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Le cycle du nucléaire pour les nuls (un hors-série d’anthologie)

Pour des raisons qui n’ont échappé à personne, le hors-série sur le nucléaire publié par Charlie-Hebdo, et dont les 40 articles sont de ma pomme, a été comme qui dirait écrasé. C’est la vie. Mais enfin, il existe, et pour vous mettre minable de ne pas encore l’avoir acheté, sachez que l’on y parle d’à peu près tout. Comment cela a commencé avec la mère Curie, les suppositoires au radium, les capotes au radium, les pulls pour bébé au radium, tout étant bien entendu vrai. Comment cela a continué avec Pierre Guillaumat, Mendès, De Gaulle, la bombe. Et ce qu’est la commission Peon. Et où se trouvent les décharges nucléaires oubliées. Les soi-disant mesures de sûreté dans nos ports nucléaires, comme Toulon ou Brest. Le mort de Malville. Le rôle d’EDF et d’Areva. La situation au Niger, d’où vient une partie de notre uranium. La place étonnante longtemps dévolue à un certain…Jacques Cheminade.

Ajoutons des portraits de Pierre Pellerin, Annie Thébaud-Mony, Stéphane Lhomme, Nicolas Lambert, Bruno Comby, Mycle Schneider. Un aperçu du déclin certain du nucléaire. Une déploration de l’état des énergies renouvelables, qui sont pourtant le seul avenir. Un foutage de gueule du PS et du PC, le premier promettant un référendum depuis trente ans, le second ayant exigé une centrale nucléaire à Plogoff, en Bretagne. Et bien d’autres choses encore.Voici l’article d’introduction. Le nucléaire en trois feuillets. Essayez de trouver plus court.

Vous prenez de l’uranium — au Niger par exemple —, vous convertissez, enrichissez et enfournez le tout dans le vaste four nucléaire. Gardez-le au chaud trois ans, sortez-le : c’est de la merde.

C’est pas si compliqué. Premier mouvement : extraire de l’uranium, si possible dans un pays lointain. Ce sera le combustible, que l’on commence par convertir, de manière à le rendre plus digestible. En France, l’opération se passe en deux temps. Un, dans l’usine Comurhex de Malvési, près de Narbonne (Aude). Deux, dans l’usine Comurhex de Pierrelatte (Drôme). Les deux appartiennent bien sûr à Areva.

Nous voici, fiérots, en possession d’hexafluorure d’uranium. Comme il ne contient pas assez, le pauvret, d’uranium 235, il faut lui en ajouter, car la réaction de fission nucléaire a besoin d’un uranium titrant autour de 5 % de cet isotope. On y est ? L’enrichissement se déroule dans un site ultraprotégé, l’usine Georges-Besse II de Tricastin, dans la Drôme. Areva encore. Reste à obtenir un véritable combustible. Et pour cela, il y a deux voies, deux produits. Pour le tout-venant des centrales nucléaires, voyez du côté de FBFC, filiale d’Areva. Dans l’usine de Romans (Drôme), des petites mains gantées fabriquent de la poudre de dioxyde d’uranium, ou UO2. Notamment. Ce qui crame dans nos 58 réacteurs, pour l’essentiel, vient de là.

Il existe un deuxième combustible, bien moins courant, qu’on appelle MOX, pour « Mélange d’OXydes ». On l’obtient en allant récupérer le plutonium à la sortie des réacteurs nucléaires en service, avant passage à La Hague pour le séparer des combustibles irradiés. Tout seul, ce plutonium ne servirait pas à grand-chose. Mais en le mélangeant – comptez 8 % de plutonium – à de l’uranium appauvri, on obtient un nouveau combustible. Oublions le MOX, et concentrons-nous sur le combustible principal, UO2. Le grand jour est arrivé, et l’on déballe devant des ouvriers et techniciens ébahis les conteneurs de dioxyde d’uranium. Zou ! on enfourne le tout dans les réacteurs nucléaires, qui vont transformer l’affaire en chauffage électrique et en veilles pour les appareils ménagers. Dans les grands chaudrons magiques, U02 va donner tout ce qu’il sait.

Mais tout a une fin, même le nucléaire. Au bout de trois ans de bons et loyaux efforts, le combustible bat de l’aile. Les produits internes de fission, dont certains ralentissent la bonne marche du réacteur, ont tendance à augmenter, et dans le même temps, les éléments fissiles, qui jouent sans jeu de mots un rôle moteur, déclinent. Il faut vider la poubelle. Comme les nucléocrates n’entendent pas arrêter la production, l’opération se passe en trois fois : un quart à un tiers par année.

