Archives de catégorie : Morale

J’aurais tant voulu être là (Allègre entarté)

Trop beau pour être vrai ? Presque. L’imposteur Claude Allègre a pris une belle tarte pâtissière dans la tronche. Comme j’aurais aimé la lancer moi-même ! Mais je ne désespère pas de le faire un de ces jours. Claude, si tu me lis, gaffe à tes arrières. Un mot sur le sublime mouvement de défense karatéka de notre grand homme. Bruce Lee pas mort !

Les images ci-dessous sont tirées du site Indimedya de Nantes, auquel je renvoie pour les explications : c’est ici.

Kung Fu Panda : Claude essaie d'esquiver une tarte.

Le plat de résistance.3_3.jpg

4_3.jpgC'est la tarte finale.

Je cède ma place à Bruno Le Maire (de bon cœur)

Soyons franc : je n’ai pas le temps. De vous écrire. Cela reviendra. Mais là, impossible. Il est heureusement d’autres lectures possibles, et je vous mets ci-dessous un entretien accordé par Bruno Le Maire, notre ministre de l’Agriculture, aux journalistes de Libération Guillaume Launay et Christian Losson (vendredi 26 novembre 2010). C’est un document en or massif qui dit, plutôt qui confirme ce qu’est aujourd’hui en France un ministre de l’Agriculture. Rien d’autre qu’un lobbyiste au service d’un modèle industriel. J’ajoute que Le Maire, villepiniste bon teint – il doit à Villepin l’essentiel de sa carrière publique -, ne sait évidemment rien des problèmes agricoles. Il est titulaire d’une agrégation de Lettres modernes, il a fait Sciences-Po et l’ENA, bref.

S’il a été nommé à ce poste par Sarkozy, c’est essentiellement pour deux raisons. La première, c’est qu’ainsi Sarkozy commençait – nous étions en juin 2009 – sa manœuvre de destruction politique de Villepin, estimé tout de même menaçant dans la perspective du 1er tour de la présidentielle de 2012. Et la seconde, c’est qu’il a jugé Le Maire intelligent – c’est juste – et suffisamment souple pour servir Sarkozy en même temps que sa propre carrière. Le Maire n’est là que pour cajoler un monde paysan qui se détourne massivement de Sarkozy – selon de nombreux sondages – alors qu’il vote très majoritairement à droite. D’ici les élections de 2012, tous les cadeaux seront faits aux pedzouilles pour qu’ils retrouvent, in fine, le bon bulletin de vote.

Cela s’appelle du clientélisme ? Pardi oui, et rien d’autre. Je vous conseille respectueusement de lire lentement l’entretien qui suit, dont chaque phrase a été pesée au trébuchet. Je vous livre tout de même mes préférées. À propos du thon rouge, que la rapacité d’une poignée de (riches) pêcheurs fait disparaître de Méditerranée : « Si on va trop vite, on va mettre à la casse des bateaux de pêche, on va perdre des emplois – 1 000 emplois sont concernés ». Sur le cauchemar de l’agriculture productiviste, qui a détruit une partie notable de l’âme de l’Europe : « Mais n’oublions pas que l’agriculture la plus propre au monde, si on parle des grands pays agricoles, c’est l’agriculture européenne ». Sur la farce de la bio, que le Grenelle de l’Environnement voulait faire passer de 2 % de la surface agricole utile (SAU) à 6 % de 2007 à 2012 : « Je suis prêt à soutenir le bio, et je rappelle que j’ai maintenu l’intégralité des crédits pour le soutien au bio sur 2011, après les avoir augmentés en 2010 ». Pour apprécier toute la saveur de ce propos, sachez que nous en sommes, à un peu plus d’un an des échéances, autour de 2,50 %. Autrement dit, les engagements pris sont déjà oubliés, et sans regret.

Dernière citation, qui résume tout : « Mon travail, c’est que tout le monde travaille ensemble. Il n’y a pas d’agriculteurs forts sans une industrie forte. Et il n’y a pas d’industrie agroalimentaire qui puisse vivre sans que les paysans soient correctement rémunérés ». On prévoit que jusqu’à 30 % des paysans ayant survécu à la politique des amis de Bruno Le Maire – celle de la terre brûlée – pourraient encore disparaître en France d’ici deux ou trois ans. Bien joué ! Bien vu ! Place aux gros engins, aux pesticides, aux engrais et à la mort programmée des sols fertiles qui nous restent. En attendant, retenez le nom de Le Maire. Cet homme en apparence insignifiant – il l’est, d’ailleurs – vise Matignon. Et peut-être davantage. Nous en sommes là.

