Archives de catégorie : Morale

Un court retour en arrière (sur Besancenot)

Ce qui devait arriver arrive. L’article précédent, consacré au NPA et à sa revendication d’un smic à 1500 euros nets n’a pas plu à une partie des lecteurs. Je ne discute pas de leur droit à me critiquer, mais je tiens à préciser deux ou trois points. Le premier, c’est que j’ai écrit exactement ce que je pense, et que je ne regrette donc rien du tout. Le débat et l’affrontement même – dans certaines limites – sont essentiels à l’esprit humain tel que je l’estime.

Pour le reste, quoi ? L’affaire du smic n’a rien à voir avec la morale, ou plutôt rien à voir avec la sensiblerie. J’ai écrit ici des centaines d’articles, dont un nombre considérable sur les vraies victimes de ce monde atroce, qui habitent en presque totalité au sud. Je pense à eux en priorité, et je le ferai jusqu’à la fin de ma vie. La misère passe avant la pauvreté. Pour moi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais dès qu’on semble ne pas être d’accord avec une mesure « généreuse », on est assez vite accusé personnellement de se moquer du monde. Drôle de pensée, à moins qu’il ne s’agisse d’un étrange impensé, je ne sais.

À la différence de l’immense majorité des lecteurs de Planète sans visa – je reconnais ne disposer d’aucune preuve -, je suis né dans le sous-prolétariat urbain. Et je suis bien sûr que personne, en dehors de ceux qui en viennent, n’imagine très clairement. Pendant toute ma jeunesse, nous avons acheté à manger à croum, c’est-à-dire à crédit. Et quelle bouffe ! Je n’insiste pas, car j’ai le pressentiment que nul ne me croirait. Il y a eu incomparablement pire dans ma vie, sachez-le.

J’aurais pu oublier ce monde affreux d’où je viens, mais non. Et là encore, je ne détaillerai pas. Il s’agit de ma vie, et tant que je n’attente pas à celle des autres, elle m’appartient. En tout cas, oui, je plaide pour des frontières étanches entre les compartiments de l’existence. Car sinon, Winston Smith, le héros de M.Orwell.

Ici, on discute. On échange des idées, éventuellement des gnons, mais autour de points de vue construits. C’est en tout cas ma vision des choses. Et pour en revenir au NPA, je trouve déplacés les commentaires qui défendent ce smic à 1500 euros nets. Car il ne veut rien dire. Soit le NPA et « les masses » sauront l’imposer et en ce cas, cela ne durera évidemment pas. Soit il restera ce qu’il est réellement : un slogan vide de sens réel. Mais imaginons que cela soit imposé à des patrons français lancés dans cette folie totale qu’on nomme mondialisation. Cela viendrait après une telle secousse tellurique que notre pays serait nécessairement isolé en Europe et dans le monde.

Toute révolution – ce n’est pas un jugement, mais un fait – a conduit inexorablement à des processus de dislocation des sociétés. On peut légitimement le souhaiter, mais il faut aussi savoir et faire savoir quelles en seront les conséquences. Demander un smic à 1500 euros nets par mois permet au NPA d’apparaître comme le bon, le meilleur défenseur des pauvres de ce pays. Moi qui ai vécu la plus grande partie de ma vie en Seine-Saint-Denis, je dois vous dire que je connais cette chanson par cœur, car ce fut celle du parti communiste dans le 9-3. Pendant des décennies, assumant cette fonction tribunicienne bien connue des politologues, le PCF a réclamé pour les pauvres de France et de Navarre des revendications qui n’ont jamais été satisfaites, sauf à la marge.

Mais en attendant, ils ont créé – oui, créé – des ghettos urbains, de monstrueux lieux de relégation, et des villes aussi atroces que Bagnolet, ou le « Parti » règne en maître depuis les années 20 du siècle passé. Alors, poliment, merde. Moi, je plaide pour qu’un mouvement de fond de la société réclame et obtienne des droits inaliénables de base pour tous les habitants de ce pays. Un toit sûr. Une nourriture de qualité. Des soins équivalents pour tous. Voilà mon programme, et vous en faites ce que vous voulez. Mais distribuer de l’argent pour faire tourner l’industrie des objets made in China, non. Non. NON.

Besancenot, le NPA et le Smic à 1500 euros (nets)

Les (très) rares fois où je vote, je suis victime d’une malédiction. Je ne peux pas tout vous raconter, mais c’est vrai. Disons qu’en ces occasions-là,  je me retrouve à voter pour des candidats baroques. Baroques à mon goût profond. Il est vrai que je n’adhère ni de près ni de loin à quelque parti que ce soit.

