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Enfin d’accord avec Dominique Guillet (de Kokopelli)

Il y a quelques jours, je me suis heurté au créateur de l’association Kokopelli (ici), Dominique Guillet. Je ne plaisante pas beaucoup sur l’affaire du climat, comme peut en témoigner Hacène, fidèle parmi les fidèles de Planète sans visa. Mais le hasard de la vie me permet de retrouver Dominique sur un autre terrain, où nous sommes parfaitement d’accord.

Ce terrain s’appelle Carson. Non, pas Kit. Rachel. Rachel Carson. Cette zoologiste, née en 1907, a écrit un livre stupéfiant, renversant, pionnier, fondateur, sur les ravages de la chimie de synthèse. Plus exactement sur les pesticides. Plus précisément encore sur le DDT, mis au point en 1939, et longtemps tenu pour un miracle. Rachel était une femme curieuse de tout, dans le domaine de la nature en tout cas. Elle s’intéressa aux océans, écrivit des scripts pour des émissions de radio, quantité d’articles sur l’histoire naturelle.

En 1958, alors qu’elle est en retraite – anticipée – depuis des années, un ami lui signale une mortalité très élevée d’oiseaux dans la région du cap Cod (Massachusetts), à la suite d’épandages de DDT. C’est le début d’une aventure inouïe, qui la conduira à publier en 1962 son chef-d’œuvre, Silent Spring. Ce Printemps silencieux a été traduit en français aussitôt, et mis en vente chez nous dès 1963. J’en ai un exemplaire devant moi, que je ne cèderais pour rien au monde. Je vous passe tous les affreux détails. Aux États-Unis, l’industrie des pesticides traite cette femme admirable de vieille cinglée. Ou d’agent de Moscou. Ou des deux. Et lance des campagnes de calomnie qui seront relayées par des scientifiques stipendiés ou crétins – voire les deux – en France même.

Il faut dire que Carson écrit ceci : « Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’homme vit au contact de produits toxiques, depuis sa conception jusqu’à sa mort. Au cours de leurs vingt ans d’existence, les pesticides synthétiques ont été si généreusement répandus dans les règnes animal et végétal qu’il s’en trouve virtuellement partout ». Nous sommes en 1962, et Roger Heim lance, dans la préface française, des mots qui fouettent encore la conscience : « On arrête les “gangsters”, on tire sur les auteurs de “hold-up”, on guillotine les assassins, on fusille les despotes – ou prétendus tels –, mais qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leurs profits et à leurs imprudences ? ».

Qui est Heim ? Un homme qui est à cette époque à la fois président de l’Académie de sciences et directeur du Muséum national d’histoire naturelle. Où l’on voit l’incroyable régression dans laquelle nous sommes plongés. L’Académie des sciences est devenue une place-forte du scientisme. Et le Muséum applique sans broncher les méthodes du libéralisme à la conservation des merveilles qu’il abrite. En 1962, qu’on se le dise, un homme rassemblait la science française à lui seul, sans ces séparations qui font le bonheur des réductionnistes et des marchands. Et cet homme était un écologiste.

Bon, et Guillet, alors ? Dominique a écrit sur le blog de Kokopelli (ici) un article que je contresigne immédiatement. Une maison d’édition, Wildproject (ici), publie en français, à nouveau, Printemps silencieux. Mais la préface de Heim a été éliminée, et remplacée par une fadaise d’Al Gore, l’ancien vice-président américain. Et là, non ! Et là, merde ! Dominique écrit fort justement : « L’Association Kokopelli s’était fait un plaisir de distribuer la réédition de l’ouvrage de Rachel Carson, Le Printemps Silencieux, lorsque nous nous sommes aperçus que la préface avait été rédigée par Mr Al Gore. La préface originelle de Roger Heim a été supprimée de cette édition. L’éditeur interrogé à ce sujet a répondu: Nous avons décidé que la préface de Roger Heim, outre son intérêt historique, n’était pas pertinente pour présenter Rachel Carson et la signification de Printemps silencieux. Celle d’Al Gore nous semblait beaucoup plus fine, plus juste, plus renseignée, et d’une teneur intellectuelle bien supérieure”».