Entretien avec Bruno Le Maire paru le 26 novembre 2010 dans Libération

Les dossiers chauds n’auront finalement pas quitté la table de Bruno Le Maire, confirmé la semaine dernière dans ses fonctions de ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Pêche. Thon rouge, PAC, environnement, régulation… le ministre défend ses positions.

Pourquoi la France campe-t-elle sur une position maximaliste, en demandant le maintien du quota de thon rouge, alors que l’opinion française comme la Commission européenne demandent une baisse ?

Ce n’est pas une position maximaliste, c’est une position équilibrée, entre préservation de la ressource et maintien de l’activité de pêche traditionnelle. J’ai écouté beaucoup de monde, en France et en Europe. Les scientifiques nous disent que pour atteindre l’objectif de renouvellement de la ressource en 2022, avec des chances de succès élevées, il faut un quota de 13 500 tonnes. Je ne fais que suivre cet avis.

L’avis scientifique dit :«avec des chances de succès de 60%»…

De plus de 60%. Je comprends ceux qui disent qu’on pourrait aller plus vite avec des chances de succès de 100%. Mais ma responsabilité, c’est de trouver un équilibre. Si on va trop vite, on va mettre à la casse des bateaux de pêche, on va perdre des emplois – 1 000 emplois sont concernés.

Mais 80% du quota français va à la pêche «industrielle», à la senne [pêche au filet, ndlr]…

Pas de caricature sur les pêcheurs senneurs : ce n’est pas de la pêche industrielle. Par ailleurs, on a réduit considérablement la voilure : entre 2010 et 2011, le nombre de bateaux qui vont partir en campagne de pêche va baisser de 30 à 40%. La France a tiré les leçons du passé. Elle a fait des erreurs, elle a fait de la surpêche. Nous sommes le seul Etat à l’avoir reconnu et à déduire de son quota les erreurs du passé.

La Commission européenne a publié la semaine dernière ses propositions pour la PAC après 2013. Elle suggère de «verdir» les aides. Y êtes-vous favorable ?

C’est une bonne proposition, sous réserve que cela se fasse en concertation étroite avec les agriculteurs, que cela ne signifie pas plus de paperasse, plus de contrôle, mais que ce soit bien une direction fixée à l’Europe, vers une agriculture durable. C’est l’attente des citoyens européens, et c’est l’intérêt économique des agriculteurs. Mais n’oublions pas que l’agriculture la plus propre au monde, si on parle des grands pays agricoles, c’est l’agriculture européenne. La Chine emploie plus de 300 kg d’intrants [engrais, pesticides, etc.] par hectare, la France aux alentours de 130.

Ce qui la place en tête des agricultures européennes…

Cela montre surtout nos progrès par rapport aux autres grandes agricultures mondiales.

L’agriculture européenne est-elle vraiment la moins polluante ?

C’est celle qui a fait le plus d’efforts. On lui a demandé de produire le plus possible, de manière intensive, puis de changer totalement d’orientation, en lui disant «vous produisez et polluez trop». Ces efforts ont été faits. Ne mettons pas systématiquement les agriculteurs en cause, je suis là pour les défendre, avec force. N’oublions pas la crise économique qu’ils ont vécue en 2009. C’est une réalité qui pousse des paysans à mettre la clé sous la porte.

Certains syndicats prévoient une baisse de 30% du nombre de paysans d’ici deux ans…

Je me bats pour que ça n’arrive pas. Je crois à une agriculture qui représente aussi de l’emploi. Mais certaines des règles environnementales ont un coût. Il faut savoir adapter le rythme en fonction de la réalité économique. On a un monde agricole fragile, qui reprend son souffle : il ne faut pas casser l’élan. Et il faut aller vers davantage d’harmonisation européenne. Les agriculteurs français ne supportent pas d’avoir des règles plus strictes que leurs voisins. Vouloir systématiquement donner l’exemple, c’est se tirer une balle dans le pied.

