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Une aiguille dans une botte de foin (au radium)

La photo ci-dessous représente une usine, vous l’aurez peut-être deviné, car vous êtes malin. La photo date des années 70 et montre les riants locaux de la société Bayard, à Saint-Nicolas-d’Aliermont, en Seine Maritime. On y a fabriqué quantité de réveils-matins grâce à quoi des générations d’ouvriers dociles ont pu, en temps et en heure, aller se faire extraire la quantité de plus-value revenant de droit éternel à leurs patrons respectifs. Mais pourquoi donc chercher la petite bête ? Parce que.

Des réveils qui secouent les fainéants. Et aussi des cadrans de tableaux de bord pour les navions, qui en ont grand besoin. Surtout la nuit, quand tous les chats sont gris. D’où l’idée si ingénieuse des ingénieurs de rendre les aiguilles luminescentes. Reconnaissons-le, soyons sport pour une fois, des aiguilles invisibles dans le noir, on s’en fout.                           

Pour parvenir au triomphe, il faut passer un produit sur ces petites lames métalliques. Au pinceau, idéalement, ce qui permet de ne pas saloper le travail. Les femmes et les jeunes filles, dont les doigts de fée nous étonneront toujours, sont tout indiquées pour cette entreprise, et l’ont fait pendant des décennies. Imaginez de vastes ateliers et des théories de dames attablées sous le regard hautement bienveillant de contremaîtresses. Quel bonheur, la vie !

Ah, oui, ce produit luminescent. Eh bien, il faut ce qu’il faut, et deux éléments font merveilleusement l’affaire : le radium et le tritium. Radioactifs ? Oh, n’exagérons rien. Et puis, les ouvrières sont solides. Quoique. Certaines, trouvant le radium si joli, s’en mettent sur les dents, ce qui fait rire les amis dans le noir. Aux États-Unis, le royal crétin qui a mis au point les peintures luminescentes, Sabin von Sochocky, meurt en 1928, à quarante ans, d’un empoisonnement massif au radium. À cette date, nombre d’ouvrières de son usine sont déjà mortes, elles aussi. Conclusion plutôt logique : il faut faire attention au radium.
Mais chez Bayard, Normandie, les nouvelles circulent lentement. Et les ouvrières peignent et peindront. (ici). En 2002, après un nombre de morts que personne n’est en mesure de préciser, notre noble Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) intervient. L’usine est fermée depuis des lustres, mais le radium, ce pénible intrus, fait de la résistance. Tout le site est gravement pollué, pour une durée qui dépasse d’assez loin nos espérances de vie respectives. Mais les gosses y circulent sans problème, et tripotent tout ce qu’ils trouvent. Dont du radium.

L’Andra est une agence bureaucratique, pour le cas où vous n’auriez pas saisi le fond de ma pensée. Or, et bien que cela paraisse contradictoire, elle est aussi facétieuse. Il faut savoir rire pour oser lancer une campagne nationale destinée (ici) à informer sur les « objets radioactifs à usage familial ». Outre les montres de pépé, on parlera réveils, boussoles, cadrans d’avions et autres systèmes de visée nocturne, aiguilles au radium d’usage médical, etc. Attention les yeux ! Dans un guide pratique qui me fait glousser par avance, on mettra en garde contre les greniers et les vieilles malles.

Un mot sur les aiguilles au radium. Elles ont été massivement utilisées dans les hôpitaux pendant la première moitié du 20 ème siècle, et puis oubliées, quoi, c’est humain. Où ? Mais merde, comment savoir ? En avril 2008, on a retrouvé chez une dame de Marcilly-sur-Tille une « fontaine à radium » achetée la veille dans une brocante. Cela ressemble à une cafetière et servait à rendre l’eau radioactive, car au début du grand destin radioactif qu’est devenue notre vie à tous, on pensait que boire de l’eau radioactive était bon pour la santé.

N’insistons pas au-delà du raisonnable. Des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de babioles contenant de la radioactivité se baladent partout. Rien ni personne ne les récupérera, pour l’essentiel. Car rien n’est possible. La mémoire humaine est un phénomène éminemment volatil, qui résiste mal chez les individus, et plus mal si c’est possible dans les sociétés. Imaginez l’expérience suivante : en 1708, il y a donc 300 ans, un type du Vexin – ou de Lille, ou de Romorantin – décide de cacher quelque chose. Où ? Je ne me souviens pas. Quoi ? On ne me l’a pas dit. Le fiston à qui la commission avait été faite s’est rompu le cou bêtement en rentrant de l’enterrement du papa. Du coup, on se sent bête.

