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Nuit de Chine à Pékin

La Chine est notre cauchemar. Les bureaucrates stalino-maoïstes qui règnent là-bas ne seraient rien sans notre soutien à leur folie. Bien sûr, les transnationales jouent un rôle clé dans la dislocation accélérée des sociétés humaines. Évidemment ! Certains d’entre vous savent bien que notre champion Alstom a construit 12 des 26 turbines géantes des Trois-Gorges, ce barrage démentiel sur le Yangtsé. L’exemple n’est là que pour signaler notre rôle direct. Mais la vérité complète est pire. Nous sommes des millions en France à soutenir cette terrible involution par nos achats made in China. Regardez donc vos clés USB.

Au-delà encore, bien que nous en refusions le poids conscient, la grande majorité du peuple français manifeste, par ses votes et ses actes, qu’il préfère une Chine en plein délire qui achète nos produits et soutient notre niveau de vie artificiel qu’une Chine qui serait demeurée pauvre et paysanne. Ce n’est pas du masochisme, j’espère qu’il ne s’agit pas seulement de masochisme. Je crois davantage qu’il exprime une vérité refoulée qui ne peut que saper en silence nos plus fortes déterminations. Le lien entre eux et nous est puissant. La ligne de destruction passe par Paris avant que d’atteindre Pékin. Si je vous embête avec tout cela, c’est que je viens de tomber par hasard sur une chronique publiée dans le numéro 676 de Politis, en 2001. J’en suis l’auteur. Mais je n’en suis pas heureux pour autant, on comprendra sûrement pourquoi.

 Chronique

C’est donc fait, sous les vivats de la (petite) foule (stipendiée) de Doha : la Chine fait partie de l’Organisation mondiale du commerce. A coup certain, nombre d’économies du Nord – et nous tous, donc – y trouveront leur compte, du moins dans un premier temps. La Chine va réellement se mettre à consommer, amis de la croissance, et l’on roulera bientôt en Peugeot, Renault et Nissan jusque dans les chefs-lieux de canton de cet immense pays rural.
L’extrême et inévitable aggravation de l’effet de serre qui s’en suivra ? On s’en fout, voyons. Mais les conséquences prévisibles de cette nouvelle révolution seront aussi sociales et culturelles, pour ne pas dire ontologiques. Le Beijing Fazhi Bao – le Quotidien des lois, publié à Pékin – vient d’annoncer que 60 000 personnes recherchées par la police ont été arrêtées entre le 20 septembre et le 5 novembre, dont 13 000 pour meurtre. Pas mal, hein ? L’opinion chinoise considère, dit-on, que la plupart de ces délinquants sont des paysans à la dérive, partis chercher « fortune » dans les métropoles. Ils seraient 100 millions à ne plus être fixés à la campagne, et à ne pas l’être vraiment en ville. 100 millions !
Mais ce n’est rien encore à côté de ce qui se prépare. L’entrée dans l’OMC de la Chine annonce probablement le plus grand exode rural de toute l’histoire de l’homme, un drame aux dimensions bibliques. D’ores et déjà, les droits de douane passent de 21 à 17 %, prélude à une ouverture en profondeur du marché chinois aux produits de l’agriculture industrielle du Nord. Par quelle espèce de miracle les 800 millions de paysans chinois encore à la terre pourraient-ils résister à un tel déferlement ?
Les bureaucrates chinois sont certes gens prudents, et surtout inquiets pour leur survie politique, mais ils ne pourront rien pour sauver la civilisation paysanne sur laquelle repose pourtant leur pays depuis 4 000 ans. Déjà tout craque : l’épouvantable chantier du barrage des Trois-Gorges n’est pas seulement achevé que Pékin lance une autre opération géante, qui vise à transférer les eaux du Yangtsé vers le Fleuve Jaune et les rivières Huai et Hai, plus au nord. 64 milliards de dollars (!) devraient au total être dépensés, sans qu’aucune évaluation des conséquences écologiques du projet n’ait été conduite.
Ainsi va la « modernisation » capitaliste, ainsi galope la mondialisation. Un pays d’1,3 milliard d’habitants, déjà gravement menacé par la désertification, le manque d’eau et de terres arables, la pollution des rivières et des nappes phréatiques, bascule sous nos yeux dans l’inconnu et les folles aventures. Vive le marché mondial, pardi !

