Archives de catégorie : Morale

Le Monde Diplomatique est-il transhumaniste ?

Avouons-le tout de suite : je n’aime pas Le Monde Diplomatique. Ce mensuel créé en 1954 à l’ombre du Monde quotidien aura soutenu vaillamment tous les stalinismes possibles, de l’Union soviétique à Cuba, passant par la Chine maoïste. Il demeure la référence d’une bonne part de la gauche qu’on appelle radicale. Et il ne déteste pas, lorsque l’occasion se présente, à accuser les penseurs écologistes de se fourvoyer. Au mieux.

Dans le numéro de février, le Diplo a publié un article d’un certain Leigh Phillips. Cet Américain y attaque les décroissants – dont je ne suis pas – par la disqualification, les présentant comme des adeptes de Thomas Malthus, cet économiste qui annonçait de fatales catastrophes démographiques. Vieux truc. Phillips ne cite personne, ce qui est encore la meilleure façon de ne pas être démenti.

Le tout est indigent. Il rapproche ainsi le trou dans la couche d’ozone et le dérèglement climatique, dans des raccourcis qui sentent fort le climatoscepticisme nouvelle manière. Pour lui, qui se présente comme un progressiste à la mode du Diplo, seule la croissance économique pourrait permettre d’ensuite redistribuer de l’énergie et des services sociaux aux pays du Sud. Pas un mot sur les autres qu’humains, pas un mot sur les destructions écologiques majeures causées par notre façon de concevoir la vie, et de la mener.

Reconnaissons que des lecteurs du Diplo ont réagi et que la direction du journal – dont acte – leur a accordé une page de réponses dans son numéro de mars. Mais le texte de Phillips cache à autre chose (1). Il note ainsi gaillardement : « Grâce au progrès technologique et à des choix politiques, nous pouvons, si nous le souhaitons, évoluer. Et, lorsque nous nous heurtons à des limites naturelles, nous sommes capables d’innover pour les dépasser ». C’est absurde et même criminel, mais Phillips ne s’arrête pas en si bon chemin, ajoutant pour les sourds et mal-entendants : « Il est possible d’imaginer que nous nous téléportions un jour, car l’idée ne viole aucune loi physique ».

Se téléporter ? Cette idée si pertinente ne tombe pas du ciel. Phillips appartient en effet au Breakthrough Institute (thebreakthrough.org), un machin transhumaniste qui promet de régler toutes les questions de la crise écologique globale par un surcroît de technologie. À l’aide des OGM, d’une agriculture encore plus industrialisée, du nucléaire bien sûr et de la géo-ingénierie. Dès 2010, l’institut a publié un gros rapport avec l’American Institute Enterprise (2) sous le titre « Post-Partisan Power ». L’American Institute Enterprise (3) n’est pas loin d’être le pire. Néo-conservateur, libéral, proche des milieux militaires, accueillant en son sein un grand nombre de grands patrons, ce think-tank n’a jamais eu qu’un but : accélérer encore.

La direction du Diplo se serait-elle fait avoir ? Cette hypothèse optimiste, nullement confirmée dans le numéro de mars, appelle un commentaire : pour un journal qui ne cesse de donner des leçons à l’univers, ce serait comique. L’hypothèse plus vraisemblable est que cette vision rejoint pour l’essentiel celle du journal. Le progrès technologique viendra à bout de tous les soucis. Quelle que soit la vérité, il n’est pas interdit de s’interroger.

Dans le même numéro de février, on peut lire dès la première page un long papier titré « Qui veut la mort d’EDF ?». 100% idéologisé, il oppose les prédateurs d’un côté, de l’autre le service public. On peut souhaiter un service public de l’énergie – c’est mon cas – sans oublier, comme le fait pesamment l’article, le rôle-clé d’EDF dans la création de l’empire nucléaire. Et de ses directions, toutes liées à la noblesse d’État des polytechniciens, ingénieurs des Mines ou des Ponts. Sans oublier non plus le désastre d’une entreprise qui a promis la Lune et finalement creusé un trou de près de 50 milliards d’euros. Faut-il incriminer le poids important, dans la haute hiérarchie du Diplo, d’anciens staliniens, jadis grands admirateurs de l’atome ? Le progressisme, maladie sénile d’une gauche en perdition.

(1) terrestres.org/2021/02/18/la-decroissance-le-socialisme-sans-la-croissance/

(2) s3.us-east-2.amazonaws.com/uploads.thebreakthrough.org/legacy/blog/Post-Partisan%20Power.pdf

(3) wikipedia.org/wiki/American_Enterprise_Institute#Membres

Le clan Bayer-Monsanto à l’assaut du Mexique

On cherchera longtemps, chez nos ministres, pareil courage. Penser au retour des néonicotinoïdes. Qui est Víctor Manuel Toledo Manzur ? Un biologiste très célèbre au Mexique. Il a reçu de nombreux prix, écrit beaucoup d’articles scientifiques et fondé dès 1992 la revue Etnoecologíca (1), pionnière dans l’étude des relations entre peuples autochtones et nature.

