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George Monbiot l’écologiste répond à Serge Orru (du WWF)

Toujours grâce à Jean-Paul Brodier – sincèrement, merci à toi -, voici la suite de l’article de George Monbiot, toujours aussi bien traduite (l’original en anglais est ici). Monbiot y écrit ce que chacun devrait répéter en toute occasion : ce qui a été tenté voici quarante ans, et maintenu pour le seul bien des petites bureaucraties « écologistes », n’a plus le moindre sens. Rio n’est jamais qu’une étape de plus le long d’une impossible descente aux Enfers.  L’échec des pathétiques tentatives pour retenir la machine à détruire le monde, cet échec doit conduire à une remise en cause totale. En ce sens, le texte de Monbiot, qui reste loin de ce que je pense, est tout de même une réponse à Serge Orru, que j’étrillais ici même, hier. Une réponse en forme de gifle.

L’article de Monbiot

Et maintenant que faisons-nous pour défendre la vie sur terre ?

C’est, peut-être, la plus grande faillite de la gouvernance collective depuis la première guerre mondiale. Les systèmes vivants de la Terre s’effondrent et les gouvernants de certains des pays les plus puissants — États-Unis, Royaume Uni, Allemagne, Russie — ne peuvent même pas être dérangés pour se réunir et en discuter. Ceux qui ont assisté au Sommet de la Terre la semaine dernière se sont mis d’accord solennellement pour continuer à fourgonner les feux ravageurs : par seize fois dans leur texte ils ont promis de poursuivre la « croissance soutenue », la cause première des dégradations de la biosphère (1).

Les efforts des gouvernements ne s’attachent pas à sauver la Terre vivante de la  destruction, mais à sauver la machine qui la détruit. Chaque fois que le capitalisme consumériste se trouve bloqué par ses propres contradictions, les gouvernements se démènent pour dépanner la machine, pour assurer — alors qu’elle consume les conditions qui permettent nos vies — qu’elle tourne plus vite que jamais auparavant.

La pensée que ce pourrait être la mauvaise machine, attelée à la mauvaise tâche, ne peut même pas être exprimée dans la politique dominante. La machine enrichit largement l’élite économique, tout en coupant l’élite politique des mouvements de masse qu’elle pourrait avoir à affronter autrement. Nous avons notre pain ; maintenant nous errons, dans une rêverie envoûtée, entre les jeux du cirque.

Nous avons utilisé nos libertés incomparables, chèrement acquises par nos prédécesseurs, non pas pour manifester en faveur de la justice, de la redistribution, de la défense de nos intérêts communs, mais pour rechercher les décharges de dopamine déclenchées par l’achat de produits dont nous n’avons pas besoin. Les esprits les plus inventifs du monde s’emploient non pas à améliorer le sort de l’humanité mais à concevoir des moyens encore plus efficaces de stimulation, pour compenser l’atténuation des satisfactions que procure la consommation. Les dépendances mutuelles du capitalisme consumériste font que nous conspirons tous involontairement dans le saccage de ce qui pourrait être la seule planète habitable. L’échec de Rio de Janeiro appartient à nous tous.

Cet échec marque, plus ou moins, la fin de l’effort multilatéral pour protéger la biosphère. Le seul instrument mondial efficace — le Protocole de Montréal sur les substances qui dégradent la couche d’ozone — a été adopté et mis en œuvre des années avant le premier Sommet de la Terre de 1992(2).  C’était l’un des derniers fruits d’une autre ère politique, dans laquelle l’intrusion dans le marché en vue du plus grand bien n’était pas considérée comme un blasphème, même par les gouvernements de Thatcher et Reagan. Tout sujet valable discuté depuis lors a conduit à des accords faibles et inapplicables, ou à pas d’accord du tout.

Il ne s’agit pas de suggérer que le système global et ses réunions annuelles de plus en plus dénuées d’objet disparaîtront ou même changeront. Les gouvernements qui ont permis la faillite du Sommet de la Terre et de toutes les réunions semblables ne manifestent aucun sens de leur responsabilité dans ce résultat, et ne semblent pas dérangés par la pensée que si un système n’a pas fonctionné pendant vingt ans, quelque chose ne va pas dans le système. Ils s’en vont, sachant qu’il n’y a pas de sanction politique ; que les médias sont aussi absorbés que nous tous dans le quotidien consumériste ; que leur contribution sera oubliée quand les générations futures auront à se colleter avec la situation catastrophique qu’ils ont laissée derrière eux. (Et c’est à nous tous qu’ils font la leçon sur notre responsabilité.)

Il ne s’agit pas non plus de suggérer l’abandon du multilatéralisme. Les accords sur la biodiversité, les océans et le commerce des espèces menacées peuvent réaliser une atténuation marginale de l’assaut tous azimuts que la machine consumériste a déchaîné contre la biosphère. Mais c’est à peu près tout.