La France ne montre pas encore vraiment l’exemple sur le bio…

Je suis prêt à soutenir le bio, et je rappelle que j’ai maintenu l’intégralité des crédits pour le soutien au bio sur 2011, après les avoir augmentés en 2010.

Dire que l’environnement a un coût, n’est-ce pas une façon de le présenter comme une contrainte ?

Ce n’est pas une contrainte. Mais il faut écouter ce que disent les agriculteurs. Soyons pragmatiques.

Vous insistez depuis un an pour que votre ministère reprenne la main sur les questions d’environnement…

Il n’est pas question de maîtrise, de périmètre ou de pouvoir. L’enjeu, c’est que les agriculteurs soient associés, aient leur mot à dire. Je m’entends parfaitement avec Nathalie Kosciusko-Morizet [la ministre de l’Ecologie]. Sous l’autorité du Premier ministre, nous travaillerons ensemble.

Les ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture ne sont-ils pas condamnés à s’affronter ?

Au contraire. Je ne dis pas que c’est facile, que ça se fait du jour au lendemain. On ne revient pas sur des décennies de différences en un claquement de doigt.

Et le prochain dossier qui fâche ?

Notre ligne, c’est tout le Grenelle, rien que le Grenelle. On peut discuter thon rouge, nitrates, installations classées en Bretagne. Les équilibres, on les trouve quand on discute.

Cet équilibre n’a-t-il pas été rompu lorsque Nicolas Sarkozy a dit que l’environnement, «ça commence à bien faire» ?

Il n’y a pas eu de basculement. Le cap fixé par le Président, c’est l’agriculture durable…

Pour revenir à la PAC, le volet régulation de la proposition de la Commission est-il assez ambitieux ?

La proposition de Dacian Ciolos [commissaire européen à l’Agriculture] sur la régulation est un bon point de départ, cependant le compte n’y est pas encore. Mais d’où venons-nous ? Il y a un an, la proposition, c’était la réduction de 30 à 40% du budget de la PAC et l’élimination de tout dispositif d’intervention sur le marché. Grâce à la France, la PAC va être préservée, et la régulation est revenue au cœur du débat. On a renversé la tendance, mais il faut aller plus loin en matière de transparence sur les volumes afin de permettre aux producteurs de mieux s’organiser pour négocier les prix. Nous voulons avec l’Allemagne un budget ambitieux.

La France n’est-elle pas écartelée entre agrobusiness et petits paysans ?

Mon travail, c’est que tout le monde travaille ensemble. Il n’y a pas d’agriculteurs forts sans une industrie forte. Et il n’y a pas d’industrie agroalimentaire qui puisse vivre sans que les paysans soient correctement rémunérés.

Prenons Yoplait, sur lequel Lactalis et Nestlé ont jeté leur dévolu. Cela vous dérangerait de voir passer ce symbole sous contrôle étranger ?

Notre préoccupation, c’est de nous assurer que les intérêts des producteurs français et des emplois salariés de nos industries agroalimentaires sont bien préservés.

Faut-il constituer des gros pôles d’agrobusiness français ?

Le modèle agricole français est singulier. Je veux le défendre. Ce modèle repose sur l’emploi présent sur tout le territoire. Il garantit une production diversifiée et une alimentation de qualité. Mais il faut savoir évoluer pour garantir sa pérennité. Cela passe par une industrie agroalimentaire puissante, capable de prendre des parts de marché à l’étranger. Il faut des champions, on en a…

De moins en moins…

On en a de moins en moins. Il faut donc que les PME grossissent.

Ce n’est pas contradictoire avec les intérêts des producteurs ?

Non, si on prend les mesures nécessaires pour qu’ils puissent mieux se regrouper. Il faut penser filières.

Au sein de l’Organisation mondiale du commerce, la France campe sur une ligne plutôt radicale, et le cycle de Doha est toujours paralysé…

Tant que nous n’avons pas de garanties qui montrent que les échanges seront équilibrés, avec une stricte réciprocité des règles, je continuerai à dire «niet». On ne peut abandonner nos intérêts agricoles contre d’autres intérêts, sur les biens ou les services. Nous sommes allés au maximum de nos concessions. Nous n’irons pas plus loin.

L’un des trois dossiers de la présidence française du G20 vise à lutter contre la volatilité des prix des matières premières. Concrètement ?

