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Ce que Greenpeace est devenu (cartes sur table)

Merci à Labrax, lecteur ou lectrice de Planète sans visa, qui me signale un article paru le 8 décembre 2010 dans Le Nouvel Économiste. Je crois qu’il se passera de mes commentaires. Lesquels sont dans le livre que j’ai écrit, Qui a tué l’écologie ?, qui paraît le 16 mars aux éditions LLL. Voici le texte :

Pascal Husting, Directeur général de Greenpeace France – « Le militantisme du XXe siècle est définitivement dépassé »

Un patron du secteur associatif, venu du monde de la finance, analyse la révolution managériale et stratégique menée dans une structure militante
Sur son bureau, The Economist côtoie un ouvrage sur les conséquences des réformes fiscales et un tableau de bord des finances de l’association. Environnement a priori inattendu pour le dirigeant d’un mouvement de défense de la planète, dont la réputation s’est construite sur des opérations coup de poing contre les pollueurs de toutes sortes. Pascal Husting, 49 ans, incarne cette nouvelle génération de dirigeants associatifs. Plus gestionnaire certes, mais pas moins militant, il veille à rationaliser les moyens afin de financer des actions plus nombreuses dont l’efficacité sera soigneusement évaluée. Quant à ceux qui l’accompagnent dans cette mission, c’est désormais leur profil, leurs compétences qui priment, davantage que leur engagement. L’action militante du XXIe siècle qui privilégie réflexion stratégique, expertise technique et guérilla électronique est à ce prix.

J’ai connu trois vies professionnelles. Après des études d’éducation physique et de philosophie, j’ai enseigné durant quatre ans avant d’intégrer au Luxembourg le cabinet de conseil Grant Thornton, à l’époque le septième derrière les big six. Rien ne me prédisposait à entrer dans ce milieu-là, si ce n’est l’envie de gagner de l’argent. Mes connaissances en fiscalité ou en comptabilité étaient très faibles. Mais à partir du moment où la motivation est suffisante, il est possible de tracer son chemin un peu partout, y compris en organisant activement de l’optimisation fiscale au Luxembourg. A l’annonce de mon départ, mon patron m’a proposé de devenir associé junior, ce qui m’ouvrait des perspectives financières plus qu’intéressantes. Cependant, mon état d’aliénation était tel que je suis allé chercher un engagement professionnel davantage en phase avec ma conception de ce monde. Je n’avais aucun plan de carrière associatif. Rien ne me prédisposait à entrer chez Greenpeace qui m’apparaissait comme un mouvement de sympathiques défenseurs de baleines.

L’expérience
Le fait d’avoir conseillé des grands groupes sur des montages fiscaux légaux dans des centres “off shore” comme les îles Vierges, m’a inspiré pour une idée de campagne à développer pour Greenpeace. Une des caractéristiques les plus méconnues du capitalisme financier est justement cette évasion fiscale, caractérisée par la notion d’underprising-overprising, qui veut que ceux qui polluent le plus sont également exempts de tout respect de l’équité fiscale. Mon passage dans le monde du conseil fiscal m’a montré que la globalisation est un phénomène acquis, donc, quand j’entends des discours anti-mondialisation, je trouve cela tellement… déconnecté. Quand aujourd’hui, notamment au sein de Greenpeace, nous éprouvons le besoin de nous doter de capacités d’analyse des flux financiers et de certaines politiques économiques, je me sens beaucoup plus à même d’exprimer des opinions construites.

La professionnalisation de Greenpeace
L’action de Greenpeace, au départ, consiste à mener des campagnes publiques. Après un tour d’horizon, il est apparu un certain nombre de dysfonctionnements qui expliquent ma participation à un plan financier quinquennal pour Greenpeace Monde. Il s’agissait notamment de se doter de systèmes de comptabilité pas forcément identiques, mais les plus proches les uns des autres, et de renforcer la gestion de notre corps de métier : l’organisation de campagnes. En prenant la responsabilité de Greenpeace France, je me suis retrouvé avec une équipe très engagée dans sa mission, mais avec des moyens budgétaires limités. Les emplois jeunes avaient été privilégiés et ne correspondaient pas aux profils de poste. Le critère de recrutement était plus l’acceptation des conditions de rémunération, que la motivation ou l’expérience spécifique pour une fonction. L’une des premières décisions a donc été de développer la toute première politique de ressources humaines au sein de Greenpeace, basée sur une croissance qualitative et non quantitative.