Pour les Européennes, je peux avouer que j’ai failli – une seconde, guère plus – voter pour le NPA de Besancenot et Krivine. Mais si. Pour une raison sans noblesse, mais que j’exprime sans honte : je voulais signifier aux classes dirigeantes de ce pays, de gauche comme de droite, qu’elles peuvent aller se faire rhabiller chez Plumeau. Je sais, cette expression sent la naphtaline. Mais leur monde aussi.

J’ai donc failli, puis je suis passé à autre chose. C’est-à-dire que j’ai décidé, comme à mon habitude, de ne pas aller voter. Nombre d’entre vous trouveront cela déplorable, et je comprends aisément leur point de vue. Mais je ne voterai pas. Et à coup désormais certain, pas pour le NPA, dont un militant m’a donné un tract voici une paire de jours à l’entrée du métro.

Ce tract est une merveille que je vais, je crois, conserver. Car il dit des choses décisives sur l’état mental, psychologique, intellectuel d’une force qui se prétend en rupture avec le monde tel qu’il va. Il rapporte bien entendu que la crise en cours est celle du capitalisme et que les riches devront en payer les frais. Qu’il convient d’interdire les licenciements et de créer un smic européen à hauteur de 1500 euros nets. Voilà une première folie, qui en appelle bien d’autres. Mais voyons donc celle-ci. 1500 euros nets par mois. L’Union européenne compte 460 millions d’habitants. Donc 1500 euros nets au minimum, distribués à cette imposante masse d’humains, dont la plupart sont vautrés dans le gaspillage des biens matériels depuis des décennies.

Concrètement, il faut bien voir ce que signifierait un tel afflux numéraire. Dans l’univers de supermarchés où nous sommes, il est certain que cet argent relancerait la consommation tous azimuts de bagnoles, de télés, de lecteurs de DVD, d’iPod, de produits alimentaires cancérigènes, de vacances frelatées, etc. J’imagine mal quelqu’un pouvoir contester cela. Si deux plus deux égalent quatre, alors le NPA revendique la fuite en avant dans la consommation de masse de produits qui, fatalement, viendront en très grande part de Chine, où les ouvriers sont des esclaves et où l’on fourre de la mélamine dans le lait des bébés. Je crois que c’est intéressant à noter.

Quant à la crise écologique stricto sensu, le NPA y consacre un encadré sur les six qu’il a retenus dans son tract. Dans l’ordre d’édition, le quatrième. Et là, mes aïeux, c’est à pleurer. Car le NPA ne sait pas qu’il y a crise, même s’il utilise cette expression comme d’autres celle de développement durable. Cela commence comme cela : « L’Europe est une énorme consommatrice d’énergie, produisant des déchets nucléaires et dégradant le climat. C’est le capitalisme qui est responsable de la crise écologique et sociale. Le paquet climat-énergie de l’Union européenne comporte des objectifs inférieurs aux recommandations des climatologues ».

Je ne sais pas qui a pondu ces lignes, mais franchement ! Pas un mot sur le sud du monde, qui devrait pourtant être notre nord à tous. Pas un mot sur les forêts, la biodiversité, les océans, les biocarburants, l’agriculture bio, la télé, la pub, l’aliénation par les objets, le téléphone portable, l’apparition si inquiétante de limites  physiques infranchissables à tout projet humain. L’auteur du tract s’en fout. Il s’intéresse à l’écologie comme la LCR le faisait dès les années 70. En la considérant comme un élément de plus. Un grief supplémentaire à mettre au débit du capitalisme. Il n’y a pas l’ombre d’une réflexion et, partant, pas l’ombre d’une véritable action. Le NPA est ailleurs.

Ailleurs, c’est-à-dire avec tous ceux qu’il prétend si fort combattre. Car le seul point concret qui est évoqué est celui de l’industrie automobile. Une question décisive, on le sait, pour tout écologiste. Or le NPA ne remet nullement en cause le modèle de la bagnole individuelle, qui est en train de détruire à la racine la Chine et menace l’Inde rurale avec la voiture Nano. Oh non ! Nos révolutionnaires écrivent que des « collectifs de travail », probablement à l’issue d’une crise politique  qui aurait rebattu toutes les cartes, devraient « assurer la production de véhicules moins polluants… ». Ainsi donc, et sans conteste, le NPA accepte l’existence d’une industrie automobile folle à lier, acharnée à rendre désirable la fin du monde, et fragmentant à l’infini, en attendant, les habitats écologiques sur quoi repose la biodiversité. Il l’accepte et la défend. Pensez-vous que, lorsque la révolution sera venue, il sera possible de brutalement tenir un autre discours à ceux qui, par hypothèse, se seraient soulevés ? Je voudrais bien voir cela.