A la demande du président de la République, nous travaillons sur trois pistes. D’abord, une meilleure coopération entre les acteurs du G20. Est-il normal que le premier producteur mondial de blé, la Russie, frappé par une sécheresse et des incendies, décide sans concertation avec ses grands partenaires un blocus de ses exportations, déstabilisant le marché ?

Pour le bonheur de la France qui a pu doper ses exportations…

Pour le bonheur des céréaliers, mais le grand malheur des éleveurs, qui paient leur alimentation 20 à 25% plus cher. Il faut ensuite davantage de transparence sur la production et les stocks. Enfin, il faut un meilleur encadrement de la spéculation. A la Bourse de Chicago, le plus grand marché des produits agricoles, pour un échange physique, il y a 2 000 échanges immatériels. Ce n’est pas normal.

Je cède ma place à Brice Lalonde (de bon cœur)

Le magazine Terra Eco (ici) publie dans sa dernière livraison un entretien avec Brice Lalonde. Et il est passionnant. Lalonde, ci-devant écologiste – il y a désormais si longtemps – est devenu ultralibéral et copine avec Alain Madelin, ancien responsable politique français reconverti dans les affaires. Lalonde est l’un des meilleurs symboles d’un mouvement surgi des profondeurs du système. Ce qu’on nomme le « développement durable », qui n’est rien d’autre, dans l’esprit de ses concepteurs, qu’un développement appelé à durer. Éternellement. En somme, Lalonde représente le capitalisme vert, qui utilise cette déjà vieille combine nommée chez nous Ripolin et chez d’autres greenwashing. On passe un coup de badigeon, et l’on repart à l’assaut des mers, des forêts, des sols et des peuples.

Attention, Lalonde n’est pas un quelconque pékin. Ambassadeur de la France pour les négociations climatiques, il va coordonner pour les Nations Unies le Sommet de la Terre prévu à Rio en 2012. Un Sommet dans les coulisses duquel des hommes comme Stephan Schmidheiny font la pluie et le beau temps. Ce Suisse est l’héritier du groupe Eternit, spécialisé dans l’amiante, dont l’activité a tué et continue de tuer des milliers de prolétaires d’un bout à l’autre de la planète. Un procès historique se tient en ce moment à Turin, où Schmidheiny est l’un des principaux accusés. Mais il a prudemment décidé de ne pas se présenter.

C’est qu’entre-temps, il a refait sa vie. On croirait presque de la chirurgie esthétique. Installé la plupart du temps en Amérique latine, il y a créé une série de fondations vouées au « développement durable ». Avina, par exemple (ici). Dès 1992, il était le bras droit de Maurice Strong, ancien patron de l’industrie pétrolière canadienne, dans l’organisation du premier Sommet de la Terre de Rio. Un ami me dit qu’il en sera de même pour l’édition 2012. Je n’ai pas encore vérifié, mais je suis prêt à parier que oui. Or Schmidheiny est aussi le fondateur du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD). Ce Conseil mondial des entreprises pour le développement durable regroupe d’innombrables philanthropes, parmi lesquels BP, Shell, Syngenta, BASF, Areva, Novartis, Unilever, China Petrochemical Corporation, etc.

Lalonde-Schmidheiny même combat ? Je le crois. Je le crains. Maintenant lisez Lalonde dans le texte. C’est fameux de la première à la dernière ligne. Vous n’avez pas besoin de moi, je pense, pour comprendre de quoi il retourne. J’en profite pour lancer une nouvelle fois un Appel pour préparer la déconstruction critique du funeste Sommet de la Terre 2012, qui s’annonce comme le pire événement des années sombres où nous sommes par force plongés.

Terra eco : Personne ne semble croire à un accord global sur la réduction des émissions à Cancún. Mais que peut-on vraiment attendre de ce sommet ?

Brice Lalonde  : Il faut qu’il y ait une avancée et qu’on scelle cette avancée. On sait déjà que sur certains points, on peut parvenir à un accord : sur les émissions qui proviennent de la déforestation, sur la coopération technologique, sur la création d’un fonds vert qui viendra compléter les mécanismes de financement existants. Et on sait aussi qu’on doit pouvoir traduire, dans une décision, les engagements qui ont été pris à Copenhague par les chefs d’Etat en matière de réduction d’émissions et de transparence. On sait que tout cela est possible.