Que fait-on des ordures que l’on a extraites ? On leur fait passer plusieurs années sur place, dans une piscine gentiment nommée de désactivation, avant que de gros camions n’emportent tout, de préférence la nuit, vers l’usine de retraitement de La Hague (Manche). Là-bas, et pour commencer, nouvelle baignade en piscine, de trois à cinq ans. Ensuite, de gentils robots trient ce qui peut éventuellement resservir et ce qui devra être considéré comme déchet, avant que d’être stocké. Tel est le cadeau final de nos amis : selon des chiffres officiels, à la fin de 2007, la France comptait 1 152 533 m3 de déchets radioactifs. Elle devrait en compter le double d’ici à 2030. Y en aura donc pour tout le monde.

charlie-nucleaire.pdf

La CGT aime tant le nucléaire (et le gaz de schiste)

Je rappelle, à toutes fins utiles, que Bernard Thibault est non seulement le secrétaire général de la CGT, mais aussi membre – longtemps très influent – du parti communiste depuis 1987. À ce titre, il fait également partie du Front de Gauche de M.Mélenchon. Lequel ne manquera pas de nous faire savoir ce que tout cela signifie. Mon point de vue est simple : l’imaginaire social de la gauche française est en fait le même que celui de la droite. De la croissance, des objets inutiles, des bagnoles pour aller perdre sa vie au boulot, des cancers made in France (ici).

Je crois qu’il faut retenir comme un emblème de cette gauche absurde, totalement dépassée par les événements la phrase de Thibault que vous trouverez ci-dessous : « [La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim] ne sera acceptable que si elle est socialement gérable ». Je rappelle, à toutes fins utiles, que la grande centrale ouvrière de M.Thibault – la CGT, donc – a siégé ès qualités au Comité permanent amiante (CPA), lobby créé par l’industrie pour tenter de fourguer encore quelques années de plus son produit massivement cancérigène. Grâce à quoi l’amiante n’a été interdit en France qu’en 1997. Au moins 3 000 personnes meurent chaque année d’avoir été exposées à cette fibre. Des dizaines de milliers vivent avec des plaques pleurales, des asbestoses, des cancers broncho-pulmonaires, etc. Jamais personne n’a seulement osé mettre en accusation la CGT pour avoir donné la main à un patronat criminel. Pourquoi se gênerait-elle, dites-moi, avec le nucléaire ou le gaz de schiste ?

Il y a une distance définitive entre le mouvement écologiste tel que je le défends et des organisations syndicales simplement incapables de défendre la vie de leurs mandants. Et la nôtre. Ne parlons pas des non-humains.

Thibault : « Ne pas fermer la porte » au gaz de schiste

Créé le 16-09-2012 à 11h03 – Mis à jour à 11h03

Le secrétaire général de la CGT met en garde le gouvernement contre des choix liés à des « coalitions » entre les partis de la majorité.

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. (CHARLES PLATIAU / POOL / AFP)

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. (CHARLES PLATIAU / POOL / AFP)

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, estime qu’il ne faut « pas fermer la porte » aux recherches sur le gaz de schiste et met en garde le gouvernement contre des choix liés à des « coalitions » entre les partis de la majorité, en allusion aux écologistes, dans une interview au « Journal de Dimanche ».

« Nous ne devons pas fermer la porte aux recherches dans le domaine de l’énergie, y compris pour les gaz de schiste. Investissons au moins pour explorer. S’il s’avère, à partir de recherches incontestables, pour des raisons environnementales ou de sécurité, qu’il n’est pas souhaitable d’extraire ces gaz, cela ne me pose pas de problème », affirme le numéro un de la CGT.

« Une problématique politique »

Mais, selon lui, « renoncer à l’exploration est un peu inquiétant. Nous allons finir, alors que notre pays a de véritables atouts énergétiques, par être de plus en plus dépendants dans ce domaine ».

« Chacun a conscience qu’on est là dans une problématique politique qui met en jeu les relations entre partis formant la majorité présidentielle », estime Bernard Thibault, en allusion à EELV.

« Il ne faudrait donc pas que la solution apportée à certains problèmes soit seulement le résultat de coalitions plus politiques qu’efficaces pour l’avenir du pays », dit-il.

