCG, quand on voit la procédure “démocratique” (similaire à celle utilisée par les communistes dans Tintin au Pays des Soviets) qui va se terminer ce soir par la nomination d’Harlem Désir au poste de premier secrétaire, on se dit que rien ne va plus dans ce parti.

Notre-Dame-des-Landes est encore plus symbolique depuis que son promoteur, Ayrault, est devenu premier ministre. Bon, il est en train de se planter, les Valls ou Touraine guignent déjà sa place en coulisses. Et pendant que les CRS gazent les résistants du “Sabot”, Môôssieur Ayrault part 4 jours en Asie du Sud-Est. Même pas de couilles !

Dans ces œuvres de malfaisance, le P”S” est toujours épaulé par les “écolos” d’EELV. Ils ont toujours deux ministres, des députés, des sénateurs, des voitures de fonction, du travail pour des dizaines de collaborateurs. Pour garder ce train de vie confortable, ils sont contraints de tout avaler. Ils n’ont rien dit pour le TSCG, rien pour le nucléaire, rien pour le diesel… Ils ne diront plus rien pour rien.

À Notre-Dame-des-Landes, ils n’ont jamais été à la pointe du combat, adoptant tout juste une opposition de principe. On se souvient d’un passage éclair d’Eva Joly, du seau d’épluchures jeté sur Nicolas Hulot. Mais depuis qu’ils sont au pouvoir, c’est pire.

Pour certains, c’est manifestement un supplice de se voir ainsi écartelé entre des convictions et la soupe. Le président d’EELV, Pascal Durant, s’est tout de même fendu d’un article sans ambiguïté. Les élus locaux ont aussi mis leur grain de sel. Et Yannick Jadot a trouvé sur Twitter le temps de condamner le projet et le déploiement de militaires.

Mais Cécile Duflot, d’ordinaire très prolixe sur Twitter, est totalement muette de saisissement sur le sujet. Idem pour son collègue Pascal Canfin. Extinction de voix totale. Et pendant qu’on prépare le bétonnage à Notre-Dame-des-Landes, la députée européenne EELV de la région Est, Sandrine Bélier, continue comme si de rien n’était à parler de biodiversité. Ce très grand écart est ridicule. Ces “écolos” ne sont même pas fichus de se rendre compte qu’ils cautionnent ces saloperies, qu’ils doivent quitter ce gouvernement où ils n’auraient d’ailleurs jamais dû entrer.

Le Canard Enchaîné nous apprenait cette semaine que l’élue EELV parisienne mise en examen pour un blanchiment d’argent présumé était aussi actionnaire d’une site internet de “sex shop bio”, et qu’elle vendait entre autres joyeusetés un “lubrifiant anal à l’extrait naturel d’écorce de goyave”. J’espère qu’elle en a mis quelques hectolitres de côté à l’attention de ses collègues ministres, parce qu’il y a là un marché de grande ampleur à la croissance prometteuse.

Terminons en remerciant les lanceurs d’alerte, des gens bien connus sur ce blog, et sur lesquels on peut compter :

Fabrice Nicolino, qui qualifie Jean-Marc Ayrault de “pauvre imbécile”. C’est inexact : il n’est pas pauvre du tout !

Corinne Morel Darleux, du Parti de Gauche, qui une fois de plus sauve l’honneur des politiques. Son billet sur Vinci.

Hervé Kempf et son site “reporterre.net”, auteur d’un article au titre ironique : la transition écologique a commencé

Si ce silence médiatique se poursuit, les opposants ne tiendront pas longtemps. Hollandréou a lâchement cédé aux “geonpis”, parce qu’ils ont été capables d’organiser un battage médiatique de grande ampleur. Avis aux vrais blogueurs de Gauche. Nous devons lui faire comprendre que ce projet est une folie et que comme Mitterrand en 1981 qui avait mis fin au délire au Larzac et à Plogoff, il se grandirait en reconnaissant cette colossale erreur.


Plus d’infos sur le sujet :L’association ACIPA, à suivre notamment sur son Twitter @ACIPA_NDL ou encore ici
https://zad.nadir.org/spip.php?article353
http://leflochingtonpost.wordpress.com/2012/10/16/occupation-militaire-a-notre-dame-des-landes/
http://lutteaeroportnddl.wordpress.com/
http://www.zebigweb.com/_NDDL.html
http://www.gauche-anticapitaliste.org/content/notre-dame-des-landes-quon-leur-envoie-la-troupe

Martine Aubry sur le même toboggan que Fabius ?

Publié dans Charlie-Hebdo du 17 octobre 2012

Ça craint. L’ancienne patronne socialiste risque bel et bien une mise en examen dans le criminel dossier de l’amiante. Et l’affaire, à la fois politique, sociale, écologique, est très lourde. Comme Fabius avec le sang contaminé ?

Martine a les jetons, et elle a raison. Convoquée par la juge Bertella-Geffroy, Aubry risque une mise en examen dans l’abominable pastis de l’amiante. Interdit en 1997 seulement, alors que tout était connu depuis des décennies, l’amiante tue 3 000 personnes par an en France, et en tuera encore, probablement, 100 000. Pour le moment, Martine Aubry essaie de se défiler en comptant sur des ruses procédurières, mais l’affaire est aussi grave que celle du sang contaminé, qui a fait exploser la carrière politique de Fabius. Et cela, elle le sait.