La vérité est triste, mais elle demeure la vérité. Le NPA ne veut pas changer le monde et le sauver de crises extrêmes. Il entend que le pouvoir passe de certaines mains à certaines autres. Il n’a strictement rien compris à la nouveauté radicale des événements en cours. Il ne voit pas le caractère réellement inédit, dans l’histoire des hommes, de la destruction massive des écosystèmes, base de la vie sur terre. Et s’il est à ce point aveugle, c’est que reconnaître le principe de la limite commanderait ipso facto de s’attaquer à un siècle et demi de tradition théorique et philosophique. Non, contrairement à ce que pensait Marx, contrairement à ce qu’ont pensé ses successeurs les plus présentables, et qui appartiennent au Panthéon du NPA, l’abondance matérielle n’est pas et ne sera pas au rendez-vous.

Il faudrait au NPA une capacité qui n’appartient à aucune institution humaine : celle de se nier en détricotant les mailles de la mythologie qui l’a fait ce qu’il est. Le NPA continuera donc à rêver d’une grande explication avec les riches du monde – que je souhaite ardemment -, oubliant qu’il faudrait aussi, surtout, envisager le grand face-à-face avec nous-mêmes. Aussi bien, malgré mon plaisir à déconner quand l’occasion se présente, le NPA n’aura pas mon vote en juin. Ni personne.

PS : Je ne suis ni sourd ni complètement aveugle. Je sais bien que des gens souffrent en France de ne pas pouvoir acheter tel ou tel objet. D’être pauvre. Mais il n’y aurait rien de pire que de poursuivre dans la voie du délire matériel. Cela ne veut pas dire ne rien faire. Cela implique à mes yeux, dans un pays comme la France, un partage des richesses, volontaire ou contraint. Mais n’oublions jamais que le monde réel, qui n’est pas le nôtre, est celui où un humain doit se débrouiller avec un dollar par jour. Deux s’il a beaucoup de chance. Qu’on le veuille ou non, que cela soit plaisant ou insupportable, il n’y a PAS ASSEZ DE RESSOURCES sur terre pour offrir à tous le niveau de gaspillage occidental. Selon moi, qui défend le smic à 1500 euros nets en France nie l’égalité fondamentale entre tous les habitants humains de cette terre. Et je ne parle pas des autres êtres vivants, qui comptent tant à mes yeux. Le NPA n’a pas même entendu parler de leur existence.

Arrêter cette main criminelle (sur le soja)

 Les 26 et 27 mai aura lieu au Brésil la quatrième « conférence internationale pour une culture responsable du soja ». Le paravent industriel « Round Table on Responsible Soy Association » (Association pour une culture responsable du soja, RTRS, ici) y tentera de vendre par la désinformation une soi-disant norme acceptable pour la culture du soja, qui est un vaste crime contre l’homme et la nature. Sachez que le monde se mobilise (ici) dans une lettre ouverte retentissante de 60 organisations du monde entier. Le monde se mobilise, mais pas la France, à l’exception des Amis de la terre (ici), dont les moyens sont hélas limités. Greenpeace-France a davantage à faire du côté des officiels et des décideurs, surtout depuis que Robert Lion préside une association jadis combative. Le WWF international – surtout sa branche brésilienne – est engagé de longue date dans des discussions indignes avec RTRS. Le WWF-France de Serge Orru, sur une autre ligne, se montre étonnamment embarrassé, sans que nul média ne s’intéresse pour le moment à cette question clé (ici). Moi, je continue mon bonhomme de chemin, et vous propose une plongée dans ce monde que nous ne voulons surtout pas voir. Bienvenue chez les salopards. 

Le 28 juillet 2008 au matin, un groupe d’Indiens guarani du nord de l’Argentine, dans la province de Jujuy, se réveille comme chaque jour dans le campement appelé Jasy Endy Guasu, c’est-à-dire en français Lumière de la grande lune. Plutôt, ils sont réveillés par un peloton de 50 soldats armés, qui accompagnent les employés d’un des rois locaux du soja, un certain Roberto Strisich. Les bulldozers conduits sur place détruisent les cabanes en bois. Les animaux des Indiens sont tués. Ce qui résiste encore est brûlé. Les soldats sont porteurs d’un ordre d’expulsion signé et contresigné par un juge de la ville. Une loi, des lois fédérales protègent en théorie les Guarani, qui sont tout de même l’un des peuples autochtones de l’Argentine. Chiffons de papier. La communauté Jasy Endy Guasu doit faire place nette au soja transgénique et à ses fabuleux profits.

Autre lieu, au Paraguay voisin. « San Vicente es un importante centro agrícola en el Departamento de San Pedro, en el norte de la Región Oriental de Paraguay ». Il n’est pas nécessaire de traduire, et je résume le reste : cette région, jadis d’élevage extensif, est envahie jour après jour par le soja, souvent transgénique. On déforeste, on ruine pour des décennies, sinon des siècles, le fragile équilibre écologique d’une zone longtemps tranquille. Les habitants de San Vicente ont perdu la forêt, les animaux qu’ils y chassaient, les poissons qu’ils pêchaient dans les rivières. Ils ont en échange des fumigations massives de ce que les Latinos appellent agrotóxicos, les pesticides. Beaucoup de malades, qui n’iront pas à l’hôpital.