Je n’ai pas choisi 300 ans tout à fait par hasard. En février 1996, un expert absolument expert, Jean Pronost, a donné un avis favorable à la fermeture du Centre de stockage de déchets nucléaires de La Hague (Manche). Pour 300 ans tout rond. À cette date, selon lui et ses amis de l’Andra, les frères humains qui après nous viendront ouvriront la bestiole et regarderont voir. Hum. 300 ans. Depuis 300 ans en France, combien de guerres, de massacres, de changements de régimes, de révolutions, de destructions d’archives ? 300 ans. Hum.

Les gens du nucléaire m’ont toujours paru dotés d’un sens aigu de l’avenir sur la terre.

Mais qui est ce professeur Aurengo ?

Je ne résiste pas au plaisir de récidiver, ce jeudi 19 juin 2008, et de vous livrer un second petit papier. Vous devez être au courant : un groupe d’une vingtaine de scientifiques, dont des cancérologues, viennent d’épauler un appel de David Servan-Schreiber qui met en garde contre l’usage des téléphones portables (ici).

Fort bien ! Sauf que d’autres scientifiques leur sont immédiatement tombés dessus, et de quelle manière admirable… L’Académie de médecine, et en particulier André Aurengo, (ici), ont aussitôt brâmé. Mais qui est Aurengo ? Je ne ferai pas d’autre commentaire que celui ci-dessous, qui ne m’appartient pas. Lisez et imaginez tout le reste (ici) ! L’Acro est une association à la réputation (scientifique) indiscutée.

                 Comment un autocrate, le Pr Aurengo, a trahi une démarche participative

Communiqué du 5 mai 2006 sur « le rapport sur les conséquences de l’accident de Tchernobyl en France »
Rapport rédigé par André Aurengo et transmis, le 18 avril 2006, aux Ministres de la Santé et des Solidarités et de l’Écologie et du Développement durable.

Le groupe de travail, présidé par André Aurengo, avait été constitué à la demande des Ministres chargés de l’Environnement et de la Santé, de deux gouvernements successifs : tout d’abord Messieurs Yves Cochet et Bernard Kouchner puis confirmé par Monsieur Jean-François Mattei et Madame Roselyne Bachelot en 2002. Ce groupe de travail était chargé, principalement, d’établir à partir des données existantes une cartographie de la contamination du territoire français, suite à l’accident de Tchernobyl, et devait réunir « de la manière la plus ouverte possible les experts et les acteurs intéressés par cette question ».

De fait, M. Aurengo, dont les positions en faveur du nucléaire sont notoires, (tendant toujours à minorer les effets des radiations en général, et, en particulier les conséquences de Tchernobyl) avait réussi à composer un groupe de travail relativement pluraliste : si des institutionnels tels que l’IRSN étaient représentés, étaient également présents des médecins, des représentants d’associations et des journalistes.

En réalité, ce groupe a toujours eu un fonctionnement scandaleux ; quelques réunions ont eu lieu en 2003, une en 2004, aucune en 2005… En 2006, un certain nombre de participants croyaient la commission morte et enterrée. Ces réunions organisées de façon totalement aléatoires n’étaient pas, pour la plupart, précédées d’ordre du jour ni ne donnaient lieu à un compte rendu. Elles étaient totalement soumises au bon vouloir de M. Aurengo qui a profité de cette commission pour régler ses comptes avec l’IRSN. Il l’accusait d’avoir, dans sa dernière carte, donné une vision trop pénalisante de la contamination post Tchernobyl en France. Un comble !

Les membres de la commission n’ont jamais donné aucun mandat à M. Aurengo.

C’est après les dernières réunions qui furent houleuses qu’il a renoncé à réunir cette commission. M. Miserey, journaliste, avait donné sa démission. L’ACRO avait également menacé de le faire devant l’inanité des travaux, la partialité affichée par M. Aurengo et le manque de moyens donnés à la commission : là où il aurait fallu un travail de contre-expertise d’envergure, il n’y avait même pas de quoi payer les frais de route des participants !