Du coup, Kokopelli, qui avait commandé 100 exemplaires, les a rendus. Et j’aurais fait pareil. Gore, l’homme du système, de ce système qui a conchié Carson et provoqué les désastres dénoncés dans son livre, n’a tout simplement pas le droit moral de préfacer Carson. Certains d’entre vous trouveront cela sévère pour l’homme qui a réalisé Une vérité qui dérange, et qui s’agite beaucoup autour de la crise du climat. Je n’oublie moi, ni n’oublierai qu’il écrivit dès 1992 un livre posant pourtant de bonnes questions (Earth in the Balance, 1992, La terre dans la balance), avant de s’installer dans le néant de huit années de vice-présidence des États-Unis.

Oui, Gore fut vice-président de 1993 à 2001. Au milieu, la conférence de Kyoto. Et rien. Et rien. Non, Al Gore n’avait pas le droit moral de préfacer Rachel Carson.

PS : En vérité, non, je ne contresigne pas les développements de Dominique sur Gore et ses liens supposés. Cela, je lui laisse volontiers. Mais sur Carson, mille fois d’accord.

Le voleur et le fourgue (Lula, Sarkozy, 36 Rafale)

Je ne devrais pas me vautrer dans l’autopromotion, mais je suis ainsi fait. Et voici donc un conseil on ne peut plus désintéressé : lisez-moi plus souvent. Il y a presque un an, dans un papier intitulé Isto é o Brasil ! (Lula en plein délire), j’annonçais la vente prochaine d’avions Rafale au Brésil (ici). Je notais au passage cette cruelle évidence : « Lula est donc comme ces lamentables politiciens que nous connaissons tous. Son rêve de bas étage consiste à changer le destin du pays qui l’a élu. De le faire entrer dans le club des cinq ou six pays les plus puissants de la planète. Et d’entrer du même coup dans les livres d’histoire. Sans se demander s’il y aura encore, à l’avenir, des livres d’histoire. Sans se demander s’il y aura encore une histoire ».

Vous le savez donc désormais comme moi : la France de Dassault, celle que je déteste plus qu’aucune autre, vient d’engranger un contrat qui pourrait atteindre 5 milliards d’euros pour 36 Rafale. Le Rafale, ce formidable avion que nul ne nous envie, était jusqu’ici réservé à nos glorieuses armées, celles qui sautent sur les mines des chemins d’Afghanistan. Comme cet avion était indispensable ! Et comme Lula a eu raison de ponctionner ainsi le trésor national brésilien !

À ce stade, je vous l’avoue, j’aimerais qu’une fée aux yeux bleus m’emmène avec elle au pays des elfes. Je marcherais avec délice dans des prés rouges aux fleurs noires, j’embrasserais mes douces voisines, toutes belles à pleurer, et j’irais me baigner nu dans le grand fleuve violine où disparaissent péchés et souffrance. Au lieu de quoi je vous entretiens d’un brigandage de plus, dans cette liste qui n’a évidemment aucune fin.

Brigandage. Bien sûr. Piquer 5 milliards d’euros à l’avenir, aux paysans sans terre, à la forêt amazonienne, aux colibris, aux jaguars, aux tapirs, c’est un vol manifeste. Lula est donc un voleur, et Sarkozy un receleur qui devrait comme il se doit finir en taule. Car qu’est donc un receleur ? Un type – une fille, plus rarement – qui soustrait à la justice des biens qui ont été dérobés. Qui pourrait nier que les Rafale de M. Dassault ont dérobé des ressources destinées au peuple français ? Qui pourrait nier que l’argent public englouti dans ce fiasco gigantesque aurait été mieux utilisé ailleurs ? Mais le droit, et ce n’est pas la première fois que cela lui arrive – ici, rire préenregistré – est en retard sur la marche du monde. Le crime écologique n’est pas punissable.

Comme ma fée aux yeux bleus et mes belles voisines tardent à arriver – espero, j’attends et j’espère -, je me sens obligé de vous délivrer une moins mauvaise nouvelle que l’annonce de la vente de Rafale par Sarkozy-le-fourgue. Sachez-le si vous l’ignorez, ce grand crétin de Lula ne peut se présenter une troisième fois aux élections présidentielles. Or les prochaines auront lieu en octobre 2010. Lula étant sur la touche, il a intronisé – il ne faut surtout pas se gêner – Dilma Rousseff comme successeur. Une femme, qui ferait exactement la même politique.

