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Les biocarburants sont au pouvoir (le sacre d’Obama)

Vite, vite, je suis désolé de devoir foncer. Le MAG Cultures est un magazine envoyé chaque mois à 110 000 grandes exploitations céréalières françaises (144 ha en moyenne). Une ode perpétuelle à l’agriculture intensive. On ne saurait mieux faire dans ce domaine. Or je viens de lire un article fort intéressant que je propose en priorité aux adorateurs de Barack Obama (ici).Certains d’entre vous savent déjà comment je vois l’élection d’Obama à la présidence des États-Unis d’Amérique (ici). Mais ils ignorent probablement ce que révèle l’article de MAG Cultures, dont j’isole cet extrait lumineux :

« Pour le Farm Bill, pas d’illusions à se faire : il a été adopté sous pression démocrate, malgré le veto de Bush, et le sénateur Obama a voté pour. “Le nouveau président a une approche pragmatique plutôt que dogmatique de la libéralisation. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour nous. Sur l’agriculture, j’ai le sentiment qu’il veillera aux intérêts de ses farmers, comme il l’a fait en affirmant son soutien aux biocarburants qui sont un levier puissant pour assurer un revenu aux agriculteurs ”, explique Christian Liegeard. C’était l’un de ses principaux points de désaccord avec le candidat républicain. Obama s’engage à prendre la suite du plan Bush pour l’éthanol. Il ne changera rien, et ça change tout pour le marché mondial du maïs ».

Je n’ai pas même envie de faire le moindre commentaire. Le plan éthanol. Le maïs changé en carburant. La faim qui déferle et détruit des vies par centaines de millions. Pas de commentaire. Ainsi.

Cette autre information que je ne commente pas non plus. C’est une dépêche de l’AFP, datée du 5 décembre 2008, destinée à ceux qui croient – ils sont nombreux, même chez les soi-disant altermondialistes – que l’industrie des biocarburants a été déjà battue, sans le moindre combat. Oyez, naïfs confondants :

« PARIS (AFP) — Les betteraviers français vont augmenter leurs surfaces de culture pour la fabrication d’éthanol alors que les agrocarburants font l’objet d’une polémique en raison de leur impact sur les prix agricoles, a annoncé vendredi la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
Entre la campagne actuelle (2008-2009) et la prochaine (2009-2010), la surface totale de culture va passer de 349.000 à 360.000 hectares, soit une augmentation de 3 à 4%, a indiqué la CGB, branche spécialisée de la FNSEA, lors d’un point de presse. La surface consacrée au sucre reste identique à 245.000 hectares. Pour l’éthanol, elle augmente de 50.000 à 60.000 hectares. Pour l’alcool et les autres usages, les surfaces baissent de 60.000 à 55.000 hectares.
La production d’éthanol en France devrait dépasser 9 millions hl en 2008, dont 50 % pour la betterave et le reste en blé.
Pour 2010, la CGB mise sur une production de 5 millions d’hl à partir de la betterave ».

Qu’au moins personne n’ose dire dans dix ans qu’il ne savait pas. Qu’au moins ceux qui n’agissent pas aujourd’hui – France Nature Environnement, WWF, Greenpeace – ne versent pas plus tard des larmes de crocodile. Qu’au moins ils continuent de se taire et se contentent des réunions au sommet avec Borloo and co. Le champagne est si doux.

Des questions sur Robert Lion (et sur Greenpeace)

Le désordre est grand. Le désordre est général. C’est de l’humour, je vous assure. Robert Lion vient d’être nommé président de Greenpeace-France. J’ai fait partie quelques années du Conseil statutaire de cette association, sans même savoir ce que cela voulait dire. Je participais une à deux fois par an à des sortes d’assemblées qui ne servaient pas à grand-chose. Mais c’était ma manière d’être au côté des activistes de Greenpeace. Les héritiers des charmants cinglés de 1971.

J’avais une autre raison d’en être. Katia Kanas est l’un des piliers de Greenpeace en France, ONG qu’elle a créée chez nous, avec Jacky Bonnemains notamment, vers 1977. J’ai pour elle une affection indéfectible. C’est une véritable écologiste dans l’âme et c’est aussi une belle personne. Mon Dieu, que demander de plus ?

J’ai donc soutenu à l’occasion ce groupe, sans m’illusionner sur ses limites, sans fermer les yeux sur ses dérives, car elles existent, à n’en pas douter. Et puis est venu Robert Lion. Je vous le présente, car qui le fera sinon ? Cet homme de 74 ans a une carrière bien remplie. Dès 1966, cet énarque est conseiller technique au cabinet du ministre de l’Équipement d’alors, Edgard Pisani. L’Équipement, en 1966. C’est simplement inimaginable. Ce ministère et ses ingénieurs des Ponts et Chaussées sont au cœur, précisément au cœur du désastre où nous sommes.