L’objectif peut se résumer ainsi : au lieu d’être des militants exerçant une profession dans le monde associatif, devenons des professionnels qui continuent à militer. Nous sommes donc sortis de la logique voulant qu’un salarié de Greenpeace soit recruté de manière prioritaire parmi les militants. Ce qui a bien sûr engendré des tensions énormes en interne. Sur les 45 salariés présents au moment de mon arrivée, 25 ont quitté Greenpeace. Certains sont partis parce qu’ils n’arrivaient plus à suivre cette logique de professionnalisation, d’autres ont été licenciés mais de manière motivée et aucun recours devant le conseil des prud’hommes n’a été gagné.

Le multiculturel
Mon passage par le bureau de Greenpeace à Istanbul m’a amené à réformer une structure régionale dont les activités allaient de l’Espagne au Liban avec, sous certains aspects, une problématique particulière : comment faire converger des actions dans des pays en conflit, sachant qu’aucun d’entre eux n’a atteint la taille critique qui lui permettrait d’agir de manière autonome.

La stratégie a alors été de faire travailler chrétiens, juifs et musulmans du Liban, d’Israël et de Turquie sur des éléments de contexte qui soulignent la nécessité d’agir ensemble et dans un environnement qui est le même pour tous. Nous avons ainsi travaillé sur la relance d’une campagne autour de la mer Méditerranée. Ce qui nous a amenés à nous intéresser à la question du thon rouge, espèce migratoire et emblématique de la situation de fragilité de cette mer. Cet exemple démontre que l’on peut trouver 1?000 éléments de différenciation entre les personnes, alors qu’il est plus simple de chercher celui qui nous montre que nous sommes interconnectés. Dans ce cas de figure précis, j’ai appliqué ce que j’avais appris dans mes précédentes fonctions. Au lieu de multiplier les structures de management, dans chaque pays, un comité directeur a été constitué dans lequel le directeur de la communication était israélien, le directeur des actions, turc, et le directeur des activités bénévoles, libanais. Ce qui a eu pour conséquences de sortir les individus de leur boîte identitaire nationale de manière à ce qu’ils assument des responsabilités sur ce qui se passe dans d’autres Etats.

L’autonomie de fonctionnement
La tendance par le passé a été de se contenter d’être sous perfusion financière de Greenpeace international. Ma première décision, en prenant en charge le bureau français, a été de refuser l’offre d’abandon de créance qui m’a été faite. Une somme considérable, un million d’euros que nous avons remboursés en quatre ans. Manière de faire table rase du passé sans oublier pour autant l’histoire de Greenpeace France, construite notamment sur l’attentat contre le Rainbow Warrior et la confrontation dans le Pacifique Sud contre les essais nucléaires. En même temps, la France est une puissance membre du Conseil de sécurité de l’ONU, pilier de la construction européenne. Donc nous voulons accéder au top?5 des bureaux Greenpeace dans le monde d’ici à 2015 et compter à cette date 200 000 adhérents. Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2005, le bureau comptait 45 salariés et fonctionnait avec un budget de 5,5 millions d’euros et 60 000 adhérents. Aujourd’hui nous sommes 62, les ressources atteignent 10 millions d’euros et nos adhérents sont 138 000.

Les compétences
Notre service de communication est de loin l’un des plus percutants dans le monde associatif. Prenons l’exemple de l’action que nous avons menée contre Nestlé à propos de l’utilisation de l’huile de palme et de la déforestation qu’elle engendre. Cette campagne a été entièrement menée par la communication, sans aucun recours à des compétences externes. Or la réaction de Nestlé a montré que ce groupe puissant n’était pas capable de gérer une situation de crise de ce type. Cela étant, ce processus de professionnalisation ne s’arrête jamais. Maintenant, il faut savoir si notre mix de compétences est adapté à la complexité des campagnes que nous allons devoir mener dans les années à venir. Actuellement, nous disposons de savoir-faire verticaux sur des thématiques spécifiques. Il nous manque des compétences transversales pour jauger du niveau de compréhension que nous devons atteindre sur les flux financiers ou dans la comparaison de l’impact de l’énergie fossile et de l’énergie renouvelable. A nous d’être un peu à l’image du monde que nous voulons. Si nous demandons aux entreprises d’élargir leur périmètre de ce qui doit entrer en considération quand elles font leurs choix d’investissements, à nous aussi de savoir de quoi nous parlons lorsque nous affirmons : les énergies renouvelables créent plus de jobs que l’essai nucléaire. A terme, cette exigence devrait changer le mapping des professions que l’on peut trouver chez Greenpeace.