Personne ne pense que la socialo-en-chef a elle-même distribué des fibres d’amiante aux prolos empoisonnés, mais voilà : elle a été directrice des relations du travail au ministère du Travail entre 1984 et 1987. À un moment-clé du scandale, car de 1983 à 1987, la France a bloqué la transposition d’une directive européenne qui divisait par deux la valeur limite d’exposition. Mais surtout, elle a été le chef direct d’un certain Jean-Luc Pasquier, qui dirigeait alors le bureau CT4 du ministère, sous les ordres d’Aubry. Pasquier a été lui-même mis en examen en mars dans l’affaire de l’amiante pour « homicides, blessures involontaires et abstentions délictueuses ». Il n’est pas encore coupable, mais une chose est certaine : il a siégé ès qualités dans une structure créée de toutes pièces par l’industrie de l’amiante en 1982, le Comité permanent amiante (CPA). Et il a défendu avec vaillance, au ministère, la trouvaille décisive du CPA, c’est-à-dire « l’usage contrôlé de l’amiante ».

Cette merde reposait sur le mensonge selon lequel on pouvait utiliser l’amiante sans danger, à condition de respecter les règles. Même si tous les salopards de l’industrie ont servi la même soupe pour les produits les plus dangereux, le CPA a vraiment inventé quelque chose. Voyons un peu l’histoire. En 1982, les jeux sont faits : l’amiante, compte tenu de son extrême dangerosité, ne peut qu’être interdit. Mais quand ? L’industrie trouve un prodigieux allié dans la personne de Marcel Valtat, ancien stalinien de choc reconverti dans le lobbying. Valtat parvient à réunir en une seule structure informelle – le fameux CPA – administration publique et d’État, patrons de l’amiante, scientifiques, et syndicalistes de la CGT et de la CFDT notamment, dont aucun n’a jugé bon s’excuser auprès des milliers de victimes. Gloire lui soit rendue, un syndicaliste, membre de FO, refuse la combine. Dans une lettre historique de 1986, Paul Malnoë gueule : « Aussi, nous considérons que chacun doit rester à sa place. Il ne faut pas confondre les rôles (…) Demain, on nous demandera peut-être de participer à un Comité permanent du chlorure de vinyle, du benzène ou tout autre produit cancérigène ».

Le CPA est une totale réussite pour l’industrie de la mort, qui parviendra à gagner quinze ans de profit avant une interdiction de l’amiante en France. Et l’ami Jean-Luc Pasquier, là-dedans ? Non content d’adhérer au mythe de l’usage contrôlé, il en convainc sa patronne, qui prétend aujourd’hui que tout n’est que menteries, et qu’elle a fait ce qu’elle pouvait pour limiter la casse. Seulement, des faits extrêmement lourds racontent une autre histoire. Tout d’abord, Pasquier va passer douze ans au CPA, à jouer du piano et du fifrelin avec le patronat. « Si [Martine Aubry] avait voulu qu’on sorte du CPA, elle ou ses successeurs, elle n’avait qu’à le décider (1) ».

Elle ne l’a pas fait. Autre épine du genre mahousse, Marianne Saux. Fonctionnaire à la direction des relations du travail – le service d’Aubry -, Saux est embauchée en 1987 par Saint-Gobain, champion de l’amiante, et fait une tournée au Brésil, en 1990, pour y vanter « l’usage contrôlé de l’amiante ». Charmante personne. Mais le pire est qu’en 1991, lorsque Martine Aubry devient ministre, elle nomme à la tête de la médecine du Travail la même Marianne Saux, qui a quitté pour l’occasion Saint-Gobain.

C’est dégueu ? Ma foi. En 1993, Martine Aubry perd ministère et siège de député. Profitant de ses liens étroits avec le patronat, elle crée la Fondation Agir contre l’exclusion (Face), financée en quinze jours – 50 millions de francs de l’époque – par des philanthropes comme Riboud (Danone), Gandois (Pechiney), Monod (Lyonnaise des Eaux), Bébéar (Axa). Qui est allé frapper aux portes pour elle ? Son excellent ami Alain Minc. Il faut bien avouer que cela fait sens.

(1) Amiante, 100 000 morts à venir, par François Malye, Le Cherche Midi

MM.Chávez, Ceresole, Mélenchon, Paranagua (et Mme Morel-Darleux)

Donc, l’élection présidentielle du Venezuela. Si je parle ici, sur Planète sans visa, de cet événement lointain, c’est que, du point de vue de l’écologie, qui est le mien, il y a beaucoup à dire. Nombre d’altermondialistes d’Occident – parfois se disant écologistes – voient dans la personne de Chávez, réélu il y a quelques jours avec 54 % des voix, un exemple. Et chez nous, M.Mélenchon en rajoute chaque jour ou presque. Je dois avouer une raison plus personnelle. J’ai assez bien connu, jadis, ces terres des Amériques situées au sud du Río Grande. J’ai vu de près ce que le castrisme et ses avatars donnaient sur place. J’ai cotoyé des guerilleros devenus présidents. J’ai compris sans grande difficulté comment le stalinisme né en Union soviétique avait pu empoisonner les avants-gardes armées nées dans les années 60 et 70 du siècle passé. Et avec quels désastreux effets. Si j’écris cela, ce n’est évidemment pas pour en faire un argument d’autorité. Cela ne me désigne aucunement comme plus lucide. Mais ces souvenirs si vifs expliquent en partie pourquoi je parle à nouveau de ce Chávez.