L’action — si action il y a — se situera principalement ailleurs. Ceux des gouvernements qui conservent un intérêt pour la planète Terre devront agir seuls, ou en accord avec des nations dans les mêmes dispositions. Il n’y aura aucun moyen de retenir ceux qui feront cavalier seul, aucun moyen de persuader les électeurs que leurs actions seront accompagnées par celles d’autres pays.

Il paraît maintenant évident que nous avons manqué la chance d’éviter deux degrés de réchauffement global. De même qu’il est évident que toutes les autres limites de la planète seront franchies. Alors que faisons-nous maintenant ?

Certains répondront par l’abandon, ou au moins par le retrait de l’action politique. Pourquoi, demanderont-ils, devrions-nous nous tracasser, si la fin inévitable est la destruction de tant de ce qui nous est cher : forêts, ruisseaux, marais, récifs coralliens, banquises, glaciers, chants d’oiseaux et chœurs nocturnes, le climat doux et constant qui nous a été favorable si longtemps ? Il semble qu’il y aurait au moins trois raisons.

La première est d’étaler la destruction sur une période aussi longue que possible, afin de permettre à nos enfants et petits-enfants de goûter un peu des  merveilles et des délices du monde naturel et des vies paisibles et sans trouble qui nous ont été données. N’est-ce pas un but valable, même s’il n’y en avait pas d’autre ?

La deuxième est de préserver ce que nous pouvons, dans l’espoir que les conditions puissent changer. Je ne crois pas que la machine à dévorer la planète, servie par une armée de mécaniciens, lubrifiée par des injections constantes d’argent public, s’effondrera avant les systèmes vivants dont elle se nourrit. Mais je pourrais me tromper. Ne serait-ce pas un terrible gâchis que de permettre la disparition du tigre, du rhinocéros, du thon rouge, du megapenthes lugens et de l’abeille-coucou, de l’octospora humosa et de l’anémone-fontaine(3), sans combattre, si cette période d’exploitation intense devait se révéler de courte durée ?

La troisième est que, même si nous n’avons aucune influence sur les décisions prises ailleurs, nous pouvons faire beaucoup à l’intérieur de nos frontières. Le ré-ensauvagement — restauration massive d’écosystèmes — nous offre le meilleur espoir de créer des refuges pour le monde naturel, c’est pourquoi j’ai décidé d’y consacrer une grande partie des quelques années à venir, ici et à l’étranger.

Abandonner les accords mondiaux ou, plus exactement, l’espoir de les voir modifier substantiellement nos relations avec le monde naturel, est presque un soulagement. Cela signifie tourner la page de décennies de colère et de frustration. Cela signifie quitter un endroit où nous n’avons aucune influence, pour un autre où nous avons, au moins, une chance d’être entendus. Mais cela provoque aussi une grande tristesse, parce que cela signifie abandonner tant d’autres choses.

Était-ce trop demander aux gouvernements du monde, qui ont accompli des miracles tels que les bombardiers furtifs et la guerre des drones, les marchés mondialisés et les renflouements à coups de milliers de milliards de dollars, que de dépenser, pour sauver notre planète vivante, un dixième de l’énergie et des ressources qu’ils ont consacrées à ces projets ? Il semblerait, hélas, que c’était trop demander.

References :

1. http://www.slideshare.net/uncsd2012/the-future-we-want-rio20-outcome-document

2. http://ozone.unep.org/pdfs/Montreal-Protocol2000.pdf

3. http://www.guardian.co.uk/environment/series/name-a-species

Le Sommet de la Terre de Rio, Monbiot, Orru et le ridicule rigolo

L’ami Jean-Paul Brodier m’envoie la parfaite traduction d’un papier récent du Britannique George Monbiot (ici). J’ai beaucoup parlé de Monbiot dans les premières années de Planète sans visa, et presque plus depuis un long moment. Il y a une raison : Monbiot a publié un papier étonnamment favorable, dans mon esprit du moins, au nucléaire. Cela m’a secoué, au point que j’avais oublié l’essentiel : Monbiot est un grand journaliste, et malgré tout un véritable écologiste. Que Jean-Paul soit donc doublement remercié. Pour sa traduction, et pour m’avoir conduit à retrouver la mémoire.

Vous trouverez ci-dessous trois textes. Le premier est donc celui de Monbiot, qui revient sur le formidable désastre qu’a été la conférence de Rio, soi-disant Sommet de la Terre. Le deuxième, je l’espère en tout cas, vous fera rire, et sur le même sujet s’il vous plaît. Bien involontairement, je le crois et le crains, le directeur général du WWF en France, Serge Orru, se livre à un désopilant exercice au sujet de Rio. Je vous laisse découvrir son cri publié aujourd’hui même dans le quotidien gratuit 20 minutes, cela vaut la peine. Et d’autant plus que je vous glisse en prime une offre de travail originale. Tandis que les Serge Orru touchent des salaires de cadres très, très supérieurs, le WWF fait refaire ses plates-bandes par des jardiniers « bénévoles ». Ah les braves gens !