M. Aurengo a donc œuvré, seul, au sein de l’IRSN, sous prétexte d’agir dans le cadre des travaux du groupe de travail. Pourtant il n’avait aucun mandat particulier pour agir ainsi, ni gouvernemental ni de son groupe. L’argumentaire selon lequel, il aurait été pris par le temps nous paraît totalement fallacieux. La commission existait depuis 3 ans, mais elle est devenue fantôme par la volonté de son président, seul habilité à la convoquer. Souhaitait-il avoir les mains libres et s’en servir comme paravent pour produire un énième rapport personnel sur les conséquences de Tchernobyl ? Probablement, et ce serait une grave imposture.
La mission gouvernementale a été totalement trahie : Le sens de ce travail reposait sur sa pluralité. Un des objectifs recherché par les pouvoirs publics était, entre autres, d’avoir un rapport sur Tchernobyl, un peu moins contesté que d’habitude.

Le Pr Aurengo a donc rédigé seul ce rapport. Il a été remis aux Ministres le 18 avril 2006. Les membres de la commission n’en ont eu connaissance que le 24 avril au matin par un courrier électronique accompagné du dit rapport. Le courrier du Pr Aurengo, aux membres de la commission explique que ce rapport a été rédigé « en son nom propre, […] avec l’accord des Ministres et dont j’assume toute la responsabilité ». Or, comble de la malhonnêteté cela n’apparaît aucunement dans le rapport qui est voué à être rendu public.

Nous sommes associés de fait à ce rapport remis aux Ministres par M. Aurengo. Ainsi l’amalgame entre ce document et le travail de la commission paraît évident au public. Nous apparaissons comme coauteurs, bien malgré nous. Seule une lettre privée, qui par ailleurs nous congédiait, explique notre non-implication dans ce travail. La fourberie est manifeste.

Pour une démarche participative de qualité : La pluralité, la transparence, la tolérance d’opinions divergentes sont nécessaires. M. Aurengo n’en a que faire ! Du mandarinat à l’autocratie, il a largement franchi le pas et dans ses certitudes n’a que faire de l’avis d’autrui. Ce n’est pas avec ce genre de conduite que la parole publique retrouvera un minimum de crédibilité quand il s’agit de nucléaire, en général et de Tchernobyl en particulier.

Nous sommes scandalisés et tenons à dénoncer les manœuvres honteuses orchestrées par le Pr Aurengo.
Nous demandons au gouvernement de ne pas tenir compte de ce rapport.

Ce communiqué est signé par les membres, du groupe de travail « sur les conséquences de l’accident de Tchernobyl en France », suivants :
Pierre-Jacques Provost, journaliste
Michel Deprost, journaliste
Pour l’ACRO : Sibylle Corblet Aznar, Jean-Claude Autret

Vont-ils s’ouvrir ? (sur les barrages chinois)

Les barrages vont-ils tenir ? Le terrifiant tremblement de terre chinois va-t-il emporter au passage ce signe parfait de la gabegie énergétique ? Il va de soi que je ne le souhaite pas, même si je déteste profondément cette manière de traiter l’eau, bien commun, bien éternel et surtout merveille des merveilles.

Les dernières informations disponibles en français (ici) montrent surtout que les bureaucrates stalino-maoïstes au pouvoir là-bas ont peur. Ce qui n’est pas bon signe. Nul ne sait en fait combien d’ouvrages hydro-électriques sont réellement menacés. 200, 400 ? Et de quelle taille ? La presse française, pour parler vulgairement, est à la ramasse.

Certes, les informations sont rares et difficiles d’accès. Mais est-ce seulement cela ? Le regard porté sur les événements n’entre-t-il pas aussi en ligne de compte ? Le quotidien américain The New York Times de ce jour consacre un excellent article au sujet, que je ne peux que conseiller à ceux qui lisent l’anglais (ici). Il faut y ajouter une infographie éclairante (ici).

La situation est visiblement très grave, et l’on ne saura que bien plus tard quelles en sont les conséquences. Certains barrages ne sont que des façades de béton derrière lesquelles ont été enfournées des milliers de tonnes de terre et de rochers. Et l’on découvre à peine que leur localisation n’a pas tenu compte de menus détails tels que l’existence de failles géologiques majeures

Pire si c’est possible : la région dévastée comprend les villes de Guangyuan et Mianyang (l’orthographe des noms est anglaise, excusez-moi), où sont construites des armes nucléaires nécessitant la manipulation de plutonium. Ces installations ont-elles été touchées ? Mystère, sinistre mystère.

