Archives de catégorie : Mouvement écologiste

Ce parti qui n’a pas de nom

Qu’est-ce qu’un parti ? J’avoue ne pas bien savoir. Dans mon esprit, les partis expriment – en les immobilisant – des idées durement charroyées par le mouvement de la pensée. De ce point de vue-là, je ne peux que donner raison à ceux qui, comme le Premier ministre actuel, aimeraient que le parti socialiste au pouvoir change de nom. Car en effet, l’appellation date d’un temps où existait un mouvement ouvrier et un désir plus ou moins sincère d’émancipation sociale.

Pour vous faire rire un peu, voici l’article premier de la déclaration de principes de la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) dont le parti socialiste a pris la suite. Nous sommes en 1905, et l’article dit : « Le parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat. Par son but, par son idéal, par les moyens qu’il emploie, le parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n’est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte de classe et de révolution. »

Bon, c’est terminé depuis très longtemps. Depuis bien avant la guerre. Depuis bien avant juin 1936. Pour être encore plus près de la réalité, cela n’a jamais été vrai. Et ne parlons pas de ce parti communiste, engagé officiellement dans le combat pour l’égalité universelle, mais qui soutint jusqu’à la dernière goutte de sang la dictature stalinienne sur les pauvres, les ouvriers, les paysans, les peuples. Ne parlons pas de l’incroyable crapulerie d’hommes comme Jacques Duclos ou Maurice Thorez, ni des pâles copies que furent les Marchais, Lajoinie, Hue, Buffet et aujourd’hui Pierre Laurent. Quoi qu’on pense, on aura du mal à affirmer que ces partis-là incarnent un quelconque avenir. Ils sont morts depuis longtemps, mais une règle sociale imperturbable veut qu’un organisme politique peut bouger bien après son trépas.

Et le parti dit écologiste ? Idem, bien sûr. Les conditions de sa naissance en disent long sur les limites indépassables de son être. Ce mouvement est une queue de comète des événements de mai 68. À mes yeux, du reste, pas de la manière la plus intéressante qui soit. Les Verts, puisqu’il faut les appeler par leur nom, ont hérité quelques-uns des pires travers de leur époque. Notamment cet individualisme hédoniste, si tragiquement petit-bourgeois, qui les fait encore se mouvoir aujourd’hui – la dépénalisation du cannabis, pour m’en tenir à ce point comique – quand ils ne bougent jamais un orteil contre les nécrocarburants ou les barrages financés par l’argent public français.

Je ne veux pas même insister. Les « écologistes » français sont ridicules pour tellement de raisons que je n’en retiens ici que deux. Un, ils ont accroché leur modeste char à celui des deux partis de gauche cités plus haut. C’est infiniment logique, mais grotesque compte tenu des enjeux de l’époque. C’est logique, car ils expriment ainsi leur proximité avec ces partis, dont ils ne sont jamais qu’un produit de décomposition.  Deux, leur bureaucratisation pathétique a donné naissance à une caste sans foi ni loi autre qu’électoraliste, dont Dominique Voynet, Cécile Duflot ou Jean-Vincent Placé sont les meilleurs représentants. Notez avec moi comme il est crédible de voter des textes annonçant l’Apocalypse sur Terre avant d’aller s’arsouiller à la buvette du Sénat ou de l’Assemblée nationale.

On aura compris que je ne mise pas un centime d’euro sur eux. Pour éviter un malentendu supplémentaire, je me fais un devoir de préciser que j’ai des amis chez Europe Écologie Les Verts, à commencer par mon si cher Jean-Paul Besset, député européen pour encore quelques semaines. J’ai de l’estime pour nombre d’adhérents et même de responsables que je ne cite pas pour ne pas les mettre dans l’embarras. Mais le parti lui-même ne mènera jamais nulle part, car sa nature le lui interdit. La première des priorités, c’est de sortir du cadre.

La vraie priorité, c’est d’interroger l’histoire, et de se mettre d’accord sur les grandes lignes d’une critique sans fard de la révolution industrielle. Je veux dire : la forme historique qu’a prise l’explosion des sociétés humaines depuis 250 ans. Un tel mouvement de l’esprit conduirait fatalement à une fondation, cette fois sur une base solide, de mouvements politiques adaptés à des temps radicalement neufs. Tout le reste n’est qu’insignifiance et perte de temps. Et dans ces conditions, je vois mal comment nous pourrons garder l’adjectif écologiste, tellement dévalué par ceux qui le portent en sautoir. Le mot est en lui-même très beau, et me conviendrait donc. Mais à ce compte-là, je reprendrais aussi, et volontiers, le sublime communiste s’il n’était à ce point taché d’un sang indélébile.

Où veux-je en venir ? Mon parti n’a pas de nom. Il n’a pas encore de nom. Mais il en trouvera un, car c’est une nécessité. Et nous en serons fiers.

Des nouvelles de mon livre de dans six mois

Je vous ai déjà dit deux mots à propos d’un livre en préparation. Son écriture me dévore une énergie telle que je ne dispose pas du temps que je souhaiterais ici. Mais voilà que je suis dans la dernière ligne droite : il paraîtra en septembre aux éditions Les Liens qui Libèrent (LLL). J’ai beaucoup de chance, car mon éditeur est un excellent éditeur. En outre, Henri Trubert – son nom – est devenu au fil des ans, depuis qu’il a édité chez Fayard, en 2007, Pesticides, révélations sur un scandale français (avec mon coauteur François Veillerette), un ami. Il est donc très plaisant de travailler en se sachant soutenu.

