Archives de catégorie : Nucléaire

Putain, ces gens me rendent malade (sur le nucléaire)

Je manque affreusement de mots pour dire le dégoût que m’inspirent nos politiciens. Je parle bien entendu du désastre nucléaire en cours, qui me mène chaque quart d’heure au bord des larmes. Oui, sincèrement, j’ai envie de pleurer. Et qu’on ne me vienne surtout pas m’emmerder avec cette antienne du « tous pourris », censée écarter la critique radicale de ce monde exténué, et d’ailleurs perdu. Avant d’être pourris – et certains le sont, plus nombreux qu’on ne l’écrit -, ces gens sont des imbéciles. De purs connards, qui ne comprennent rien, et d’ailleurs s’en foutent, car leur intérêt d’individus dérisoires est ailleurs. En février 2007, tant Ségolène Royal que Nicolas Sarkozy, alors candidats à l’élection présidentielle, répondirent n’importe quoi à une question du journaliste de RMC Jean-Jacques Bourdin. Et la question était tout de même de savoir le nombre de sous-marins d’attaque nucléaires dont disposait alors la France. Misère ! Sarkozy montra au passage, pour faire le compte, qu’il ignorait tout des différences entre musulmans sunnites et musulmans chiites, clé pourtant, parmi quelques autres, de la situation politique mondiale. Il n’y a rien à attendre. Il faut renverser, et refonder.

À propos de l’horreur nucléaire japonaise, je dois confesser que j’ai en moi des pulsions extrêmes. Ce n’est pas la gloire, mais c’est un fait. Jack Lang, désastreux personnage entre tous, sur LCI :« Un peu de calme, un peu de responsabilité, c’est un sujet trop grave pour que ce soit source d’affrontements entre politiciens (…) L’énergie nucléaire est une énergie pacifique, une énergie non polluante, une énergie qui représente pour l’économie française, je crois, 30% de son énergie, on ne va pas d’un coup d’aile ou d’un coup de main écarter cette source d’énergie ». Comment réussir à dire autant de conneries en si peu de phrases ? J’avoue ne pas le savoir. J’aimerais mieux que Lang explique dans quelles conditions sa femme Monique a pu être salariée par la Lyonnaise des Eaux, et pour quoi. Et pourquoi Google garde-t-il si peu de traces de cet événement pourtant si éclairant.

Côté droit, l’ancien ingénieur agronome Pierre Méhaignerie, ancien ministre UMP, vient de déclarer des choses qui lui ressemblent, et ce n’est pas un compliment. Sur le Talk Orange/Le Figaro : «Un référendum n’aboutirait pas à grand-chose parce qu’à un problème complexe, on ne peut pas répondre par une réponse simple ». Et j’arrête là, car je veux dormir un peu cette nuit. Aucun, aucun politicien de droite ou de gauche ne peut nous aider dans cette tache historique : abattre les féodalités de l’énergie, abattre le corps des ingénieurs de Mines, sortir du nucléaire, imposer à l’industrie des process qui divisent par cinq la consommation unitaire d’énergie.

Il est clair à mes yeux que le moment arrive de sortir à l’air libre. Et d’agir. Nous nous le devons. Nous le devons à nos enfants. Nous le devons au Japon crucifié. Nous le devons à l’humanité.

Pendant ce temps, EDF (sur le nucléaire)

Je fais comme tout le monde, j’essaie en ce samedi matin d’en savoir plus sur le tremblement de terre au Japon, qui semble réserver de très mauvaises surprises nucléaires. Je clique, je vais regarder la presse, étrangère ou française. Tout à l’heure, parcourant un article du Point sur le sujet, une publicité s’est surimposée à l’écran. Cela arrive de plus en plus souvent, car cette industrie du mensonge est partout. Mais cette fois, j’ai eu un sursaut, car la pub était en faveur d’EDF. EDF !

On ne peut faire revivre l’esprit qui a présidé à la naissance de ce monstre, en février 1946. On appliquait alors le programme de nationalisations du Conseil national de la résistance (CNR), et l’heure était à l’illusion lyrique. La nation enfin rassemblée autour de nobles objectifs avait un vital besoin d’énergie, et cette dernière ne pouvait plus être soumise à l’intérêt privé. 64 ans plus tard, la boîte est entre les mains de Proglio, proche de Sarkozy comme tant d’autres, et des grands ingénieurs d’État. Une gigantesque alliance entre les staliniens – car le PCF et la CGT sont indissociables de l’histoire d’EDF -, l’État et les ingénieurs a conduit à la confiscation généralisée. Quel bilan !