Je crois qu’il n’y a pas besoin de faire de grands efforts pour tirer quelques leçons de ce drame épouvantable. La Chine est lancée dans un programme de guerre écologique contre elle-même et le monde. Sans précédent connu à ce rythme et à ce niveau de destruction. La nature, la vraie nature de la nature vraie rappelle cette évidence que l’aventure humaine doit composer avec cette puissance incomparable.

Mais là-bas, dans ce prodigieux pays qu’on appelle la Chine, rien ne sera possible tant que la clique au pouvoir sera là. La corruption et la folie de consommation que nous y entretenons pour garantir notre niveau de gaspillage empêchent le changement. Qui viendra donc d’une autre voie. J’aimerais croire qu’elle ne sera pas aussi brutale que le tremblement de terre de ces derniers jours. Mais je suis bien loin d’en être sûr.

Les grands mystères de Tchernobyl

Je me rends compte avec horreur que j’ai omis de vous parler de l’anniversaire de Tchernobyl, le 26 avril dernier. Ce n’est pas si grave d’un côté, car d’autres que moi ont secoué nos mémoires assoupies. Mais enfin, je me sens tout chose néanmoins. Et je vais donc tenter de rattraper ce qui peut l’être encore. A-t-on déjà tout dit de cette épouvante nucléaire ? Non, pour la raison flagrante qu’on ne pourra jamais rapporter tout ce qui fut, qui échappe tant à l’expérience humaine.

Je me contenterai d’un aspect très mystérieux de l’explosion de 1986. Est-on si sûr de ce que l’on sait ? Est-on sûr qu’il y ait eu un grand incendie au-dessus de Tchernobyl le 26 avril 1986, voici vingt-deux ans (1) ? Pour la plupart des innombrables commentateurs, la chose est fermement établie. Il reste en ce cas à expliquer deux ou trois détails qui n’en sont peut-être pas.

Par exemple, pourquoi les peintures intérieures de la centrale sont-elles restées intactes ? Pourquoi des traces de craie datant de la construction y sont-elles encore visibles, si la chaleur est montée si vite, et si haut ? Le tout – peintures comme craie – aurait dû disparaître sous la chaleur des flammes. Et puis, une explosion dans la salle des machines a-t-elle réellement eu lieu avant celle du réacteur ? Trois secondes avant, trente secondes ? Ce n’est pas la même chose. Enfin, quelle force inouïe a-t-elle pu soulever le couvercle du réacteur, lourd de 2 000 tonnes, jusqu’à le faire retomber sur le côté ? N’ayons pas peur de l’écrire : cela sent l’énigme.

Je ne vais pas jouer au malin : je ne sais rien. Mais un spécialiste français de la mécanique quantique, Georges Lochak, président par ailleurs de la Fondation Louis-de-Broglie, s’est passionné pour le sujet. Il est vrai que le chercheur a par ailleurs découvert des particules magnétiques appelées « monopôles magnétiques légers ». Une drôle d’affaire.

Lochak, à la tête de ses monopôles, a croisé la route d’une équipe russe de l’institut Kourtchatov. Trois scientifiques, aussi respectables que d’autres – c’est-à-dire pas plus -, qui ont élaboré une hypothèse neuve sur la cause de Tchernobyl. Selon eux, le fait que les peintures intérieures soient toujours en place signifie qu’il n’y a pas eu, à l’intérieur de la centrale, de fort dégagement de chaleur. Ni, bien entendu, d’incendie. Mais alors, cette grande lueur qu’évoquent tous les témoins directs ? Selon les trois hommes, il ne s’est nullement agi d’un feu, mais d’un rayonnement d’une nature inconnue.

D’autre part, une transmutation stupéfiante a eu lieu à Tchernobyl, où l’on a retrouvé dans les débris de l’usine environ 10 tonnes d’aluminium. Ce métal n’a pas été utilisé, en tant que tel, pour la construction. L’on a aussi découvert de l’uranium enrichi à des doses étonnantes, jusqu’à 27 %, alors qu’il ne l’est au départ que de 2 %. Des forces physiques inconnues seraient donc intervenues au cours de la tragédie nucléaire.

La rencontre entre Lochak et ces trois savants a produit des étincelles, sans aucun jeu de mots. Car les travaux du premier, d’une complexité décourageante, ont permis aux Russes de parfaire leur théorie sur l’accident. Le 26 avril 1986, un court-circuit dans un transformateur électrique de la salle des machines aurait entraîné la formation d’une forte quantité de « monopôles magnétiques ». Lesquels, partant en tous sens, auraient été comme attirés vers le réacteur par le système de refroidissement. Et l’auraient du même coup relancé.