1/ Monbiot

Comment la « soutenabilité » est devenue la « croissance soutenable »

La déclaration de Rio se torche avec les principes de l’action environnementale

En 1992, les leaders mondiaux se sont engagés sur une chose dénommée « soutenabilité ». Peu d’entre eux avaient une idée claire de ce que cela signifiait ; j’en soupçonne beaucoup de ne pas avoir d’idée du tout. Peut-être en conséquence, il n’a pas fallu longtemps pour que ce concept se mue en quelque chose de subtilement différent : « développement soutenable ». Puis il a fait un saut vers un autre terme : « croissance soutenable ». Et maintenant, dans le texte que le Sommet de la Terre 2012 (ici) est sur le point d’adopter, il a subi une nouvelle mutation : « croissance soutenue ».

Ce terme apparaît 16 fois dans le document, il y alterne indifféremment avec soutenabilité et développement soutenable. Mais si la soutenabilité a quelque sens, c’est à coup sûr l’opposé de croissance soutenue. La croissance soutenue sur une planète finie est l’essence de la non-soutenabilité.

Comme l’observe Robert Skidelsky, qui aborde ce sujet sous un angle différent, dans le Guardian d’aujourd’hui (ici) : Aristote ne connaissait l’insatiabilité que comme un vice personnel ; il ne soupçonnait rien de l’insatiabilité collective, orchestrée politiquement, que nous appelons croissance économique. La civilisation du « toujours plus » l’aurait frappé comme une folie morale et politique. Et à partir d’un certain point c’est aussi une folie économique. Ce n’est pas seulement ni principalement parce que nous allons nous heurter bientôt aux limites naturelles de la croissance. C’est parce que nous ne pourrons pas continuer longtemps à économiser sur le travail plus vite que nous ne lui trouvons de nouveaux usages.

Plusieurs des suppressions les plus scandaleuses proposées par les États-Unis — comme toute mention des droits, ou de la justice, ou de responsabilités communes  mais différenciées — ont été retoquées. Par ailleurs, la purge du gouvernement Obama a réussi, en rejetant des concepts tels que « modèles non soutenables de consommation et de production » et la proposition de découpler la croissance économique de l’utilisation des ressources naturelles.

Au moins les États appelés à signer ce document n’ont pas déchiré les déclarations du dernier Sommet de la Terre, il y a vingt ans. Mais en termes de progrès depuis lors, voilà tout. La réaffirmation des engagements de 1992 est peut-être le principe le plus radical de toute la déclaration.

Le résultat est que le projet de déclaration, qui semble destiné à devenir le document final, ne mène précisément nulle part. Cent quatre-vingt dix gouvernements ont passé vingt ans à s’efforcer de « prendre en compte », « reconnaître » les crises environnementales et à exprimer une « profonde inquiétude » à leur sujet, mais pas à faire quoi que ce soit.

Ce paragraphe de la déclaration résume le problème pour moi :
Nous reconnaissons que la planète Terre et son écosystème sont notre maison et que l’expression Terre Mère est commune à un grand nombre de pays et régions, nous notons que certains pays reconnaissent les droits de la nature dans le contexte de la promotion du développement soutenable. Nous sommes convaincus que pour atteindre un juste équilibre entre les besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations présentes et futures, il est nécessaire de promouvoir l’harmonie avec la nature.

Propos aimables, n’est-ce pas ? Ils pourraient être illustrés par des arcs-en-ciel et des licornes psychédéliques, et collés sur la porte de vos toilettes. Mais sans aucune proposition de moyens de mise en œuvre, on pourrait tout aussi bien leur trouver une autre fonction dans les mêmes lieux.

La déclaration se caractérise par l’absence de chiffres, dates et objectifs. Elles est bourrée de platitudes insensées, comme une publicité pour une carte de crédit, mais sans la menace nécessaire. Il n’y a rien là sur quoi travailler, aucun programme, aucune notion d’urgence, aucun appel à une action concrète au-delà des mesures inappropriées déjà actées dans de précédentes déclarations molles. Son ton et son contenu conviendraient mieux à un discours de départ en retraite qu’à un enchevêtrement de crises globales qui vont s’aggravant.

Le projet, probablement la déclaration finale, est fait de 283 paragraphes de vent. Il suggère que les 190 gouvernements appelés à l’approuver ont, effectivement, fait une croix sur le multilatéralisme, fait une croix sur le monde et fait une croix sur nous. Alors que faisons-nous maintenant ? C’est le sujet que je compte traiter dans mon papier de la semaine prochaine.

2/ Le texte de Serge Orru

L’écologie est joyeuse !