Ce livre parle de la chimie, de l’industrie chimique, de la manière dont cette industrie a pris la place inouïe qui est la sienne. Vient qui veut sur Planète sans visa, et c’est très bien ainsi. Mais parmi les milliers de lecteurs que j’ai l’honneur de recevoir, il en est qui sont prêts à me donner un coup de main. À eux, je me permets de demander de l’aide, dès à présent, pour faire savoir autour d’eux que ce livre va sortir. J’en ai besoin, car les fenêtres d’édition, quand elles s’ouvrent, se ferment au plus vite. Il n’est donc pas trop tôt pour vous alerter. Et soyez tous certains que je n’oserais pas ces mots s’il ne s’agissait que de mon sort personnel. Sans l’ombre d’un doute, ce livre concerne chacun d’entre nous, à plus d’un titre.

Il va de soi que je ne prétends aucunement que le livre sera bon. Ce que je dis, car je sais ce qu’il contient, c’est qu’il rendra lisibles des informations très importantes. Voilà. Je vous laisse ci-dessous les premières et les dernières lignes du prologue, dont je ne peux garantir qu’elles seront dans la version définitive du texte. Elles sont fort guillerettes à côté des 23 chapitres qui suivent.

« C’est un monde splendide, onirique, où tout semble possible. L’entrechoquement est l’un des grands maîtres de cérémonie, servi par les passions les plus vives. On aime à la folie et l’on se jette sans façon dans les bras d’un qu’on ne connaissait pas la milliseconde d’avant. On déteste violemment et l’on s’enfuit à la vitesse du son, sans se retourner sur un passé qui n’a jamais existé (…)

————–

>  Autrement exprimé, la quête immémoriale de la connaissance chimique est une belle disposition de l’esprit. Il faudrait être singulièrement tourné pour ne pas apprécier la capacité de quelques humains à passer leur vie au milieu des cornues et des formules. À distance, la geste du Persan Jâbir ibn Hayyân, découvrant – probablement – l’acide chlorhydrique au 8ème siècle de notre ère, remplit d’une joie enfantine. De même Abu Bakr Mohammad Ibn Zakariya al-Razi, autre Persan, entre 9ème et 10ème siècle, isolant l’acide sulfurique et l’éthanol. De même Paracelse décrivant pour la première fois il y a près de 500 ans la formation de l’hydrogène en versant du vitriol sur du fer. De même Michael Sendivogius, subodorant, à l’orée du 17ème siècle, l’existence de l’oxygène. De même, au siècle suivant, Joseph Black et son « air fixe », autrement appelé le gaz carbonique. De même Lavoisier, Volta, Gay-Lussac, Berzelius, Faraday, cent autres.

> Non, décidément non, ce livre n’est nullement une condamnation de la chimie. Il démontre, à l’aide de quantité d’exemples difficiles à contester, que l’industrie née de cette quête mène une guerre non déclarée contre ce qui est vivant. Cela n’a rien à voir avec le génie de la découverte, mais tout avec les limites indépassables de notre espèce ».

Je me dévoue (pour dire du mal de Jean-Luc Mélenchon)

Les plus fidèles lecteurs de Planète sans visa reconnaîtront, je l’espère, que je n’ai pas aboyé  contre Mélenchon depuis un petit moment. Évidemment, cela ne pouvait pas durer. Je viens de voir un échange entre lui et le journaliste Jean-Jacques Bourdin. Peu m’importe, en la circonstance, que le Líder Máximo du Parti de Gauche dise n’importe quoi – c’est le cas – sur les temps de parole accordés d’une part au Front National, et d’autre part au Front de Gauche. Oui, je m’en moque.

En revanche, pas question de laisser passer ses propos sur la mer, qui ne lui appartient pas encore. Ce grand « écologiste » autoproclamé rêve d’une vaste « exploitation » océanique. Pas un mot bien sûr sur le désastre biblique des pollutions marines et de la surpêche, car un tel homme est au-dessus de ces menues questions. Mais son œil de tribun s’allume quand il s’agit d’hydroliennes, d’éoliennes, d’aquaculture (ici, à partir de la minute 15).

En avant vers l’industrialisation des océans ! Sans évidemment s’en rendre compte, il donne la main aux relances productivistes qui sont au centre de toutes les stratégies des transnationales. Sous couvert de « développement durable » et de capitalisme vert, elles ne songent qu’à une chose : détruire le peu qui reste. Suez annonce ces jours-ci la mise en service d’une ferme éolienne colossale dans le nord du Brésil ET termine du même mouvement l’immonde barrage de Jirau, en Amazonie du Brésil.

Nul n’est obligé d’être d’accord avec moi, mais la flamme imbécile de Mélenchon, qui me rappelle, mutatis mutandis, les envolées staliniennes à la gloire des hauts-fourneaux, le rend complice de ce qui se prépare sur nos côtes déjà si éprouvées. Savez-vous qu’il existe des projets d’hydroliennes dans le raz Blanchard, à l’ouest de Cherbourg ? Que les fermes d’éoliennes off-shore d’Areva ou Alstom, champions du nucléaire et des turbines, poussent comme autant de bubons de la peste, jusque en baie de Seine ? Mélenchon y voit l’avenir. Pauvre monsieur, si ignorant des réalités élémentaires qu’il ose, face à Bourdin, parler d’un millier de kilomètres de côtes en France métropolitaine, alors qu’on en compte en vérité plusieurs milliers. Je ne donne pas de chiffre précis, car tout dépend du mode de calcul. En tout cas, 1 000 kilomètres, cela ne veut rien dire du tout.Peut-être aura-t-il pris un double-décimètre ? Peut-être n’est-il jamais allé à la mer ?