Mais on ne pourra avancer que si l’ensemble de ces points constitue un ensemble à peu près équilibré. Avant, on croyait à un accord exhaustif (soit il y avait un accord sur tout, soit pas d’accord du tout, ndlr) ; aujourd’hui, on a compris qu’on n’y arriverait jamais. On cherche donc un accord dans lequel tout le monde trouve son compte : le Nord, le Sud mais aussi les pays développés entre eux. C’est un équilibre délicat. En principe, ça se passe la dernière nuit de négociation, quand tout d’un coup les ministres se disent : « Ça y est. On a trouvé quelque chose ». Reste que certaines questions peuvent faire déraper le processus. Notamment celle de la forme juridique que doit prendre l’engagement des pays non engagés dans Kyoto. Ou parce que dans le système des Nations unies, où les décisions sont prises à la quasi-unanimité, il suffit que trois ou quatre pays ne soient pas d’accord pour tout bloquer…

Vous parlez d’accord sur des points précis. Un accord global sur les émissions prendra plus de temps ?

190 pays, vous vous rendez compte ? Le paysan andin, le pêcheur mauritanien, le commerçant chinois, tous ces gens pour lesquels le changement climatique n’est pas la première priorité ! Que 190 pays avec toute cette population signe un traité dont l’objectif sera de transformer l’économie mondiale, de progressivement sonner le glas des combustibles fossiles, de passer aux énergies renouvelables, à la sobriété énergétique… Ce n’est quand même pas rien ! Ce n’est pas pour tout de suite, voilà.Disons qu’en 2011, en Afrique du Sud, on peut attendre que l’accord de Cancún soit complet. On aura déblayé ce qui reste à négocier pour mettre en place la seconde phase de Kyoto pour les pays engagés dans le protocole et on aura négocié ce qui reste à déterminer de l’accord de Copenhague : le fonds vert, la source des financement innovants… Ce sera le dernier accord double avant l’accord unique.

Un accord unique qui commence à ressembler au Graal…

Oui, c’est tout à fait ça. C’est comme en physique, on cherche la grande unification ! Mais cet accord ne viendra peut-être que valider ce qui existera déjà. L’impulsion du changement, je ne pense pas qu’elle vienne des Nations unies, je pense qu’elle vient d’ailleurs. Elle vient de groupes plus petits, peut-être de deux ou trois pays…

 Les chefs d’Etat ne devraient pas être présents à Cancún. Certaines ONG pensent que cela apaisera le débat. Vous-même, le regrettez-vous ?

 A Copenhague, heureusement que les chefs d’Etat sont venus. Ils ont transpiré, ils ont mouillé leur chemise. J’étais absolument épaté. Ils ont passé une nuit blanche et une journée entière à négocier. S’ils n’avaient pas été là, ç’aurait été un échec total.

Leur présence est importante. C’est tellement lourd ce qu’il y a à décider… Refaire toute l’économie mondiale, c’est quand même une affaire importante. Et la plupart du temps, les ministères de l’Environnement des pays n’ont pas la capacité d’engager de tels budgets. Mais il faut faire avec ce qu’on a. Au moins, nous aurons des ministres.

Vous allez quitter le poste d’ambassadeur français pour le climat l’année prochaine. Vous ne verrez peut-être jamais la signature un accord international…

Je ne serai pas loin (Brice Lalonde devrait être coordinateur du Sommet de la Terre à Rio en 2012, ndlr). Je le verrai. Peut-être pas de mon vivant. Vous savez, ça risque de durer tout le siècle. Et il n’y a pas que le carbone : il y a aussi le phosphore, l’azote, la biodiversité, la couche d’ozone, l’acidification de la mer… On est entré dans un monde nouveau. Les problèmes sont nouveaux, on est en train d’essayer de les régler. Tout est à inventer.

Je vais me remettre à l’écologie (promesse)

J’ai reçu divers messages qui m’ont fait réfléchir. Cela ne fait pas de mal, de réfléchir. Même si je ne retire pas un mot sur Mélenchon, je dois avouer qu’il est à peu près sans intérêt, au point où nous sommes, de perdre du temps avec des gens comme lui. Et bien d’autres, auxquels j’ai consacré pourtant nombre d’articles de Planète sans visa. Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Je ne vois qu’une explication, que je vous livre brute de décoffrage.