Créé le 27/06/2012 à 04h21
Après le piètre accord de « Rio+Vain » et les vicissitudes de notre monde accaparé par la sinistrose et le déferlement des crises, si nous devenions des écolos joyeux ? Imaginons que les gaz à effet de serre deviennent des gaz à effet de rêves ! On ne peut pas uniquement entraîner les peuples dans des démarches rébarbatives, quand bien même les constats sont alarmants. Il nous faut aussi diffuser des pratiques écologiques avec la dynamique de la joie et de la bienveillance aux autres et à la nature, car « L’indifférence, c’est le fléau », chante Michel Jonasz.?La vie est belle et notre planète magique est à préserver absolument pour nous et nos enfants chéris. Oui à l’éco-système ! Non à l’ego-système ! Antoine de Saint-Exupéry nous le dit : « L’avenir, tu n’as pas à le prévoir, tu as à le permettre. »

Serge Orru, directeur général? du WWF France

3/La proposition de travail du WWF

Prochaine mission bénévoles en Ile de France

Prochaine mission en Ile de France
Jardinage le Jeudi 5 juillet 2012

Nous vous proposons une matinée de jardinage le Jeudi 5 juillet 2012 de 9h à 13h au siège du WWF France.
Votre mission consistera à nettoyer une parcelle et à planter des fleurs sur une autre.
Nous avons besoin de 6 bénévoles (sans connaissances particulières) encadrés par Jacques, bénévole responsable.

Si vous êtes disponible pour cette mission, vous pouvez envoyez votre confirmation à benevolat@wwf.fr

Merci d’avance et bonne journée!

Service mobilisation & bénévolat
Fondation WWF-France
1, carrefour de Longchamp
75016 Paris

Marx et le Sommet de la Terre de Rio (eine lumpige Farce)

J’ai été familier avec certains textes de Marx, jadis. J’avoue n’avoir jamais lu Le Capital. Mais d’autres écrits m’ont énormément frappé, au point que je m’en souviens encore, trente-cinq ans après les faits. Parmi ces textes, Der achtzehnte Brumaire des Louis Napoleon, en français Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. Rappelons aux oublieux qu’une révolution fabuleuse a eu lieu dans les rues de Paris entre le 22 et le 25 février 1848, suivie d’une autre, en juin. Pour dire le vrai, je suis encore au côté des barricadiers.

La note sera payée dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, quand cette petite ganache de Louis Napoléon Bonaparte s’empare du pouvoir après un coup d’État. L’un des morts, du haut des dérisoires barricades de cette nuit-là – en fait, le 3 décembre -, s’appelle Jean-Baptiste Baudin. Il est médecin, député du peuple, et ramasse une balle perdue. J’ai habité un temps dans la rue Baudin d’une ville de banlieue, et j’ai toujours eu une pensée pour cet imbécile qui ne supportait pas la dictature.

Bref. Je voulais, malgré les apparences, vous parler du Sommet de la Terre, qui s’achève en ce moment à Rio (Brésil), vingt ans après le premier. J’ai dit, j’ai écrit, ici ou ailleurs, que ce Sommet manipulé par les transnationales ne mènerait qu’au désastre. Pour des raisons si évidentes que j’ai scrupule à les rappeler. L’ONU est infiltré – voir le cas Maurice Strong, voir le cas Schmidheiny, plusieurs fois évoqués sur Planète sans visa – par des personnages qui se cachent à peine. Leur objectif, atteint comme jamais, est de sauver la machine de destruction de la vie.

Je reconnais que c’est singulier. Je reconnais même que ces crétins associés ne savent pas ce qu’ils font. Il faudrait en effet être d’une rare sottise pour donner la main à un programme qui nous prive tous, peu à peu, des possibilités d’habiter cette terre. Non, croyez-moi, ils se racontent une autre chanson. Celle, mutatis mutandis, de ceux qui, bons bourgeois de chez nous, « préféraient Hitler au Front Populaire ». Ou encore celle des pacifistes à tout crin qui, à la même époque – Accords de Munich compris – prêtaient au chancelier national-socialiste de nobles et calmes intentions.

Où veux-je en venir ? À ce point-clé : nous sommes en guerre, et la plupart ne veulent pas le savoir, occupés qu’ils sont à vivre les derniers jours de Pompéi. Et j’en reviens à ce vieux Marx qui, dans  Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, utilise une formule qui a été abondamment assaisonnée depuis. La voici : «Hegel bemerkt irgendwo, daß alle großen weltgeschichtlichen Thatsachen und Personen sich so zu sagen zweimal ereignen. Er hat vergessen hinzuzufügen: das eine Mal als große Tragödie, das andre Mal als lumpige Farce ». Ce qui veut dire à peu près – mon allemand est exécrable – que Hegel a noté quelque part que les grands événements et personnages de l’histoire se répètent deux fois. Mais qu’il a oublié de préciser que, la première fois, c’est sous la forme d’une grande tragédie, et la seconde à la manière d’une farce dérisoire.

Tel est bien le bilan à tirer de cette pantomime de Rio 2012. En 1992, alors que tout était déjà connu, nous avions eu droit à la tragédie. Le vieux George Bush – mais c’eût pu être le vieux François Mitterrand – avait déclaré sans hésiter : « The American way of life is not negotiable ». On sacrifierait donc la forêt, l’océan, le sol, l’air et l’eau aux besoins sans limite des pelouses devant les pavillons middle class. Tout en faisant semblant de discuter. Tout en signant des chiffons de papier qui finiraient dans la cheminée. Oui, cette année 1992 avait été une grande tragédie.