En mai 2019, il accepte d’entrer au gouvernement comme secrétaire d’État à l’Environnement. Andrés Manuel López Obrador, dit AMLO, est président depuis décembre 2018, d’une gauche qui rappelle, mutatis mutandis, le parti socialiste français des années 80. Mais Toledo a un problème, et c’est qu’il est sincère. Il veut changer le pays, ce qui le conduira droit à la démission en août 2020.

Dans une tribune extraordinaire publiée par le quotidien La Jornada (2) fin février 2021, il décrit la puissance des lobbyistes du glyphosate, poison qui s’étend désormais sur 192 millions d’hectares, un peu moins que quatre France.

Or, dit-il, Bayer-Monsanto, géant du secteur, « possède une armée de scientifiques, techniciens, communicants, agents commerciaux, lobbyistes, espions, promoteurs ». Or, AMLO, en bonne part poussé par des gens comme Toledo, a décrété en décembre dernier l’interdiction du glyphosate d’ici 2024 et celle du maïs transgénique. Appliquée, cette décision signifierait la fin de l’importation de millions de tonnes de maïs transgénique venu des États-Unis, et un tremblement de terre planétaire.

AMLO tiendra-t-il ? Toledo évoque de l’intérieur l’action délétère de trois membres du cabinet présidentiel : Alfonso Romo, Víctor Villalobos, Julio Scherer. Il les accuse d’avoir mené des « acciones fraudulentas » – des actions frauduleuses – pour saboter la décision d’AMLO. Le Mexique, pays berceau du maïs originel, est en guerre, comme l’écrit Toledo. Lequel a subi un cambriolage au cours duquel des documents ont été volés et du glyphosate versé dans son jardin. Suivi d’une campagne de presse téléguidée sur sa vie privée. Il regarderait des films porno.

  1. http://etnoecologia.uv.mx/Etnoecologica/numeros.htm
  2. jornada.com.mx/2021/02/23/opinion/017a1pol

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Vive la fonte de la banquise !

Où l’on voit que le chemin le plus court est aussi le pire de tous. D’abord, ce que tout le monde sait : la banquise qui recouvre l’océan Arctique fond de plus en plus vite. Et dans les eaux russes du Grand Nord, cela semble pire qu’ailleurs. L’institut météo de Moscou Rosguidromet (1) note dans un rapport tout récent que la surface de glace, en comparaison des années 80, est de cinq à sept fois moindre. 2020 a été une année diaboliquement chaude et au total, le dérèglement touche bien davantage, en moyenne, la Russie que d’autres pays. Depuis 1976, la température aurait augmenté de 0, 51 degré par décennie.

D’autres que ceux de l’équipe Poutine en tireraient la conclusion qu’il faut décréter l’état d’urgence. Mais tout au contraire, miam. Miam, car si la banquise fond de plus en plus, les perspectives commerciales deviennent chaque jour plus exaltantes. Dans un entretien avec l’agence de presse russe (en anglais) Interfax (2), Vladimir Panov lâche sans gêne : « The Suez precedent has shown how fragile any route between Europe and Asia is ». Eh oui, le blocage du canal de Suez par un container a montré combien la route maritime la plus fréquentée entre l’Asie et l’Europe était fragile. Et Panov de vanter l’excellence de la Northern Sea Route, cette route du Nord qui s’ouvre chaque année davantage grâce au dérèglement climatique. Un détail : Panov est un pion important de l’une des grandes puissances financières russes : le champion du nucléaire Rosatom. En charge du « développement de l’Arctique.

  1. rcinet.ca/regard-sur-arctique/tag/rosguidromet/
  2. https://interfax.com/newsroom/top-stories/71429/

Mais d’où vient ce salopard de virus ?

Tout le monde en a marre, non ? Des milliers d’heures sur les radios et télés, des kilomètres de signes dans les gazettes auront été consacrés au coronavirus. Pour dire et répéter les mêmes choses dans un sens puis dans l’autre, et retour. Non ?

En mars 2020, quand nous n’en étions qu’au début, l’infectiologue Didier Sicard, pas plus con que tant d’experts de TF1 ou de France-Inter, s’interrogeait (1). Très au fait du sujet, il réclamait un examen en urgence des causes animales de la pandémie. Et comme il connaissait fort bien une partie de l’Asie, il ajoutait : « Ce qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt primaire est en train de régresser parce que les Chinois y construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La route de la soie, que les Chinois sont en train d’achever, deviendra peut-être aussi la route de propagation de graves maladies ». 