Ces gens ont pensé une France ravagée par la bagnole, les autoroutes, les zones industrielles, les panneaux publicitaires. Et ils l’ont faite. En 1968, quand d’autres de son âge se colletaient avec les policiers, Lion était chargé de mission à la direction de la politique industrielle du ministère de l’Industrie. En 1969, il fit la même chose, cette fois au ministère de l’Équipement et du Logement. Il fut même directeur de la Construction de 1969 à 1974. Il aura tout fait, et tout couvert.

Il serait cruel, mais intéressant, de glisser ici une incidente sur ce qu’on appela le « gaullisme immobilier ». Ses tours géantes. Ses quartiers maudits. Ses promoteurs vertueux et leurs comptes en banque numérotés, aux îles Caïman. Robert Lion, ami de la nature et des grands équilibres.

Et puis ? Et puis le monde stupéfait a découvert que Robert Lion, le bâtisseur de restoroutes, était de gauche. Mais vous vous en doutiez, non ? En 1981, il dirige le cabinet de Pierre Mauroy, Premier ministre socialiste. Nationalisations et violon. En 1982, le voilà bombardé à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, où il reste jusqu’en 1992. Attention les yeux, ce poste fait de lui le financier le plus puissant de France. Quand il quitte la direction de cette Caisse publique, celle-ci gère la bagatelle de 1 600 milliards de francs (valeur 1992) d’actifs.

A-t-il orienté si peu que ce soit les choix du pays en faveur de la nature et des écosystèmes ? Je prends cette question pour une galéjade, car tel est bien le cas. Rien, non rien de rien. Interrogé au moment de son départ sur son bilan par le journal L’Expansion, Lion ne dit pas un mot sur l’écologie, dont il se contrefout évidemment. Il s’approche tout de même des soixante ans, ce qui n’est pas le jeune âge. Citation : « La France a mûri : elle comprend mieux l’économie et s’intéresse à ses entreprises. Elle s’est un peu décentralisée. Elle a, à portée de main, le plus beau projet du siècle : construire l’Europe ».

Ensuite, changement de décor. Pas de pièce. De décor. Lion crée une ONG, Energy 21, et c’est sous cette noble bannière qu’il se rend en 1997 à la conférence de Kyoto sur le climat. Est-il enfin devenu écologiste, alors qu’il dépasse les 63 ans ? Eh bien, difficile de se montrer trop affirmatif. Car dans un article écrit à ce moment (ici), il commente d’une curieuse manière la situation de la planète : « Des entreprises anticipent l’inéluctable succès des défenseurs du climat – à Kyoto et au long des décennies qui viennent. Ce succès leur ouvrira des marchés : nouvelles générations d’automobiles et d’appareils domestiques, nouvelles technologies énergétiques, produits et process industriels moins énergivores. Le champion mondial de ces attitudes intelligentes pourrait bien être… Shell, ou Toyota, ou Dupont de Nemours ».

Hum, comment dire ? Shell, Toyota, DuPont de Nemours présentés comme modèles ? Sans doute aura-t-on mal renseigné notre héros, car pour un peu, on prendrait son envolée pour un manifeste en faveur du capitalisme vert. Que tout change pour que rien ne bouge ! Le reste n’a que peu d’intérêt : Lion préside depuis cette date quantité de machins, dont Agrisud International et donne des conseils à tous ceux qui le souhaitent.

C’est donc cet homme que Greenpeace vient de nommer à sa présidence. Est-ce une bonne nouvelle ? Cela pourrait l’être, malgré ce que je viens d’écrire. Notre monde a en effet besoin, désespérément besoin de mouvement, de changement, de ruptures mentales. Mais Lion a-t-il opéré le moindre retour sur lui-même ? Cela, je le conteste, sans aucune hésitation. Car il n’a pas un mot pour ce passé purement détestable, pour cette carrière tout entière vouée à la destruction du monde. Soyez certains que je ne lui demande aucun acte de contrition. Nous n’en sommes pas là. Nul n’a dans ce domaine beaucoup de droits. Mais comment agir pour la sauvegarde avec la pensée qui a conduit les sociétés humaines au bord de l’abîme ?