Le recrutement
Nos recrutements exigent un niveau de motivation minimum, mais je ne m’attends pas à voir des nouvelles recrues béates d’admiration devant notre action sur les essais nucléaires ou les baleines. Attention à ne pas tomber dans les lieux communs qui ont causé pas mal de dommages à l’image véhiculée par les associations. Elles ont un capital de sympathie énorme en France et partout dans le monde, mais aussi un petit côté ringard. Notre grille salariale nous impose de pratiquer des rémunérations inférieures de 20 à 30?% au secteur privé. Selon une étude comparative réalisée chaque année sur les rémunérations dans le secteur associatif au sens large et à laquelle nous participons, nous nous situons sur une ligne médiane. La moitié de nos responsables de campagne viennent de la sphère du développement (Médecins du monde, Action internationale contre la faim). C’est le côté concret des actions de Greenpeace qui les a attirés. Un écart important nous sépare du monde anglo-saxon : ainsi, en Grande-Bretagne, mes collègues peuvent recruter des profils pointus pour des besoins spécifiques et disposer d’un réservoir important de “campaigners”.

Le métier de “campaigner”
Nous avons dépassé le stade où nous essayons de former nos opérationnels sur le terrain. Ce sont plutôt des personnes y ayant déjà fait leurs preuves. Une de nos chargées de campagne sur le climat travaillait auparavant pour Handicap international. Elle négociait avec le Hezbollah au Sud Liban sur les mines antipersonnelles. Avoir la capacité de mener des négociations avec un adversaire en se fixant des objectifs et en se donnant le moyen des les atteindre grâce à des soutiens financiers, politiques et en mobilisant l’opinion publique est un métier en soi. Qu’il soit exercé pour des raisons sociales, écologiques ou humanitaires ne change pas beaucoup de paramètres. Aujourd’hui, notre niveau de connaissance des questions environnementales a atteint un niveau tel que l’on peut former un futur “campaigner” en trois ou quatre semaines, avec uniquement un ordinateur qui lui permette d’absorber les connaissances en la matière. Nous recherchons plus la capacité à conceptualiser des problématiques, à les cerner pour en faire des axes de travail et définir des feuilles de route stratégiques pour arriver à son objectif final, qu’une grande pointure scientifique.

Le management des permanents et des militants
L’organisation de Greenpeace repose sur des chargés de campagne. Viennent ensuite les “activistes”. Ce terme pose des problèmes mais c’est une traductions littérale du terme britannique “activist” qui se distingue bien de la notion de militant, dont la valeur ajoutée dans le contexte politique me semble très limitée. Nos activistes, tous bénévoles, vont sur le terrain et assument pleinement les conséquences de leurs actes. Ils sont formés aux actions de confrontation non-violente, ce qui demande une discipline et une psychologie bien spécifiques car il n’est pas facile de se faire taper dessus pour relâcher un cadenas ou un tuyau utilisé pour bloquer une voie ferrée par exemple. Ces techniques nous viennent de mouvements américains de défense des droits civiques. Pour ceux devant franchir des édifices divers comme des bateaux, que nous appelons les “grimpeurs”, des stages de formation réguliers sont organisés. Ceci diffuse certes une image un peu paramilitaire, mais pour maintenir de la non-violence dans l’action, la détermination, la motivation et une discipline sans faille sont indispensables.

Les militants acceptent une subordination totale aux permanents. Certes, la tentation peut exister de prolonger une action et de vouloir aller plus loin, mais une fois en action, la chaîne de commandement s’impose. Avant chaque action, un brief très précis sur nos intentions est organisé, avec la possibilité de ne pas participer pour ceux qui sont en désaccord sur la finalité de l’action?! L’objectif, plutôt sain, est que ceux qui participent à une opération ne viennent pas simplement en bons petits soldats, mais s’approprient aussi bien la tactique que la finalité de l’action.

Le fundraising
Nous avons 140 000 adhérents qui nous apportent en moyenne 90?euros par an. 82?% d’entre eux le font par prélèvement automatique. Tous nos donateurs sont des particuliers, nous refusons par principe le financement des entreprises ou des pouvoirs publics. Notre principal “technique” de recrutement d’adhérents reste le dialogue direct. Des équipes, dans la rue, proposent aux passants d’adhérer. Cette option est plus efficace que celle qui consiste à attendre passivement devant un stand . Nous avons été les développeurs de ce mode opératoire au milieu des années 1990. Aujourd’hui, en France, 90?% du marché du “street marketing” est géré par des anciens de Greenpeace. Notre choix?? Intégrer cette activité en interne, ce qui génère des taux de recrutement largement supérieurs.