La nouvelle Route de la soie, qui fait se pâmer tant d’économistes et autres crétins, reliera à terme la Chine – on y achève une quatre-voies de 5000 km –, l’Asie centrale et même l’Europe où un Viktor Orbán, clone hongrois de Trump, est en train de vendre son pays à Pékin. Précisons à l’attention des grincheux que je ne suis spécialiste de rien. Je vois, car je lis, qu’une affaire mondiale comme celle-là recèle d’innombrables mystères. En fera-t-on le tour ?

Mais cela ne doit pas empêcher de parler de ce que l’on sait avec une raisonnable certitude. Et nul doute que la crise écologique planétaire est le responsable principal de l’émergence de tant de virus menaçants. La logique en est dans l’ensemble connue : les activités humaines remettent en circulation des organismes vivants neutralisés par des relations biologiques stables depuis des millénaires, parfois des centaines de millénaires.

L’incursion des humains – braconniers suivant la piste des bûcherons – dans les forêts tropicales les plus intouchées ne pouvait manquer d’avoir des conséquences. Et ce n’est qu’un petit exemple. Quantité de virus dits émergents sont en effet des zoonoses, des maladies ou infections qui passent de l’animal à l’homme. Tel est le cas d’Ebola, des hantavirus, du SRAS, de la fièvre du Nil occidental, probablement du sida. Ce n’est qu’un aperçu, car l’on compte environ 200 zoonoses, dont beaucoup sont bactériennes.

Dès le 17 avril 2020 – il y aura bientôt un an -, 16 responsables d’autant d’organismes scientifiques différents écrivaient (2) : « La pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de l’environnement : c’est bien, encore une fois, une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines ».

Et les mêmes posaient une question qui devrait pétrifier nos responsables : « À la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, il est paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers d’un parcours scolaire de lycéen ».

En clair, tout le monde s’en tape. Pourquoi ? Parmi les nombreuses raisons en cause, j’en retiens deux. Un, nos chefaillons actuels, qui incluent les écologistes officiels, sont d’une inculture monumentale. Ils ne savent pas, obsédés que sont la plupart par leur sort personnel et leur place dans l’appareil d’État. Deux, les rares qui entrevoient une lueur n’ont pas le courage de remettre en question le monde qui est le leur, son organisation, ses buts.

Il y faudrait la force d’un Gandhi et nous n’avons à notre disposition qu’une classe politique et administrative plus bas-de-plafond que le dernier des nains de jardin. Voilà pourquoi votre fille est muette.

(1)franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19

(2) lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/la-pandemie-de-covid-19-est-etroitement-liee-a-la-question-de-l-environnement_6036929_3232.html

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Jean-Louis Beffa, héros méconnu de l’amiante

Le coût de l’amiante est tel qu’il ne sera jamais calculé vraiment. L’industrie en a longuement profité, et maintenant la société paie les dégâts, les milliers de morts chaque année, les vies disloquées. Des braves se battent depuis 25 ans devant les tribunaux, et parfois gagnent, et souvent perdent, et continuent pourtant.

En 2017, une expertise judiciaire estimait qu’on ne pouvait pas connaître la date précise d’une contamination par l’amiante, menant droit à un non-lieu en 2018. Les magistrats jugeaient alors impossible de retenir la responsabilité pénale de tel ou tel dirigeant d’une entreprise. En l’occurrence, il s’agissait de l’usine Everite située à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne. Gros soupir de soulagement patronal.

Mais la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce non-lieu, et renvoie le dossier à des juges d’instruction. Selon eux, en effet, et il s’agit de citations tirées de son arrêt, « c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et/ou au décès ». Du même coup, « chaque dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante ».

C’est déjà beaucoup moins drôle pour certains, car Everite était une filiale de Saint-Gobain, ce qui nous rapproche fatalement d’un certain Jean-Louis Beffa. Ce personnage central du capitalisme français est entré à Saint-Gobain en 1974, dont il a été le P-DG dès 1986, quand il était encore légal d’empoisonner le prolo avec l’amiante.

Le cas est d’autant plus intéressant qu’un Beffa, dans notre sainte république, semble intouchable. Ingénieur des Mines, un temps membre du club Le Siècle, il a été aussi des conseils d’administration ou de surveillance de GF Suez, de Siemens, de la Caisse des dépôts, de BNP-Paribas, etc.

Cerise amiantée sur le gâteau, Beffa fait partie dès 1994 du conseil de surveillance du journal Le Monde, qu’il préside depuis 2017. En Italie, travaillant des années sur des milliers de pièces, un tribunal d’appel à condamné en 2013 l’industriel de l’amiante Stephan Schmidheiny à 18 ans de taule. Beffa, quelle chance.