Où l’on voit madame Morel-Darleux visiter le village Potemkine

Bon. Commençons. Par la politique, mais je parlerai aussi d’écologie à la fin. Je déteste les militaires qui font de la politique tout en restant des militaires. Il est vrai que je n’aime guère les militaires, mais certains deviennent des démocrates. Pas Chávez. Il me semble simplement hallucinant que des responsables du Parti de Gauche mélenchonien, se réclamant de l’écologie pourtant, ne voient pas l’évidence. En la circonstance, je vise explicitement madame Corinne Morel-Darleux, en charge de l’écologie chez M.Mélenchon. Elle s’est rendue au Venezuela début octobre, et en rend compte sur son blog (ici). Cela lui sera difficile à lire, je pense, mais son récit relève du tragicomique accompli. Elle n’a évidemment rien vu – qui lui aurait montré les envers du vaste village Potemkine ? -, mais enfin, il fallait qu’elle l’écrive. Vous jugerez, si vous en avez le temps. De la même manière que tant de dupes, d’imbéciles et de salauds – pour ma part, je crois madame Morel-Darleux une dupe – allaient à Moscou entre 1930 et 1953 vanter les exceptionnelles réussites de Staline, elle raconte le vide complet, tout en se gaussant, il faut le faire en cette occurrence, du traitement infligé au pays par la presse française.

Dans un papier du Monde, justement, interrogée par une journaliste lui demandant quoi penser d’un rapport critique sur le pouvoir de Chávez signé Human Rights Watch (ici), elle répond ne pas en avoir eu connaissance. Ce n’est pas grave, notez bien, mais en revanche son commentaire l’est : « Ce que je sais, c’est ce que j’ai vu. Il y a des domaines où l’expertise concrète est aussi intéressante ». Comme Fabrice del Dongo à Waterloo, elle n’a évidemment rien entendu qui permette de comprendre quoi que ce soit. Mais elle croit le contraire, et l’affirme avec une audace qui me fait penser qu’elle ne sait rien d’Ante Ciliga, du grand Panaït Istrati et de sa métaphore des œufs cassés, de mon si cher Victor Serge, de l’André Gide de Retour de l’U.R.S.S., de David Rousset, premier utilisateur en France du mot Goulag. Je n’insiste pas davantage, car la barque me paraît pleine.

Où l’on découvre que le grand Chávez est l’ami indéfectible d’un nazi argentin bien connu

La politique, toujours, à moins que cela ne soit la morale. Une chose est difficilement contestable : Chávez défend et pratique une conception autoritaire et verticaliste de la politique. Tout remonte à lui, et tout redescend de lui. Bien sûr, c’est du caudillisme, une forme politique bien connue dans l’Amérique dite latine. Mais Chávez y a ajouté sa patte personnelle, car cet homme a été en partie formé à la politique par un fasciste argentin, négationniste de la Shoah, ami des militaires putschistes et assassins de 1976 : Norberto Ceresole (ici). Ceresole avait défini un programme qui ressemble étrangement à celui du Venezuela chaviste, qui repose sur le triptyque : Caudillo, ejército, pueblo (ici, en espagnol), c’est-à-dire le Chef, l’armée, le peuple. Je ne donne pas les détails ici, sauf sur un point essentiel, fourni par Chávez lui-même. M.Mélenchon, dont je parlerai plus loin, et tous les aficionados de chez nous du chavisme refusent évidemment de s’expliquer sur un sujet pareil, qui les entraînerait en plein marécage. Mais Chávez a quant à lui mangé le morceau, en direct, à la télé. Sachez que le caudillo impose à toutes les chaînes hertziennes, le dimanche à 11 heures, de diffuser Aló Presidente, une émission où il parle sans être jamais interrompu, jusqu’à huit heures d’affilée.

Or le 21 mai 2006, au milieu du show Aló Presidente, Chávez déclare bel et bien à propos de Ceresole, mort trois ans avant : « Yo nunca olvido a aquel argentino a quien satanizaron, fue un gran amigo, ¿saben?, un intelectual de respeto ». Ce qui veut dire : « Je n’ai jamais oublié cet Argentin diabolisé, qui fut un grand ami, vous savez ? Un intellectuel respectable. ». Le texte de l’émission avait été effacé des archives de la présidence vénézuélienne la dernière fois que je l’ai cherché (j’ai une copie, que vous trouverez ici), il y a plusieurs mois, mais on me dit qu’elle est de nouveau disponible. Je n’ai pas l’envie de vérifier. Comme chez le défunt maréchal Staline, comme dans le 1984 de ce si cher George, ce qui ne plaît plus n’a jamais existé. Chávez avait pourtant pour grand ami, sans conteste, un nazi. Ses amis français pourraient se demander pourquoi, et rapprocher ce fait de l’amitié débordante du même pour quelques unes des plus belles crapules d’aujourd’hui, comme le Biélorusse Loukachenko – embastilleur du célèbre professeur Bandajevsky – ou l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad, lequel a salué la réélection de Hugo Chávez comme étant celle d’un « frère ». Loukachenko aime bien Hitler, comme il l’a déclaré en 1995 au quotidien allemand Handelsblatt. Et Ahmadinejad déteste jusqu’à la haine les Juifs.