Ailleurs, en Europe où la concurrence dans les rues est encore plus rude qu’en France, nous sommes en train de diversifier nos canaux de recrutement. Internet est sans doute le prochain eldorado. Pour le moment cantonné à la seule vente par correspondance. Le secteur associatif n’a pas encore trouvé la martingale pour le recrutement d’adhérents : Facebook est certes un moyen de recrutement, mais dans une logique de participation active à nos campagnes.

Le militantisme
La logique de Greenpeace est de décliner ses campagnes qui font sens et créent de la valeur ajoutée sur l’international, voire le régional. Une action dénuée du potentiel de créer une dynamique européenne a moins de chances d’être acceptée. Le militantisme du XXe siècle est définitivement dépassé, dans la mesure où l’on passe d’un combat à un autre. Le phénomène d’encartement à vie n’existe plus. Cela se vérifie avec la génération Y, beaucoup plus spontanée et adepte de temporalités qui ne sont pas les nôtres. Or nous devons nous adapter au rythme de ces générations futures qui seront les premières victimes, si l’action concrète n’a pas lieu aujourd’hui.

La stratégie de combat
L’action, demain, ressemblera sans doute à la campagne électronique menée contre l’utilisation de l’huile de palme. A un moment donné, il a fallu globaliser le message et la campagne, de manière à montrer que les bénéficiaires de la culture de l’huile de palme ne sont pas seulement les sociétés indonésiennes, mais surtout les grands groupes comme Nestlé. Le travail sur terrain continuera mais, probablement, au lieu de monter sur des cheminées, l’accent sera mis sur les actions de guérilla marketing. A ce titre, nous avons commencé à travailler sur les financiers du nucléaire, en démontrant comment BNP Paribas, acteur incontournable de la relance nucléaire, échappe à toute prise de risque en pouvant compter sur les crédits à l’exportation. Au final, son risque est socialisé alors que les bénéfices remontent vers les opérateurs financiers ou énergétiques. La simple dénonciation n’est plus audible. Nous nous devons désormais de disséquer la problématique et de proposer des pistes de solution.

Relations avec l’industrie
Les relations avec EDF et Areva sont difficiles. Avec tous les autres grands groupes – Total, Saint-Gobain, Renault -, le dialogue est constructif. Sans doute y a-t-il une exception énergétique, mais elle n’est pas de notre fait. En revanche, l’heure n’est plus à se contenter de rencontrer Madame, ou Monsieur développement durable des grands groupes, mais celles et ceux dotés d’un réel pouvoir en terme de politique d’investissement. Cela fait partie du jeu que d’aller sur le terrain pour se confronter à son adversaire. Notre stratégie repose sur le bâton et la carotte. Des coups réussis comme celui sur Nestlé montrent comment aujourd’hui les entreprises sont extrêmement sensibles à leur image et ont identifié Greenpeace comme un vecteur d’influence.

La stratégie d’entreprise
Le bureau français n’a pas suivi l’exemple de l’Allemagne ou des Pays-Bas dotés de structures à 150 ou 200 permanents. Rester léger, ne pas internaliser ce qui n’est pas strictement nécessaire, rester concentré sur notre cœur de métier et aller chercher des compétences d’appoint à l’extérieur est le meilleur antidote contre l’embourgeoisement. Nous sommes une organisation qui assume un fonctionnement pyramidal, avec un management et un comité directeur. En revanche, le management intermédiaire est quasiment inexistant, chacun a une grande autonomie sur son poste respectif avec des objectifs fixés annuellement, acceptés et sur lesquels des comptes doivent être rendus.

Par Franck Bouaziz

C’est à pleurer (les tyrans latinos soutiennent Kadhafi)

J’aime l’Amérique latine d’un amour ancien, et ses peuples. Les Indiens, les mestizos, les Blacks descendants d’esclaves, les forêts primaires, le jaguar, la Nicaragua libre y luminosa, la savane, la saveur du castillan mêlé de toutes les folies tropicales, et el ron, mon dieu oui. El Ron. Le rhum. Oublions les dames. Mais je déteste beaucoup d’autres choses et bien des gens de même.

En ce moment, trois purs salauds soutiennent le tyran Kadhafi de Libye. Que cette crapule tire à l’arme lourde sur son peuple révolté, ce n’est pas grave, puisque les Américains sont contre lui. Et si les Américains sont contre lui, n’est-ce pas une icône altermondialiste ? Je dédie ce texte à un certain Michel Collon, qui prétend informer sur le net de ce qui se passe dans le monde. C’est à chialer, vraiment. Mais qui sont ces trois salauds ?