Bref. Le 18 août 2007, quatre paysans sont partis chasser là où, de tout temps, ils l’ont fait. Une petite montagne désormais encerclée par le soja, à l’intérieur d’une grande propriété qui était hier une forêt de 93 000 hectares. Le propriétaire brésilien, qu’on appelle là-bas un « absentéiste », vit à Sao Paulo, dans une maison qu’on imagine cossue. La forêt a disparu, mais il reste au milieu des champs une butte boisée où les petits paysans viennent chasser quelques animaux survivants. Et ce 18 août, au moment où les quatre hommes, dont deux adolescents, redescendent, ils sont tirés comme des lapins. Les gardes du propriétaire leur ont tendu une embuscade. Pedro Antonio Vázquez, 39 ans, meurt. Cristino González, 48 ans, meurt. Les plus jeunes, blessés, se traînent jusqu’au village.

Et voici maintenant l’histoire de Tekojoja (Paraguay), telle que rapportée par l’anthropologue canadien Kregg Hetherington (ici). Nous sommes le 24 juin 2005, il est cinq heures, la communauté paysanne de Tekojoja dort encore. Entre 100 et 120 policiers armés débarquent et jettent hors de leurs lits les paysans, malgré une loi explicite qui interdit toute action avant l’aube. Environ 130 paysans, dont des femmes et des enfants, sont emmenés vers la prison dans des camions. Pendant que les soudards œuvrent, deux bandes de malandrins au service de propriétaires brésiliens – le Brésil est proche – détruisent les maisons avec de gros tracteurs, volent ce qui les intéresse, et brûlent ce qui brûle.

Plus tard dans l’après-midi, les spadassins se mettent à tirer sur les paysans, évidemment désarmés, ce qui est à la fois plus drôle et plus facile. Il y a des blessés. Et deux morts : Angel Cristaldo et Leoncio Torres. Mais le soja est passé, ce qui est bien l’essentiel. Autre péripétie d’une tragédie que personne ne veut considérer en Europe, où les supermarchés débordent de viande « nourrie » avec le soja transgénique débarqué à Brest, Lorient, Anvers ou Rotterdam : le cas Agripina. Le journaliste Philippe Chevalier raconte dans le quotidien suisse Le Courrier (ici) comment cette mère de famille s’est retrouvée encerclée par le soja.

Agripina Britez vit avec ses onze enfants et ses deux nièces sur une propriété agricole de dix hectares, dans le département paraguayen de San Pedro. Elle y cultive, à la manière ancienne, sésame et maïs. Au milieu de 3 000 hectares de soja transgénique. Chaque mois, et à quatre reprises, un avion largue des fumigations chimiques dont nul ne sait rien précisément. Agripina, en tout cas, rapporte qu’elle a le côté droit à moitié paralysé. Deux de ses gosses, Carolina (18 ans) et Carmén (6 ans) se plaignent depuis deux ans de nausées et de maux de tête. Ce doit être psychologique.

Au début des années 70 du siècle passé, le soja était inconnu au Paraguay. En 1991, il occupait (Ministerio de Agricultura y Ganadería, 1994) 552 456 hectares. En 2 000, 1 175 000 hectares. En 2 006, 2 429 800 hectares. Plus du tiers de la surface cultivable du pays est désormais dévolu à la culture d’une plante inconnue il y a seulement vingt ans – le soja transgénique -, sous contrôle d’entreprises étrangères pour lesquelles le Paraguay est à peine un point sur le planisphère.

Dans l’Argentine voisine, c’est pire. Cela ne veut rien dire, bien entendu. Comment cela pourrait-il être pire ? Au début des années 70, le soja couvre moins de 100 000 hectares. En 2 000, plus de 10 millions. Et 14 millions d’hectares en 2003. Et 16 millions d’hectares en 2007, ce qui représente environ 60 % des surfaces cultivées de ce pays géant.

Au Brésil, au cours des soixante dernières années, l’agriculture du soja s’est étendue de zéro à plus de vingt et un millions d’hectares de terre cultivée. Le Brésil est le deuxième exportateur mondial, et sera bientôt le premier, devant les Etats-Unis. Il pourrait même exporter deux fois plus que le géant du Nord en 2015 ! Car sa progression est fulgurante, inouïe : il représente déjà, avec environ 62 millions de tonnes par an, le quart de la production mondiale. Et ce n’est qu’un début.