Attention, cela reste un scénario, dont je ne pense rien de particulier. Ou plutôt, si, tout de même. La seule existence de ce qui reste un récit rappelle une évidence qui met à bas, intellectuellement hélas, tout l’édifice du nucléaire. Car elle rappelle les limites flagrantes de l’esprit humain, et sa faiblesse insigne en face de la puissance de l’atome. Que Lochak et les trois Russes aient raison ou tort n’y changera rien. Il est possible, il sera toujours possible que quelque chose survienne, qui détruise les plus solides citadelles de la technologie.

Personne au monde n’est capable de nous dire, par définition, ce que nous ignorons encore. Même avec les meilleurs ingénieurs du monde, même avec des mesures de contrôle permanentes et fiables, le nucléaire est bien un crime contre la fragilité de notre espèce.

(1) On peut retrouver un excellent résumé de la question dans Les Silences de Tchernobyl (p. 28 à 41), Éd. Autrement.

Faut-il reprendre les clés à Nicolas ?

Parler de Sarkozy ici, encore une fois ? Sans hésitation, oui. Et de ses affaires personnelles, et de ses aventures amoureuses, et de ses drames familiaux ? Oui, sans l’ombre d’un doute.

Reprenons dans l’ordre tout relatif de ce qui nous est concédé. Notre président aime. Cécilia. Une histoire ancienne, qui aurait commencé le jour des noces de la dame avec Jacques Martin, présentateur télé. Quand ? Je ne cherche pas, disons plus de vingt ans. Ce jour-là, c’est Sarkozy lui-même – il est le maire de Neuilly – qui les marie. Il a de son côté une femme, et deux enfants. Il regarde Cécilia, embrassant Jacques Martin sous les applaudissements, et il se dit qu’il l’aura, tôt ou tard. Je précise que je n’invente pas, que je m’appuie sur des confidences publiques de Sarkozy soi-même.

Oui, longtemps après, et devant des millions de gens, notre président a reconnu qu’il souhaitait conquérir Cécilia dès l’instant où il l’avait vue au bras d’un autre. Ma foi. Ce qui me trouble un peu, ce n’est pas ce désir, mais son expression publique. Car d’autres que lui-même sont tout de même un peu concernés. Je pense par exemple aux deux fils qu’il a eus avec sa première épouse. Aux deux filles que Cécilia a eues avec l’homme de l’École des fans. Et à cette première épouse, précisément, qui apprend ainsi à la télé que même du temps où Nicolas rentrait dormir au domicile commun, il avait la tête ailleurs. Pour commencer.

Poursuivons. Cécilia est la femme irremplaçable de sa vie, à lui. De nouveau, je ne fais que répéter ce que Sarkozy nous a seriné au cours d’innombrables entretiens. Au reste, on comprendrait assez mal les diverses pantomimes de ces dernières années sans cet attachement si profond. Elle part, elle se montre avec un autre, elle revient. Il commence une autre vie avec une journaliste du Figaro, il se laisse photographier avec elle en train de faire des courses, continue d’inonder de textos Cécilia, qui file le parfait amour avec Richard, à New York, puis la fait revenir in extremis. In extremis, car quelques jours plus tard, il eut dû déménager, car il était sur le point de s’installer avec l’autre, la journaliste. Vous suivez, j’espère ?

Cécila revient donc, oblige Sarkozy à se débarrasser de certains collaborateurs politiques jugés trop peu tendres avec elle, mais le coeur n’y est plus tout à fait. Elle ne vote pas pour son mari aux présidentielles, semble absente des réjouissances accompagnant le triomphe. Sarkozy, lui, en rajoute. Il l’aime, il l’adore, elle est la femme, la muse, l’éternel pilier sans lequel tout s’écroule. (Tête, soit dit en passant, de la journaliste du Figaro, jetée en trois secondes, à qui il avait promis le monde).

Là-dessus, divorce. Si l’on a bien suivi – et cru -, il ne peut s’agir que d’un deuil, qui vous cloue l’âme pour un moment. Mais à coup certain, on n’est pas Sarkozy. Lui part manger chez Jacques Séguéla, un soir de fin novembre 2007 – il y a moins de trois mois, plus de dix siècles – et rencontre Carla Bruni, qui a apporté sa guitare. Bon, le reste est largement connu.