D’abord Daniel Ortega, président du Nicaragua grâce à la fraude, jadis guerillero du Front sandiniste. Une dépêche AP, reprise par le quotidien nica La Prensa, note en date du 22 février 2011 : « He estado hablando con él (Gadafi), hemos estado hablando por teléfono. Lógicamente él está librando nuevamente una gran batalla, cuántas batallas ha tenido que librar Gadafi, y en estas circunstancias ellos están buscando cómo dialogar, pero defender la unidad de la nación, que no se vaya a desintegrar el país, que no vaya a darse una anarquía en el país », dijo Ortega ». Ortega  soutient Kadhafi dans la grande bataille engagée. Contre son peuple, ce que ne dit pas Ortega.

Ensuite Castro. On ne présente plus ce satrape affublé des oripeaux de l’émancipation. Déclaration, le 22 février aussi : « El mundo ha sido invadido con todo tipo de noticias, empleando especialmente los medios masivos de información. Habrá que esperar el tiempo necesario para conocer con rigor cuánto hay de verdad o mentira, o una mezcla de hechos de todo tipo que, en medio del caos, se produjeron en Libia. Lo que para mí es absolutamente evidente es que al Gobierno de Estados Unidos no le preocupa en absoluto la paz en Libia, y no vacilará en dar a la OTAN la orden de invadir ese rico país, tal vez en cuestión de horas o muy breves días ». Eh oui, Castro ne sait pas où est la vérité et le mensonge, dans ces histoires de tueries de masse organisées par les bandes armées de Kadhafi. Ce qui compte, c’est l’Amérique ! Dieu sait que je déteste l’Amérique impériale, qui joue un rôle central dans la destruction de la vie. Mais, Dieu du ciel, Castro n’est vraiment qu’un salaud, qui était prêt à sacrifier son peuple, en 1961, sur l’autel de l’holocauste nucléaire. Et qui n’a pas changé d’un iota.

Enfin el jefe Hugo Rafael Chávez Frías, président du Venezuela. L’idole de tant de gens sincères ici. Le 26 février 2011, après avoir mis quelques formes, Chávez déclare : « Pero sí apoyamos al gobierno de Libia, la independencia de Libia, queremos la paz para Libia y nos tenemos que oponer rotundamente a las pretensiones intervencionistas ». En somme, malgré les massacres, el jefe soutient le gouvernement du boucher de Tripoli. Ma foi, tout est dans l’ordre.

Je le sais, certains d’entre vous ne me suivront pas. Mais je m’en fous. Au temps de l’Union soviétique stalinienne, on était censé choisir son camp. Celui de l’impérialisme. Ou l’autre. Je vous dis avec certitude qu’il existe une autre voie, encore peu explorée, car dangereuse, car étroite, car terriblement incertaine. Cela s’appelle la liberté. Mort aux tyrans ! À tous les tyrans !

 PS : Salut à toi, Patrick Pappola.

La première des choses à faire (sur la faim)

Les ennuis continuent sur Planète sans visa. Aucun commentaire ne peut être mis en ligne, pour des raisons qui m’échappent, et qui, comme je l’ai dit la dernière fois, ont peut-être à voir avec une intention. Mon ami Alban s’occupe de l’affaire, qui trouvera son épilogue rapidement, je l’espère en tout cas.

Nous avons évidemment besoin d’une révolution morale. Avant tout autre mouvement humain, nous avons besoin de proclamer l’unité, l’unicité de notre espèce, et l’égalité essentielle de ses membres. Rien ne pourra changer réellement, dans la profondeur de l’âme, si nous ne marchons pas à la rencontre de la réalité. Et cette réalité, avant tout autre considération, c’est que plus d’un milliard de nos frères souffrent de la faim. C’est un drame, c’est une complète abjection. Nul ne peut rien demander à personne si cette question n’est pas réglée.

Or, elle ne l’est pas. Au printemps 2008, une dramatique flambée des prix alimentaires avait provoqué, dans nombre de pays du Sud, des émeutes de la faim. Cela recommence, en pire peut-être. La Banque mondiale, cette ennemie des peuples – mais pas des régimes -, alerte dans un rapport les supposées élites du monde oublié. Selon ses chiffres, 44 millions d’êtres aussi importants que vous ou moi sont passés sous le seuil de l’extrême pauvreté entre juin et décembre 2010, rejoignant environ un milliard d’affamés chroniques. Ils seraient 1,2 milliard à survivre avec 1,25 dollar par jour. Selon l’indice de la Banque, les prix alimentaires ont augmenté de 15 % entre octobre 2010 et janvier 2011. Comment voulez-vous qu’un extrême pauvre puisse espérer s’en sortir ?