Oui, le débat sur l’énergie a été confisqué par ces gens, et nous n’avons pas eu notre mot à dire. Nous sommes face à une industrie électronucléaire surpuissante, et bien entendu irresponsable. Qui paierait les dégâts si demain un tiers de notre pays devenait inhabitable ? La catastrophe est impossible tant qu’elle ne s’est pas produite, pour reprendre la forte pensée de Jean-Pierre Dupuy. Mais si elle advient, elle le devient rétrospectivement. Elle était possible, puisqu’elle s’est produite, et nous sommes tous morts vitrifiés.

Amis lecteurs de Planète sans visa, je ne voudrais pas me montrer trop solennel, mais dans le même temps, nous avons besoin de sérieux, et d’engagement. Je crois que nous devons faire le serment, alors que s’effondre au Japon une centrale nucléaire, de ne plus jamais lâcher ceux qui ont décidé à notre place. Que ce soit sur le nucléaire ou les gaz de schistes, une oligarchie entend trancher, et imposer. Ce sont nos adversaires. Il faut les combattre sans plus hésiter. Et il faut vaincre, je n’ai pas peur de ce mot guerrier. La priorité des priorités est d’arracher un vaste débat public, étendu sur des mois, qui nous permette de répondre à une question clé. La voici : quels sont nos vrais besoins énergétiques ? Comment diviser par trois ou quatre la consommation par habitant ? Je me répète : faisons serment.

Remerciements éternels à Nicolas Sarkozy (sur le nucléaire)

J’écris alors que je ne sais si la tragédie s’invite une fois de plus à notre table commune. Peut-être le tremblement de terre qui vient de frapper le Japon restera un avertissement de plus, vite oublié. Peut-être a-t-il infligé de graves dommages à l’industrie nucléaire de ce pays si proche et si lointain. Ce matin du 11 mars 2011, on parlait de 6 morts. On en est à plus de 1 000. On ne sait donc encore rien, si ce n’est qu’une partie des réacteurs est à l’arrêt. Par mesure de précaution, disent ces autorités que plus personne ne croit. On verra donc, car il n’y a rien à faire. C’est-à-dire rien. Le nucléaire est notre fatum. Le destin qui nous a été imposé. Des fous que nous soutenons pourtant, et pour qui nous votons pourtant, ont laissé se développer une industrie qui n’a pas le moindre droit à l’erreur, et qui, partant, est antihumaine. Définitivement.

Notre Premier ministre François Fillon sera en visite au Japon, si l’archipel est encore là, du 10 au 13 avril prochain. J’extrais ceci de son agenda :

Samedi 12 avril

7h15 (h15) : Départ de l’Hôtel

8h40 (1h40) : Décollage de l’aéroport de Tokyo Haneda

10h (3h) : Atterrissage à l’aéroport de Misawa

10h45 (3h45) : Arrivée sur le site nucléaire de Rokkasho Mura

ROKKASHO MURA

11h05 (4h05): Accueil par M. Akira AMARI, ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie

11h10 (4h10): Visite du centre d’entreposage des déchets vitrifiés et de l’usine de retraitement, suivie d’une rencontre avec les ingénieurs d’AREVA

12h15 (5h15) : Intervention du Premier ministre

12h30 (5h30): Point de presse

13h05 (6h05): Départ du site de Rokkasho Mura pour l’aéroport de Misawa, après un bref
arrêt sur le futur site ITER de Rokkasho

13h50 (6h50) : Décollage de l’aéroport de Misawa.

Voyez comme nos affaires nucléaires avancent, à pas de géant. Je rappelle qu’au moment même où la « Bande des Quatre » – WWF, Greenpeace, Fondation Hulot, France Nature Environnement – commençait, sur fond d’embrassades, la pantomime du Grenelle de l’Environnement, Sarkozy finalisait le projet de vente d’une centrale nucléaire française au boucher de Tripoli, Mouammar Kadhafi. Nous étions à la fin de l’été 2007, et rien n’était trop beau pour le dictateur libyen. Et pour tous les autres. Je cite Sarkozy, proclamant du haut de la tribune des Nations unies, le 25 septembre 2007 : « Il n’y a pas une énergie de l’avenir pour les pays occidentaux et des pays d’Orient qui n’auraient pas le droit d’y avoir accès(…) La France est prête à aider tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire civile ».