Franchement, vous qui croyez en l’écologie et en Mélenchon, ne voyez-vous pas comme un problème ?

Je me dévoue (pour dire du mal de Jean-Louis Borloo)

 J’enrage tout seul dans mon coin, car je vois défiler des articles imbéciles à la gloire de Jean-Louis Borloo, qui vient de se retirer de la vie politique française. Il est malade, affaibli. Bien entendu, je lui souhaite d’aller mieux, et ce n’est pas formel. Je le lui souhaite. Mais entendre un Placé dire qu’il a intéressé les Français à l’écologie ! Pour moi, il n’est pas question d’oublier ce que Borloo a été, ce qu’il a fait, ce qu’il a couvert. À commencer par cette farce tragi-comique appelée le Grenelle de l’Environnement, à laquelle presque tous les acteurs écolos ma non troppo ont participé.

Je vous laisse sur le sujet un extrait de mon livre paru en 2011, Qui a tué l’écologie ? (LLL), qui m’a conduit à rompre avec certains faux-amis. Bonne lecture, sans rire.

——————————————

Extrait de Qui a tué l’écologie ? Nous sommes après l’élection de Sarkozy, juste avant l’été 2007, et notre président cherche un ministre de l’Écologie après la défaite d’Alain Juppé aux législatives, qui le contraint à lâcher son poste.

Tout bien considéré, il ne reste guère que Jean-Louis Borloo. Quoi, ce type mal peigné, mal rasé, qui semble toujours sortir de son lit ? Oui. À cet instant de l’histoire, Borloo est l’archétype du garçon authentique, créatif, imaginatif. Et puis – défense de rire, ce n’est pas le moment –, n’est-il pas l’un des cofondateurs de Génération Écologie en 1990, invention politicienne destinée à empêcher l’émergence des Verts ? Qui oserait voir son autre face, celle du bateleur de foire impénitent ? Qui oserait dire qu’il a fait ses classes avec des pros nommés Michel Coencas et Bernard Tapie ? Il va bien falloir descendre dans les catacombes.

Au tournant des années 1980, Borloo a 30 ans. Jeune avocat, il a la singularité, dans ce milieu, de fort bien connaître le droit des affaires. Nul ne le sait encore, mais la crise économique commence, qui va marquer plusieurs générations. Droite comme gauche cherchent toutes les solutions possibles pour montrer qu’elles agissent. Cela sera la chance de Borloo. Les faillites commencent, et l’avocat aide les patrons à sauver ce qui peut l’être, s’appuyant strictement sur la loi. Rien à dire. Mais en 1982 – les socialistes viennent d’arriver au pouvoir –, Borloo noue un lien décisif avec une banque. Et pas n’importe laquelle. Elle s’appelle SdBO, ou Société de banque occidentale, une filiale du Crédit lyonnais. Créée en 1981 – grâce à la vague rose socialiste –, la SdBO a le magnifique projet de « réindustrialiser » les entreprises en difficulté.

Son directeur général, Pierre Despessailles, a été avant cela président de chambre au tribunal de commerce de Paris. Il a eu à connaître, de très près, la situation d’entreprises en grande difficulté, ce qui va se révéler fort utile. En outre, cet excellent homme est l’excellent copain d’un certain Bernard Tapie. Pas d’anachronisme : en 1982, Tapie n’est guère qu’un chanteur raté, qui s’est reconverti dans le rachat, pour le franc symbolique, de sociétés à bout de souffle.

Récapitulons : Despessailles, dont on ne sait pas encore qu’il sera poursuivi par la justice, copine avec Tapie, et le présente à Borloo, avocat plein de promesses. On peut parler d’un coup de foudre, lequel, aux dernières nouvelles, dure toujours. Près de trente ans d’amitié entre Borloo et Tapie, cela réchauffe le coeur.

La banque banque, Borloo encaisse
Alors commence une période d’euphorie. La banque banque – prêts, facilités de toutes sortes – et le duo Tapie-Borloo rachète à tout-va, devant les tribunaux de commerce que connaît si bien Despessailles, des ruines industrielles dont certaines se révéleront de purs joyaux. Il serait malhonnête d’oublier un autre personnage, Michel Coencas. Ce ferrailleur de haut vol – il dirigera, au sommet de sa gloire, 59 filiales et 13 000 salariés – se mêle au duo, ce qui en fait, sauf erreur, un trio. L’argent rentre à flots, et transforme les philanthropes en hommes riches. Le magazine américain Forbes classe Borloo parmi les avocats d’affaires les mieux payés au monde, Tapie et Coencas deviennent milliardaires.