Ces chiffres, ces évocations ont par force quelque chose d’obscène. Car nous mangeons. Tous. Je le répète au risque de me faire malmener : tous. On ne peut feindre la tragédie, on ne saurait ruser avec cette complète horreur qu’est la famine. Il faudrait la connaître, et nous l’ignorons. Faut-t-il insister ? Si je devais voter un jour, ce serait pour des candidats qui mettraient au premier plan cet impératif catégorique de tout projet public digne d’être proposé, et approuvé. Le reste est infâme.

Le point de départ de toute renaissance, en nos terres occidentales, est le combat pour la destruction de l’agriculture industrielle. Et le soutien déchaîné, quel que soit le prix à payer, à l’agriculture vivrière. Celle des peuples. Celle des pauvres. Celle des estomacs vides. Tant que nous n’y serons pas parvenus, nous n’aurons rien fait.

Fatale irresponsabilité de Borloo (sur les gaz de schistes)

La situation est d’une rare limpidité : Jean-Louis Borloo se planque. Surtout, surtout éviter le moindre mot qui pourrait écorner sa si belle image d’écologiste de droite. Je vous rappelle qu’il a signé, en sa qualité de ministre de l’Écologie et de l’Énergie réunies, des autorisations scélérates d’exploration en vue de découvrir des gisements de gaz de schistes. Le 1er mars 2010, et sur des surfaces géantes, qui incluent Larzac et Cévennes. Entre autres.

Bien entendu, comme je l’ai déjà écrit, un pauvre garçon comme Borloo, une pauvre madame comme Kosciusko-Morizet n’ont le plus souvent pas la moindre idée de ce qu’ils paraphent chaque soir. Ils n’ont pas le temps, figurez-vous ! Ils passent leur temps à soigner leur carrière publique, à parlotter, à serrer des mains, et à éviter les chausse-trapes. Entourés par un petit staff à leur service – leur cabinet, qui arrive et part en même temps qu’eux -, ils sont censés commander à l’administration centrale de leur ministère. Laquelle est entre les mains, ici en tout cas, d’ingénieurs des Mines et des Ponts et Chaussées. Si vous voulez réellement trouver des corps de pouvoir oligarchique en France, voilà la meilleure adresse qui soit.

Donc, Borloo se planque. Le courage et la vertu consisteraient à assumer, fût-ce en expliquant. Mais il a bien trop peur de s’empêtrer dans ce qui pourrait se transformer en un retentissant scandale. Car en effet, sous sa signature, la France a accepté de vendre le sous-sol de régions sublimes sans daigner en informer leurs habitants. À Total, Suez, à des compagnies américaines. Au pire. La logique s’impose : courage, fuyons !

Mais alors, les amis, qui est responsable ? Cela devient réellement passionnant, car la réponse est : personne. Certes oui, comme indiqué hier ici-même, celui qui a préparé et supervisé le permis dit de Nant, proche du Larzac, porte un nom. Il s’appelle Pierre-Marie Abadie, directeur de l’Énergie. Par délégation de l’autorité de Borloo, il a en effet signé un document. Je l’ai en ma possession, mais ne peux le reproduire ici. Quoi qu’il en soit, c’est le seul nom de Borloo qui figure sur le Journal officiel (30 mars 2010) de la République. On peut légitimement parler d’imbroglio.

En effet, le ministre se défile, car il prépare sa candidature de 2012. Et l’ingénieur des Mines se défilera sans nul doute si on lui pose la question, car il répondra fort justement que la seule responsabilité appartient à l’autorité publique. Lui, dans la majesté de ses bureaux, monte des dossiers à partir des étroites considérations liées à sa formation. Ensuite, avec la toute-puissance attachée au corps des Mines dont il est un éminent responsable, il présente à la signature du ministre des documents de diverse importance, dont certains sont évidemment décisifs pour notre avenir.

Voilà donc où nous en sommes. « On » a vendu la France, mais ce « on » restera à jamais un pronom indéfini. Vous aimez ?