Où l’on lit une tribune de MM.Mélenchon et Ramonet, où l’on fait connaissance avec la diffamation la plus haineuse

La politique encore. M.Mélenchon a cosigné avec Ignacio Ramonet, dans Le Monde du 4 octobre une tribune intitulée Hugo Chavez, un homme diffamé. Vous la trouverez en intégralité à la fin de cet interminable article d’aujourd’hui. Je la trouve pour ma part digne de L’Humanité des temps anciens, et sous ma plume, certes, ce n’est pas un compliment. Les procédés utilisés, pour moi qui connais cette chanson, ne sont pas décents. Mais qui a  prétendu que ces deux-là connaissent le sens de cet adjectif ? Restons mesuré : le texte ne contient que des généralités, idéologisées jusqu’à la racine. Et relance, pour la milliardième fois, l’antienne de deux camps séparés par une barricade, les bons et les méchants. Leur « socialisme » contre l’Empire du Mal américain, version exactement symétrique de la vision du monde promue par Reagan en 1980. Je ne souhaite pas insister sur ce qui est pour moi une évidence : cette non-pensée, qui a tant servi, à gauche, les intérêts des stalinismes, est l’adversaire définitif de l’écologie telle que je la conçois. Et n’a rien à voir avec la défense réelle des peuples, consubstantielle à cette même écologie-là. Contrairement à eux, nous les écologistes sincères, défendons les peuples, tous les peuples, contre tous leurs oppresseurs. Et non seulement les hommes, mais les autres peuples du monde vivant.

La politique enfin. M.Mélenchon se fâche avec plaisir, on le sait. Je veux dire un mot de son ignoble attaque contre le journaliste du Monde Paulo A. Paranagua. Je précise que je connais pas ce dernier, que je ne l’ai jamais rencontré, que je ne sais rien de lui. Bref. Quand M.Mélenchon rentre en août d’une tournée qui l’a mené au Venezuela et à Cuba, il trouve la belle énergie d’écrire sur son blog (ici) : « Quelques giclées de fiel médiatique m’en sont revenues qui m’ont bien amusé par leur bestiale et routinière méchanceté. Laissons cela. Je m’en amuserai publiquement le moment venu. On ne peut prendre au sérieux la prose qui a donné le « la » sur ce thème, celle de l’ancien tueur repenti, l’homme qui erre dans les cocktails d’ambassades pour gémir « la révolution cubaine m’a volé ma jeunesse ». C’est cet olibrius, méprisé par toute la gauche latino, qui est aujourd’hui le grand chef de l’Amérique latine au journal « Le Monde » : Paolo Paranagua ».

Rions avant de pleurer : il ne s’agit pas de Paolo – un prénom italien certes utilisé en Argentine -, mais de Paulo. Pour le reste, c’est crapuleux. Mélenchon balance, accusant un homme d’être un tueur repenti. Un tueur, imaginez-vous bien ? La diffamation, je le rappelle pour ceux qui l’ont oublié, est une atteinte à l’honneur d’une personne. Le reste est aussi lamentable, mais tout de même moins grave. Une telle infamie, dans un pays qui se respecterait davantage, mobiliserait largement contre le chef du Front de Gauche. Mais rien. Aussi, pourquoi se gêner ? Dès le 30 septembre 2010, Mélenchon s’était attaqué avec la plus grande bassesse au même journaliste : « C’est le retour attristant à la tradition de l’ancien criminel de droit commun argentin, Paulo Paranagua, que l’amicale des anciens de la ligue communiste révolutionnaire au Monde avait fait embaucher. Son passé de voyou dans la branche dure de « l’ejercito revolutionario del pueblo » (ERP) attendrissait les révolutionnaires germano-pratins, nonobstant les crimes et provocations de cette soi-disant armée du peuple ! Repeint en « journaliste » spécialisé sur l’Amérique latine, ce type n’était plus salué par aucun militant de gauche et dans les cocktails mondains même les droites locales latinos le tenaient en dérision du fait de sa stature de renégat et de l’intensité de son larbinage pro-américain. ». Avant de commenter, notons que M.Mélenchon a décidément des problèmes avec la langue castillane, car évidemment, revolutionario s’écrit revolucionario et d’ailleurs ejercito ejército.

Je constate, par plaisant euphémisme, que ce n’est pas l »essentiel. Le texte de M.Mélenchon, outre qu’il est une agression presque incroyable, relève des plus parfaites calomnies chères à l’époque stalinienne. Aucun fait, aucune date, aucun lieu, mais des imputations d’une extrême saleté. Je le répète, je ne connais pas M.Paranagua, que je salue au passage néanmoins. Car si je ne le connais pas, j’ai eu l’occasion naguère de rencontrer, loin de la France,  des membres de cette ERP tant vomie par M.Mélenchon. Et, ma foi, ce qu’il écrit n’a pas de sens. L’ERP a été la branche armée d’un parti d’extrême-gauche, le Partido Revolucionario de los Trabajadores (PRT), fondé en 1965, qui devint membre de la Quatrième Internationale – celle d’Alain Krivine et de la Ligue communiste révolutionnaire – et le resta jusqu’en 1973. Par la suite, ce mouvement fit partie d’un regroupement de la gauche révolutionnaire latina, appelée Junta Coordinadora Revolucionaria, qui rassemblait, au temps des dictatures militaires, outre le PRT-ERP,  le MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria) du Chili, l’ELN de Bolivie et le MLN-Tupamaros d’Uruguay.