Sautons un ou deux épisodes, pourtant édifiants, et précipitons-nous à Valenciennes pour cinq minutes d’arrêt. À la fin des années 1980, cette ville du Nord, de vieille industrie, est sinistrée. La sidérurgie et le textile ont disparu de concert, entraînant la cité dans un terrible déclin. Borloo, qui semble avoir épuisé les charmes sulfureux d’achats industriels pour le franc symbolique, se lance en politique. Il a vaguement été maoïste dans sa jeunesse, et il est parvenu à saluer le président Mao en personne, au même moment qu’une flopée d’autres maolâtres. En 1989, il n’est plus de gauche, il n’est pas de droite, quoique. Valenciennes est à prendre, et Borloo en devient le maire cette année-là, probablement pour des motifs dont il n’y a pas de raison de douter.

Tout indique que sa face lumineuse a trouvé là l’occasion d’exprimer une réelle compassion pour ceux qui souffrent et serrent les dents. On ne peut d’ailleurs exclure une sorte de tentative de rachat moral après tant d’années passées à la barre des tribunaux de commerce.

Valenciennes. Borloo va y retrouver comme par miracle ses deux compagnons de travail, Tapie et Coencas. Peut-être vous souvenez-vous du match truqué qui oppose le club de Valenciennes VA et celui de Marseille, le 20 mai 1993 ? Par sécurité, rappelons les faits. L’OM, le club marseillais, prépare une finale de coupe européenne contre Milan AC, huit jours plus tard, et ne souhaite pas fatiguer inutilement ses joueurs. Marseille, c’est l’Olympe, sans jeu de mots, et VA un pauvre club de province qu’il doit être possible d’acheter avec des cacahuètes. Ce qui se produit bel et bien. Sur ordre, les joueurs de VA laissent gagner l’OM. Le résultat est acquis, mais la funeste moralité du joueur valenciennois Jacques Glassmann conduit droit à une enquête judiciaire qui prouvera l’achat de joueurs par Marseille.

C’est le moment de se souvenir. Qui est le patron de l’OM ? Bernard Tapie, finalement condamné à deux ans de prison, dont un ferme. Mais qui préside le club VA au même moment ? Michel Coencas, que Borloo a fait venir à Valenciennes, probablement en souvenir du bon vieux temps. Attention, et ce n’est pas pure forme : dans cette affaire, seul Tapie a été mis en accusation. Rien ne permet de penser que Coencas ou Borloo étaient au courant de quoi que ce soit. Il reste que ce match d’anthologie, par un curieux hasard, rassemble dans une seule main le maire de la ville et les deux responsables des clubs concernés.

Est-ce bien tout ? Non. Certes, et j’y insiste, Borloo n’a été mis en cause dans aucune affaire judiciaire, ce qui en fait, et il n’y a pas d’arrière-pensée, un innocent.

Coupables, mais pleins aux as
Mais on peut, mais on doit écrire que Tapie, Coencas, et ce si brave directeur de la banque SdBO ont tous été lourdement condamnés pour différents délits graves. Tapie de nombreuses fois, pour tentative de corruption, fraude fiscale, faux, usage et recel de faux, abus de confiance, abus de biens sociaux. Coencas ira trois fois en prison entre 1995 et 2006, poursuivi notamment pour escroquerie et abus de biens sociaux. Quant à Pierre Despessailles, le directeur de la SdBO, il est mort avant de connaître les foudres de la justice. Je cite une dépêche AFP du 15 octobre 2009 : « En première instance, le tribunal correctionnel de Paris avait jugé treize administrateurs et mandataires judiciaires dans cette affaire où le corrupteur présumé, l’ancien directeur général de la SdBO, Pierre Despessailles, est mort et l’action publique à son encontre est éteinte.

> Ce banquier était soupçonné d’avoir conçu un “pacte de corruption” afin d’inciter les prévenus à placer à la SdBO les fonds des sociétés en difficulté ou en liquidation dont ils s’occupaient, ainsi que leurs revenus professionnels. En échange, ces auxiliaires de justice installés en région parisienne auraient obtenu entre 1982 et 1996 des prêts, dont certains de plusieurs millions de francs, à des taux préférentiels pour l’époque (de 0 à 6 %). »

Remarquons ensemble combien la justice peut prendre son temps quand cela lui convient. Une condamnation définitive en 2009, quand les faits remontent, pour les premiers, à 1982, vingt-sept ans avant. Mais quelle prévenance ! Et ajoutons pour faire le compte que la SdBO a commencé ses magouilles dès 1982. L’année où son directeur Despessailles met en contact Tapie et Borloo. Encore une fois, ne rusons pas avec la loi. Rien n’indique, chez Borloo, le moindre délit. Mais tout montre qu’il a fréquenté des gens habitués à toutes les acrobaties et trucages financiers. Sans que cela le gêne plus que cela, puisqu’il fréquente toujours et Tapie et Coencas.

Peut-être vaut-il mieux connaître ces menus détails avant de continuer le chemin. Question : Jean-Louis Borloo n’aura-t-il pas été marqué, bien malgré lui, par une décennie de fréquentations constantes avec des escrocs ? L’hypothèse n’est pas folle, comme on va en juger de suite. Et pour l’occasion, on se contentera d’un exemple presque anodin, celui des maisons magiques à 100 000 euros.

Mais où sont donc passées les maisons à 100 000 euros ?
Commençons par un arrêt qui n’a rien de symbolique, à l’extrême fin de 2001. Borloo est « déçu » par la politique. Il est, confie-t-il aux gazettes (L’Expansion du 20 décembre 2001), ruiné par Valenciennes, ville dans laquelle il aurait investi et perdu beaucoup d’argent personnel. Il laissera d’ailleurs tomber son poste de maire en 2002.