En être ou pas (sur la grève)

Je me prépare à rejoindre le vaste cortège parisien des grévistes de ce 19 mars 2009. Je ne peux rien écrire contre ce mouvement, surtout parce qu’il s’oppose à un gouvernement indécent, même obscène. Et imbécile par surcroît. Mais je ne peux rien avancer en sa faveur. C’est ainsi.

Au-delà des revendications de toujours, qui seront comme toujours matérielles, je pense à l’eau, dont personne ne parlera. Gérard Borvon, un écologiste sincère de Bretagne, m’a envoyé un lien qui le désole autant que moi. Je vous le redonne (ici).Vous savez comme moi qu’un Forum mondial de l’eau se tient en ce moment en Turquie, en présence de ministres de 120 pays, de scientifiques, d’écologistes et de milliers de flics.

D’ici 2030, il n’y a plus aucun doute qu’au moins la moitié de la population humaine vivra dans des zones dites de « stress hydrique ». N’importe quel esprit normalement constitué sait que ces pénuries essentielles déclencheront de terribles violences, des guerres inédites. Mais les manifestants de ce 19 mars 2009 n’en parleront pas. Comme ils se tairont sur le crime barbare des biocarburants. Comme ils se tairont sur le reste, qui est tout, et qu’ils ne veulent pas voir.

Mais stop ! j’avais promis de ne rien dire contre eux, que je vais rejoindre une heure ou deux, histoire de lever le poing au soleil. J’ai remarqué que ce geste, tant de fois répété dans mon passé personnel, a tendance à rouiller ces derniers temps. Donc, le poing levé. Mais pas en faveur des oublieux. En faveur des victimes véritables de ce monde sordide, qui ne sont pas que des humains. En faveur donc du Sud, et des gueux. En faveur des animaux et des plantes. Et contre le personnage grotesque élu par les Français en 2007. Allons ! Au soleil !

Sous-marin, souterrain, souverain (sur l’armée)

Quelle plaisante démocratie que la nôtre ! Avant de vous parler de la fabuleuse histoire du sous-marin sourd et aveugle, je me dois de mettre en perspective quelques données. Cela sera meilleur, du moins je l’espère. Patience, donc. Notre armée a une histoire que (presque) personne ne connaît vraiment, mais qui laisse songeur. Avant la Seconde Guerre mondiale, la structure dite de La Cagoule l’avait infiltrée au point que Léon Blum, quand il fut président du Conseil en 1936, disait craindre un putsch fasciste, comme en Espagne au même moment. Une partie notable de ses officiers se couchèrent avec délectation devant la racaille nazie. De Gaulle fait exception. Beaucoup de badernes, ainsi, détestaient l’Angleterre et lui préféraient le petit caporal Adolf Hitler.

Après guerre, cette noble institution a mené en notre nom des guerres coloniales atroces, du Vietnam à l’Algérie, en passant par Madagascar en 1947, torture de masse incluse. Elle a donné naissance à un groupe armé fasciste arrivé aux portes du pouvoir – l’OAS, qui tenta d’assassiner De Gaulle -, s’est ensuite rabibochée avec les factieux sur fond de trouille en mai 68, au point d’accorder une amnistie on ne peut plus généreuse à des tueurs. Au début des années 70, elle a traqué les Comités de soldats gauchistes, créés à la suite de la Révolution des oeillets au Portugal, qui lui faisaient tant peur. Elle a coulé, comme on le sait, le Rainbow Warrior de Greenpeace, en 1985, tuant au passage le photographe Fernando Pereira.

Et cela n’est que la pointe émergée d’un iceberg que nous ne verrons pas de sitôt. Quels ont été les liens avec les Américains sur fond de guerre froide ? Quel sort a été fait aux structures secrètes nées autour de l’Otan, quand De Gaulle décida de sortir de cette organisation atlantiste ? La liste est longue. Deux considérations me paraissent essentielles. Un, les militaires ne sont pas la nation. Très majoritairement, ils votent pour la droite ou l’extrême-droite, comme l’attestent de nombreuses études. Deux, aucune autorité politique n’est en mesure de les surveiller. Ils se cooptent, ils se rétrogradent, ils font des risettes au ministre de passage. Ne jamais oublier : un(e) ministre de la Défense n’est rien. Voyez le cas Hervé Morin, éleveur de chevaux, traître à la cause Bayrou, et qui n’avait jamais entendu parler d’armes nucléaires avant que d’être propulsé par Sarkozy 14 rue Saint-Dominique, au siège du ministère.