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Les Tartarin veulent la peau du Loup

Comment va le Loup en France ? Pas bien. Je rappelle qu’il est revenu naturellement d’Italie il y a une trentaine d’années, après avoir été totalement exterminé. Pas bien, donc, et c’est l’Office français de la biodiversité (OFB) qui le détaille dans un rapport, avec le CNRS (1). Attention, l’OFB, c’est pas les Naturalistes en lutte : les chasseurs, pour s’en tenir à eux, siègent à son conseil d’administration.

Il n’empêche que le texte est limpide. S’appuyant diplomatiquement sur des « points de vigilance », ses auteurs constatent qu’entre 2014 et 2019, la mortalité atteint 42%, toutes classes d’âge confondues, contre 26% avant 2014. Ce qui rapproche l’espèce du point au-delà duquel la population commence à décliner.

En ajoutant d’autres signes préoccupants, les rédacteurs de la note sortent un peu plus du bois, et ils écrivent : « Plusieurs signaux vont dans le sens d’une dégradation de la dynamique de la population ». Et appellent entre les lignes, mais sans détour, à une révision de la politique actuelle, qui vise, ça c’est Charlie qui le dit, à contenir les oppositions et satisfaire quelques clientèles électorales.

Il n’y a aucun mystère : depuis 2014, des centaines de loups ont été butés « légalement », malgré leur statut de protection. Ils seraient 580 et en cette année qui commence, l’État donne le droit d’en abattre 121. Courons donner des leçons aux paysans africains sur la cohabitation avec les éléphants. Et aux gueux de l’Inde sur la sauvegarde des tigres, si mignons à la télé.

(1) https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/

Giscard à la chasse (morituri te salutant)

Vous le savez, Giscard vient de mourir à l’âge de 94 ans. Un lecteur me remet en mémoire ce texte, publié ici en 2013. Ma foi, cela se lit toujours. Le voici.

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Amis lecteurs, c’est une première : je partage avec vous un article du journal Le Figaro, charmant quotidien aux mains d’un marchand d’armes. Et comme cela tombe bien ! Ce qui suit est en effet consacré à la chasse, telle que vue par l’un de nos grands chasseurs, Valéry Giscard d’Estaing. Je dois préciser pour les plus jeunes d’entre vous que Giscard a bel et bien existé. La preuve, c’est qu’il continue à tuer.

Cet homme renversant de sottise pseudo-aristocratique, confit dans un absurde sentiment de supériorité, a été président de notre pauvre République entre 1974 et 1981. Que reste-t-il ? Rien. Peut-être la photo jaunie, dans des collections anciennes, de Giscard invitant les éboueurs du quartier à partager son petit-déjeuner de l’Élysée. Tout le reste n’aura servi à rien, tout le reste n’est déjà plus qu’un infime tas de poussière sur les étagères du passé.

Si je vous offre sans rechigner le morceau de bravoure qui suit, c’est parce qu’il éclaire un pan de notre ténébreuse psyché. Pourquoi le mal ? Pourquoi la tuerie ? Pourquoi ces plaisirs si malsains ? Je n’en sais rien. Mais sous couvert de la grotesque personne de Giscard, cette interrogation lancinante m’arrache un sourire. J’espère qu’il en sera de même pour vous.

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Entretien paru dans Le Figaro du 3 novembre 20013

INTERVIEW – Poil ou plume, chasses présidentielles ou safaris privés, l’ancien président de la République a toujours revendiqué sa passion pour la chasse.

LE FIGARO. – Que signifiela chasse pour vous?

Valéry GISCARD D’ESTAING. – La chasse a été la première activité de l’homme. En France, c’était à l’origine un privilège féodal, qui a été aboli à la Révolution. Depuis, le nombre de chasseurs se compte par millions, c’est un sport national bien plus étendu que le foot. Une activité profondément ancrée dans l’humanité, un vaste monde.

Quelles sont vos chasses à vous?

Elles ont été diverses. J’ai d’abord eu le privilège de participer aux chasses présidentielles, à Rambouillet, à Chambord et à Marly. Le général de Gaulle ne chassait pas, mais, par tradition, il participait à la dernière battue, et j’en ai suivi quelques-unes avec lui.