« Une annonce précipité »

« Tous les éléments d’appréciation doivent être mis sur la table et présentés aux Français avant de faire des choix uniquement idéologiques », prévient-il.

Bernard Thibault redit aussi son « regret » d’une « annonce précipitée » de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fin 2016.

« Cette fermeture ne sera acceptable que si elle est socialement gérable ». Selon lui, « on parle un peu trop aisément de reconversion professionnelle » mais « des personnes exerçant des métiers depuis des décennies ne peuvent pas forcément se reconvertir dans une activité alternative ».

Le président François Hollande a annoncé vendredi la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) fin 2016 et le rejet de permis d’exploration de gaz de schiste.

Et une con-fait-rance environnementale, une !

La bouffonnerie est reine. Rions donc comme à Carnaval. Pleurons de même, puisque, de toute façon, notre impuissance est totale. Pour ce qui me concerne, je regarde avec stupéfaction la pantomime qui se prépare. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Je résume pour les sourds et mal-entendants : M.Hollande réunit vendredi 14 et samedi 15 septembre, au palais d’Iéna de Paris, une Conférence environnementale. Sur le modèle, mais en parodie, du Grenelle de l’Environnement voulu par Sarkozy en septembre 2007. Je vous glisse sous forme de PDF deux documents que l’on a le droit de juger hilarants. Un sur le déroulement (organisation des débats.pdf), l’autre qui donne la liste des participants (invités.pdf).

Mon premier commentaire sera évident : le simple fait que se tienne pareil conclave marque une défaite du mouvement écologiste. En effet, le cadre imposé par les socialistes est digne de l’émission télévisée des années 70 qui s’appelait Chefs-d’œuvre en péril. On y considérait la France des villages et l’affreuse atteinte du temps sur les nobles monuments légués par l’Histoire. Il s’agissait de dépenser quelques picaillons pour sauvegarder un clocher ou l’aile d’un château. Ma foi, cela ne mangeait pas de pain. Refaire le coup près de cinquante ans plus tard n’est pas seulement ridicule : il s’agit d’une insulte jetée au visage des centaines de millions – qui seront bientôt des milliards – de victimes de la crise écologique planétaire.

Hollande and co, qui se moquent tant de l’écologie qu’ils ne savent pas ce que c’est, prétendent donc, avec l’aval des écologistes officiels qui participent, incarner une vision nationale des écosystèmes. C’est baroque, inutile de s’appesantir, mais comme il faut entrer dans les détails, allons-y. La question de l’énergie ? Les pauvres âmes qui nous gouvernent ne pensent qu’à une chose : gagner un point de croissance pour éviter d’être jetés au prochain scrutin. Le dérèglement climatique ? Plus tard, un jour, peut-être. Je sais que Hollande a vu à plusieurs reprises Christophe de Margerie, patron de Total, par l’entremise de Jean-Pierre Jouyet, cousin de ce dernier et patron de la Caisse des dépôts et consignations (ici).

C’est on ne peut plus normal compte tenu de leurs rôles respectifs, mais que se sont-ils dit ? Selon ce que j’ai glané – je ne suis pas certain -, ils ont abordé la question des gaz et pétrole de schiste. Côté cour, Hollande et ses amis refusent toute exploitation en France, où la technique de fracturation hydraulique est interdite par une loi votée par la gauche et la droite l’an passé. Côté jardin, les mêmes misent sur un retournement de l’opinion, qui sur fond d’augmentation continue du prix du gaz domestique, pourrait accepter des forages en France. À la condition, par exemple, que les pétroliers bidouillent une technique présentée comme différente de la fracturation hydraulique. En façade, donc, intransigeance gouvernementale face aux gaz de schiste. Et en privé, encouragements donnés à Total pour malaxer l’opinion publique. L’affaire Bezat montre que nous sommes face à un plan concerté. En deux mots, Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde, y publie le 26 juillet un reportage réalisé aux États-Unis – 700 000 puits en activité, des régions entières transformées en Lune aride – sur les gaz de schiste. Surprise relative – Bezat est un grand admirateur de l’industrie -, ce reportage est très favorable au point de vue des pétroliers. Et puis plus rien.