Il y avait donc, il y aurait donc, il y aura peut-être du nucléaire pour tous les satrapes de la terre. Sans que nul, car c’est impossible, puisse garantir que le nucléaire civil ne servira pas à obtenir du nucléaire militaire. On hésite devant le qualificatif que mérite notre président. Et si j’hésite, ce n’est pas pour la raison que j’aurais peur d’insulter un chef d’État. J’hésite car je ne dispose pas des mots qu’il faut. Mais bien entendu, Sarkozy n’est qu’un symptôme d’une maladie plus répandue et beaucoup plus redoutable encore. Celui qui sera peut-être son challenger à la prochaine élection présidentielle, Dominique Strauss-Kahn, est comme on sait le directeur du Fonds monétaire international, ce FMI chargé d’étrangler les peuples.

Le 9 février 2011, il y a donc un peu plus d’un mois, le FMI rendait les conclusions d’un rapport de terrain mené en Libye, chez notre ancien grand ami. Et ce texte, je le précise, a été revu par Strauss-Kahn soi-même. On ne le peut trouver qu’en anglais, croyez que je le regrette (c’est ici). En voici les dernières lignes : « Directors encouraged the authorities to further advance structural reforms to support private sector development. They commended the authorities for their ambitious reform agenda, and looked forward to the effective implementation of the many important laws passed in the last year, complemented by policies aimed at adapting the labor force to the economic transformation. Directors encouraged the authorities to continue to improve economic and financial statistics ».

La traduction que je propose est celle-ci : « Les directeurs ont encouragé les autorités à faire progresser les réformes structurelles de manière à soutenir le développement du secteur privé. Ils félicitent les autorités pour leur ambitieux programme de réformes ambitieux, et attend impatiemment la mise en œuvre effective des très importantes lois votées l’an passé, qui doivent être complétées par des politiques visant à adapter la main-d’œuvre à la transformation économique. Les directeurs ont encouragé les autorités à continuer d’améliorer les statistiques économiques et financières ». Le texte est certes épouvantable dans sa forme, mais il est évidemment odieux sur le fond. Qui a été décidé par ce grand socialiste de Strauss-Kahn.

Lequel, et cela nous permettra de refermer la boucle, a été un lobbyiste officiel, et donc rétribué, de l’industrie nucléaire. Quand la gauche fut envoyée au tapis électoral, en 1993, monsieur DSK n’a pas souhaité perdre la main, et il a présidé entre 1993 et 1997 un lobby appelé le Cercle de l’Industrie, regroupant une sorte de gotha des (grandes) affaires. Dans le noble but de favoriser ses clients auprès de la Commission européenne, à Bruxelles. En 1994, après avoir signé un contrat avec EDF, il s’est rendu à de nombreuses reprises en Allemagne – il parle la langue du pays – pour tenter de convaincre ses amis du SPD. De quoi ? De la nécessité pour l’Allemand Siemens de rejoindre le Français Framatome et EDF dans le vaste chantier de l’EPR, le nouveau réacteur nucléaire français. On applaudit debout.

Ensuite, en 1997, comme la gauche revenait au pouvoir, monsieur Strauss-Kahn se retrouva sans transition ministre de l’Économie et des Finances, chargé donc de la politique française dans ce domaine essentiel qu’est le nucléaire, qui dispose de deux acteurs publics majeurs, EDF et Areva. Inutile de chercher la moindre morale dans cette histoire. Je serais très étonné, pour ma part, qu’il y en eût une.

RECTIFICATIF DÉPOSÉ LE 15 MARS 2011 : MERCI À GRANIT, LECTEUR DE CE BLOG, QUI ME SIGNALE UNE ERREUR. LA MIENNE, QUE J’ASSUME DONC TOTALEMENT. JE ME SUIS EMMÊLÉ DANS L’AGENDA DE FILLON, ET LA VISITE AU JAPON ÉTAIT PRÉVUE EN 2008, ET PAS EN 2011. CELA NE CHANGE PAS GRAND CHOSE ? CERTES, MAIS C’EST TOUT DE MÊME UNE ERREUR. MILLE EXCUSES.