J’ai aussi toujours chassé avec des amis, en France, pour le plaisir. Je continue d’ailleurs : je ne sais pas pourquoi on a écrit que je n’ai pas renouvelé mon permis de chasse, c’est inexact. Je traque des petits animaux, des perdreaux, des faisans. Je regrette d’ailleurs que les perdreaux gris, qui étaient par excellence le gibier français, aient disparu, à cause des pesticides. Je chasse parfois le cerf, animal emblématique dans tous les pays d’Europe. On doit pour cela attendre la saison du brame, sinon ils se terrent et on ne les voit pas. Si l’on veut rencontrer de grands cerfs, il faut se rendre dans les pays de l’Est, comme la Pologne, ce que j’ai fait régulièrement. Pour les grands animaux comme le buffle, l’éléphant ou les grandes antilopes, je suis beaucoup allé en Afrique, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, en Tanzanie, dans les anciennes colonies françaises et anglaises. Mais j’ai cessé un jour, car ma fille, lorsqu’elle était petite, me le reprochait.

Quel plaisir de poursuivre ainsi un animal?

Chasser est un sport, on peut marcher des dizaines de kilomètres en pistant un animal. Mais le vrai plaisir est celui procuré par la nature. La chasse est souvent une solitude, et on se retrouve parfois seul face à la forêt. En Afrique, j’ai vu la planète telle qu’elle devait être depuis les origines. C’est vrai que le chasseur est dans une relation étrange avec les animaux : on ne tue plus pour la nourriture, l’industrie s’en charge désormais. Alors quand un grand animal tombe, on éprouve une sensation de nostalgie, une émotion triste. Tous les chasseurs connaissent ce sentiment curieux.

Vous avez tous les «anti»contre vous désormais.

L’espèce humaine s’urbanise de plus en plus, elle ne comprend plus la chasse. Nous sommes dans un monde où les «anti» font beaucoup de bruit, même s’ils ne représentent pas grand-chose. J’ai tout de même l’impression que les jeunes de la campagne continuent d’aimer et de pratiquer la chasse.

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Ci-dessous le lien de l’article :

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/11/03/03004-20131103ARTFIG00028-valery-giscard-d-estaing-la-chasse-est-souvent-une-solitude.php?m_i=SfVSkXuiONQhJw10LxLszEl4WacUfSfkFAgfRIo0bZOuxfISl

Retiens la nuit jusqu’à la fin du monde

Définition : une méta-analyse, c’est une étude qui recense et ordonne une vaste série de travaux scientifiques portant sur une question donnée. Des chercheurs de l’université d’Exeter (Grande-Bretagne) viennent d’en publier une belle dans la revue Nature, ecology and evolution (1). Elle porte sur 126 études publiées, et ce n’est pas aujourd’hui que je ferai rire aux éclats.

En effet, elle révèle que la pollution lumineuse a des effets à peu près insoupçonnés. Son auteur principal, Kevin Gaston : « The effects were found everywhere – microbes, invertebrates, animals and plants ». Or donc, microbes, animaux, plantes seraient touchés. Et le même d’ajouter qu’il serait temps de considérer la pollution lumineuse comme le grand désordre systémique qu’il est. À côté, tout à côté mais oui, du dérèglement climatique.

Mais de quoi parle-t-on ? De la fin de la nuit, très simplement. L’éclairage des villes, des ports, des rues, des autoroutes, des fermes même fait reculer partout le vital repos nocturne. De nuit, les êtres vivants fabriquent une hormone, la mélatonine, qui régule les cycles du sommeil. Eh bien, toutes les espèces animales étudiées en ont un taux de production diminué à cause de la lumière, ce qui bouleverse tous leurs rythmes.

Des exemples ? Les insectes pollinisent moins. Les arbres sont en feuilles plus tôt au printemps. Les oiseaux de mer se tuent en heurtant les phares. Les oiseaux de terre chantent plus tôt, confondant l’aube et la gabegie lumineuse. Les rongeurs, qui se nourrissent la nuit, mangent moins à cause des illuminations. Les tortues de mer, attirées par les halos fous des hôtels, se perdent à terre, croyant avoir trouvé le jour.

Sommes-nous concernés ? Ce n’est pas impossible. Nous avons ainsi laissé déferler les lampes LED, ce douteux miracle qui nous a été vendu comme un « progrès ». Elles durent plus longtemps, mais profitant de cette « économie », les autorités de tout niveau en ont augmenté le nombre et la puissance. Or leur luminescence a un spectre plus large, comme le soleil.

Les images satellite montrent sans surprise une planète qui repousse sans cesse plus loin la nuit : l’augmentation des lumières extérieures serait d’au moins 2% par an. Mais il serait injuste d’accuser d’inaction nos gouvernants. Un pompeux Arrêté (3) « relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses » a bien paru au Journal officiel du 27 décembre 2018. Grotesque et impuissant, il affirme que « les émissions de lumière artificielle des installations d’éclairage extérieur et des éclairages intérieurs émis vers l’extérieur sont conçues de manière à prévenir, limiter et réduire les nuisances lumineuses ». Je dirais même plus : il faut « prévenir, limiter et réduire ».