Dans le même temps, il est tout de même le porte-parole d’un certain François Bayrou, candidat aux élections présidentielles prévues au printemps 2002. On a connu plus ferme appui, car Borloo ne cache pas qu’il soutient Bayrou un peu comme la corde soutient le pendu. Pour parler comme Nanar Tapie, son vieux pote, Borloo taille costard sur costard à Bayrou, qui n’en peut mais. Il a 50 ans, et jure qu’il va recommencer le grand tour des tribunaux de commerce, et enfiler de nouveau la cape noire d’avocat d’affaires. Ne vient-il pas de tourner autour du dossier de reprise de Moulinex, qui a déposé son bilan en septembre 2001 ?

Que penser de tout cela ? Au moins que la fréquentation assidue de Tapie et Coencas, moeurs incluses, ne l’a pas dégoûté des affaires. Et c’est heureux, n’est-ce pas ? Mais le coup de blues ne dure qu’un mois. Après avoir lâché en rase campagne ce pauvre Bayrou, Borloo remonte sur son cheval, et devient ministre de la Ville en 2002, puis de l’Emploi, puis du Logement. Arrêtons-nous une seconde : nous sommes en 2005, et notre bon garçon annonce le 25 octobre vouloir construire 20 000 à 30 000 « maisons à 100 000 euros » par an.

Voilà une intention sociale indiscutable. Aidées par l’État, des dizaines, des centaines de milliers de « vraies gens », modestes en diable, vont pouvoir devenir propriétaires. Comme on respire déjà mieux ! Le dispositif, auquel « tous les maires » doivent donner la main, permettra d’offrir « aux ménages les plus modestes » des maisons « respectant des normes strictes en matière de développement durable », assurant au passage « des économies d’énergie ». Ce n’est pas encore le Grenelle, mais on s’en approche gentiment. Une telle initiative mérite, cela va sans dire, les journaux télévisés du soir, la grande presse, de longs entretiens. S’il est une chose qu’on ne contestera pas à Borloo, c’est son (grand) art de la mise en scène médiatique. Je ne sais combien d’articles cette opération de bluff aura suscités, mais je dirais avec retenue : beaucoup.

Le mot bluff est-il ici déplacé ? Abritons-nous sous l’ombre vertueuse du Figaro, assez peu suspect de nuire aux droites gouvernementales. Édition du 29 janvier 2008, et citation : « Fin 2005, Jean-Louis Borloo lançait à grand renfort de communication la maison à 100 000 euros. Entre 20 000 et 30 000 de ces habitations devaient sortir de terre chaque année en faveur du logement social. De quoi satisfaire les 87 % de Français déclarant que l’accès à la propriété est une priorité. Plus de deux ans après ces déclarations, le bilan est catastrophique. “Actuellement, quatre maisons ont vu le jour”, déclare l’Association française pour l’accession à la propriété (Afap), baptisée un temps “Association des maisons à 100 000 euros”. »

La si belle opération de Génération Écologie
L’on sait depuis Mitterrand qu’il faut savoir « laisser du temps au temps ». Voyons donc le bilan à l’extrême fin de l’année 2010. Y est-on ? Les pauvres sont-ils enfin logés ? Le quotidien La Croix du 7 décembre 2010 : « Environ six cents nouveaux propriétaires ont été séduits par le dispositif lancé par Jean-Louis Borloo en 2005 (…) et la plupart des familles modestes qui ont opté pour l’achat d’une des maisons à 100 000 euros le regrettent déjà. En effet, le programme qui proposait prêt à taux zéro et mensualités ne dépassant pas le prix d’un loyer a fait sortir de terre des logements dont la qualité laisse à désirer, pour des prix au final de 30 à 50 % plus élevés que prévu. Murs lézardés, fenêtres qui ne ferment pas… » Trois cents maisons sur 150 000 prévues en cinq ans. Les gens qui se sont fait piéger par cette noble opération crient tous au scandale et craignent que leur malheureux toit ne leur tombe sur la tête.

Mais qui s’intéresse aujourd’hui à de tels détails ? En décembre 2007, Borloo, devenu ministre de l’Écologie dans les conditions que l’on va découvrir, se baigne à Bali (Indonésie), toujours sous l’objectif des caméras. Il n’est plus question de maisonnettes pour les pauvres, car on considère désormais, d’un vaste regard circulaire, les si lourdes affaires de la planète. Si Jean-Louis Borloo plonge dans l’océan le 13 décembre 2007, en marge de négociations internationales sur la question climatique, c’est pour réimplanter un morceau de corail sur un massif malmené. En tout point charmant.

Borloo prétendra que l’opération n’était pas prévue au programme – télés, radios, journaux étaient bien entendu présents – et pour preuve, prétendra ne pas disposer de maillot de bain ad hoc. On verra donc le ministre, qui pilote le Grenelle de l’environnement – nous y sommes – depuis septembre, sauter à l’eau en caleçon bleu. Bleu comme la mer.

Au fait, Borloo est-il écologiste ? Il faut bien dire deux mots de la création croquignolette de Génération Écologie, en 1990. L’année précédente, aux élections européennes du 10 juin 1989, les Verts, conduits par Antoine Waechter, ont obtenu 10,59 % des voix. Il est de bon ton, dans les journaux, de moquer Waechter au profit du flamboyant Cohn-Bendit. Le premier serait un nain, le second un grand politique. La réalité est un peu différente, même si la mémoire est totalement absente des « analyses » politiques habituelles. Le fait est, pourtant, que Cohn-Bendit, dix ans plus tard – le 13 juin 1999 – n’aura fait, lui, que 9,72 %. Mais il passe si bien à la télé.