La supercherie de madame Kosciusko-Morizet (sur les gaz de schistes)

Vous lisez comme moi les journaux, ou vous écoutez sans doute les radios. Sentant monter une vraie grande colère nationale contre les gaz de schistes, madame Kosciusko-Morizet (ici) tente d’éteindre l’incendie, qui la menace directement. Car bien sûr, comment justifier une telle horreur quand on se prétend écologiste et qu’on entend – elle l’a dit et répété – devenir un jour présidente de la République ? C’est ce que j’appellerais une mission impossible.

La plupart des écologistes de cour et de salon adôôôrent madame Kosciusko-Morizet. Ils la trouvent belle, ils se trouvent beaux de la trouver belle. Ils rient avec elle sur les photos, vantent ses supposées qualités et ses soi-disant compétences. Fort bien. J’ai l’honneur de ne pas faire partie du club et de penser sans détour que madame Kosciusko-Morizet, secrétaire générale adjointe de l’UMP – vous imaginez ce que cela veut dire ? – est une politicienne ordinaire. Point barre.

Le moratoire, c’est du vent

Sur l’affaire des gaz de schistes, je n’ai hélas pas le temps de développer, mais je le ferai dès que possible. Il faut oser parler d’une supercherie. D’abord parce que le moratoire évoqué par madame Kosciusko-Morizet ne peut venir d’une parole, fût-elle ministérielle. Il faut une décision, écrite. Ce n’est pas le cas pour l’heure, et les propos de madame Kosciusko-Morizet ne sont donc, en tout cas pour le moment, que du vent. De l’air brassé sous le nez de journalistes complaisants. Mais il y a bien pire. Car madame Kosciusko-Morizet a également annoncé la création d’une mission d’expertise. Elle est bonne, elle est excellente, on nous a déjà fait le coup 1 000 fois.

Dans ce pays perclus qu’est la France, à qui diable peut-on confier pareille expertise ? Mais à des experts, pardi ! Seulement, ce travail technique hautement spécialisé est un monopole, tout simplement. Qui appartient à deux corps d’ingénieurs d’État, ceux que Pierre Bourdieu appelait fort justement la « noblesse d’État ». J’ai nommé le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), créé avant la Révolution française, et qu’on a longtemps appelé le Corps des Mines ; et puis le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’ancien corps des Ponts et Chaussées.

Derrière le programme électronucléaire

Pour aller très vite, ces deux corps trustent un nombre de postes de pouvoir ahurissant. Dans les ministères clés comme dans l’industrie. Le premier  a lié son histoire, depuis la guerre, avec le nucléaire, dont la bombe, et le pétrole. Ce sont les Mineurs qui ont arraché la décision de bâtir notre parc électronucléaire. C’est l’un d’entre eux, Pierre Guillaumat, qui a été le premier patron d’Elf-Aquitaine. À mon sens, ce corps pourrait bien être le pouvoir le plus considérable de notre pauvre République. Le corps des Ponts et Chaussées, de son côté, est derrière une infinité de destructions, dont le réseau routier et autoroutier, les ponts et rocades, les châteaux d’eau, les ronds-points.

Je vous le dis très calmement : ces gens tiennent le manche, mus, soutenus par un sentiment de toute-puissance lié à leur histoire pluricentenaire. Ils ont résisté aux guerres comme aux révolutions. Les ministres et les régimes passent, eux restent. Bien entendu, l’écologie n’a jamais été au programme de leurs écoles, entièrement au service de la technique et du pouvoir. Mais pour en revenir à notre sujet, quand un ministre crée une mission d’expertise, elle est fatalement confiée à ces braves serviteurs de l’intérêt commun. Madame Kosciusko-Morizet n’a pas dérogé à cette règle et sa mission sur les gaz de schistes est entre les mains du CGIET et du CGEDD. Or, le premier, bien plus encore que le second, est à la fois juge et partie. Car je vous en fais la confidence ici, et vous demande de la répéter partout où vous le pourrez : le moteur de cette folie globale appelée « gaz de schistes », en France du moins, c’est le corps des Mines, c’est le CGIET. On demande à ceux qui ont promu cette nouvelle aventure de nous expliquer les problèmes qu’elle poserait éventuellement. Au secours !