Car à l’autre bout de la chaîne, il y a nous, tout simplement. Une étude du WWF (ici) rappelle opportunément cette réalité qu’il ne faut surtout, surtout pas voir : « Un Français mange en moyenne 92 kg de viande, 250 œufs et une centaine de kilos de produits laitiers chaque année, ce qui nécessite une surface cultivée en soja de 458 m2 par habitant pour répondre aux besoins en alimentation animale. La France fait partie des principaux responsables de cette tragédie. Elle est en effet le premier consommateur européen de soja, principalement originaire du Brésil (22 % du soja exporté du Brésil arrive en France) ».

Arrêtons de lire une seconde.  Faisons semblant de croire qu’il existe sur terre une seule et même humanité. Une seule. Eh bien, une partie – nous – utilise sans s’en soucier 458 m2 par tête d’une terre fabuleuse à tous points de vue pour parachever l’alimentation du bétail industriel qu’elle ingurgite. Question stupide, qui nous fait aussitôt redescendre sur terre : que fait, plutôt que ne fait pas le mouvement des consommateurs français ? A-t-on le droit de se regarder dans la glace sans penser une seconde aux innombrables sacrifiés de cette sinistre histoire ?

Mais qui connaît Lucien Chabason (et Mousel, et Brodhag, et Antoine) ?

Qui connaît Lucien Chabason ? Moi. Et qui Michel Mousel ? Moi. Et qui Christian Brodhag ? Moi. Et qui Serge Antoine ? Moi. Moi. Moi. Mais attention, je ne sais rien d’eux sur le plan personnel. Peut-être – je le leur souhaite – sont-ils, ont-ils été, d’excellentes personnes privées, de bons parents, des époux parfaits, des amis irremplaçables.

Mais il y a le plan public, et sur ce terrain, j’ai mon mot à dire. Je vous les présente en quelques phrases sèches, et donc injustes. Chabason est un expert multicartes depuis des décennies. Il a été sous-préfet à Ussel dès 1971, après avoir été administrateur civil au ministère de l’Intérieur, en 1968. En 1968. Il a par la suite été conseiller de Jacques Chirac – alors Premier ministre – en 1974, puis celui de Raymond Barre après 1976. Après une longue carrière au ministère de l’Environnement, il s’est nettement rapproché de Brice Lalonde quand celui-ci devint secrétaire d’État à l’Environnement, et surtout fondateur de l’éphémère Génération Écologie.

Et ? Chabason, je l’ai dit, est expert. International. Je vous passe la liste, qui comprend, entre beaucoup d’autres machins,  l’OCDE et le PNUE. Il a été coordinateur du plan d’action pour la Méditerranée des Nations Unies entre 1994 à 2003, et demeure président du Plan bleu. Je vous recommande ce dernier, car il existe depuis 1975, avec pour but officiel de sauver la mer Méditerranée des pollutions qui la tuent d’année en année.

Comme le résultat est émouvant, quand on pense au sort du thon rouge ! Et c’est Serge Antoine qui a eu l’idée de ce vaste plan si utile. Qui l’a proposé à des pays riverains « inquiets de voir se dégrader la mer qui constitue leur lien naturel ». Autant vous dire que Chabason et Serge Antoine se sont très bien connus. J’utilise le passé, car Serge Antoine, né en 1927, est mort en 2006.Qui était Antoine ? Un haut-fonctionnaire, tout comme Chabason. Tout comme un Robert Lion, président du conseil d’administration de Greenpeace (ici), Serge Antoine a eu pour le moins deux carrières. Conseiller de l’Euratom – la Communauté européenne de l’énergie atomique – au début des années 1960, il aura été l’un des piliers, pendant quinze ans, de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar), entre 1963 et 1978. Il y aura travaillé avec des responsables gaullistes aussi recommandables qu’Olivier Guichard – ancien maire de La Baule – ou Jérôme Monod, ci-devant patron de la Lyonnaise des Eaux.

Ensuite, indiscutablement, Serge Antoine, convaincu de l’existence d’une crise environnementale, a changé de voie. J’écris volontairement environnementale, mot que je déteste et tente de ne pas utiliser, car il est évident pour moi que Serge Antoine ne considérait pas la crise écologique. Ce qui comptait, c’était l’environnement. L’environnement des hommes. Mais baste, il fut l’homme du développement durable en France, et je n’ai aucune raison de douter de sa sincérité (ici). J’ajoute qu’il fut vice-président du Plan bleu de Chabason. Logique.

Poursuivons avec Michel Mousel, que j’ai croisé il y a une vingtaine d’années, et avec qui je me suis copieusement engueulé. Qui est-il ? D’abord un politique, passé par le PSU « autogestionnaire », « écologiste » et même « révolutionnaire » de l’après-68. Tout le monde s’en fout à juste titre, mais Mousel fut le secrétaire national du PSU après 1974, quand Rocard lâcha ses petits amis – il dirigeait alors ce parti, mais oui, les jeunes ! – pour se rapprocher de la grande tambouille socialiste.