Cela vous paraît fastidieux, je le crains, mais il s’agit d’histoire. D’une histoire que M.Mélenchon ignore, ou qu’il méprise. Il est vrai qu’à cette même époque, il était le petit chef, à Besançon, de la secte OCI, qui ne rechignait jamais contre des violences à l’encontre des militants issus de mai 68. Je le confesse, j’ai pris des coups de bâton sur la tête, donnés par des sbires de l’OCI, que je n’ai jamais tenue, même quand j’étais pourtant couillon, pour une organisation de gauche. En mai 68, du reste, l’OCI avait refusé de participer aux barricades, pour quelque obscure raison que M.Mélenchon doit bien connaître. Bref, l’Argentine. Si M. Paranagua a bien été membre du PRT, ce n’est nullement un déshonneur. Ce fut un engagement extrême, qui connut son lot d’affreuses conneries et d’incroyables irresponsabilités – pour ce que j’en sais -, et qui finalement incarna un modèle militariste, verticaliste, autoritaire de la vie, qui n’est pas si éloigné de ce que Chávez réalisa au Venezuela. C’est un paradoxe, et il est plaisant.

Au-delà, l’aventure tragique du PRT-ERP est indissociable de ces années où une génération politique croyait pouvoir bâtir une société différente par les armes. L’erreur était complète, mais il faut savoir que les militaires argentins, après le coup d’État de 1976 ont enlevé, torturé et finalement assassiné 5 000 membres environ de ce PRT-ERP auquel, selon M.Mélenchon, Paulo A.Paranagua aurait appartenu. Je ne crois pas inutile de rappeler ce contexte d’extrême violence sociale et politique, qui commença en Argentine à la fin des années 60.

Où l’on constate, non sans surprise, qu’un nazi est préférable à un guerillero argentin 

Résumons. En 2010, puis à l’été 2012, M.Mélenchon accuse sans aucun élément concret M.Paranagua d’être un tueur repenti et un voyou. Cela ne lui suffit pas, car le 6 octobre sur son blog (ici), en réponse au journal Le Monde, qui a défendu son journaliste de mièvre façon, il note : « Paulo Paranagua a été membre d’une organisation dont les méthodes de combat incluaient le meurtre d’agent de police et de gardien de banque. Est-ce faux ? Si c’est faux pourquoi Gilles Paris ne le dit-il pas ? Il ne le dit pas parce que c’est vrai et qu’il le sait. Monsieur Paulo Paranagua a été emprisonné pour cela au régime de droit commun. Est-ce faux ? Si c’est faux pourquoi Gilles Paris ne le dit-il pas ? Cette seule situation, sans que j’ai besoin d’en ajouter davantage dans les détails dont je dispose, suffit à pouvoir caractériser, dans l’esprit de polémique qu’il a lui-même créé, de « terroriste repenti ». Car c’est une chose d’être un guérillero qui affronte des militaires et la police politique et une autre de s’engager dans des actions du type de celles qu’a mené le groupe dont a été membre monsieur Paulo Paranagua ».

Est-ce encore plus dégoûtant ? Oui. Paranagua aurait été au régime de droit commun. Cet épouvantable roublard de M.Mélenchon ne donne aucune date, aucune précision. En quelle année ? Sous la dictature, dans les bouillonnantes années qui l’ont précédée ? Dans les deux cas, cela ne veut rien dire. Le statut de politique, qui était évidemment celui d’un militant armé – quel qu’il soit – n’avait aucune raison d’être accordé à un adversaire résolu. Si l’on dressait la liste des militants politiques envoyés au cachot sous des motifs de droit commun, on pourrait sans doute relier la Terre à la Lune. Voyez le cas de l’Affiche Rouge et des FTP-MOI de 1942. Ajoutons que M.Mélenchon susurre, à l’aide d’une sinistre allusion, qu’il y a pire encore, grâce à ces « détails dont [il dispose] », mais sans évidemment s’exposer à la moindre réponse. M.Mélenchon, qui est pourtant fêté par ses adorateurs comme un fin bretteur, s’entortille lui-même dans la toile qu’il a tissée. M.Paranagua est un voyou, mais son organisation est politique et s’attaque aux banques pour se financer, ce qu’ont fait la plupart des mouvements révolutionnaires de l’époque moderne. Joseph Staline, si longtemps cher au cœur des amis communistes de M.Mélenchon, n’était-il pas un braqueur de banques ? Si. Et n’arrive-t-il pas, au cours de ce genre d’attaques, que des policiers et des employés de banque soient blessés ou tués ? Si. Relisez avec moi : « Paulo Paranagua a été membre d’une organisation dont les méthodes de combat incluaient le meurtre d’agent de police et de gardien de banque ». M.Mélenchon est un roué, je le savais déjà. Cette phrase assassine ne signifie rien d’autre que, lorsqu’on exproprie une banque, il peut y avoir des victimes. Et donc, il ne faut pas les toucher ? Mais qui aurait financé ces révolutions que M.Mélenchon prétend tant aimer ? Et je n’insiste pas sur l’usage du mot terroriste, accolé comme on le sait à tous les résistants de la Terre.

Bon, stop, j’en suis bien d’accord, du moins pour ce qui concerne la politique à l’ancienne dont M.Mélenchon est l’un des pires représentants. Encore deux bricoles. Un, vous avez lu plus haut que le président du Parti de Gauche a signé une tribune affirmant sans rire que Chávez était le chef d’État le plus diffamé au monde. À bien suivre le mouvement, M.Mélenchon a quant à lui le droit, car il a tous les droits, de diffamer avec la plus extrême violence M.Paranagua. Mais Il faudrait quand même se prosterner devant ce haut représentant du peuple, qui a obtenu le vote de 6 % des électeurs inscrits à la dernière élection présidentielle française. Oh, ce sera une autre fois, pour ce qui me concerne. Terminons par l’Argentine. Comme je crois l’avoir démontré, Chávez considère comme un grand ami un nazi argentin. Et cela ne gêne pas M.Mélenchon. En revanche, ce dernier est révulsé par le fait qu’un homme a pu prendre les armes contre un gouvernement péroniste corrompu jusqu’à la moelle – de 1973 à 1976 -, puis une junte militaire fasciste, entre 1976 et 1983. Réfléchissez donc avec moi : Ceresole le nazi d’un côté; M. Paranagua le guerillero de l’autre. M.Mélenchon est un grand moraliste.