Croyez-vous que ce pauvre Borloo, signataire en mars 2010 des autorisations d’exploration, connaissait quoi que ce soit au sujet ? Évidemment, non. Mais les ingénieurs des Mines, oui. J’ai le pressentiment qu’ils veulent rééditer leur exploit du début des années 70, quand ils ont obtenu du régime pompidolien de l’époque le droit de semer partout des centrales nucléaires, ce qui a leur donné un surcroît de puissance sans égale. S’ils obtiennent satisfaction avec le gaz de schistes, ils offrent du même coup au pouvoir actuel un semblant d’indépendance énergétique, ce qui les rend intouchables pour longtemps.

On se doute bien que ces grands ingénieurs ont d’autres soucis en tête que le dérèglement climatique, non ? J’ajoute qu’une réforme passé inaperçue a créé en région les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (les Dreal), qui ont englouti la maigrelette administration de l’Écologie (les Diren) ainsi que les directions de l’Équipement. Dans ces nouvelles structures, ingénieurs des Mines et ingénieurs des Ponts et Chaussées font la loi, comme il se doit. Ce sont ces Dreal qui auront à gérer les dossiers concrets d’exploration des gaz de schistes.

Chez Total, Vallourec, Suez, et dans les ministères

À ceux qui pourraient croire que je fantasme, je conseille vivement de lire et de se renseigner. J’ai à peine commencé mon propre travail de mise à jour que je tombe déjà sur cette évidence : les ingénieurs des Mines sont partout dans ce dossier pourri. À la tête de Total et de Suez, bien sûr. Mais aussi chez Vallourec, qui produit les tubes destinés à l’exploitation du gaz. Et bien évidemment au ministère de l’énergie de ce cher monsieur Besson. Et bien évidemment au ministère de l’Écologie de cette chère madame Kosciusko-Morizet.

En résumé, nous avons affaire à un coup de force oligarchique. Je ne suis pas en train de parler d’un complot. Je suis aux antipodes de ces fumeuses visions. Ces gens ne se montrent pas sur la place publique, certes. Mais c’est de notre faute, et de notre faute seulement. Tout est à portée de main, et de critique : une infime minorité de puissants entend passer en force sur la question décisive de l’énergie. Comme en 1974 à propos du nucléaire. Cette fois-là, nous avons été battus à plate couture. Mais aujourd’hui, sur fond de crise climatique, nous n’avons plus le choix. Il faut gagner ce combat. Et donc, surtout, avant tout, ne pas se laisser manipuler par des personnages comme madame Kosciusko-Morizet ou MM. Borloo et Sarkozy.

En attendant des échéances qui se rapprochent à toute vitesse, on peut évidemment signer la pétition, et la faire tourner (http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci/). Ce n’est, toujours et encore, qu’un début.

PS : mon ami, mon cher ami François Veillerette, vice-président du Conseil régional de Picardie, a obtenu un vote remarquable que je vous laisse découvrir. François, des bises pour vous trois !

COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 4 février 2011

Gaz et pétrole de schiste : Le Conseil régional de Picardie décide d’interdire par tous les moyens l’exploitation sur son territoire

Lors de la session de ce matin 4 février, le Conseil régional de Picardie a voté à l’unanimité une délibération engageant la région à s’opposer par tous les moyens à l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste sur le territoire. Porté par François Veillerette, vice président chargé de la santé et Christophe Porquier, vice président énergie-climat, ce vote confirme la position ferme et nette du Conseil régional à ce sujet.

C’est sans consultation avec les collectivités locales et encore moins avec la population que l’Etat par l’intermédiaire de son ministre de l’environnement de l’époque, Jean-Louis Borloo a accordé un permis d’exploration à la société Toréador Energy France SCS dans la région de Château-Thierry (Aisne). Ce permis délimite une surface de 779 km2 dans laquelle sont programmés 6 forages.

Ce type d’exploitation engendre de lourdes conséquences pour l’environnement et la santé publique. La technique utilisée pour extraire les gaz, ou, comme c’est le cas en Picardie, du pétrole de schiste, consiste à fracturer la roche à l’aide de millions de litres d’eau (il faut environ 20 000 m3 d’eau pour un seul puit) additionnés à un mélange de produits chimiques particulièrement toxiques.

Mercredi 2 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’environnement, a annoncé la création d’une mission chargée « d’évaluer les enjeux, et d’abord les enjeux environnementaux » de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes. En attendant le rapport de la mission en juin prochain, aucune autorisation de travaux ne sera donnée.

Ce réveil tardif de l’Etat confirme la nécessité qu’une réelle concertation publique soit menée.