La supercherie de madame Kosciusko-Morizet (sur les gaz de schistes)

Vous lisez comme moi les journaux, ou vous écoutez sans doute les radios. Sentant monter une vraie grande colère nationale contre les gaz de schistes, madame Kosciusko-Morizet (ici) tente d’éteindre l’incendie, qui la menace directement. Car bien sûr, comment justifier une telle horreur quand on se prétend écologiste et qu’on entend – elle l’a dit et répété – devenir un jour présidente de la République ? C’est ce que j’appellerais une mission impossible.

La plupart des écologistes de cour et de salon adôôôrent madame Kosciusko-Morizet. Ils la trouvent belle, ils se trouvent beaux de la trouver belle. Ils rient avec elle sur les photos, vantent ses supposées qualités et ses soi-disant compétences. Fort bien. J’ai l’honneur de ne pas faire partie du club et de penser sans détour que madame Kosciusko-Morizet, secrétaire générale adjointe de l’UMP – vous imaginez ce que cela veut dire ? – est une politicienne ordinaire. Point barre.

Le moratoire, c’est du vent

Sur l’affaire des gaz de schistes, je n’ai hélas pas le temps de développer, mais je le ferai dès que possible. Il faut oser parler d’une supercherie. D’abord parce que le moratoire évoqué par madame Kosciusko-Morizet ne peut venir d’une parole, fût-elle ministérielle. Il faut une décision, écrite. Ce n’est pas le cas pour l’heure, et les propos de madame Kosciusko-Morizet ne sont donc, en tout cas pour le moment, que du vent. De l’air brassé sous le nez de journalistes complaisants. Mais il y a bien pire. Car madame Kosciusko-Morizet a également annoncé la création d’une mission d’expertise. Elle est bonne, elle est excellente, on nous a déjà fait le coup 1 000 fois.

Dans ce pays perclus qu’est la France, à qui diable peut-on confier pareille expertise ? Mais à des experts, pardi ! Seulement, ce travail technique hautement spécialisé est un monopole, tout simplement. Qui appartient à deux corps d’ingénieurs d’État, ceux que Pierre Bourdieu appelait fort justement la « noblesse d’État ». J’ai nommé le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), créé avant la Révolution française, et qu’on a longtemps appelé le Corps des Mines ; et puis le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’ancien corps des Ponts et Chaussées.

Derrière le programme électronucléaire

Pour aller très vite, ces deux corps trustent un nombre de postes de pouvoir ahurissant. Dans les ministères clés comme dans l’industrie. Le premier  a lié son histoire, depuis la guerre, avec le nucléaire, dont la bombe, et le pétrole. Ce sont les Mineurs qui ont arraché la décision de bâtir notre parc électronucléaire. C’est l’un d’entre eux, Pierre Guillaumat, qui a été le premier patron d’Elf-Aquitaine. À mon sens, ce corps pourrait bien être le pouvoir le plus considérable de notre pauvre République. Le corps des Ponts et Chaussées, de son côté, est derrière une infinité de destructions, dont le réseau routier et autoroutier, les ponts et rocades, les châteaux d’eau, les ronds-points.

Je vous le dis très calmement : ces gens tiennent le manche, mus, soutenus par un sentiment de toute-puissance lié à leur histoire pluricentenaire. Ils ont résisté aux guerres comme aux révolutions. Les ministres et les régimes passent, eux restent. Bien entendu, l’écologie n’a jamais été au programme de leurs écoles, entièrement au service de la technique et du pouvoir. Mais pour en revenir à notre sujet, quand un ministre crée une mission d’expertise, elle est fatalement confiée à ces braves serviteurs de l’intérêt commun. Madame Kosciusko-Morizet n’a pas dérogé à cette règle et sa mission sur les gaz de schistes est entre les mains du CGIET et du CGEDD. Or, le premier, bien plus encore que le second, est à la fois juge et partie. Car je vous en fais la confidence ici, et vous demande de la répéter partout où vous le pourrez : le moteur de cette folie globale appelée « gaz de schistes », en France du moins, c’est le corps des Mines, c’est le CGIET. On demande à ceux qui ont promu cette nouvelle aventure de nous expliquer les problèmes qu’elle poserait éventuellement. Au secours !

Croyez-vous que ce pauvre Borloo, signataire en mars 2010 des autorisations d’exploration, connaissait quoi que ce soit au sujet ? Évidemment, non. Mais les ingénieurs des Mines, oui. J’ai le pressentiment qu’ils veulent rééditer leur exploit du début des années 70, quand ils ont obtenu du régime pompidolien de l’époque le droit de semer partout des centrales nucléaires, ce qui a leur donné un surcroît de puissance sans égale. S’ils obtiennent satisfaction avec le gaz de schistes, ils offrent du même coup au pouvoir actuel un semblant d’indépendance énergétique, ce qui les rend intouchables pour longtemps.