Et puis on apprend que le voyage de Bezat a été payé par Total (ici). On, mais pas les lecteurs du si déontologique quotidien du soir, qui n’ont évidemment pas le droit de pénétrer dans l’arrière-boutique. En résumé : Total prépare le terrain, en accord avec Hollande, pour qui l’exploitation des gaz de schiste en France serait une bénédiction électorale. Et une violation grossière de la loi Énergie de juillet 2005, qui prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2050. Mais que représente la loi au regard d’une possible réélection ?

Revenons à la Conférence qui commence demain. Si j’ai abordé en commençant le dossier des gaz de schiste, c’est parce qu’il est emblématique. Comme l’est le nucléaire, défendu sans état d’âme par ce gouvernement, ainsi que par le précédent. Reportez-vous plus haut au déroulement des festivités. La table-ronde numéro 1 s’appelle : « Préparer le débat national sur la transition énergétique ». On devrait mettre au centre de toute discussion la crise climatique et les extrêmes dangers d’une industrie sans contrôle, le nucléaire. Or non. On va comme à l’habitude blablater, de façon à « définir les enjeux du débat national », puis « définir les grandes règles du débat national ». En 2012, après tant de centaines de rapports, tant d’alertes et de mises en garde, d’engagements passés – le référendum sur le nucléaire promis par Mitterrand en janvier 1981 -, nous en sommes encore au point mort.

Et nous le resterons, je vous en fiche mon billet. Deux ministres en exercice participent à cette table-ronde truquée : Delphine Batho, ministre de l’écologie, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Les deux sont en faveur du nucléaire. Le second clairement en faveur de l’exploitation des gaz de schiste. Et de même madame Batho, qui, en hypocrite accomplie, fait semblant de croire que le dossier ne bouge pas. La fracturation hydraulique n’est-elle pas interdite par la loi ? À côté des deux ministres, une « facilitatrice » du nom de Laurence Tubiana. J’ai écrit sur elle en 2008, si cela vous intéresse : c’est ici.

Ceux qui acceptent de siéger dans ces conditions sont des dupes ou des manipulateurs. Peut-être les deux. Il n’y a pas de débat sur l’énergie, car les décisions ont déjà été prises. Ce que le pouvoir veut, c’est une caution. Il l’aura. Les écologistes officiels qui ont servi la soupe à Sarkozy il y a cinq ans peuvent bien aujourd’hui feindre qu’on ne les y reprendra plus. Si, on les y reprendra, aussi longtemps que les structures dégénérées qu’ils conduisent existeront. Voulez-vous qu’on parle des autres tables-rondes ? Bon, soit. L’intitulé de la deuxième est saisissant. La biodiversité s’effondre partout, mais, cocorico, on va s’atteler à la mise en œuvre de « la stratégie nationale pour la biodiversité » de manière à « favoriser la prise de conscience citoyenne ». C’est tellement con que ce n’est même plus drôle. On trouve ceci sur le site de notre ministère de l’Agriculture : « Grâce à l’Outre-mer, avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime mondial, après celui des USA. Dans l’Océan Indien, les zones sous juridiction française s’étalent sur une surface huit fois plus grande que celle de la métropole. Cet immense espace maritime, réparti dans tous les océans, dote la France d’une grande richesse en matière de biodiversité marine, ce qui constitue à la fois un atout et une responsabilité. »

Formidable, hein ? Alors que l’Europe, pour une fois inspirée, souhaite interdire progressivement le chalutage profond, notre France vertueuse s’y oppose. S’y oppose, à nouveau pour de sordides intérêts politiciens. Or le chalutage profond est une catastrophe écologique planétaire (ici). Autre menu exemple : le nickel est en train de tuer à jamais des espèces endémiques de Nouvelle-Calédonie, venues en droite ligne du  Gondwana, supercontinent créé il y a 600 millions d’années et dont la Nouvelle-Calédonie est l’un des ultimes morceaux, à la dérive depuis bien avant l’arrivée des hommes sur terre. Non, bien sûr que non, on ne parlera pas de biodiversité. Et pas même chez nous, dans notre vieille France où l’agriculture industrielle est reine. Le Foll, ministre de l’Agriculture, a dealé depuis des semaines avec la FNSEA, puissance dominante, au point de ne pas même inviter à la Conférence de demain la Confédération paysanne, pourtant proche de la gauche. Au point d’aller visiter le 3 septembre les industriels français des biocarburants, fiers défenseurs d’une filière criminelle (ici). Je dois bien reconnaître que ces gens me dégoûtent.