Ensuite, Mousel fut de tous les cabinets, ou presque. On le vit chez Bouchardeau, devenue secrétaire d’État à l’Environnement après 1981, chez Lalonde, etc. En récompense de quoi il devint président de l’Ademe, tout comme madame Chantal Jouanno le fut. Sur ordre politique. Il fut ensuite, par la grâce de Jospin, qui régnait à Matignon, président – encore un ! – de la Mission interministérielle de l’effet de serre (MIES) jusqu’en 2001. Il a également créé l’association 4 D (ici), durable, forcément durable. Il est de tous les colloques, comme on peut se douter.

J’ ai plein d’autres noms dans ma besace, dont ceux de Laurence Tubiana (ici) et Pierre Radanne (ici), mais je n’écris pas un livre, et vais donc m’arrêter à Christian Brodhag. Porte-parole national des Verts entre 1989 et 1991, conseiller régional, il a quitté ce parti pour se rapprocher de la droite. Laquelle s’est montrée généreuse. Brodhag a été « président de la Commission française du développement durable » entre 1996 et 1999 – défense de glousser -, puis délégué interministériel au développement durable entre 2004 et 2008.

Voilà. Ouf. Je me repose une seconde. Quel est le lien entre ces braves sentinelles ? Mais le fiasco, bien entendu. L’incroyable, l’extravagant échec de leurs sempiternelles (pré)occupations bureaucratiques. Ils n’auront jamais cessé, pendant des décennies, de radoter. De pleurnicher, de demander pardon à tous les pouvoirs en place qui, au reste, les employaient. Quelle bête serait assez sotte pour mordre la main qui la nourrit ?

Tandis que la planète flambait, ces messieurs-dames péroraient, prétendant trouver pour nous les solutions justes et parfaites. On voit, on a vu les résultats. Je pourrais me contenter d’en rire, car il y a bien de quoi. Exemple : Athènes. Une milliardième conférence s’y est tenue fin avril 2009, organisée je crois – et je m’en fous – par le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE).Vous savez quoi ? On y a appris que l’Union européenne se montrait et se montrerait incapable de stopper « l’érosion de la biodiversité ». En résumé non euphémisé : l’Europe continue à détruire la vie comme si de rien n’était, y compris en mer (ici).

La mer. Chabason. Le plan bleu. 1975. Chabason était à Athènes en avril dernier, et voici ce qu’il a cru pouvoir déclarer concernant la biodiversité : « Nous n’avons pas un indicateur simple – la hausse des températures ou la concentration du CO2 dans l’atmosphère – pour nous alerter. Nous n’avons pas non plus de scénarios nous mettant en garde contre les risques à franchir certains seuils. Enfin, nous n’avons pas encore vécu d’épisodes comme Katrina ou la canicule de 2003 pour aider à la prise de conscience du problème ».

C’est-y pas génial ? Après quarante ans de blabla, l’un de nos grands lutteurs de foire reconnaît qu’il n’en fout pas une rame. Qu’il se contente, comme dirait l’autre, de pures « paroles verbales ». Je vous résume mon sentiment à propos de cette petite armée de professionnels qui s’est emparée de quelques expressions clés, comme développement durable, effet de serre, ou encore biodiversité. Ils ne sont évidemment pas une aide. Ils sont même à coup certain des « retardateurs ». Leur omniprésence et leur totale impuissance à créer du mouvement nous font perdre des années qui ne reviendront pas. Oserai-je ? Ils ne sont pas de mes amis.

Les digues du Bangladesh (Attali au-delà de la honte), épisode 5

Voilà, c’est la fin. Le témoignage de Gaston Dumas, qui suit, éclaire d’une manière sinistre le dossier des digues du Bangladesh. Tout est dit. Tout est clair. Presque trop clair. Je souhaite ardemment que vous pensiez au moins quelques minutes à nos frères paysans du Bangladesh, qui ploient sous l’effort quotidien. Les propriétaires terriens y imposent cette loi que nos ancêtres ont abolie certaine nuit d’août 1789. Pensez à ces êtres aussi aimables, aussi respectables que n’importe lequel d’entre nous. Et pensez à Jacques Attali. Pas tant à sa si médiocre personne qu’à ce qu’il représente en France. Songez à sa place, à ses soutiens, à sa crédibilité dans tant de journaux imbéciles, dont certains prétendent pourtant incarner l’intelligence. Dans le monde tel qu’il est fait, on ne peut être du côté des paysans du Bangladesh et faire des sourires aux si nombreux Attali de la place. Il faut choisir.