Pendant ce temps d’inaction radicale, les astronomes gueulent dans le vide. Ceux de l’Union astronomique internationale ont publié il y a quelque temps un document qui raconte la folie des satellites, cette autre menace (3), hélas en anglais. J’en extrais cette phrase : « Outre leur visibilité à l’œil nu, on estime que les traînées des satellites seront suffisamment lumineuses pour saturer les détecteurs des grands télescopes. Les observations astronomiques scientifiques à large champ seront donc gravement affectées ».

Rappelons que le crétin intersidéral Elon Musk, qui tient le président américain – après Trump, Biden ? – by the balls, programme d’envoyer au total 42 000 nouveaux satellites dans l’espace. Il vient de proposer de les équiper de pare-soleils. Authentique.

Il y aurait bien une solution, qui consisterait à éteindre la lumière dans des millions de points terrestres où elle n’est qu’un gaspillage évident. Et de la limiter ailleurs. Mais ainsi que le note Kevin Gaston, « notre aptitude à changer la nuit en quelque chose qui ressemble au jour va bien au-delà de la nécessité de le faire ». Mehr Licht – plus de lumière -, aurait murmuré Goethe sur son lit de mort. Sommes-nous assez cons pour ne plus supporter le noir, en plus du reste ?

(1) Le plus simple, désolé, est de taper sur un moteur de recherche : A meta-analysis of biological impacts of artificial light at night

(2) theguardian.com/environment/2020/nov/02/treat-artificial-light-form-pollution-environment

(3) legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037864346/

(4) iau.org/news/pressreleases/detail/iau2001/

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Mélenchon et Montebourg s’embrassent sur la bouche

Mélenchon, poil au menton. Lectrice énamourée, toi qui aimes le Grand Jean-Luc, lecteur envapé par le chef de la France insoumise, épargne-toi ce qui suit. Donc, le voilà candidat. Et l’un de ses amis, le député Adrien Quatennens, souhaite gentiment que Mélenchon fasse « équipe » avec Arnaud Montebourg. On voit l’intérêt : rassembler plus largement au premier tour, de façon à atteindre le second. Comme ces gens sont malins.

On le sait, la France Insoumise ne veut plus des accords politiciens d’antan, qui provoquent abstention ou, pire encore, le vote Le Pen. La clarté passe avant l’unité. Avec elle, on ne reverra pas de sitôt les accords pourraves qui décourageaient les meilleures volontés. Sauf que.

Sauf que Mélenchon se veut plus écologiste que René Dumont, Ivan Illich et André Gorz réunis. Montebourg colle-t-il avec le programme ? Ce petit monsieur, à peine nommé par Hollande ministre du Redressement productif – on ne rit pas -, s’empresse de déclarer en août 2012 que « le nucléaire est une énergie d’avenir », précisant pour les sourds que « la France a un atout extraordinaire entre ses mains [avec le nucléaire] qui lui a permis de bâtir son industrie ». L’année d’avant, il avait eu cette pensée visionnaire : le nucléaire « est le moyen d’avancer sur le chemin de la réindustrialisation ».

Six mois plus tard, il donne à la société Rexma un permis d’exploitation d’une mine d’or en Guyane. Dans un secteur du Parc National interdit à l’activité minière. Mais c’est cohérent, car Montebourg veut aussi rouvrir la criminelle mine de Salsigne, dans l’Aude. Tout pour la production !

Ajoutons enfin que Montebourg était jusqu’en 2016 un chaud partisan de l’exploitation des gaz de schiste en France, rêvassant de créer une industrie prospère, et bien entendu « propre ». Il s’appuyait sur un rapport secret, finalement publié par Le Figaro, qui vantait des « bonnes pratiques et des réglementations contraignantes, sous le contrôle de l’administration ». Ah ! charmant garçon. 1981, le retour.

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Les SDHI en veulent aussi au poisson zèbre

Résumons ce qui ne peut pas l’être. L’agrochimie – Bayer-Monsanto, BASF, Syngenta – a ouvert un nouveau marché avec les fongicides SDHI, l’un des chevaux de bataille du mouvement des Coquelicots. Une procédure judiciaire lancée par les Coquelicots – soutenue par Générations Futures et FNE – réclame l’interdiction de trois de ces molécules. Pour commencer.

Pourquoi ? J’ai longuement raconté dans un livre (Le crime est presque parfait, LLL) comment une équipe scientifique a été violentée par l’administration française, en l’occurrence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Pierre Rustin et Paule Bénit, de l’INSERM, et quelques autres chercheurs avaient dès avril 2018 alerté sur le danger de ces nouveautés. Rustin, spécialiste mondial des maladies mitochondriales, et Bénit avaient pu montrer avec clarté que les SDHI s’attaquent au cœur de la respiration des cellules humaines et de quantité d’autres êtres vivants.