Ce qui ne serait pas le cas, du moins peut-on l’espérer, de Marina da Silva, ancienne ministre de l’Environnement de Lula. Non seulement elle a quitté son poste avec éclat, mettant en cause notamment la politique officielle vis-à-vis des sans-terre et de la grande forêt, mais elle vient d’annoncer son ralliement au petit parti écologiste. Tout n’est pas fait, mais elle pourrait bien défier Rousseff dans un an (ici). Elle n’a pas que des qualités, comme en témoignent ses graves ambiguïtés sur le darwinisme et ses liens – qui expliquent tout – avec les mouvements évangélistes d’origine protestante.

Elle n’a pas que des qualités, mais à l’inverse de Rousseff, elle n’a pas que des défauts. En conséquence, moi qui ne vote (presque) jamais en France, je me demande quelles démarches accomplir pour voter l’an prochain là-bas. Mais je vois approcher ma bonne fée, et même quelques délicieuses voisines, et je me propose de leur poser la question. À moins qu’elles ne m’en laissent pas le temps. Je les connais, c’est possible.

DSK et Pascal Lamy en maîtres du monde (socialistes)

Vous votez. J’avoue que je ne suis pas sûr, mais je vais faire comme si vous votiez. Vous votez. Et vous n’aimez pas ce petit coq tout ébouriffé – et passablement stupide – appelé Sarkozy. Alors il vous arrive de voter pour les socialistes. Oui, ces braves petits gars qui ont eu le pouvoir d’État en mains pendant quinze années entre 1981 et 2009. Et qui ont déplié le tapis rouge sous les pieds des agioteurs et spéculateurs les plus éhontés.

La banlieue ? Sa Seigneurie Mitterrand aura préféré dealé avec le grand ami des montres – Juju Dray – pour faire des paillettes et des petites mains de SOS-Racisme plutôt que de lancer le plan majeur qui aurait peut-être évité le pire. La télé ? Sa Seigneurie Mitterrand l’aura vendue au privé et en particulier à ce cher Berlusconi, créateur, même si on l’a oublié, de la défunte 5, celle de Jean-Claude Bourret (sic). L’entreprise ? Sa Seigneurie Mitterrand aura vanté comme modèle un certain Tapie, charognard des industries dévastées, « dégraisseur » de postes de travail avant que cela ne soit à la mode, truand patenté des matchs de foot et néanmoins ministre. Deux fois. Quant aux inégalités, elles auront explosé sous les règnes de la gauche, ce qui est assez plaisant pour une génération qui entendait rompre avec le capitalisme en 100 jours (Chevènement, en 1981). Le vrai livre sur Mitterrand reste à écrire. Ce bon garçon si cultivé, si raffiné – ah ! son amour pour cette crapule de Jacques Chardonne – a fait racheter par l’État, en 1982, l’entreprise Vibrachoc créée par son ami Patrice Pelat en 1953.

Ce n’est pas grave ? C’est dégueulasse. L’entreprise, en grave difficulté, ne valait pas la moitié, selon des estimations officielles. Et je m’arrête là, vous laissant deviner tout le bien que je pense de ces gens, qui vont donc se retrouver pour une grand-messe hypocrite de plus à La Rochelle. Leur université d’été commence demain et il fallait bien que je commente un tel événement.

De quelle manière ? Misère ! Et misérables que nous sommes ! Si la critique existait dans ce pays, au sens que je donne à ce mot, nous serions 100 000 à encercler leur petite sauterie. N’étions-nous pas 250 000 sur le plateau du Larzac en 2003 ? Oui, 100 000 pour conspuer deux des socialistes les plus éminents du moment. J’ai nommé Dominique Strauss-Kahn – DSK, comme on écrit – et Pascal Lamy. Le premier est le patron du Fonds monétaire international (FMI), le second directeur pour près de quatre ans encore de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Peu de commentateurs, ce me semble, ont noté ce fait pourtant éclatant. Deux des plus massives institutions mondiales responsables de la destruction du monde sont menées par des socialistes français. Avec cela, n’ayons plus peur, car l’abîme est déjà sous nos pieds. Je ne vais pas vous raconter le FMI et l’OMC. Il y a des livres pour cela. Des tonnes de livres, dont certains sont excellents. Mais il me faut insister sur mon dégoût sans limites. Ces deux structures sont à mes yeux criminelles. Je connais le sens des mots, et me répète : CRIMINELLES. Des peuples sont broyés, des pays dévastés – par le soja transgénique, par exemple -, des régions agricoles entières achetées par quelques États ou entreprises plus riches que ceux qui vendent.