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Où l’on revient – fatalitas ! – aux idéaux de madame Morel-Darleux

De l’air ! Passons donc à l’écologie. Je ne parlerai pas, car j’ai abusé de votre patience, de cette boliburguesía – la bourgeoisie bolivarienne – qui se développe à toute allure sous le règne de Chávez. Sur fond de corruption massive liée à la manne pétrolière, un agressif capitalisme de rente flambe en ce moment du côté de Caracas. De grosses fortunes, point trop éloignées du pouvoir en place, se forment, qui sont candidates au pouvoir quand le valeureux militaire sera défait, mis à la retraite, ou bien mort. On en reparlera, croyez-moi. Ce pays est un château de cartes soutenu par une bizarrerie géologique ordinaire : il est gorgé de pétrole. Quand gronde l’immense crise écologique qui menace de tout emporter, quand déferle d’un bout à l’autre de la planète le dérèglement climatique, est-il acceptable de gaspiller le pétrole de cette façon ?

L’essence vaut au Venezuela 0,017 euro le litre. La gabegie énergétique y est reine. Rien n’est fait pour seulement ralentir cette course à l’abîme voulue par Chávez. Ce militaire ne sait rien, évidemment, de l’écologie, mais tout de la manipulation de masse. En 2009, à la conférence mondiale sur le climat, à Copenhague, il déclarait du haut de la tribune : « Eh bien, monsieur le président, le changement climatique est, sans doute, le problème environnemental le plus dévastateur de ce siècle : des inondations, des sécheresses, des orages violents, des ouragans, le dégel, la montée du niveau moyen de la mer, l’acidification des océans et des vagues de chaleur, tout cela accentue l’impact des crises globales qui nous frappent ». Et puis, au retour à Caracas, il relançait les fructueux contrats pétroliers à destination de cet Empire américain si constamment décrié, permettant que l’on vende dans les rues de l’essence à 0,017 euro le litre. Toute la vérité vraie de Chávez tient dans ce raccourci. Enfin, un mot des centaines de milliards de barils de pétrole cachés dans les sables du bassin de l’Orénoque, fleuve vénézuélien. Exploiter ce pétrole extra-lourd serait une vraie catastrophe de plus – il n’en manque pas – pour le combat contre le dérèglement du climat. Et bien entendu, sur Terre, une pollution inévitable de l’un des plus beaux écosystèmes du globe. Mais de cela,  Chávez se contrefout, et il a toujours refusé de discuter de l’avenir de ces fabuleux gisements. Tout indique qu’il est prêt à les exploiter.

Pardi ! Le pétrole, c’est du pouvoir concentré. Il lui permet de financer son vieux copain Castro, de briller de tous les feux de ses médailles sur la scène internationale, d’acheter la paix des pauvres chez lui, in fine d’acheter en masse personnes et consciences. Le bilan du pétrole vénézuélien, lorsque, fatalement, il sera fait, dira tout. Mais M.Mélenchon ne sera bien entendu plus là pour commenter. Pour mieux me faire comprendre, un Chávez écologiste aurait mobilisé l’argent du pétrole pour réaliser le premier tournant authentique d’une société vers une formation sociale soutenable du point de vue écologique. Il aurait lancé un programme géant en faveur des énergies renouvelables – solaire et vent -, doté de milliards d’euros apportés par la rente pétrolière. Au lieu de faire bâiller son peuple au cours des oraisons interminables d’Aló Presidente, il aurait lancé d’innombrables programmes télévisés, pédagogiques, permettant de mobiliser autour des véritables enjeux de notre époque. Il aurait sanctuarisé, dans sa fameuse Constitution bolivarienne, l’Amazonie vénézuélienne, en expliquant pourquoi. Il aurait fait de l’agro-écologie le moteur premier d’une reconquête d’un Venezuela saoulé par les telenovelas de guimauve et les publicités géantes pour le mode de vie américain et les grosses bagnoles modernes. Etc ? Bien sûr, etc, ad libitum.

Quand je vois donc une madame Morel-Darleux, qui se pense écologiste, et qui croit l’être, répondre benoîtement, après quelques jours passés sur place : « « Ce que je sais, c’est ce que j’ai vu. Il y a des domaines où l’expertise concrète est aussi intéressante »,  je me dis que la lutte pour la libération de l’esprit, par l’écologie, ne fait que commencer. Je vous salue tous.

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La tribune de MM.Mélenchon et Ramonet dans Le Monde du 4 octobre 2012

Hugo Chavez est sans doute le chef d’Etat le plus diffamé du monde. À l’approche de l’élection présidentielle au Venezuela, le 7 octobre, ces diffamations redoublent d’ignominie. Tant à Caracas qu’en France. Elles témoignent du désespoir des adversaires de la révolution bolivarienne devant la perspective (que les sondages semblent confirmer) d’une nouvelle victoire électorale de Chavez. Un dirigeant politique doit être jugé sur ses actes, et non sur les rumeurs colportées contre lui. Les candidats font des promesses pour se faire élire ; rares sont ceux qui, une fois élus, les tiennent. Dès le début, la promesse électorale de Chavez a été claire : travailler au profit de ceux, majoritaires dans son pays, qui vivaient dans la pauvreté. Et il a tenu parole.