Autant vous dire que j’en veux puissamment à Greenpeace. Oh oui ! Accueillant avec une joie débordante son nouveau président, le directeur de Greenpeace en France, Pascal Husting, a déclaré sans état d’âme : « Face à l’ampleur et à l’urgence des défis environnementaux auxquels nous faisons face, l’expérience de Robert Lion, sa grande connaissance des institutions et des entreprises et son choix de servir une cause militante seront d’une grande valeur ajoutée dans le combat de Greenpeace pour trouver des réponses à la crise écologique »

Dieu du ciel, quel ton entrepreneurial ! Une grande valeur ajoutée. On croirait un communiqué de Nestlé. Ou de Nissan. Greenpeace, qui fut un véritable aiguillon, est devenue une petite institution chargée de chercher et de trouver des solutions réalistes (ici). Tout cela s’appelle en bon français du greenwashing (ici). Une tentative de sauver les meubles en les peinturlurant en vert. Ce sera sans moi.

Quand pleurer fait du bien (sur un film)

Je viens de regarder un film qui m’a fait pleurer. C’est rare. Cela m’arrive, car je suis émotif, mais c’est rare tout de même. J’ai donc pleuré en voyant le documentaire de Christian Rouaud, qui s’appelle Les Lip (l’imagination au pouvoir). Pour je ne sais quelle obscure raison, je l’avais loupé au moment de sa sortie en 2007.

Je suis bien obligé de jouer les anciens combattants, et de raconter un peu pour les petits jeunes qui poussent derrière la porte. Le 17 avril 1973, la société de montres Lip, installée à Besançon, dépose son bilan. Nous sommes avant le choc pétrolier et le chômage de masse. Nous sommes avant l’usure affreuse des années 80 et du socialisme à la mode Mitterrand. Les ouvriers existent encore comme force sociale et politique respectée, et le souvenir de 68 demeure incandescent.

Ces ouvriers se lèvent, dont beaucoup sont des ouvrières. C’est une insurrection pacifique, presque toujours pacifique. Elle devient vite grandiose. Non seulement les prolos occupent leur usine, mais ils remettent en activité des chaînes de montage, puis décident de vendre eux-mêmes les montres ainsi fabriquées. Le tout dans une illégalité totale. Le tout en multipliant les ruses pour échapper aux surveillances policières. Le tout en manipulant des sommes géantes pour l’époque, où l’on calculait encore en anciens francs.

Des centaines de millions de ces francs-là ont été cachés, comptés, distribués à la barbe de tous les pouvoirs locaux et nationaux. En ce temps-là, Georges Pompidou était président. Et Pierre Messmer, Premier ministre. On ne peut pas comprendre si on n’a pas vécu cela. Pompidou. Messmer. Dieu du ciel, ces gens-là ont réellement existé.

À Besançon, les Lip étaient rassemblés autour du slogan le plus fabuleux de l’après 68 : « On fabrique, on vend, on se paie ». Je me souviens d’être allé deux fois là-bas. La première en septembre 1973, pour une manifestation de  solidarité qui rassembla 100 000 personnes sous une pluie froide. Moi, je bouillais, j’étais au paradis. Moi, je venais d’avoir 18 ans.

J’arrête ici pour l’histoire, que tout le monde peut apprendre, devrait apprendre d’ailleurs. Je n’ai jamais oublié ces personnages de légende, qui sont pourtant des femmes et des hommes comme on en croise un peu partout sur le chemin. Et ces salopards, donc, m’ont fait pleurer. Merde, beaucoup. Je précise qu’on les voit fort peu en 1973 et 1974. Ceux qui sont interrogés ont trente-cinq ans de plus au compteur de la vie. Certains sont des vieux. Certains sont officiellement et légalement des vieux.

Dans le film, honneur aux dames, j’ai admiré pleinement Jeannine Pierre-Émile, entrée chez Lip en 1971, où elle est en 1973 déléguée du personnel. Mazette, quelle classe ! Quel ton ! Quelle joie dans le regard quand elle se penche sur le passé, sur cet interminable conflit qui dura tant d’années. On a envie de la serrer. Je le fais, je la serre.

Tous sont admirables. En tout cas, je les admire tous sans réserve. Mais je dois avouer que deux êtres me frappent davantage que les autres. Le premier est un curé, alors ouvrier chez Lip : Jean Raguenès. Il est lumineux, intelligent et ajoutons pour faire bon poids qu’il est un révolutionnaire. En 1973, c’est l’évidence même. Quand la caméra de Rouaud le retrouve au Brésil aujourd’hui, où il s’occupe évidemment des pauvres, il semble l’être encore. Il semble. On ne lui pose pas la question.