L’ANSES les a ridiculisés avant de faire (un tout petit peu) machine arrière devant l’accumulation des preuves. Et voilà que deux études récentes renforcent les pires inquiétudes. La première (1) montre que le bixafen, l’un des SDHI, provoque de graves anomalies in vivo du système nerveux chez le poisson zèbre, modèle de nombreuses études de toxicologie. Et la seconde (2) décrit la toxicité du fluxapyroxad, un autre SDHI, sur le développement de ce même poisson. L’ANSES, grande amie des hommes et des écosystèmes.

(1) https://insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-bixafen-un-sdhi-fongicide-provoque-des-anomalies-du-systeme-nerveux-chez-le-poisson

(2) sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0045653520312303

Les djihadistes de la pêche bretonne

Qui oserait écrire sur Facebook et sous son nom : « Ça fait que commencer ! Daech va venir vous voir, bande de bâtards ! ». Qui ? Un certain Emmanuel N., pêcheur breton de son état, qui glisse amoureusement ce complément : « Fdp [fils de pute], suceur de cailloux, enculeur d’arbres, allé acheter des dents pour manger du flippeur le requin et de la baleine, c trop bon à manger. A bonne entendeur bande de chien de fils de chien, ta mère la pute crevard, vaut mieux pas que je vs voit. Fdp, fdp et enfants de putin ».

Mignon. Un peu répétitif, un peu déjà vu, mais vraiment mignon comme tout, cher Emmanuel. Le monsieur semble mécontent, mais pourquoi, dites ? L’affaire commence début août. Une équipe de Sea Shepherd lance un zodiac semi rigide, le Clémentine, à l’assaut des vagues bretonnes. Rappelons que Sea Shepherd (seashepherd.fr) est une association de combat créée et présidée par le Canadien Paul Watson. Ses équipes, ses bateaux vont au contact des écumeurs des mers, prenant de grands risques pour la sauvegarde des requins et baleines, mais aussi des phoques, des thons, et bien sûr des dauphins.

Début août, donc, la Bretagne. Le 30 – et ce n’est qu’un exemple -, ceux du Clémentine filment à distance un navire qui remonte dans ses filets dormants cinq dauphins, tous morts bien sûr puisque ces mammifères ont besoin de respirer en surface. Selon les estimations de Sea Shepherd, 10 000 dauphins et cétacés seraient ainsi tués sur les côtes françaises. « Nous sommes les seuls témoins de cette tuerie à grande échelle perpétuée au large, à l’abri des regards », expliquent les activistes.

D’où ce léger courroux des pêcheurs de dauphins. Lesquels ont créé un groupe Facebook sobrement appelé « Contre Sea Shepherd ». Il n’y a pas que l’ami Emmanuel. Citons parmi les poètes Alex P., qui prévient ses amis : « Le zod [le zodiac Clémentine] est à port la forêt à côté de la gendarmerie maritime. Bon défoulement ». À quoi Jean-Christophe C. répond : « Fo les couler ». Damien F. renchérit : « Je vais aller le mettre au fond celui là » et le plus aimable de tous, Jacques T. prévient : « Le premier que je trouve à bord est décapité ». Que des beaux projets, que des saintes idées.

Est-ce tout ? Point. Les pêcheurs si sympathiques publient aussi une photo de Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd en France. Et d’origine marocaine. Commentaire de Miroslav Z., bon Français comme son nom l’indique : « A-t-elle son visa en règle quand même. Quand tu vois sa gueule… ».

Le Comité national des pêches, qui ressemble tant à une FNSEA des mers, a pondu un communiqué très éclairant sur lui-même : « Depuis trois ans, l’ONG Sea Shepherd harcèle les pêcheurs français dans le golfe de Gascogne, pour filmer des captures accidentelles de mammifères marins. Ce harcèlement continu, souvent de nuit, au moyen d’un zodiac se rapprochant très rapidement des navires de pêche est dangereux ».

Lamya : « Ces gens, qui nous ont traité d’abordeurs, terme lourd en mer, mentent comme des arracheurs de dents. Nous avons constamment respecté les règles maritimes, à commencer par les distances de sécurité. Et la gendarmerie maritime l’a d’ailleurs reconnu. La vérité, c’est qu’ils se sentent les propriétaires des mers. S’ils entendent privatiser l’océan, qu’ils le disent clairement. Ce que révèle hélas cette histoire, c’est que même les petits bateaux de pêche, qui sont des centaines dans le golfe de Gascogne, font partie du problème. Car ils ont le droit de placer des kilomètres de filets dans les zones d’habitats du dauphin, ce qui conduit nécessairement au massacre. Mais en Australie, non ».