2012 est une farce sans égale. Le Sommet de la Terre s’achève avant d’avoir commencé. Rien n’aura été obtenu, car rien ne pouvait l’être. Mais le WWF a déployé une montgolfière près du raout des présidents qui s’en foutent. Mais Jean-Marc Jancovici – il annonçait voici trois ans, dans un livre, qu’il nous restait trois ans pour sauver la planète – signe dans Le Monde une tribune avec le grand responsable onusien du Sommet de la Terre, Brice Lalonde (ici). Ces hommes ridicules affirment qu’il faut « décarboner » l’économie, et blablabla.

Croyez-moi, ou non d’ailleurs, la première mesure de salubrité écologique consisterait à nommer sans détour l’adversaire, devenu au fil du temps l’ennemi. Et cet ennemi, c’est l’industrie transnationale et les systèmes politiques qui l’aident à se maintenir au pouvoir du monde. Lesquels incluent tous les Brice Lalonde de la planète, tous les Jean-Marc Jancovici, tous les WWF, tous les jobards et jocrisse, ce qui fait un monde fou. Ils nous disent que les écologistes de mon espèce ne proposent rien, qu’ils n’ont aucune solution ? Franchement, et eux ? Eux, qui ne servent qu’à masquer l’échec historique et définitif du compromis. Eux, que je maudis aujourd’hui comme jamais.

Castoriadis contre l’Appel de Heidelberg (suite)

Il me faut donc remercier deux personnes, que je ne connais pas. Et même trois. La première intervient sur Planète sans visa sous le nom de Leyla. Il vient de poster ce qui suit, que je m’empresse de mettre en ligne dans un article. Mais il me faut également saluer Markus, qui a retranscrit ce coup de gueule de Castoriadis. Enfin, toute ma reconnaissance à ce même Cornelius Castoriadis.

Qui était cet homme grec, né en 1922 et mort en 1997 ? Je mentirais avec grossièreté si j’écrivais le bien connaître. De mémoire, j’ai lu deux livres de lui dans ma jeunesse, en deux fois deux tomes. D’abord La Société bureaucratique, livre consacré à l’analyse de l’Union soviétique. Ensuite L’Expérience du mouvement ouvrier. Sur les conseils de mon frère Emmanuel, j’ai lu plus tard Montée de l’insignifiance. Et je ne dois pas oublier un dialogue avec Cohn-Bendit, qui s’appelle De l’écologie à l’autonomie, livre qui m’a laissé un plaisant souvenir. Il faut dire qu’il date, je crois, de 1980, date à laquelle Cohn-Bendit était un autre.

En revanche, je ne sais presque rien du philosophe, et moins encore du psychanalyste que fut Castoriadis. Ma certitude est que cet homme pensait, avec tous les risques liés à cet exercice. Qu’il était lumineux. Qu’il avait compris la nature de nos sociétés. Et qu’il voulait nous aider tous à trouver d’autres voies. Revenons au message de Leyla, qui concerne l’Appel de Heidelberg, objet du dernier article de Planète sans visa.

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De Leyla : Il y a tout juste 20 ans, tout le monde ne gobait pas l’appel d’Heidelberg. Voilà ce que disait par exemple Castoriadis au micro de France Culture le 19 juin 1992 (merci à Markus pour la transcription de cet échange oral – où l’on doit entendre l’irritation et la colère devant l’ignominie de l’appel) :

« Quand on a des réactions au mouvement écologiste comme le manifeste Heidelberg qui a été signé et diffusé à la veille de la conférence de Rio par 150 intellectuels parmi lesquels 52 prix Nobel, ce manifeste est relativement ignominieux dans son hypocrisie ! Tout le monde est d’accord pour l’écologie scientifique à condition qu’on sache ce qu’on veut dire. Mais ces prix Nobel, c’est des gens de 1850, c’est des scientistes !… Ils croient que la science a réponse à tout, ils disent que la science ne crée jamais de problèmes … Ils sont dans une vue primitive et naïve de la chose parce qu’ils sont dans l’ancienne vue que ce n’est pas le couteau qui tue mais c’est le meurtrier ! Or c’était vrai du temps des couteaux, ce n’est plus vrai du temps des bombes à hydrogène !