Le reste ? Quel reste ? Table-ronde 3 : « Prévenir les risques sanitaires environnementaux ». Ministre présente : Geneviève Fioraso, militante déchaînée du nucléaire, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse (ici). Les deux dernières tables-rondes, chiantes comme la mort dès leur énoncé, devraient causer fiscalité et gouvernance. Tout cela est à chialer. Mais comme je n’écoute que mon grand cœur, je n’entends pas vous quitter sans positiver un peu. Attention ! ce qui suit est à prendre au premier degré, malgré ce qui précède. Un certain nombre d’écologistes officiels, qui se rendront demain au palais d’Iéna, gardent ma sympathie. Notamment ceux du tout nouveau Rassemblement pour la planète (ici), comme André Cicolella, Nadine Lauverjat, Franck Laval ou François Veillerette. Ils vont tenter d’arracher quelques mesures dans le domaine de la santé, et même si je crois qu’ils se trompent sur le fond, ils ont mon estime et mon affection. Ceux-là du moins pensent à l’avenir.

Un coup de main serait le bienvenu (sur le nucléaire)

Vous êtes des milliers à venir sur Planète sans visa, et j’en suis bien entendu très heureux. Ce n’est pas cela qui changera ce qui doit l’être – tout -, mais il m’arrive de croire que ce rendez-vous a quelque utilité. Pas chaque matin, hélas, seulement les jours d’euphorie. Je vous tiens la jambe depuis une semaine avec ce hors-série sur le nucléaire publié par Charlie-Hebdo. Il sort aujourd’hui, pour ceux qui n’auraient pas suivi. Je dois vous avertir que le résultat me convient. Je dois ajouter que je suis l’auteur des textes.

Vous avez peut-être remarqué que je ne vous demande pas grand chose. Depuis cinq ans que je tiens table ouverte ici, j’ai publié environ 1200 articles, ce qui me fait passer auprès de certains pour un cinglé. C’est possible. Que je le sois. En tout cas, ce qui est certain, c’est que Planète sans visa est gratuit. Le seul qui paie, avec de l’argent parfois, avec du temps évidemment, c’est moi. Je ne me plains ni ne me plaindrai jamais. Ce que je fais, nul ne m’y contraint. Et j’en tire satisfaction. Vous ne me devez rien. Seulement, on a le droit de demander un service, et c’est ce que je vais faire sans détour.

Amis lecteurs, je vous demande de lire ce hors-série, et s’il vous plaît d’aventure, de le faire connaître par tous les moyens à votre disposition. Secouez vos réseaux, joignez vos amis, surprenez vos ennemis. Je crois sincèrement que les 40 articles de ce journal assez particulier peuvent aider, au moins un peu, à comprendre ce qui s’est joué, se joue et se jouera dans le sinistre domaine du nucléaire. Il ne s’agit que d’une lecture, je l’admets, mais celle-ci a un sens, ce qui n’est pas le cas de toutes. Surtout, n’hésitez pas à envoyer un mot pour raconter aux autres ce que vous avez fait ou comptez faire. Encore une fois, je ne vous demande pas de me faire confiance a priori. Quoique. En la circonstance, je ne serais pas choqué que vous le fassiez. Bon, assez finassé. Je vous demande un coup de main. Voyez.

Un édito en cadeau (sur le nucléaire)

Lecteurs de Planète sans visa, voici une exclusivité mondiale, que vous pourrez essayer de vendre sur le marché ce mardi 4 septembre. L’éditorial qui suit est celui du hors série de Charlie-Hebdo sur le nucléaire, qui sort demain mercredi. En somme, vous avez entre les mains, pour une fois, le journal du lendemain. Quelle chance vous avez ! Je n’ai pas encore fini mon entreprise publicitaire au profit de ce fabuleux – extraordinaire, unique, saisissant, prodigieux, jamais vu, jamais lu – hors série de 64 pages. Demain, je vous demande un vrai coup de main.

L’édito

L’avenir d’une escroquerie

C’est un peu con d’écrire comme Le Monde, mais le nucléaire est à un tournant. Même si les services de propagande d’EDF et d’Areva font tout pour le cacher, la folle aventure de l’atome se barre en sucette. En couille, pour être franc. La dernière blague — en cours — est belge. Le réacteur numéro 3 de la centrale de Doel, en Flandre, a été arrêté après des contrôles aux
ultrasons qui ont révélé l’existence de 10000 anomalies dans la cuve. Et, parmi elles, des milliers de fissures, dont les plus grandes atteignent 20 mm. On appelle cela une catastrophe industrielle.