Non ? Non. Sur les côtes de l’île-continent, le dauphin est réellement protégé, et les pêcheurs, sous risque de perdre leur licence, n’ont pas le droit de poser des filets dans les zones habitées par ces animaux. Sea Shepherd a déposé plainte pour diffamation contre le comité des pêches. Et pour apologie du terrorisme contre les braves pêcheurs du groupe Facebook. Sûr qu’on va leur tirer les oreilles.

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Le Sri Lanka veut plus de nos cadavres

Bien fait pour notre gueule à tous. Qu’est donc le Sri Lanka ? L’ancienne Ceylan aux senteurs de rêve est une larme posée sur l’Océan indien, face au continent asiatique, face à l’Inde. Un très, très beau pays de 23 millions d’habitants, hélas divisé jusqu’au crime le plus abject entre Tamouls – 18 % -, majoritairement hindouistes, et Cinghalais – 75% -, essentiellement bouddhistes. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

L’an passé, le Sri Lanka demande gentiment à l’Angleterre de reprendre une centaine de containers d’ordures diverses. Des déchets médicaux, des matelas, des plastiques, des rebus dangereux non identifiés. L’ensemble puait atrocement, ce qui finit par attirer l’attention, ballots que sont les envoyeurs.

Une plainte du Centre for Environmental Justice (CEJ) précisait (1) : « Also, population will be exposed to several health risks due to the pathogens in the clinic or other waste found in the imported waste. This could also have negative impacts on the biodiversity ». Sans surprise, risques pour la santé et la biodiversité.

Et tout repartit donc vers Boris Johnson, après des renvois similaires venus du Cambodge, des Philippines, d’Indonésie, de Malaisie à destination du continent américain. Cette fois, le Sri Lanka veut retourner, après décision de justice, 242 containers qui débordent de restes de morgues anglaises, y compris de corps humains, qu’on ne pouvait d’évidence cramer ou enterrer au Royaume-Uni, ce grand pays dépourvu de cimetières. Et nous là-dedans ? On préfère les grands espaces africains.

(1) indianexpress.com/article/explained/explained-why-sri-lanka-is-sending-back-waste-to-the-uk-6912941/

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Les vers de terre sont des Amish

Ça prend la forme d’une étude scientifique de plus, intitulée « Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: A silent threat? » (1). Ce qui veut dire : « Résidus de pesticides couramment utilisés, dans les sols et dans les vers de terre, une menace silencieuse ? ».

Que dit-elle ? Trois fois rien, cent fois plus : ses auteurs ont travaillé sur une plaine céréalière proche de Chizé (Deux-Sèvres), qui se situe non loin d’une célèbre station du CNRS. Et recherché les restes de 33 pesticides dans 180 échantillons de sol et 155 vers de terre au total. Premier constat d’ambiance : 100% des sols analysés et 92% des vers de terre contenaient au moins un pesticide.

Beaucoup plus dérangeant : les espaces semi-naturels, les haies, les champs traités, les cultures bio étaient contaminés. Dans 40% des cas, les chercheurs ont retrouvé une mixture de plus de dix pesticides différents, et les quatre substances les plus présentes sont l’herbicide diflufenican, l’insecticide imidaclopride, les fongicides boscalid et époxiconazole.

Détaillons, cela vaut la peine. Il n’y a pas de données chez l’homme pour le premier, le diflufenican. Chez le chien et les rongeurs, il est toxique pour le foie. Et probablement pour leur ADN. L’imidaclopride est la matière active du Gaucho massacreur d’abeilles. C’est un néonicotinoïde. Le boscalid est un SDHI, extrêmement dangereux (2) et l’époxiconazole a été retiré du marché l’an passé à cause de ses effets de perturbation endocrinienne.

Au moment où ces mots sont écrits, l’Assemblée nationale, après un petit tour devant le Sénat, s’apprête à voter une seconde fois pour le retour des néonicotinoïdes interdits depuis une loi de 2016, à l’usage de la betterave industrielle. Si ces gens étaient autre chose que des idéologues, nul doute qu’ils s’intéresseraient aux études scientifiques (3). N’accusent-ils pas les protecteurs des écosystèmes d’être des obscurantistes ? Des Amish adorateurs de la bougie, pour reprendre le mot de ce pauvre président si peu savant ?

(1) sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880920303534

(2) J’ai consacré au sujet « Le crime est presque parfait (LLL).

(3) cnrs.fr/fr/neonicotinoides-malgre-le-moratoire-de-lue-un-risque-persiste-pour-les-abeilles