Nous vivons dans une société où il y a une domination de plus en plus ouverte de la techno-science qui suit son propre cours. Et qu’on nous dise : mais vous pouvez choisir ceci ou cela, c’est une ânerie ! Parce que nous ne pouvons rien choisir : voyez tout ce qui s’est passé avec l’insémination artificielle, les grossesses in vitro, pourquoi Testard a laissé tombé, etc… Dès qu’une chose est possible à faire scientifiquement et techniquement, on la fait ! On ne se demande pas si elle est bonne ou mauvaise. Et ce sont ces prix Nobel qui la font … sans qu’il y ait un cadre de loi, sans qu’il y ait un besoin correspondant ! On fait la chose et après on va créer un besoin, c’est ça qui se passe !… Alors ces messieurs qui disent : la science va résoudre tous les problèmes, c’est complètement absurde !! Parce que la science ne peut pas résoudre le problème des fins, des buts, des finalités … La science peut dire : si vous voulez détruire la planète, je vous donne les moyens. Si vous voulez sauver la planète, je peux vous dire ceci et cela. Mais elle ne peut pas sauver la planète ! Il faut une décision politique qui implique toute une série de choses, et par exemple implique l’abandon de cette course effrénée vers la consommation plus grande et vers une puissance technique plus grande.

Et puis ils critiquent l’idéologie écologiste mais ils ne critiquent pas les autres idéologies les prix Nobel ! Que je sache ils étaient complètement muets quand il y avait Hitler et Staline en Russie, si tant est que beaucoup parmi eux ne collaboraient pas avec l’un ou l’autre ! Ils parlent du contrôle de la population, ils ne disent pas un mot de l’Église catholique ! A Rio il n’est pas question du contrôle démographique et de l’explosion démographique, pourquoi ? Parce qu’il y a un veto de l’Église catholique, parce que Dieu a dit “croissez et multipliez”. (…)

Ce manifeste est tout à fait caractéristique. C’est pour ça où il y a des fois aussi où je vous dis que je suis d’humeur sinistre !… Si 52 prix Nobel sont capables de dire des âneries pareilles, d’un aveuglement pareil où d’ailleurs leurs motivations intéressées sont transparentes … Ces messieurs, ils vivent, ont un laboratoire, ils doivent être financés, la société consacre des ressources à financer ces recherches plutôt qu’autre chose, n’est ce pas ?

Ce qu’il n’y a pas surtout dans ce manifeste, c’est ce que les Grecs appelaient la phronésis, c’est le fait que sans que ce soit scientifique vous êtes prudent, vous savez ce que vous faites, vous voyez où est-ce que vous mettez vos pieds. Or ce que la science actuellement ne fait pas, c’est regarder où est-ce qu’elle met ses pieds. Le génie génétique personne ne sait ce que ça peut donner, c’est comme les balais dans l’histoire de l’apprenti sorcier, parce que l’apprenti il a commencé à utiliser certaines formules magiques sans connaître les autres formules qui arrêtent la chose.

Or ces messieurs n’ont aucune envie d’arrêter, ils n’ont aucune prudence, ils croient que la science répond à tout, ce qui est aberrant. La science n’a pas de réponse politique et heureusement, parce que sinon la réponse serait claire : il faut instaurer une dictature des scientifiques puisque c’est eux qui ont les réponses … il n’y a pas de place pour une démocratie quelconque ; qu’est-ce que ça veut dire laisser les ignorants décider alors qu’il y a des scientifiques qui grâce à leur science ont des réponses scientifiques aux problèmes politiques ? Mais c’est une monstruosité ! Voilà …”

L’Appel de Heidelberg, Valtat, Rothmans, Rupert et le WWF

Je viens de lire le sensationnel article de Stéphane Foucart dans Le Monde, que vous trouverez en copie ci-dessous. Il se suffit, d’un certain côté. Mais je souhaite y ajouter ma pierre. Un, le cabinet Valtat, dont on parle, a joué un rôle clé dans la désinformation organisé à propos de l’amiante. En créant notamment un Comité permanent amiante (CPA), à partir de 1982 je crois, chargé de faire avaler la fable de « l’usage contrôlé de l’amiante ». Par ce crime social organisé, les patrons de l’amiante en France ont gagné dix ans avant l’interdiction de ce maudit minéral. Pas si mal. Et le pire est que le CPA réunissait patrons et syndicats « convaincus » par quelque mystérieuse manière de siéger à la table du diable. La CGT et la CFDT notamment ont AVALISÉ cette pure saloperie. Qui fera jamais le bilan de cette infamie ?

Autre ajout personnel. Vous verrez dans le papier de Foucart le rôle qu’ont joué les cigarettiers dans la si vaste combinazione de l’Appel de Heidelberg, à laquelle ont participé même des gens comme le sociologue Pierre Bourdieu. Eh bien, l’un de ces cigarettiers s’appelle Rothmans. Et le créateur de cette transnationale du tabac n’est autre qu’Anton Rupert, l’homme qui a fondé le WWF International. Oui. Comme je le raconte en détail dans mon livre Qui a tué l’écologie ?, Rupert, qui était né en 1916, a été un fervent soutien du régime raciste d’Afrique du Sud. Il a même été membre d’une abominable société secrète, le Broederbond, ou Ligue des Frères. Blancs, cela va sans dire. Parallèlement, Rupert devenait milliardaire grâce à la clope, devenant l’une des grandes fortunes sud-africaines. Savez-vous ? Il a même été quelque temps patron de Canal + ! Ohé, les Guignols !