En 1989, l’étonnante percée électorale des Verts fait résonner une vilaine musique aux oreilles du président, qui s’appelle alors François Mitterrand. Ce manoeuvrier hors pair est parvenu au pouvoir grâce à l’affaiblissement du parti communiste, dont il aura toute sa vie préparé la disparition. Ses réflexes politiques, jusqu’à la fin de sa vie, l’auront toujours conduit à flairer, à redouter la concurrence. Les Verts étaient-ils un nouveau signal ? Le temps du Parti socialiste, sa chose, approchait-il de son terme ? Mitterrand était trop fin pour croire que l’on pouvait arrêter un mouvement historique par la ruse. Au reste, comment distinguer, à distance, l’écume et la vague ? Dans le doute, on pouvait toujours espérer retarder les échéances. Et c’est ce qu’il fit.

De la même façon qu’il manipula le mouvement des jeunes immigrés au début des années 1980, propulsant le duo Harlem Désir-Julien Dray, « créateurs » de SOS-Racisme, il poussa Brice Lalonde à créer Génération Écologie. Un mot sur Lalonde, membre du PSU – alors parti soixante-huitard – au début des années 1970 : écolo pendant une décennie, il évolua ensuite de plus en plus vite vers la droite, devenant ces dernières années un proche de l’ultralibéral Alain Madelin.

On reviendra sur son cas, qui ne manque pas d’un certain intérêt. En 1990, donc, Génération Écologie. Lalonde a été nommé sous-ministre à l’Environnement en 1988, puis ministre délégué en 1990. Il n’est pas lieu ici de raconter comment ce parti fictionnel fut installé sur la scène médiatique. Le fait est qu’aux régionales de 1992, il fit à peu près jeu égal avec les Verts, les deux mouvements approchant 14 %, quand les socialistes ne dépassaient guère 18 %. Mitterrand avait vu juste : il y avait bien le feu au lac.

Ajoutons un ultime détail, qui ne manque pas de fraîcheur rétrospective : parmi les fondateurs de Génération Écologie, tout proche alors de Lalonde, un certain Jean-Louis Borloo. Ce n’est pas que rigolo, car ce lointain engagement politicien permet encore à ce dernier d’exciper d’une profonde préoccupation pour la planète. Bien entendu – mais qui sera surpris ? –, Borloo ne s’est jamais souvenu, en vingt ans, qu’il avait aidé Lalonde dans un énième « coup », cette fois au service de Mitterrand qui venait d’être réélu pour sept ans, bouchant l’avenir politique à droite.

Je gage donc que Jean-Louis Borloo se moque du sort des écosystèmes. Et il n’est pas besoin de courir bien loin pour le prouver. Lorsque Sarkozy est élu président de la République le 6 mai 2007, Borloo se retrouve au gouvernement. Pour y défendre les rivières, les sols, les forêts, les ours, les baleines, pour y pourfendre les industriels irresponsables qui préfèrent leurs profits au maintien des équilibres essentiels ? Borloo est nommé le 18 mai ministre de l’Économie. Un poste décisif, un marchepied pour parvenir au poste de Premier ministre, qui fascine et obsède le grand écologiste. Tout est bien. La place est belle, elle est superbe, mais elle ne sera octroyée que quelques courtes semaines. Car, comme je l’ai raconté plus haut, Juppé a été balayé aux législatives par les électeurs de Bordeaux, et doit quitter le gouvernement avant d’avoir pu déballer ses affaires.

Quand Sarkozy décide finalement de proposer le poste de ministre de l’Écologie à Borloo, celui-ci se cabre. Il aurait même, dans un premier temps, refusé ! Je ne suis pas, pas encore, une petite souris, et ne peux garantir ce dernier point. Mais une personne proche du dossier, comme disent les gens sérieux, m’en a fait la confidence. Baste ! ce n’est pas essentiel. golden goose donna golden goose donna

Pourquoi je vomis la politique (et les particules fines de l’air)

Comme ils sont détestables ! Parmi les (nombreuses) raisons qui expliquent pourquoi je ne vote pas, il y a bien entendu cette terrible pollution de l’air contre laquelle aucun de nos responsables n’entend bouger. D’un côté, on sait que tantôt les particules fines, tantôt l’ozone troposphérique – au ras des poumons -, tantôt les deux, les trois, les cent tuent massivement. Par milliers chaque année en France. Et même 42 000 personnes en 2 000, selon une étude contestée mais sérieuse (ici). Je ne parle pas des vastes massacres qui adviennent en Chine et en Inde par exemple, car aujourd’hui, c’est de la France que je souhaite parler.

Donc des milliers, des dizaines de milliers de morts par an chez nous. Nos Excellences sautent dans un avion dès qu’un fait divers quelconque attire les caméras, comme autant de mouches. Trois vitrines cassées à Nantes permettent à un Valls de rouler des mécaniques dans l’espoir de toucher Matignon en prime. Mais quand il s’agit de sauver d’une mort prématurée des vieux, des faibles, des gosses, des asthmatiques, plus personne. Honte à eux !