La dévastation écologique de la planète n’a jamais été aussi violente et rapide qu’aujourd’hui. Et le FMI comme l’OMC sont des acteurs centraux de cette crise généralisée de la vie. Mais il faudrait pourtant aller voter demain pour un DSK. Simple exemple, car ils se valent tous. Et je vous jure bien qu’aucun, AUCUN d’entre eux n’aura jamais ma voix. Quel que soit le cas de figure, JAMAIS. Vous avez le droit de m’engueuler si vous en avez le goût.

PS : Avant d’éventuellement m’écharper, connaissez-vous le groupe Bilderberg ? Ce n’est pas de la science-fiction. Il existe bien un groupe mondial secret. Qui se réunit régulièrement pour débattre de la marche du monde, sans nous bien sûr. Quantité des hauts-responsables de ce monde agonisant en font partie. Dont DSK et Lamy. Jetez donc un regard sur ce journal télévisé belge (ici) et vous m’en direz des nouvelles. Selon le journaliste belge Geoffroy Geuens,  «les derniers secrétaires généraux de l’OTAN ont tous, sans exception, été présidents ou membres de Bilderberg. Et il en va quasiment de même pour les directeurs de puissantes organisations économiques internationales», telles le FMI, l’OCDE, l’OMC et la Banque Mondiale (In Tous pouvoirs confondus. Etat, Capital et Médias à l’ère de la mondialisation,  EPO, 2003, Anvers).

Madame Janus parle aux paysans (Judith Jiguet en plein travail)

Amis lecteurs, nous sommes le 18 juin 2009. Ce n’est pas de ma faute. Ce n’est pas de ma faute si ce jour est aussi celui d’un appel à la résistance contre la nuit noire du fascisme, celui de De Gaulle en 1940. Coïncidence, dans le genre amusant. Car le 18 juin 2009, l’État si bien incarné par notre bon roi Sarkozy 1er se couche une fois de plus devant le syndicat. Le Syndicat. Le SYNDICAT, le seul dans son genre extrême, la FNSEA.

La FNSEA, je le rappelle quand même, est cette étonnante structure de paysans industriels née dans l’après-guerre, et qui aura accompagné au son des fifrelins la disparition par millions de ses mandants. Encore bravo. Le 18 juin dernier avait lieu la réunion du Conseil syndical de la FNSEA. Et Chantal Jouanno, aide de camp de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, avait dépêché sur place sa directrice de cabinet, madame Judith Jiguet. Qui se révèle, vu de près, une formidable Janus. Lequel était, je le rappelle, un dieu romain à deux visages.

Madame Jiguet a un beau parcours technocratique et politique, c’est indiscutable. Ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts (IGREF), elle a travaillé à la Direction départementale de l’agriculture de la Vienne, puis a rejoint le cabinet de Dominique Bussereau au ministère de l’Agriculture. Formidable ! Elle est ensuite entrée au service de la transnationale de l’eau Veolia, puis est devenue directrice-adjointe du ministre de l’Agriculture Michel Barnier, en 2007. Formidable ! Elle n’avait que 36 ans.

La voici désormais directrice de cabinet de Chantal Jouanno (si vous voulez voir une étonnante vidéo, c’est ici) et nous en sommes très heureux. Chacun sait bien comme il est simple de marier la carpe et le lapin, fussent-ils tous deux transgéniques. Le 18 juin 2009 – décidément, je traîne en route -, madame Jiguet vient donc à la rencontre des chefs de l’agriculture industrielle. Et elle leur offre une déclaration qu’il faut savoir lire entre les lignes. À cette condition, je n’hésite pas à parler de monument.