Rupert, mort en 2006, a donc lancé le WWF International et créé pour cela le club des 1001 pour financer la structure. Un club international plus que discret de donateurs, parmi lesquels l’ancien dictateur du Zaïre Mobutu ou l’homme des bombardements massifs sur le Vietnam, Robert McNamara. Sans oublier, chez nous, l’ancien député du Front National Charles de Chambrun, mort en 2010. Toute cette histoire est dégueulasse. En tout cas, Rupert, l’apartheid, le WWF et donc Rothmans.

L’article de Foucart montre que pendant que Rupert faisait joujou avec le WWF, les sbires de sa boîte sabotaient les efforts pour tenter de sauver les équilibres de la planète. Si vous trouvez une morale à cette putain d’histoire, n’hésitez pas à me prévenir.

Voici l’article du Monde

L’appel d’Heidelberg, une initiative fumeuse

LE MONDE | 16.06.2012 à 20h45 • Mis à jour le 16.06.2012 à 20h45
Par Stéphane Foucart

Par son ampleur, par le nombre et le prestige des personnalités enrôlées à leur insu, par l’effet qu’elle a eu dans la structuration du débat public, c’est sans doute l’une des plus brillantes opérations de communication jamais menées. Qu’on en juge : des dizaines de Prix Nobel de toutes disciplines (Hans Bethe, Linus Pauling, Ilya Prigogine, Jean-Marie Lehn, Pierre-Gilles de Gennes, Elie Wiesel, etc.) aux côtés de centaines de scientifiques de premier plan, de médecins, d’intellectuels ou d’écrivains (Pierre Bourdieu, Hervé Le Bras, Marc Fumaroli, Eugène Ionesco, etc.) signant dans un même élan un appel solennel « aux chefs d’Etat et de gouvernement ».

Le 1er juin 1992, ce texte-massue est rendu public à la veille de l’ouverture du Sommet de la Terre à Rio (Brésil). C’est l’appel d’Heidelberg. Sitôt rendu public, il fait couler des tombereaux d’encre : il est présenté comme une grave mise en garde des « savants », enjoignant les dirigeants réunis à Rio à la plus grande méfiance face aux défenseurs de l’environnement animés par une « idéologie irrationnelle qui s’oppose au développement scientifique et industriel ».

« PSEUDO-SCIENCES »

La présentation et la médiatisation du texte – bien plus que son contenu stricto sensu – ont à l’évidence pour objectif de ramener les préoccupations environnementales et les sciences de l’environnement, qui émergent à Rio, à des « pseudo-sciences ». « Des scientifiques s’inquiètent du tout-écologie », titre Le Figaro. « Rio contre Heidelberg », ajoute Le Monde. « Rio : faut-il brûler les écologistes ? », s’interroge Libération à sa « une ». Initiative spontanée de la communauté scientifique ? L’appel d’Heidelberg est en réalité le résultat d’une campagne habilement orchestrée par un cabinet de lobbying parisien lié de près aux industriels de l’amiante et du tabac…

Le premier indice est un mémo confidentiel de Philip Morris, daté du 23 mars 1993 et rendu public dans le cadre d’une action en justice contre le cigarettier. La note interne présente l’appel d’Heidelberg, se félicitant qu’il « a maintenant été adopté par plus de 2 500 scientifiques, économistes et intellectuels, dont 70 Prix Nobel ».

A L’ORIGINE, L’INDUSTRIE DE L’AMIANTE

A quoi tient l’existence de cette « coalition internationale de scientifiques basée à Paris » ? Le mémo de Philip Morris l’explique sans ambages : elle « a son origine dans l’industrie de l’amiante, mais elle est devenue un large mouvement indépendant en un peu moins d’un an ». « Nous sommes engagés aux côtés de cette coalition à travers la National Manufacturers Association française [Groupement des fournisseurs communautaires de cigarettes], mais nous restons discrets parce que des membres de la coalition s’inquiètent qu’on puisse faire un lien avec le tabac, ajoute la note de Philip Morris. Notre stratégie est de continuer à la soutenir discrètement et de l’aider à grandir, en taille et en crédibilité. »
Pourquoi soutenir l’appel d’Heidelberg ? Comment ? « Un nouvel organisme, le Centre international pour une écologie scientifique [ICSE, pour International Center for a Scientific Ecology], a été fondé, à Paris, comme une continuité de l’appel d’Heidelberg, pour fournir aux gouvernements du monde entier des opinions sur ce qui constitue une science environnementale solide, à propos de certains problèmes », explique la note. « Certains problèmes », mais surtout ceux qui concernent les industriels du tabac et de l’amiante…