Et maintenant, l’affaire. Le 6 février dernier, l’agence de presse AFP annonce une nouvelle fracassante : « Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) le Triomphant a heurté un objet immergé ».  Un porte-parole de la Marine précise qu’il s’agit probablement d’un container perdu en mer, entre deux eaux. Selon lui, un sous-marin nucléaire serait comme aveugle. Rassurant. Le fait est, en tout cas, que Le Triomphant – tu parles d’un nom ! – est bel et bien rentré ce jour-là à sa base de L’Île Longue (Brest), tout amoché à l’avant. Voici le bref communiqué publié à ce moment par notre glorieuse Marine : « Pendant son retour de patrouille, le SNLE Le Triomphant a heurté, en plongée, un objet immergé (probablement un conteneur). Le dôme sonar, situé à l’avant, a été endommagé. Cet incident n’a provoqué aucun blessé dans l’équipage et n’a mis en cause la sécurité nucléaire à aucun moment. La permanence de la mission de dissuasion nucléaire reste assurée. Le sous-marin est rentré par ses propres moyens à L’Ile Longue, escorté, comme il est d’usage dans les phases de départ et de retour, par une frégate ».

Parfait. Nos armes nucléaires stratégiques seraient à la merci d’un container rempli par exemple de jouets en plastique made in China. Parfait. Sauf que le 16 janvier, dix jours plus tard, le quotidien britannique The Sun mange le morceau (ici). Unthinkable ! comme l’annonce le titre. Incroyable ! S’appuyant sur des sources militaires, le quotidien révèle que le 3 ou 4 février, «notre » Triomphant et le HMS Vanguard, sous-marin nucléaire anglais, se sont violemment heurtés alors qu’ils étaient tous deux en plongée dans l’Atlantique.

la Triomphant – hourra pour nos couleurs –  a pu rentrer seul au port, mais le HMS Vanguard a dû été raccompagné par des remorqueurs jusqu’à sa base écossaise de Faslane. Deux joyaux technologiques, dotés des sonars les plus puissants qui se puissent concevoir, ne sont pas parvenus à se voir. Hum. Hum, car n’oublions pas que Le Triomphant transporte 16 missiles pouvant emporter 96 ogives nucléaires. Et le Vanguard un peu moins, mais tout de même.

Avons-nous échappé à une terrible catastrophe écologique ? L’hypothèse n’est pas folle.Les sources anglaises affirment que la pollution par le plutonium des armes aurait pu être massive en cas d’atteinte aux ogives. Les 250 hommes d’équipage – pensons-y – auraient pu périr d’une bien pénible manière et des tapis de bombes nucléaires auraient pu attendre au fond de l’Atlantique que l’océan ne les désagrège et relâche dans les eaux ses innombrables et mortels radionucléides. Je ne suis expert en rien, et ne peux ajouter quoi que ce soit sur l’éventuelle explosion des missiles à la suite de la collision. Les « experts » jurent que c’est impossible. Mais qui sont les experts ? Et qui les paie ?

Revenons-en à notre Marine. Elle est belle, hein ? Il est absolument certain que Le Triomphant a aussitôt su ce qui s’était produit. Mais nos autorités ont donc préféré le mensonge le plus grossier qui fût à leur disposition. C’est instructif. Et c’est loin d’être une première (ici). L’armée fait ce qu’elle veut, quand elle veut, comme elle veut. Et aucun responsable politique ne fait même semblant de s’en inquiéter. Si vous voulez ricaner, allez voir ces deux vidéos où l’on voit Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, en 2007, se gaufrer en beauté sur le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque de la France (ici et ici).

Alors ? Alors pensez avec moi que les militaires utilisent chaque jour des ports habités par des centaines de milliers de personnes pour faire entrer et sortir leurs joujoux nucléaires. Pour ne prendre que le cas de Cherbourg et Toulon, les arsenaux où l’on travaille sur les réacteurs nucléaires sont au cœur  des agglomérations. Quelles sont les conditions de sécurité ? Quels sont les plans d’évacuation – absurdes, par définition, compte-tenu de la proximité entre la ville et l’atome – des populations civiles ? Vous compléterez les questions tout à loisir.

Je pense que nous tomberons d’accord sur un point. Quelle plaisante démocratie que la nôtre !