L’AFFAIRE DUMAS 
Gaston Dumas part pour une mission d’expertise au Bangladesh le 25 octobre 1990. Choisi par la Caisse centrale de coopération économique (CCCE) – c’est-à-dire l’État – pour sa très grande expérience professionnelle, il doit rester trois mois dans le pays et définir, puis calculer les paramètres hydrologiques permettant une protection contre les crues. Hydrologue, Gaston Dumas a dirigé dans le cadre de l’ONU, de 1964 à 1966, une étude sur le delta du Bangladesh, la plus importante jamais entreprise. Pendant ces deux années, près de 400 personnes, disposant d’une vingtaine de bateaux, ont réalisé des millions de mesures hydrométriques. C’est dire sa compétence et sa connaissance du pays.

Lorsqu’il revient au Bangladesh vingt-cinq ans plus tard, le service hydrologique bangladeshi qu’il avait contribué à créer existe toujours. C’est la seule bonne surprise du séjour. Sitôt arrivé, Gaston Dumas constate qu’il n’a pas les moyens de travailler. Il ne dispose que d’un minuscule bureau provisoire, n’a pas de voiture – celle qui lui était destinée sert à d’autres fins -, pas davantage de micro-ordinateur. Les rapports sont d’emblée exécrables avec Jean-Marie Lacombe, le résident à Dhaka du bureau d’études qui paie sa mission, le BCEOM.

Peu à peu, Dumas est amené à s’interroger sur le sérieux de l’étude de préfaisabilité financée en 1989 par le gouvernement français (voir les 4 articles précédents). Malgré ses demandes répétées, il ne peut obtenir les données informatiques ayant servi de base à l’étude. À peine si l’on consent à lui envoyer à Dhaka une disquette sans intérêt. « Je ne comprends pas, écrit-il dans un fax du 20 novembre 1990 adressé en France à un responsable du BCEOM, pourquoi l’analyse des niveaux d’eau (fondamentale) n’apparaît nulle part, non plus que celle des précipitations journalières (l’analyse commence à quarante-huit heures). J’aimerais avoir les éléments correspondants ». Il ne les aura jamais.

« Ce ne pouvait être qu’une politique délibérée pour me priver de toute information sérieuse », estime-t-il aujourd’hui. En s’appuyant sur des éléments de son travail de 1966, en récoltant à ses frais des données en dehors de son temps de travail, sur un ordinateur prêté, Gaston Dumas progresse néanmoins. Il ne fait bientôt plus de doute pour lui que l’étude de préfaisabilité présente des carences vertigineuses et que beaucoup de ses chiffres sont faux. « Personne ne pensait, dit Gaston Dumas, que j’allais remettre en cause cette Bible en collectant de nouveau toutes les données avec l’aide de mes deux adjoints bangladeshis, et en dehors de toute voie officielle ».

À son retour en France en février 1991, devant les opacités manifestes de sa mission, Gaston Dumas propose sa démission. Dans une lettre au BCEOM, il précise que « si nous nous apercevons, après l’étude [celle qu’il mène à l’époque] que certains ouvrages de protection contre les crues, par exemple des endiguements, ne peuvent jouer leur rôle par suite de la disproportion entre le débit des lits majeurs et celui des mineurs de certaines sections des cours d’eau, il sera difficile de redresser la situation (…). Dans l’obligation d’effectuer une tâche incomplète, [il ne veut pas] être accusé ultérieurement d’avoir négligé la partie hydrologique [qu’il] estime la plus importante ». À la suite d’une réunion au siège de la CCCE à Paris le 13 février, en présence de Joël Maurice, il accepte néanmoins une nouvelle mission de trois mois, « à condition d’avoir un soutien logistique digne de ce nom ».

Sur place, bien au contraire, tout se gâte. L’homme du BCEOM à Dhaka, Jean-Marie Lacombe, ne supporte plus les critiques de Gaston Dumas. Il va jusqu’à bloquer l’envoi en France par fax de certains éléments du rapport de l’hydrologue. Utilisant un moyen détourné, celui-ci adresse le 9 avril une lettre à un responsable du BCEOM : « Il n’y a plus de communication entre Agropolis [l’un des sièges du BCEOM] et moi-même parce que Jean-Marie Lacombe bloque l’envoi de fax. Cette situation qui se prolonge nous conduit à l’échec. J’attache une grande importance à votre intervention rapide et à ce que des situations de cet ordre, trop fréquentes dans le passé, ne se reproduisent pas à l’avenir ».