Il y a donc Raguenès, dont je n’avais pas mesuré, il y a plus de trente ans, la dimension bouleversante. Et il y a bien entendu Charles Piaget. Dieu comme cet homme a bien vieilli ! Je ne sais pas comment ce gars a fait, car il doit tourner autour de 80 ans, mais putain, quelle vaillance intacte ! Piaget est demeuré à mes yeux l’incarnation de mon rêve de jeunesse. L’incarnation du rêve de la révolution.

En 1973, Piaget est un syndicaliste, mais davantage encore un homme du peuple. C’est difficile à expliquer clairement. Il dirige, mais à sa manière. En maintenant perpétuellement la discussion. En écoutant. En entendant. En acceptant d’être remis en cause et d’être éventuellement minoritaire, en évitant à chaque pas d’offenser, en faisant du respect une valeur centrale. Mais dans le même temps, Piaget est aux avants-postes de la bagarre sociale. Il est radical, il attaque en son cœur le système capitaliste, il défend les contours d’une société qui serait gérée par les travailleurs.

Ça fait drôle, hein ? Une société dirigée par ceux qui la composent. Ça fait drôle, hein ? Bon, n’insistons pas. Les Lip, filmés par Rouaud, expriment une telle beauté profonde et collective que, trente-cinq ans plus tard, celle-ci irradie encore. Oh, tant ! Bien entendu, il y a mystère. Pourquoi ? Pourquoi diable là, et pas ailleurs ?

Je ne prétends pas détenir une réponse, mais j’ai néanmoins une idée ou deux. Dont la conviction qu’une alchimie psychologique s’est produite alors. Basée sur une rencontre improbable autant qu’imprévisible entre des êtres vrais. Les êtres vrais existent tout autour de nous, mais ils ne s’agrègent presque jamais. Chez Lip, la réunion a eu lieu. Je pense, sans en avoir la moindre preuve, que Raguenès et Piaget étaient indispensables à l’émulsion générale. D’un côté un révolté profond, assez proche, me semble-t-il, de l’anarchie dans ce qu’elle a de meilleur à donner. Et de l’autre un réaliste qui ne renoncerait pas à l’utopie des profondeurs. Le premier, Raguenès, entraînant le monde par le bout extrême de ses songes. Et le second, Piaget, assurant que le monde est toujours là, accroché aux branches, vaille que vaille. Rassurant, en somme.

Oui, je pense que la présence de ces deux tempéraments splendides a permis à quantité d’autres caractères – les Burgy, Vittot, Demougeot, Neuschwander même – d’exprimer leur profondeur et leur humanité. J’ajouterai volontiers leur grandeur, car ces femmes et ces hommes sont grands, se révélant aux autres comme d’authentiques personnages d’une histoire qui les magnifie et leur rend justice.

On ne peut reproduire un chef-d’œuvre. Lip en fut un. Et pour en revenir une seconde à cette crise écologique qui m’obsède, et à laquelle est consacré ce rendez-vous, qu’ajouter ? Eh bien, je suis heureux que Lip ait existé, car cette aventure humaine démontre que, parfois, tout est possible. Tout. Ce qui a été mené à Besançon, dans un autre monde que celui qui existe, a valeur de grand fanal. Selon moi, l’alchimie locale peut, un jour ou l’autre, se produire à l’échelle d’un pays et même du monde.

Écrivant cela, je tente de ne pas me montrer naïf. Pas trop. Mais enfin, si je ne croyais pas de toutes mes forces qu’un mouvement sans égal peut et doit soulever l’enthousiasme et provoquer le début des innombrables changements nécessaires, eh bien, je serais désespéré. Or, je ne le suis pas. Souvent tourneboulé, quelquefois affreusement pessimiste. Mais désespéré, non. Et quand je vois sur l’écran Piaget, Raguenès et tous autres, je sais pourquoi. Jamais je ne les oublierai.

Quand Laurent Joffrin déconne à pleins tubes

Attention, les mots qui suivent n’ont rien à voir avec la crise écologique, objet plus qu’essentiel de ce rendez-vous. Ce n’est qu’un coup de gueule, un cri de rage contre Laurent Joffrin, directeur du journal Libération.

Je lis avec vous la une de Libé du mercredi 12 novembre 2008. Surtitre : Sabotages du réseau TGV. Titre : L’ultra gauche déraille. Et c’est à cet instant précis que mon titre prend son sens : oui, Laurent Joffrin déconne, et à plein tubes. Je ne le connais ni ne l’ai même jamais vu. Et j’ajoute que je le vise là en tant que responsable du journal. Il est bien possible qu’il n’ait joué aucun rôle dans cette insupportable désinformation. Peut-être était-il à l’étranger ou au lit ou au restaurant.