L’association Eau et Rivières de Bretagne nous offre le verbatim de ce discours, qui vaut tous les applaudissements (ici). J’en retiens la misérable, la dérisoire présentation du Grenelle de l’Environnement. Ce grand ramdam, ce serait donc cela seulement ? Mais il y a mieux, certes. La France a perdu au moins la moitié de ses zones humides en cinquante ans, et continue d’assécher des merveilles comme le Marais poitevin ou de massacrer des territoires aussi sacrés que la Camargue. Eh bien, crotte !

Crotte, c’est tout ce que nous aurons. La madame Jiguet explique à ses petits amis – c’est le soi-disant ministère de l’Écologie qui parle par sa bouche ! – que « nous sommes en train également de redéfinir les critères pour apprécier ce qu’est une zone humide ». Redéfinir ! Des centaines de scientifiques du monde entier ont étudié la question sous tous angles, la convention internationale signée à Ramsar (Iran) en 1971 fait consensus, mais la madame a d’autres idées. Lesquelles ? Voici, et texto : « Les critères de sols ont été revus, ce qui conduit mécaniquement à restreindre de façon importante les zones susceptibles d’être classées comme zones humides ».

En criminologie, cela s’appelle un flagrant délit. On fait un petit hold-up sur les mots, et comme tout le monde s’en fiche, ni vu ni connu je t’embrouille. C’est la technique du joueur de bonneteau. Au marché aux Puces de Montreuil, madame Jiguet se ferait embarquer par les flics. Autre point, concernant cette fois les SDAGE, cette invention bureaucratique qui signifie Schéma directeur d’aménagement des eaux. Pour ne pas ennuyer la FNSEA, eh bien, « les projets vont être étudiés par l’administration centrale pour évaluer leur harmonisation, et éviter les mesures exorbitantes ». En clair, pas question de faire payer ces malheureux à la hauteur des immenses dégâts qu’ils commettent.

Cette madame Jiguet ira loin, j’en jurerais. Un dernier exemple – il y en a bien d’autres ! – et je m’arrête. Concernant les nitrates, « les préfets sauront déterminer les mesures du programme en fonction du contexte, de l’acceptabilité et de la faisabilité des mesures, en prévoyant éventuellement des avenants et des évolutions progressives les années suivantes ».

Là, tout de même, ma (lointaine ) fibre légaliste se manifeste enfin. Nous parlons là, amis lecteurs, d’une directive européenne. D’une loi de droit français, s’appliquant à tous. Mais une directrice de cabinet vient dire à d’éventuels contrevenants que cette directive doit tenir compte du « contexte », de « l’acceptabilité et de la faisabilité » de mesures exigées par le législateur européen. Avouez que c’est tout de même un peu farce. Je n’ose demander une fois de plus ce que foutent les ceusses de France Nature Environnement (FNE), qui siègent dans tant de comités Théodule, et dont tant sont désormais dotés de colifichets comme la croix du Mérite ou la Légion d’honneur. Allez, non, je n’ose pas.

Ça ne plaisante plus (sur l’aéroport Notre-Dame-des-Landes)

Vous le savez, tout le monde devrait savoir qu’un projet d’aéroport – Notre-Dame-des-Landes – menace d’engloutir 1400 hectares de bocages merveilleux. Merveilleux et préservés au point qu’ils sont classés par nos grands bureaucrates dans la série ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique). Cela se passe à Nantes, ville dirigée par un pauvre monsieur Ayrault, socialiste comme ce parti en pond chaque matin dans ses incubateurs intensifs. La droite et la gauche sont TOTALEMENT d’accord pour pulvériser un lieu de beauté et le changer en une zone aéroportuaire à l’air surchargé de kérosène. S’il était besoin d’une preuve, la voici. Tous ces gens préfèrent la fuite en avant.

Il n’y a donc pas d’autre choix que la bataille frontale. C’est ainsi. Mais elle commence – déjà – à prendre une très vilaine tournure. Une habitante des lieux, une habitante des lieux menacés – je remercie M., évitant de la nommer – m’envoie à l’instant la copie d’un article du quotidien nantais Presse Océan en date du 8 août dernier. Je crois, connaissant un petit peu la musique, qu’il est la première pierre d’un redoutable édifice (ici). On veut, c’est clair, criminaliser le mouvement naissant pour mieux l’écraser.