Franck Laval, que je tiens pour un ami – Dieu sait qu’il est éloigné de moi sur divers plans – et Nadir Saïfi, de l’association Écologie sans frontière viennent de déposer plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui. C’est une plainte pénale – une première – qui pourrait (très) éventuellement déboucher sur la mise en cause d’individus, tenus pour responsables. Je fais grande confiance à l’avocat François Lafforgue, qui défend victimes de l’amiante et des pesticides, pour tirer de ce dossier tout ce qui peut l’être.

En attendant, le spectacle politique est simplement lamentable. Vous lirez tout au-dessous un article de Stéphanie Senet, du Journal de l’Environnement. Il est excellent et montre comme nos ministres se défilent. Philippe Martin, en charge de l’Écologie, tenait les moyens d’imposer la circulation alternée, seul moyen disponible – hélas ! – pour faire baisser d’un coup les teneurs en particules fines de l’air. Il ne l’a pas fait. Pourquoi ? On peut espérer qu’il l’a envisagé. Mais bien entendu, dans le contexte pourri des municipales – mon Dieu, allons-nous perdre 100 villes ? – et du pacte de responsabilité – la seule bouée de secours imaginée par Hollande et son clan -, il ne pouvait en être question.

Il ne faut à aucun prix embêter l’industrie, l’automobile, risquer une baisse de la confiance et de la sacro-sainte consommation. Il faut continuer, accélérer encore, et tant pis pour les vaincus et les cadavres. Cela porte un nom : l’ignominie. Je rêve du temps, qui viendra peut-être, où ces gens qui nous gouvernent pourront être jugés pour ce que je considère comme des crimes. On n’est pas obligé d’être d’accord.

À ce compte, que dire des écologistes d’Europe Écologie-Les Verts ? Les salons et strapontins doivent décidément être confortables. Le 26 mars 2012, il y a donc deux ans, quand Sarkozy était aux manettes, madame Eva Joly, alors candidate à la présidentielle, tonnait (ici). Je la cite : « Alors que l’Ile-de-France et de nombreuses autres agglomérations traversent un nouvel épisode de pollution de l’air, il est temps de dénoncer l’inaction du gouvernement devant ce drame sanitaire ». N’est-ce pas mignon tout plein ? Hier matin, sur RTL (ici), la cheftaine du parti « écologiste », Emmanuelle Cosse, a déclaré sans rire : « Ça fait quand même une semaine qu’on sait que ça va venir. Je regrette qu’on ne soit pas capable d’anticiper. » Ces gens ne sont pas des criminels, certes non. Mais des complices, assurément.

Le pompon provisoire pour ceusses de France Nature Environnement (FNE). Je rappelle ce que j’ai tant développé dans mon livre Qui a tué l’écologie ? (LLL). FNE est un conglomérat de 3 000 – chiffre officiel – associations locales, régionales, thématiques de protection de la nature. C’est le mouvement institutionnel, historique, qui dépend très largement des subsides publics pour survivre. Une petite bureaucratie, insupportable à mes yeux, gère la boutique, et assure représenter ce mouvement associatif. Moi qui appartiens à Bretagne vivante – fédérée à FNE – depuis 1987, je peux vous assurer qu’ils ne me représentent en aucune manière. Bref.

Comme ces bureaucrates sont perpétuellement à la recherche de breloques et de sous, ils s’acoquinent régulièrement avec des industriels dans le cadre de partenariats qu’ils jugent nécessaires. J’apprends à l’instant que FNE a signé un pacte inouï (ici) avec « Keolis, opérateur de transport de voyageurs, MOBIVIA Groupe, leader européen de l’entretien et de l’équipement de véhicules, et la fondation PSA Peugeot Citroën ». Les gens de FNE sont tellement sûrs qu’on ne les attendra pas au coin de la rue, qu’ils ont publié leur communiqué scélérat le jeudi 13 mars, hier même, quand étouffaient les mioches, les vieux, les asthmatiques. La conclusion de leur texte – au fait, vous avez touché combien, les gars ? – est fantastique : « Comme d’autres modes de transport, la voiture a toute sa place dans la mobilité. Il revient aux élus de fournir les conditions pour une mobilité désormais choisie et non plus subie, adaptée aux besoins et aux environnements. »

J’ajoute, car tout de même ! que Peugeot et son ancien patron Jacques Calvet sont les responsables majeurs de ce qu’on nomme la « diésélisation » du parc automobile français. Pendant des années, les équipes de Peugeot ont fait le siège de tous les décideurs publics et ils ont GAGNÉ ! Le diesel, source majeure d’émission de particules fines, est PARTOUT. Et FNE donne quitus à Peugeot, redore son blason, efface les dettes morales si grandes du constructeur pour trois picaillons. Shame on you ! Vous êtes vraiment aux dimensions de vos pires caricatures.

Voilà comment ça marche. L’impunité d’hier efface les morts d’aujourd’hui et prépare les crimes de demain. Et voilà pourquoi j’enverrai proprement chier les bureaux de vote les 23 et 30 mars. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais je ne demande sûrement pas qu’on me suive. C’est seulement que j’avais grand besoin de me soulager. C’est fait.

Dessous, l’article d’actualité dont je vous parlais plus haut.