Il n’importe. Son journal a donc accusé un courant politique sur la foi des seules affirmations policières, aussi solides, on le sait, que le béton des fers utilisés contre les lignes du TGV. Je ne suis pas d’ultra gauche, certes non. Et ceux qui ont jeté des plaques sur les voies, au risque de faire dérailler un train, sont de sinistres brutes. Mais cela n’excuse pas Joffrin.

Ce Libération-là a été bouclé hier vers 22 heures, quand la plus extrême prudence s’imposait évidemment. Ce mercredi soir, vers 19 heures, le site de l’Express publiait au reste un papier au titre limpide : Prudence judiciaire dans l’enquête sur les sabotages à la SNCF (ici). Mais qu’en a donc à faire le grand journal de gauche que plus personne ne nous envie ?

PS1 qui n’a pratiquement rien à voir : en février 1984, Antenne 2 – son nom, je n’y peux rien – proposait une grande émission entre politique et désordre mental. Sous le nom générique de Vive la crise !, on y entendait ce pauvre couillon d’Yves Montand vanter les mérites de ce qu’on appellerait plus tard le libéralisme. Le capitalisme, quoi. Et Joffrin, journaliste au service Économie de Libération – qui s’était fendu d’un hors-série Vive la crise ! pour l’occasion – avait joué un rôle central dans la mise en boîte de l’émission. Interrogé d’ailleurs par Joffrin et July pour ce hors-série, Montand déclarait tout de go qu’il était « de gauche tendance Reagan » et qu’il attendait un « capitalisme libéral ». Être de gauche, pour ces excellentes personnes-là, c’était soutenir Tapie et briser les reins des pauvres. Ce qui fut d’ailleurs réalisé.

Il n’est pas exagéré d’écrire que cette émission de merde est une butte-témoin. Comme le tournant dit de la rigueur en 1983. La fin d’une illusion. Le début des folles années de la spéculation, de la Bourse, du déchaînement de la destruction. Dans un éditorial, Joffrin écrivait sans gêne : «De l’Etat, encore de l’Etat, toujours de l’Etat. Relance, nationalisations, impôts nouveaux, plans industriels : tout allait à l’Etat, tout y revenait. Mais tout a raté, ou presque. Dans les douze mois qui ont suivi cette année illusoire [ 1981], il a fallu brûler à la sauvette ce qu’on avait adoré ».

Cela n’a rien à voir avec le titre de ce matin ? P’t-êt’ ben qu’oui, p’t-êt’ ben qu’non. On fait comme on veut.

PS 2 : Je vous donne l’adresse où l’on peut lire la prose d’un type en cabane depuis des mois. Assurément un partisan de cette ultra gauche que Libération vomit, bien que ce journal soit né des pires sornettes de cette Gauche Prolétarienne où Serge July pourfendait sans état d’âme le notaire (désolé pour les non-initiés). Je ne connais pas Juan, mais il a le droit à la parole, ce me semble : ici.

Hommage (vrai) à Nicolas Sarkozy

Il n’est pas drôle, ce jour où je félicite sincèrement Nicolas Sarkozy. Il n’est pas drôle, mais il m’engage bel et bien. Venu au fort de Douaumont ce 11 novembre 2008, notre président a rendu hommage aux morts de l’insupportable guerre qui a ravagé l’Europe entre 1914 et 1918. Ce grand massacre est le symbole même du désordre mental et spirituel qui rend la crise écologique si difficile à concevoir et à combattre.

Ce n’est pas seulement l’Europe qui a sombré il y a 90 ans, mais une certaine idée de l’homme. La guerre totale lancée en septembre 1914 a été avant tout une folie intégrale, dont nous ne sommes évidemment pas sortis. Je suis donc heureux que Sarkozy ait déclaré ce matin, à propos des 675 fusillés de la guerre, sous l’uniforme, pour cause de désertion, mutinerie ou refus d’obéissance :  « Je penserai à ces hommes dont on avait trop exigé, qu’on avait trop exposés, que parfois des fautes de commandement avaient envoyés au massacre, à ces hommes qui n’ont plus eu la force de se battre ».

Je n’oublie rien de ce que j’ai écrit de Sarkozy. Rien de ce que je pense de lui, que je juge désastreux. Rien, on s’en doute. Mais enfin, ces mots sont bienvenus.