C’est pourquoi, en  plus de sa décision d’interdire l’exploitation des gaz  et pétroles de schistes, la Région exige un moratoire sur la prospection de ces gaz et demande l’organisation d’un débat public et la réalisation d’études d’impact. Par ce biais, la région compte garantir la protection de la population et de l’environnement et lui apporter l’information nécessaire et faire valoir ainsi le principe constitutionnel de précaution.

François Veillerette
Vice-président chargé de l’agriculture, alimentation, santé

Ce si pauvre uranium appauvri

C’est l’été nucléaire. Logique : après l’hiver du même nom, l’été. Brûlent les terres de toutes les Russies, et meurent les enfants de Falloujah. Cette ville irakienne d’environ 300 000 habitants, à 70 kilomètres à l’ouest de Bagdad, est bordée par l’Euphrate. Faut-il vraiment vous rappeler que ce fleuve est l’un des lieux d’origine de notre belle civilisation ? Faut-il rappeler que Turcs, Persans, Kurdes, Arabes, Arméniens lui donnent un nom différent ? L’Euphrátês des Grecs de l’Antiquité devrait être notre flambeau, il est notre honte.

En 2004, un an après la si glorieuse invasion américaine, la ville est aux mains d’insurgés fondamentalistes, qui défient l’ordre nouveau à coup de massacres et de bombes. Dans la nuit du 6 au 7 novembre, les troupes américaines y lancent l’opération Phantom Fury, qui durera un peu plus de trois semaines. Les fantoches de l’armée irakienne servent de supplétifs à la reconquête du bastion extrémiste. Chacun sait alors, et les Américains mieux que personne, qu’une part importante de la population civile est demeurée en ville. Mais Falloujah est un symbole, et les symboles doivent être traités comme tels. Rien de tel qu’une bonne préparation d’artillerie contre des écoles, des immeubles, des dispensaires et des mosquées. Il est établi depuis des années que la soldatesque étasunienne – entre 10 000 et 15 000 soldats suréquipés – a bombardé massivement une ville, utilisant notamment des obus au phosphore blanc, qui vitrifient sur place leurs victimes. Il est probable que du napalm, en théorie interdit, a également servi à nettoyer les rues. Charmant, le napalm, il suffit de demander aux Vietnamiens rescapés des folles années 60 et 70 du siècle passé.

Ce qu’on vient d’apprendre ajoute à la fraîcheur de ces événements. Un article (lire ici) publié dans International Journal of Environnemental Research and Public Health démontre par des chiffres précis que Falloujah a été le théâtre de crimes contre l’homme. Contre l’humanité, si vous préférez, et au diable les simagrées juridiques ! Entre 2005 et 2009, le risque relatif de développer un cancer était 4,22 fois plus élevé dans la ville irakienne qu’en Égypte par exemple. Et 12,6 fois chez les moins de 14 ans, ce qui explique en partie une mortalité infantile quatre fois plus forte que dans les pays voisins ! Ajoutons que les cancers constatés semblent bien proches de ceux observés dans la ville japonaise d’Hiroshima après la bombe de 1945. Enfin, et comme à Hiroshima, le nombre de garçons a brutalement chuté après 2005.

C’est un constat, qui n’explique rien des causes de ce massacre silencieux. Mais tout concorde pour désigner un coupable possible et même infiniment probable : l’uranium appauvri ( lire ici). Cet uranium-là est utilisé dans les charges d’obus destinés à percer les blindages les plus épais et les bunkers de béton. L’Amérique vertueuse, évangéliste, puritaine et criminelle de mister W. Bush, maintes fois accusée depuis six ans d’utiliser ce matériau radioactif, ne s’en est que mollement défendue. Pardi ! Quelle armée se priverait d’un si merveilleux instrument de destruction ? Croyez-vous sérieusement que la France des droits de l’homme fait exception ? Les armées de l’Otan n’ont-elles pas massivement utilisé des obus de ce type dans l’ancienne Yougoslavie ? La règle d’or des militaires a toujours été de tester ses nouveautés in the field, sur le terrain même d’opération.

Voilà donc. Presque rien. Des gosses qui meurent. Des familles qui pleurent. De bon Chrétiens qui continuent d’aller à la messe le dimanche, la main bien placée sur le cœur. Rien d’autre que notre monde en action. Et cette nausée authentique qui me prend au moment où j’écris ces lignes. Que se passe-t-il en Afghanistan, bande de salauds ?