——————————————

L’air pollué a encore de beaux jours devant lui

Le 13 mars 2014 par Stéphanie Senet

Un nouveau pic de pollution aux particules fines est attendu le 14 mars

Un nouveau pic de pollution aux particules fines est attendu le 14 mars

Le seuil du niveau d’alerte (1) pour les particules fines PM10 a de nouveau été dépassé, ce 13 mars, sur la partie Nord de la France ainsi que dans la vallée du Rhône. La pollution atmosphérique voit rouge dans plus de trente départements. Face à cette situation, le ministère de l’écologie annonce la gratuité des transports en commun franciliens mais rejette la circulation alternée.

Pourquoi la circulation alternée n’est-elle pas décrétée dans les régions frappées par des pics de pollution à répétition? Le ministre de l’écologie Philippe Martin n’a pas voulu répondre à cette question lors de la conférence de presse, qu’il a organisée à la hâte, ce 13 mars à l’hôtel de Roquelaure, sept jours après le premier dépassement du seuil d’alerte aux particules fines en France.

Réclamée par les écologistes, cette mesure avait pourtant eu droit de cité, le 18 décembre dernier, au ministère. Philippe Martin avait alors annoncé vouloir la réactiver lors des pics de pollution aux particules fines et aux oxydes d’azote (NOx).

Un décret inutile

Le dossier de presse publié à l’issue du Comité interministériel de la qualité de l’air (Ciqa) précisait qu’il fallait d’abord changer la réglementation. «La circulation alternée fait partie des mesures d’urgence pouvant être prises dans les situations de dépassement du seuil d’alerte, pour limiter l’ampleur des pointes de pollution. Mais ce dispositif ne peut être déclenché à l’heure actuelle que pour les pics de pollution à l’ozone».

Le ministère remettait ainsi à 2014, «l’élaboration d’un décret en Conseil d’Etat permettant d’instaurer la circulation alternée lors de pics de pollution réglementés comme les particules PM 10 ou les oxydes d’azote».

Trois mois plus tard, la circulation alternée semble avoir disparu des écrans gouvernementaux. Mais contrairement aux arguments ministériels, il est tout à fait possible  de l’instaurer immédiatement sans prendre un nouveau décret, et cela dans tous les départements de l’Hexagone. «La loi LAURE (2) votée en 1996 permet de prendre un certain nombre de mesures de restriction de la circulation, quel que soit le type de pollution atmosphérique», confirme Corinne Lepage, qui est à l’origine de cette loi. «J’ai d’ailleurs pris soin que le texte ne renvoie à aucun décret d’application afin d’éviter des retards accidentels dans les bureaux des ministères», ajoute-t-elle.

Gratuité des transports en commun franciliens

Ce 13 mars, le ministère de l’écologie s’est donc contenté d’annoncer, aux côtés du président de la région francilienne Jean-Paul Huchon, la gratuité des transports en commun d’Ile-de-France, du 14 au 16 mars compris. Un bilan sera dressé le 15 mars au soir pour décider une éventuelle prolongation. Tous les habitants sont invités à laisser leur voiture au parking.

Pour d’autres mesures, il faudra attendre le projet de loi sur la transition énergétique, «qui comprendra un volet sur la qualité de l’air», a précisé Philippe Martin.

La pollution de l’air a été classée, le 17octobre 2013, comme cancérigène avéré (classe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ).

L’air pollué, meilleur à vélo?

Hier, la ville de Paris avait ouvert la voie en annonçant la gratuité de la première heure d’Autolib’ et des locations de courte durée en Velib’. Mais qui veut rouler à vélo lorsque l’air est pollué? Les Parisiens ont en tout cas répondu à l’appel. Selon la municipalité, le service Autolib a enregistré, ce 13 mars, une hausse de 46% des parcours, et les locations de Velib’ ont progressé de 72% par rapport à jeudi dernier.

Dans l’attente de mesures adaptées

Le candidat écologiste à la mairie de Paris, Christophe Najdovski a dénoncé «l’inaction irresponsable des pouvoirs publics qui ont attendu les 8ème jour de pollution pour que cette mesure soit prise». Il réclame aussi de compléter le dispositif au plus vite, par la mise en place de la circulation alternée des automobilistes et par le contournement routier de Paris par les poids lourds. Un contournement que la préfecture de police aurait pu instaurer depuis 5 ans, comme le permet le plan de protection de l’atmosphère francilien, selon Claude Bascompte, président des Amis de la Terre Paris.

Plus largement, le responsable associatif réclame trois mesures importantes: «sensibiliser les citoyens sur les enjeux de la lutte contre la pollution atmosphérique par un dispositif d’information et d’alerte cohérent, renforcer les transports en commun et restreindre fortement la circulation automobile». De façon régulière, et pas seulement en cas de pic de pollution.

(1)Le seuil du niveau d’alerte s’élève à 80 µg/m3 d’air sur 24 heures pour les PM10. Le plafond du niveau d’information est égal à 50 80 µg/m3.

(2)Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) du 30 décembre 1996 instaure notamment les plans de protection de l’atmosphère et les plans de déplacements urbains

La circulation alternée testée pendant une seule journée

La circulation alternée n’a été mise en place qu’une seule journée dans l’histoire française. Le 1er octobre 1997, alors que Dominique Voynet est ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, elle est appliquée à Paris et dans 21 communes d’Ile-de-France, en raison d’un dépassement du seuil d’alerte du dioxyde d’azote. Résultat: le trafic a été réduit de 15% dans la zone de circulation alternée, de 20% à Paris et sur le boulevard périphérique et de 8% dans le reste de l’Ile-de-France. Les émissions de dioxyde d’azote ont aussi été réduites de 15% par rapport à la veille.