Cécilia ? Morte. Enfin, pas tout à fait, puisque Sarkozy continue à lui adresser des messages. Parmi lesquels ce délicat passage à Petra, en Jordanie, il y a quelques jours. Petra ! Alors qu’il existe des dizaines de milliers de lieux de villégiature, Sarkozy choisit, pour y montrer sa nouvelle inoubliable, l’endroit exact où Cécilia la traitresse avait rejoint son amant Richard voici près de deux ans.

Je me suis laissé entraîner, comme chaque fois, et mon texte est déjà bien trop long. Je vais accélérer. Cécilia est furieuse, et confie à une journaliste du Point, qui le publie dans un livre, à quel point Sarkozy est décevant. Il serait pingre, il n’aimerait pas ses enfants, elle ne l’aurait jamais aimé, elle n’aurait jamais aimé que le beau Richard, etc.

Encore un tout petit mot sur Louis, leur fils de dix ans, qui avait été grossièrement utilisé il y a deux ou trois ans du haut d’une tribune de l’UMP. Cécilia et Nicolas lui avaient fait dire à l’époque, je pense que vous vous en souvenez : « Bonne chance, mon papa ! ». Je crois que c’est lui, désormais, qui va avoir besoin de beaucoup de chance pour ne pas sombrer. Imaginez le poids des mots et le choc des photos sur l’équilibre d’un enfant comme lui, soumis par force à la dictature du commun.

Tout cela garde-t-il un rapport avec l’objet de ce blog, c’est-à-dire la crise écologique planétaire ? Je le pense. Mais d’abord, cette évidence : notre président est profondément instable sur le plan psychologique. Il manque cruellement, en outre, d’au moins deux des sept formes d’intelligences décrites par Howard Gardner dans un livre qui m’a beaucoup marqué : Les intelligences multiples (Retz). C’est simple : il est mal doté en intelligence intrapersonnelle – la vraie connaissance de soi – et en intelligence interpersonnelle, celle qui permet de bien comprendre les autres.

Instable donc, rusé certainement, mais peu capable de bien se comprendre et de bien sentir les autres, il dispose d’un pouvoir rarement accordé à un humain. Je veux parler, bien évidemment, du feu nucléaire. Écartons de suite la science-fiction : décider une attaque nucléaire ne consiste pas à appuyer sur un bouton dans le dos des chefs militaires. Non. Il y faut des raisons, un contexte, un climat de crise extrême.

Mais est-ce si rassurant ? Car une tension majeure peut advenir en quelques heures. Et in fine, dans l’organisation du pouvoir telle qu’elle existe, la décision est bien celle du président. Une décision qui doit pouvoir être prise – en cas de représailles, par exemple – en une très courte poignée de minutes. Le feu nucléaire peut donc être déclenché par un homme dont chaque jour révèle un peu plus les faiblesses psychiques. Parmi lesquelles une relative mais réelle indifférence aux autres que lui-même, ainsi qu’une propension à casser puis oublier en un éclair ce qu’il a tant adoré.

Je ne crois pas que cela soit indifférent pour notre sécurité collective. Mais oublions un instant cette personnalité-là. Je pense également que la politique ancienne – donc la responsabilité des personnes, l’organisation concrète des pouvoirs – n’a pas intégré la révolution absolue de l’arme nucléaire. C’est une question de rythme et de temps. Hiroshima et Nagasaki n’ont qu’un peu plus de 60 ans d’existence, et nos capacités réelles étant ce qu’elles sont, nous n’avons pas réussi à imaginer des formes de contrôle nouvelles et adaptées.

Si, si nous étions plus sages, nous ne nous serions pas dotés d’une telle puissance sans avoir au préalable organisé les moyens de la soumettre. Mais faut-il, pour la raison que nous sommes si faibles d’esprit, tout admettre ? Les citoyens d’un pays adulte ne sont-ils pas en droit de contester, au nom de l’avenir commun, au nom de la vie, au nom de l’espèce peut-être, le droit d’un homme fragile et changeant à tout détruire si le coeur lui en dit ?

Sarkozy est un symptôme, mais très grave en vérité. Chacun sait que nous serions englués dans le sang de l’Irak s’il avait commandé aux armées françaises au printemps 2003. Au-delà même de la bombe, c’est sur lui que reposent, pour quatre ans et demi, les décisions françaises en matière d’agriculture, de gestion de l’eau, de lutte contre les pollutions, d’enseignement des bases de l’écologie. La liste n’est pas limitative. Celle de mes inquiétudes non plus.