Un jour, un scorpion décide de passer de l’autre côté d’une rivière, et se demande comment faire. Il avise une grenouille et lui demande de passer le cours d’eau sur son dos. Quoi de plus facile, en effet ? Mais la grenouille, qui n’est pas plus sotte qu’un Mélenchon – plutôt moins – refuse. « Pardi ! lui dit-elle en résumé, si je te prends sur le dos, tu ne manqueras pas de me piquer au beau milieu du passage, et je mourrai ! ». Le scorpion lui répond aussitôt qu’elle est folle, car s’il décidait de la piquer, il mourrait avec elle. Ça se tient, jusque là, non ? À force de contorsions, la grenouille accepte, car c’est une brave fille – bien plus brave que Mélenchon, soit dit en passant -, et se jette à l’eau avec le scorpion sur le pont supérieur.

Tout se passe bien. Au début. Car bien avant d’avoir atteint l’autre rive, le scorpion pique la grenouille. Laquelle, carrément écœurée, demande au scorpion avant de disparaître et de se noyer pourquoi diable il n’a pas pu se retenir. Car le scorpion, excusez l’absence de suspense, va mourir lui aussi ! Eh oui, il va mourir, l’imbécile ! Mais il a le temps de fournir une explication. S’il a empoisonné cette malheureuse grenouille, c’est la faute à pas de chance. Mais soyons plus précis. Il dit explicitement : « Désolé, madame la grenouille, mais c’est comme ça. C’est ma nature ».

Vous aurez remarqué que je me compare à un scorpion. Dans mon esprit, c’est infiniment flatteur, car j’aime tous les animaux, sauf un, pour des raisons éminemment personnelles. Je suis donc très satisfait d’être un scorpion le temps d’une fabulette. Eh oui, critiquer les bouffons de la politique, et haïr en outre tout ce qui rappelle, de près ou de loin, le stalinisme – je rappelle que c’est un état d’esprit -, c’est dans ma nature. Mais ce qui est encore bien davantage ma nature, c’est de considérer la crise écologique et de penser aux quelques moyens qui nous restent d’y faire face. Je vais essayer de m’en souvenir, mais si cela me reprend, et cela me reprendra, pensez au scorpion.

Je ne suis pas une serpillière (avis)

J’ai reçu un certain nombre d’insultes à la suite de mon dernier papier sur l’ami Mélenchon. Elles ne passeront pas, pour la raison simple que je ne suis pas la serpillière de service. Planète sans visa n’est pas un dégueuloir, un urinoir, une fosse d’aisance et n’entend pas le devenir. Je veux dire aux aboyeurs de service que leur hargne imbécile ne m’étonne pas. Ne m’indigne pas. Me laisse finalement froid. J’ai les yeux et la tête en compagnie d’autres voyageurs que ces petits soudards mélenchonniens. Mes références morales, mes amis éternels d’aujourd’hui et d’hier ont tout de même une autre dimension.

Or donc, je maintiens la totalité de ce que j’ai écrit. Le drôle, le plus drôle peut-être est que mes mordilleurs me reprochent souvent d’avoir osé prétendre que Mélenchon imite en toute conscience le défunt Georges Marchais. Mais quels amuseurs ! Mélenchon fait la danse du ventre autour de ce qui reste du parti stalinien pour obtenir le droit de représenter cette vilaine gauche aux présidentielles de 2012. Certes, le parti stalinien n’est plus que le fantôme de la gigantesque crapule qu’il fut. Seulement, qui pourrait nier qu’il est l’héritier direct de Marchais et consorts ? Qui ? Autrement dit, pour m’en tenir au cadre baroque de l’absence de pensée de mes insulteurs, il serait indifférent que Mélenchon se couche et fasse le beau contre les restes du monstre. Mais il serait infamant d’écrire que le même utilise les procédés de langage et les mimiques qui ont rendu célèbre Marchais, avant de précipiter son parti dans la tombe.

Quant à l’affaire Messerschmitt, qui semble tant passionner les roquets, ce n’est pas ma faute si l’histoire est passée par là. Entre 1940 et 1944, il y eut en France des Daniel Cordier (Alias Caracalla, chez Gallimard) et des Georges Marchais. On me laissera préférer l’un à l’autre. Le résistant héroïque et le mécanicien des avions nazis. C’est du moins mon droit ici, et je l’exerce, que cela plaise ou non aux crétins.