C’est le moment de rappeler ce qui est vraiment en jeu dans cette élection au moment où le peuple vénézuélien va voter. Le Venezuela est un pays très riche en raison des fabuleux trésors de son sous-sol, en particulier les hydrocarbures. Mais presque toutes ces richesses étaient accaparées par les élites dirigeantes et des entreprises multinationales. Jusqu’en 1999, le peuple n’en recevait que des miettes. Les gouvernements successifs, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates, corrompus et soumis aux marchés, privatisaient à tout va. Plus de la moitié des Vénézuéliens vivait sous le seuil de pauvreté (70,8% en 1996). Chavez a placé la volonté politique au poste de commande. Il a mis les marchés au pas et stoppé l’offensive néolibérale puis, grâce à l’implication populaire, il a permis à l’Etat de se réapproprier les secteurs stratégiques de l’économie. Il a recouvré la souveraineté nationale. Et a ensuite procédé à une redistribution de la richesse au profit des services publics et des laissés pour compte.

UN ÎLOT DE RESISTANCE DE GAUCHE AU NEOLIBERALISME

Politiques sociales, investissements publics, nationalisations, réforme agraire, plein emploi, salaire minimum, impératifs écologiques, accès au logement, droit à la santé, à l’éducation, à la retraite… Chavez s’est également attaché à la construction d’un Etat moderne. Il a mis sur pied une ambitieuse politique d’aménagement du territoire: routes, chemins de fer, ports, barrages, gazoducs, oléoducs. En matière de politique étrangère, il a misé sur l’intégration latino-américaine et privilégié les axes Sud-Sud, tout en imposant aux Etats-Unis des relations fondées sur le respect mutuel… L’élan du Venezuela a entrainé une véritable vague de révolutions progressistes en Amérique latine, faisant désormais de ce continent un exemplaire îlot de résistance de gauche contre les ravages du néolibéralisme. Un tel ouragan de changements a complètement chamboulé les structures traditionnelles de pouvoir au Venezuela et entrainé la refondation d’une société jusqu’alors hiérarchique, verticale, élitaire.

Cela ne pouvait lui valoir que la haine des classes dominantes, convaincues d’être les propriétaires légitimes du pays. Avec leurs amis protecteurs de Washington, ce sont elles qui financent les grandes campagnes de diffamation contre Chavez. Elles sont allé jusqu’à organiser – en alliance avec les grands médias qu’elles possèdent – un coup d’Etat le 11 avril 2002. Ces campagnes se poursuivent aujourd’hui et certains secteurs politiques et médiatiques européens les reprennent en chœur. La répétition étant – hélas – considérée comme une démonstration, des esprits simples en viennent à croire que Hugo Chavez incarnerait « un régime dictatorial où il n’y a pas de liberté d’expression ».

Mais les faits sont têtus. A-t-on déjà vu un  » régime dictatorial  » élargir le périmètre de la démocratie au lieu de le restreindre ? Et donner le droit de vote à des millions de personnes dépourvues jusque là de carte d’électeur? Les élections au Venezuela n’avaient lieu que tous les quatre ans, Chavez en organise plus d’une par an (14 en 13 ans). Dans des conditions de légalité démocratique reconnues par l’ONU, l’Union européenne, l’Organisation des Etats américains, le Centre Carter, etc. Chavez démontre qu’on peut construire le socialisme dans la liberté et la démocratie. Il en fait même une condition du processus de transformation sociale. Il a prouvé son respect du verdict populaire en renonçant à une réforme constitutionnelle refusée par les électeurs lors d’un référendum en 2007. Ce n’est pas un hasard si la Foundation for Democratic Advancement (FDA), du Canada, dans une étude publiée en 2011, situe désormais le Venezuela en tête du classement des pays qui respectent la justice électorale.

Le gouvernement d’Hugo Chavez consacre 43,2% du budget aux politiques sociales. Résultat: le taux de mortalité infantile a été divisé par deux. L’analphabétisme éradiqué. Le nombre de professeurs des écoles multiplié par cinq (de 65 000 à 350 000). Le pays détient le coefficient de Gini (qui mesure les inégalités) le plus performant d’Amérique latine. Dans son rapport de janvier 2012, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC, un organisme de l’ONU) établit que le Venezuela est le pays sud-américain – avec l’Equateur -, qui, entre 1996 et 2010, a le plus réduit le taux de pauvreté. Enfin l’institut américain de sondages Gallup classe le pays d’Hugo Chavez, 6e nation « la plus heureuse du monde ».

Le plus scandaleux, dans l’actuelle campagne de diffamation, c’est de prétendre que la liberté d’expression serait bridée au Venezuela. La vérité c’est que le secteur privé, hostile à Chavez, y contrôle largement les médias. Chacun peut le vérifier. Sur 111 chaînes de télévision, 61 sont privées, 37 communautaires et 13 publiques. Avec cette particularité que la part d’audience des chaînes publiques n’est que de 5,4%, celle des privées dépassant les 61% … Même chose pour la radio. Et 80% de la presse écrite sont contrôlés par l’opposition ; les deux quotidiens les plus influents – El Universal, El Nacional – étant hostiles au gouvernement. Tout est, certes, loin d’être parfait dans le Venezuela bolivarien. Où existe-t-il un régime parfait ? Mais rien ne justifie ces campagnes de mensonges et de haine. Le nouveau Venezuela est la pointe avancée de la vague démocratique qui a balayé les régimes oligarchique de neuf pays dès le lendemain de la chute du mur de Berlin quand d’aucuns annonçait « la fin de l’histoire » et « le choc des civilisations » comme seuls horizons pour l’humanité.