Attention ! Je ne prétends pas qu’il existe, caché quelque part, un ténébreux personnage occupé à tirer les ficelles. Je ne suis ni ne serai jamais conspirationniste. Mais il est manifeste que, consciemment ou non, les partisans les plus militants de l’aéroport songent déjà à une contre-offensive, au demeurant fort classique. L’article de Presse Océan, insupportable de bout en bout, signale peut-être le début d’une nouvelle manche.

Que dit-il ? Prenons son titre : « Le visage des encagoulés ». Sous-titre : « Ils appartiendraient à la mouvance “anarcho-autonome” ». Cela ne vous rappelle rien ? Si. Tarnac. Julien Coupat. La traque insensée d’armées de flics tentant à toute force de démontrer qu’une bande de jeunes se sont attaqués aux lignes de chemin de fer. Alliot-Marie, hier ministre de la police, s’est déconsidérée un peu plus – mais est-ce possible ? – en affirmant sur l’air des lampions que ces jeunes révoltés étaient des apprentis terroristes.

C’est la même chanson à Notre-Dame-des-Landes. La même. Le titre de Presse Océan renvoie à un vol organisé dans un supermarché de Vigneux-de-Bretagne. Une photo illustre le tout, prise par une caméra de surveillance. Deux « encagoulés » se servent dans ce qui semble être un présentoir de bouteilles de Champagne. Ma foi, j’espère pour eux qu’il était bon. Et ? Tout le reste n’est que filandre. Un abominable tricotage, partant de ce fait divers, aboutit au projet d’aéroport. Car certains opposants locaux jamais nommés auraient fait affaire avec ces « anarcho-autonomes », ces détrousseurs de marchands. Toutes les sources du journaliste sont masquées, incertaines donc, ce qui ne veut pas dire douteuses.

Moi qui connais ce métier, je vois bien qu’aucun militant n’a accepté de parler au plumitif. Moi qui connais ce métier, je vois combien les « sources proches du dossier », évoquées, ne doivent pas être trop éloignées de la gendarmerie du coin. Au reste, cette dernière est utilisée comme référence. Et quelle ! Les gendarmes « soupçonnent clairement certains de ces partisans [anarcho-autonomes ] d’avoir participé jeudi au pillage du Super U de Vigneux-de-Bretagne ». Soupçonnent ! Pas de preuve, pas d’interpellation, juste un soupçon. Et tout l’article part néanmoins de là !

Je vous laisse juge de ce passage, où rien n’est authentifié. Où rien n’est, comme on dit, sourcé. Quelle belle vie que celle de romancier ! Lisez donc : « Les profils de ces activistes varient. “Côté âge, ça va du mineur au retraité”. La plupart sont désocialisés : étudiants attardés, Rmistes, allocataires de pension X ou Y… À l’intérieur même de cette mouvance, des sous-groupes émergent. Le milieu a ses codes. Lacets rouges sur des Rangers ? Ce sont les Redskins. Il a aussi ses slogans : “Soyons touTEs des électrons libres et de notre union naîtra la bombe atomique sociale”. Côté message politique, la confusion règne. “Ils veulent tout se réapproprier, sans aucun système de hiérarchie. Mais l’autogestion n’a jamais été un mode de fonctionnement politique”. Ils se réunissent parfois dans un local associatif, baptisé le B17, siège d’associations et partis politiques à Nantes, en bas de la rue Paul-Bellamy ».

Un minuscule commentaire : qui a prononcé les phrases placées entre les guillemets à l’anglaise ? Une déontologie de base contraint tout journaliste à le préciser quand des mots apparaissent comme des citations. Car autrement, n’est-ce pas, tout devient possible. Oui, qui a pu dire, selon vous, «Côté âge, ça va du mineur au retraité» ? Vale, il n’est pas encore question de pleurer. La vie et le combat impliquent de prendre des coups. Voici ce que j’appellerai un crochet du droit, sévère. Il s’agit simplement de rester souple, de reculer d’un pas, puis de revenir avec un magnifique uppercut qui fera trembler ces mâchoires imbéciles. J’y ajouterai personnellement un straight-punch, autrement dit, un direct. Mais cela peut attendre.