L’ICSE est domicilié avenue de Messine, à Paris, dans les locaux d’un cabinet de conseil aux entreprises, Communications économiques et sociales (CES), et n’en est qu’une émanation. Or c’est précisément CES qui organise et supervise, en France, le lobbying des industriels de l’amiante entre 1982 et 1996. Un lobbying qui permettra de retarder à 1997 l’interdiction de la fibre cancérigène, qui devrait causer, selon l’Inserm, environ 100 000 morts prématurées entre 1995 et 2025…

MINIMISER LES RISQUES

Pour promouvoir une « écologie scientifique », l’ICSE, cette « continuité » de l’appel d’Heidelberg, organise des conférences. La première se tient le 10 mai 1993, à Paris. Le thème est celui des risques réels associés à la présence de cancérogènes à faible dose dans l’environnement : pesticides, fibres d’amiante, fumée ambiante de tabac… Mais les intervenants sont soigneusement choisis pour minimiser le plus possible ces risques. L’examen de documents internes de l’industrie du tabac – déclassifiés par la justice américaine depuis le début des années 2000 – montre que plus de la moitié des douze scientifiques intervenant ont des liens financiers avec l’industrie cigarettière américaine, soit à titre de consultant, soit par le biais de crédits de recherche. Les autres sont liés à d’autres secteurs… Quant au seul Français présent, c’est le toxicologue Etienne Fournier, membre de l’Académie nationale de médecine et… du Comité permanent amiante – un groupe informel désormais célèbre, mis sur pied par CES pour appuyer le lobbying en faveur de la fibre minérale.

L’inféodation des conférences de l’ICSE à l’industrie va bien au-delà du choix des intervenants. Un courrier confidentiel du 10 juin 1993, adressé par un cadre de Rothmans International à sa représentante en France, montre que les responsables de l’industrie cigarettière américaine ont eu accès à la version provisoire de la déclaration de consensus prise à l’issue de la conférence de l’ICSE à Paris. « La semaine dernière, Sophie Valtat, de l’ICSE, m’a envoyé la version provisoire du consensus, écrit ce cadre de Rothmans. Cela convient pour la plus grande part. Cependant, la deuxième phrase pourrait conduire à condamner l’ICSE pour dogmatisme… » Rothmans suggère ensuite un changement de formulation de la phrase contestée.

« PAR DÉONTOLOGIE, JE L’AI REFUSÉ »

Le lien avec l’appel d’Heidelberg apparaît en toutes lettres dans les plaquettes de présentation de l’ICSE : « Notre but est de répondre à la requête de nombreux signataires de l’appel d’Heidelberg, dans l’objectif d’étendre son impact à l’examen de questions réelles, auxquelles est confrontée la communauté scientifique. » Le programme de la conférence de Paris est, de plus, annoncé comme ayant été préparé par « le docteur Michel Salomon, coordinateur de l’appel d’Heidelberg ». Comme le rapporte à l’époque la presse française, c’est en effet Michel Salomon, médecin et journaliste, éditeur de la revue Projections, qui réunit, en avril 1992 à Heidelberg (Allemagne), le petit noyau des premiers signataires de l’appel… Comment, avec les nombreuses et prestigieuses cautions du célèbre appel, pouvait-on suspecter l’ICSE d’organiser des fausses conférences scientifiques sous la tutelle des industries du tabac et de l’amiante ?

Pourtant, dès avant la publication de l’appel, de premiers soupçons se font jour. « Avant mon départ pour Rio, un certain Marcel Valtat est venu me voir au journal pour me proposer l’exclusivité de l’appel d’Heidelberg », raconte le journaliste Roger Cans, alors chargé de l’environnement au Monde. Patron et fondateur de CES, Marcel Valtat est alors connu pour ses liens avec les industriels de la pharmacie et de l’amiante. « J’ai lu le texte et j’ai tout de suite soupçonné qu’il y avait des intérêts économiques derrière, poursuit Roger Cans. Par déontologie, je l’ai refusé. Je savais que, si Le Monde le publiait en exclusivité, on penserait qu’il en épousait le point de vue. C’est Le Figaro qui a finalement eu le « scoop »… » Bien sûr, l’écrasante majorité des signataires ignore tout de l’origine du texte et des motivations de ses commanditaires.

Jean-Pierre Hulot, ancien collaborateur de Marcel Valtat (décédé en 1993) et actuel PDG de CES, confirme au Monde que « l’appel d’Heidelberg est bien parti de CES ». « Michel Salomon travaillait en free-lance pour nous », ajoute M. Hulot, qui a été mis en examen en janvier 2012 pour son rôle au sein du Comité permanent amiante. Cependant, M. Hulot assure que le texte n’a pas été commandé par une ou plusieurs entreprises, et qu’il était une « initiative bénévole née après des discussions tenues avec des membres de l’Académie des sciences ». Quant à l’ICSE, poursuit-il, « cela partait d’une volonté de diversifier l’activité de CES et d’organiser des congrès scientifiques ». Des congrès dont les documents sont relus et amendés par les cigarettiers ? « Je ne suivais pas cela personnellement, je ne suis pas au courant », répond M. Hulot.

Stéphane Foucart