Le Venezuela bolivarien est une source d’inspiration où nous puisons sans aveuglement ni naïveté. Mais avec la fierté d’être du bon côté de la barricade et de réserver nos coups à l’empire malfaisant des Etats Unis et de ses vitrines si chèrement protégées au Proche-Orient et partout où règnent l’argent et les privilèges. Pourquoi ses adversaires en veulent-ils tant à Chavez ? Sans doute parce que, tel Bolivar, il a su arracher son peuple à la résignation. Et lui donner l’appétit de l’impossible.

Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche, député européen ; Ignacio Ramonet, président de l’association Mémoire des luttes, président d’honneur d’Attac.

Pierre-Emmanuel Neurohr, prisonnier politique écologiste

Publié dans Charlie-Hebdo du 3 octobre 2012.

C’est un cinglé, mais dans ce monde de tarés, il n’y en aura jamais assez. J’ai connu Pierre-Emmanuel Neurohr il y a quinze ans, quand il s’occupait de déchets, et d’ordures, nombreuses on le sait. Après avoir travaillé pour Greenpeace, il avait créé une petite association, qui foutait le bordel à propos des incinérateurs, entre autres. Et puis il était parti à Bruxelles, puis à Prague, puis je ne sais où. Je me souviens d’une discussion longue avec lui, sur la dioxine, et la malignité des autorités françaises de l’époque, manipulées comme à l’ordinaire par les lobbies de l’industrie. Il avait les yeux et la voix de celui qui ne lâche pas. Il n’est visiblement pas du genre à lâcher.

Et voilà qu’il est en taule. À la Santé. Depuis le 7 septembre. Ça me paraît si incroyable que je me pince. Mais comme je viens d’avoir son avocat, Alexandre Faro, au téléphone, il faut bien s’y faire. En taule, en attendant un procès. Et il va mal, car il fait partie de ces étranges qui n’aiment pas être encabanés. À 44 ans, sans boulot, sans place dans le si magnifique édifice social, Neurohr a cramé ses vaisseaux.

Qu’a-t-il fait ? À cinq reprises depuis ce printemps, il est allé ouvrir à la pince coupante un grillage de cette saloperie d’aéroport de Roissy. Et puis il s’est avancé sur le tarmac, avant de se pointer devant le nez d’un long-courrier, les bras grands ouverts, pour arrêter la bête. Condamné une première fois en juillet, il a récidivé le 5 septembre, et cette fois, une jugesse a considéré « le risque qu’il fait courir aux usagers ». Cellule.

Que veut donc ce terroriste ? À la différence de tous les clampins qui parlent du dérèglement climatique sans vouloir rien changer de leurs conneries d’habitudes, Neurhor a décidé d’agir. Pour lui – et pour moi de même -, la crise climatique est la mère de toutes les batailles. Nos civilisations reposent, depuis l’origine, sur une relative stabilité des cieux. Sans la régularité des saisons et des pluies, pas de Pharaons, pas d’Athènes ni de Platon, pas de Rome ni de Cicéron, pas de France éternelle de Dunkerque à Tamanrasset. Neurhor n’hésite pas à rapprocher la folie ambiante de l’attitude générale, en son temps, face au grand massacre nazi des Juifs. Non seulement ce n’est pas futé, mais c’est de toute manière on ne peut plus inaudible. Les oreilles capables de seulement entendre cela n’existent pas.

Ce n’est pas une raison pour ne pas réfléchir. Un James Hansen, directeur de l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa, grand lanceur d’alerte devant l’Éternel, a connu la geôle en 2009 pour avoir manifesté contre un projet de mine de charbon.  Pour lui et quantité d’autres – un énième rapport du Giec, angoissant, est prévu en 2013 –, la situation n’est pas loin d’être hors de contrôle. Et tout le monde s’en contrefout.

Or, rappelle Neurhor, nul sur cette Terre ne devrait émettre plus de 1,5 tonne de gaz à effet de serre par an. Si l’on s’en tient du moins à cette bluette passée selon laquelle nous sommes tous égaux. Et si l’on entend au moins stabiliser ces émissions qui ruinent toute chance d’un avenir humain. Un aller-retour Paris Montréal représente environ 2 tonnes de gaz. 11 000 Km de bagnole de chez nous, pareil. C’est chiant ? Oh, archichiant, car cela remet en cause tout ce qui a été construit si péniblement depuis 1789. La liberté de l’individu. Le droit de circulation et de mobilité. Surtout, ne faites pas chier : je ne propose évidemment pas d’affronter la liberté, ce point cardinal. Je suggère de penser, dans la liberté. Ça aussi, ç’est très emmerdant.

L’avocat de Neurhor : Alexandre Faro, 26, place Denfert-rochereau, 75014 Paris. Courriel : cabinet@faroetgozlan.com

Le machin de Neurhor : http://parti-de-la-resistance.fr

Écrire à Pierre-Emmanuel Neurohr :

écrou n° 21032
cellule 104, Bloc A
Maison d’arrêt
42 rue de la Santé
75674 Paris cedex 14