Un qui s’en fout, c’est le fabricant de la cuve, le groupe néerlandais Rotterdamsche Droogdok Maatschappij, disparu sous ce nom en 1996 après avoir vendu vingt cuves du même type dans toute l’Europe et sur le continent américain. Mais la France n’est pas la Belgique, non ? Ben, on se demande : au moment où Charlie boucle ce hors-série, on apprend que les réacteurs nucléaires français ont, eux aussi, leurs fissures. Mais, comme le serine la chanson officielle, rien à voir avec celles des si minables cuves belges.

Le merdier est partout. L’Allemagne a renoncé au nucléaire et prend trente ans d’avance sur nous en misant sur le soleil et le vent. Fukushima a démontré qu’aucune technologie, aussi « avancée » qu’elle semble, ne met à l’abri de la catastrophe majeure. Chez nous, Areva a perdu plus de deux milliards d’euros en 2011 et doit à n’importe quel prix fourguer son nouveau réacteur expérimental, l’EPR, à des pays solvables, aussi stables que la Chine, au bord du gouffre. Mais les deux prototypes
d’EPR en construction, en Finlande et en Normandie, sont la risée générale, multipliant les (énormes) retards, explosant les coûts, accumulant les embrouilles et… les fissures.

En résumé, tout va bien. Mais les enjeux sont tels qu’il faut continuer à sourire sur les photos de groupe. C’est ce moment que choisit Charlie pour raconter à sa façon une histoire profondément française. Notre journal est né en même temps que le programme électronucléaire. Son premier numéro, après l’interdiction de Hara-Kiri Hebdo, date du 23 novembre 1970. Six mois plus tard, sous l’impulsion de Fournier, soutenu par Cabu, Cavanna, Reiser et tous les autres, Charlie lançait la première grande manif antinucléaire, à Bugey, dans l’Ain. Ceux qui ont connu cet été 1971 n’en sont pas revenus. Charlie non plus.

La contestation du nucléaire et de ses inimitables méthodes est dans nos gènes. Non, on n’aime pas les salopards qui ont créé, sans le moindre débat, cette industrie de la terreur. Oui, on veut la fin du cauchemar. Vous allez découvrir dans ce numéro de Charlie quantité de choses que les gazettes arrosées de pub atomique ne vous ont jamais dites. Des personnages sortis de la naphtaline, comme Guillaumat, Mendès, de Gaulle, Messmer, s’apprêtent à prendre la parole pour dire enfin ce qui s’est vraiment passé. La commission Peon, qui aura à peu près tout décidé en notre nom, fait un coming out on ne peut plus involontaire. EDF et le CEA, qui donna naissance à Areva, apparaissent enfin pour ce qu’ils sont : des machines de guerre.

Car voilà la vérité cachée de ce dossier infernal : une poignée de soi-disant responsables jouent notre avenir commun à la roulette russe. Contrairement à ce qui a été affirmé pendant quarante ans par les joyeux atomistes associés, le risque d’accident grave est réel. Et, du même coup, cinglé. Qui a envie de fuir un nuage radioactif ? Qui a envie de vivre dans une France privée à jamais du Cotentin ou de la vallée du Rhône ? Qui se souvient que la centrale de Nogent-sur-Seine n’est qu’à 80 kilomètres de Paris ?

Contrairement à ce que les bons esprits racontent dans les salons, il n’y a pas de compromis possible avec le nucléaire. Demander moins de nucléaire, c’est réclamer de moins mourir. Les socialistes au pouvoir ont massivement choisi : le gouvernement en place, bien loin des fausses frayeurs du candidat Sarkozy, est empli de militants du nucléaire, à commencer par la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, et celui des Affaires européennes, Bernard Cazeneuve. Au fait, qui a déclaré : « Je crois au contraire que le nucléaire […] justifie pleinement l’organisation d’un vaste débat dans notre pays ; enfin informés, les Français pourront se prononcer par référendum ? »  Qui ? François Mitterrand en 1981. Il n’est jamais trop tard pour tenir une promesse. Charlie, après bien d’autres, réclame un véritable référendum sur l’avenir du nucléaire. Il permettra d’enfin tourner la page. Chiche ?