Cette lettre reste sans réponse. Plutôt curieux de la part d’un bureau d’études rétribué sur fonds publics. Entre-temps, le 3 avril, un autre hydrologue, dépêché par le BCEOM, est arrivé à Dhaka. Guy Chevereau est loin d’avoir les connaissances de Gaston Dumas en matière de crues deltaïques, mais il est vrai que sa mission est tout autre. « J’ai été envoyé là-bas, admet-il volontiers, pour “virer” Dumas. L’un de mes responsables m’avait dit : “Dumas pédale dans la choucroute”. Il n’avait pas la formation de statisticien nécessaire. Dumas, c’est la vieille école. Or là, on avait besoin d’analyser des données, pas d’aller sur le terrain. »

Version confirmée par Bernard Lemoine, chef du département « Aménagement et développement rural » au BCEOM : « Il y a des experts qui paraissent compétents dans le contexte français et qui se révèlent incompétents dans le contexte bangladeshi. Il n’a pas fait le travail qu’on lui demandait, et il a été remplacé ». On ne s’étonnera pas que la version de Dumas soit toute différente. Selon lui, Guy Chevereau, mandaté sans ordre écrit pour lui reprendre la responsabilité de l’étude, l’a totalement modifiée sur des points fondamentaux. « Mon analyse des débits et mes mises en garde sévères ont disparu de ce nouveau rapport. De même que mon analyse pluviométrique. Tout a été remplacé par des données soit fausses, soit hautement discutables de l’étude de préfaisabilité de 1989. L’essentiel, semble-t-il, était de ne pas toucher à cette sacro-sainte étude ».

Gaston Dumas va plus loin encore. « A-t-on voulu se servir de ma réputation et de ma signature ? Le BCEOM m’a demandé à Dhaka d’approuver ce nouveau rapport, de le signer et de le parapher page à page, ce que j’ai bien entendu refusé. Quelques jours plus tard, le BCEOM décidait d’abréger ma mission. Son agent à Dhaka, Jean-Marie Lacombe, qui devait s’occuper des formalités, détenait mon passeport et mon billet d’avion. Le 16 mai, j’ai failli en venir aux mains avec lui, car il prétendait échanger ces pièces contre des lettres de reconnaissance concernant mon rapport de mission. Il a fallu que je demande la protection officielle du consulat de France pour en sortir. En trente-cinq ans de carrière, je n’ai jamais connu de telles méthodes ».

Définitivement de retour en France, Gaston Dumas adresse le 27 mai 1991 une lettre cinglante à Joël Maurice, le représentant de la CCCE [donc l’État]. « Je me suis aperçu, mais un peu tard, que mes références professionnelles ont servi d’appât. J’ai appris que [le BCEOM] n’avait plus besoin de mon expérience pour rester au Bangladesh une fois introduit, car il suffit de satisfaire la vénalité des décideurs, coutumiers pour chaque projet, de faire monter une ou deux fois les enchères, par des simulacres techniques. Cette étude a des chances d’être acceptée avec le temps, ne serait-ce qu’après une modification de forme ( …). Les conséquences à moyen terme d’équipements mal conçus peuvent être graves et nous ne pouvons, à mon avis, faire l’économie d’une étude hydrologique sérieuse et selon une méthodologie précise (…), je ne veux pas être mêlé à une étude captieuse dont le but est de couvrir l’étude de préfaisabilité antérieure, “rassurer” le client français et servir d’introduction auprès du client bangladeshi.
»Prenant le risque de ne pas percevoir mes frais de mission, je désire que les responsables bangladeshis soient avisés par voie officielle que je n’ai pas participé à la rédaction du rapport transmis par le BCEOM »
.

Joël Maurice se contente d’une réponse empruntée, regrettant que la mission de Gaston Dumas « n’ait pu se dérouler et produire des effets selon le programme initialement prévu ». Il ne demande pas à rencontrer l’hydrologue et ne cherche pas à en savoir davantage sur ces graves accusations. « C’est un problème, dit aujourd’hui Joël Maurice, entre un bureau d’études et son salarié. Si monsieur Dumas a été remplacé au Bangladesh, c’est qu’il ne fournissait pas le travail demandé dans les délais convenus. Je constate qu’il a commencé à porter des accusations après avoir eu des problèmes avec son employeur ».

Gaston Dumas, quant à lui, se pose de nombreuses questions. Pourquoi la CCCE n’a-t-elle tenté aucune clarification de ce lourd dossier après son retour en France ? Pourquoi n’a-t-elle pas tenu compte de ses mises en garde et propositions techniques ? Pourquoi ce pesant silence ?

PS qui date de ce mercredi 8 avril 2009 : Comme je viens de retaper de texte de 1992, je suis encore sous le coup d’une certaine émotion. L’État, la gauche au pouvoir, notre immense Jacques Attali ont donc couvert de leur autorité cette incroyable histoire des digues du Bangladesh. De vous à moi, pensez-vous que les choses ont changé ? L’affaire des contrats signés par Bernard Kouchner avec Omar Bongo et Denis Sassou Nguesso  n’est-elle pas dans le droit fil de ce qui précède ? Mais bien au-delà, je reste obsédé par ceci : pourquoi tant d’indifférence ? Pourquoi les opinions du Nord se moquent-elles à ce point de ce qui se passe en leur nom au Sud ? Pourquoi ce si pesant silence (bis repetita) ?