On se doute bien que ces grands ingénieurs ont d’autres soucis en tête que le dérèglement climatique, non ? J’ajoute qu’une réforme passé inaperçue a créé en région les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (les Dreal), qui ont englouti la maigrelette administration de l’Écologie (les Diren) ainsi que les directions de l’Équipement. Dans ces nouvelles structures, ingénieurs des Mines et ingénieurs des Ponts et Chaussées font la loi, comme il se doit. Ce sont ces Dreal qui auront à gérer les dossiers concrets d’exploration des gaz de schistes.

Chez Total, Vallourec, Suez, et dans les ministères

À ceux qui pourraient croire que je fantasme, je conseille vivement de lire et de se renseigner. J’ai à peine commencé mon propre travail de mise à jour que je tombe déjà sur cette évidence : les ingénieurs des Mines sont partout dans ce dossier pourri. À la tête de Total et de Suez, bien sûr. Mais aussi chez Vallourec, qui produit les tubes destinés à l’exploitation du gaz. Et bien évidemment au ministère de l’énergie de ce cher monsieur Besson. Et bien évidemment au ministère de l’Écologie de cette chère madame Kosciusko-Morizet.

En résumé, nous avons affaire à un coup de force oligarchique. Je ne suis pas en train de parler d’un complot. Je suis aux antipodes de ces fumeuses visions. Ces gens ne se montrent pas sur la place publique, certes. Mais c’est de notre faute, et de notre faute seulement. Tout est à portée de main, et de critique : une infime minorité de puissants entend passer en force sur la question décisive de l’énergie. Comme en 1974 à propos du nucléaire. Cette fois-là, nous avons été battus à plate couture. Mais aujourd’hui, sur fond de crise climatique, nous n’avons plus le choix. Il faut gagner ce combat. Et donc, surtout, avant tout, ne pas se laisser manipuler par des personnages comme madame Kosciusko-Morizet ou MM. Borloo et Sarkozy.

En attendant des échéances qui se rapprochent à toute vitesse, on peut évidemment signer la pétition, et la faire tourner (http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci/). Ce n’est, toujours et encore, qu’un début.

PS : mon ami, mon cher ami François Veillerette, vice-président du Conseil régional de Picardie, a obtenu un vote remarquable que je vous laisse découvrir. François, des bises pour vous trois !

COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 4 février 2011

Gaz et pétrole de schiste : Le Conseil régional de Picardie décide d’interdire par tous les moyens l’exploitation sur son territoire

Lors de la session de ce matin 4 février, le Conseil régional de Picardie a voté à l’unanimité une délibération engageant la région à s’opposer par tous les moyens à l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste sur le territoire. Porté par François Veillerette, vice président chargé de la santé et Christophe Porquier, vice président énergie-climat, ce vote confirme la position ferme et nette du Conseil régional à ce sujet.

C’est sans consultation avec les collectivités locales et encore moins avec la population que l’Etat par l’intermédiaire de son ministre de l’environnement de l’époque, Jean-Louis Borloo a accordé un permis d’exploration à la société Toréador Energy France SCS dans la région de Château-Thierry (Aisne). Ce permis délimite une surface de 779 km2 dans laquelle sont programmés 6 forages.

Ce type d’exploitation engendre de lourdes conséquences pour l’environnement et la santé publique. La technique utilisée pour extraire les gaz, ou, comme c’est le cas en Picardie, du pétrole de schiste, consiste à fracturer la roche à l’aide de millions de litres d’eau (il faut environ 20 000 m3 d’eau pour un seul puit) additionnés à un mélange de produits chimiques particulièrement toxiques.

Mercredi 2 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’environnement, a annoncé la création d’une mission chargée « d’évaluer les enjeux, et d’abord les enjeux environnementaux » de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes. En attendant le rapport de la mission en juin prochain, aucune autorisation de travaux ne sera donnée.

Ce réveil tardif de l’Etat confirme la nécessité qu’une réelle concertation publique soit menée.

C’est pourquoi, en  plus de sa décision d’interdire l’exploitation des gaz  et pétroles de schistes, la Région exige un moratoire sur la prospection de ces gaz et demande l’organisation d’un débat public et la réalisation d’études d’impact. Par ce biais, la région compte garantir la protection de la population et de l’environnement et lui apporter l’information nécessaire et faire valoir ainsi le principe constitutionnel de précaution.

François Veillerette
Vice-président chargé de l’agriculture, alimentation, santé