Considérations sur l’imbécillité (en Espagne et ailleurs), bis repetita

Préambule qui n’a rien à voir ou presque : Henri Pézerat, mort le 16 février 2009, a été enterré hier par ses amis. À l’heure qu’il est – cela peut changer, je l’espère en tout cas -, aucun article de presse n’a rappelé son rôle proprement historique dans la bataille contre l’amiante. Nous verrons, mais j’y reviendrai. Et maintenant, sans transition, la suite.

Le texte qui suit n’est pas neuf, car il a été publié la première fois ici le 28 janvier 2008, il y a plus d’un an. Le relisant à la suite d’une recherche sur un autre sujet, je me suis dit qu’il méritait bien d’être remis en ligne ( un autre, complémentaire, ici). Souvenez-vous comme l’Espagne inspirait nos politiques de gauche, Ségolène Royal en tête, quand son économie de pacotille brillait encore de tous ses feux toxiques. Ou de droite, quand Aznar entendait détruire le fleuve qui a donné son nom à la péninsule ibérique – l’Ébre – et détourner ses eaux jusqu’aux plantations chimiques de tomates, loin au sud. Tout n’était donc que faux, tout n’était que carton-pâte. Mais il faudrait pourtant faire confiance à ceux qui prétendaient exactement l’inverse. Eh bien, si cela vous dit d’y croire encore, ne vous retournez pas pour voir si je suis là. Car j’ai déjà disparu.

Le 28 janvier 2008. Avouons que ce papier s’adresse d’abord à ceux qui croient encore dans la politique. Je veux dire la politique ancienne, celle qui émet les signaux que nous connaissons tous, celle de madame Royal, de monsieur Sarkozy. Celle venue en droite ligne de 200 ans d’histoire tourmentée.

On le sait, ou l’on finira par le savoir, je ne porte plus guère attention aux acteurs de ce jeu de rôles, mais je ne cherche pas à convaincre. Je ne fais qu’exprimer un point de vue. Et voici pour ce jour : j’aimerais vous parler d’Andrés Martínez de Azagra Paredes. Un Espagnol. Cet ingénieur, également professeur d’hydraulique, propose un néologisme : oasificación. Pour nous, Français, ce n’est pas très difficile à comprendre : il s’agit de créer des oasis. Martínez est un homme très inquiet de l’avenir de son pays, menacé par des phénomènes de désertification dont nous n’avons pas idée. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà, comme aurait dit Montaigne. Mais nous avons grand tort, en l’occurrence, de ne pas tendre l’oreille.

Martínez, en tout cas, a des solutions ( attention, en espagnol : ici). Cela consiste, sommairement résumé, à récupérer l’eau, de pluie surtout, et à restaurer un couvert végétal là où il a disparu. En mêlant savoirs ancestraux et technologies nouvelles. J’avoue ne pas en savoir bien plus. Est-ce efficace ? Peut-être.

Mais la vraie question est autre : l’Espagne devient un désert. Bien entendu, il est plus que probable que nous ne serons plus là pour admirer le résultat final. Le processus est pourtant en route (ici) : le tiers du pays est atteint par des formes sévères de désertification, et le climat comme la flore et la faune seront bientôt – à la noble échelle du temps écologique – africains. J’ai eu le bonheur, il n’y a guère, de me balader sur les flancs de la Sierra Nevada, cette montagne andalouse au-dessus de la mer. Je me dois de rappeler que nevada veut dire enneigée. De la neige, en ce mois de novembre 2005, il n’y en avait plus.

Pourquoi cette avancée spectaculaire du désert en Europe continentale ? Je ne me hasarderai pas dans les détails, mais de nombreux spécialistes pensent que le dérèglement climatique en cours frappe davantage l’Espagne que ses voisins. Et comme le climat se dégrade aussi en Afrique, notamment du nord, il va de soi que les humains qui ont tant de mal à survivre là-bas ont tendance à se déplacer plus au nord, au risque de leur vie quand ils tentent la traversée vers les Canaries ou le continent.

Et que fait le gouvernement socialiste en place ? Eh bien, avec un courage qui frise la témérité, il vient de décider la création d’un Plan national contre la désertification. Tremblez, agents de la dégradation écologique ! Je ne vous surprendrai pas en écrivant que les choix faits depuis 50 ans n’ont jamais qu’aggravé les choses. La surexploitation des ressources en eau, la déforestation, l’agriculture intensive et l’urbanisation sont les points les plus saillants d’une politique d’autant plus efficace qu’elle est évidente, et rassemble tous les courants qui se sont succédé au pouvoir.

Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Donc, Zapatero. Il me fait penser à DSK. Ou à Moscovici. Ou à Delanoé. Ou à tout autre, cela n’a pas la moindre importance. Il se vante donc de l’état de l’économie sous son règne, espérant bien remporter les élections générales du 9 mars prochain. Comme je m’en moque bien ! Car il y a tout de même un peu plus important. Certes, le socialistes locaux ont stoppé – pour combien de temps ? – le démentiel Plan hydrologique national de la droite, qui entendait détourner une partie des eaux de l’Èbre – fleuve du Nord qui a donné son nom à la péninsule – jusque vers l’extrême sud et les côtes touristiques.

Certes. Mais la soi-disant bonne santé du pays repose, pour l’essentiel, sur la construction. Qui n’est bien entendu que destruction. Jusqu’à la crise des subprimes, ces damnés crédits immobiliers américains, l’Espagne était considérée comme un modèle (ici) à suivre partout en Europe. Écoutez donc cette nouvelle chanson, dans la bouche de Patrick Artus, gourou financier bien connu : « La crise récente risque de montrer qu’il s’agissait de “faux modèles” à ne pas suivre. Que reste-t-il du dynamisme de ces pays, une fois enlevés l’expansion des services financiers et de la construction, qui y représentaient 50 % à 80 % des créations d’emplois ? ».

Zapatero est un grossier imbécile. Je vous le dis, vous pouvez le répéter. Imbécile, je pense que cela va de soi. Grossier, car dans le même temps que sa ministre de l’Environnement faisait semblant d’agir contre l’avancée du désert, on apprenait la teneur de quelques chiffres officiels. L’an passé – de juin 2006 à juin 2007 -, les mairies du littoral espagnol reconnaissaient l’existence de projets immobiliers plus nombreux que jamais. Soit 2 999 743 nouveaux logements, 202 250 lits dans l’hôtellerie, 316 terrains de golf et 112 installations portuaires avec 38 389 places neuves pour les jolis bateaux. Sans compter 90 cas de corruption établis, impliquant 350 responsables publics.

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (ici). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Claude Allègre récidiviste (mais que fout la police ?)

C’est le hasard, car je tenais ce papier sous le coude depuis quatre ou cinq jours. Vous y verrez, j’y vois en tout cas un hommage à la mémoire de mon ami Henri Pézerat, qui sera enterré aujourd’hui vendredi. Allègre est l’antithèse boursouflée de suffisance de ce que fut Henri. Allègre, qui a travaillé comme Henri à l’université de Jussieu (Paris), n’hésitait pas à dire en 2005 dans L’Express : « Je le dis et je le répète : à faible dose, la poussière d’amiante n’est sans doute pas plus dangereuse que la poussière de silice qu’on respire sur la plage ». Une étude de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) vient précisément de reconnaître qu’ « une révision de la réglementation actuelle est justifiée ». Il faudra, selon l’Afsset, « tenir compte des dangers avérés et potentiels des fibres fines et des fibres courtes de ce minéral, alors que seules les fibres longues sont prises en considération pour évaluer la pollution d’un lieu (ici) ».

La suite concerne Allègre, une nouvelle fois. Nul doute qu’il s’agit, malgré tout, d’un cas intéressant. Un homme qui nie à la fois la dangerosité de l’amiante et la réalité du réchauffement climatique est intéressant. À fortiori quand il est complaisamment présenté comme un grand scientifique. Et davantage encore si l’on ajoute que cet homme a été ministre d’un gouvernement de gauche il y a une poignée d’années et ami proche, y compris sur le plan intellectuel, d’un certain Lionel Jospin. Jospin, le grand espoir du changement. Le digne successeur de François Mitterrand.

Pardon de me copier sans vergogne, mais j’ai déjà écrit sur Allègre. Je tiens notamment à ce (très) long parallèle entre Tazieff et Allègre, qui résume parfaitement ma pensée sur le sujet (ici). Mais il y a deux autres articles qu’il m’est difficile de ne pas recommander, car je les ai écrits aussi. Oui da, moi (ici et ici). Si je vous embête encore avec ce sensationnel personnage, qui lorgne désormais sur un poste ministériel chez Sarkozy, c’est parce qu’il vient d’écrire un article dans le journal Le Point (ici).

Encore une fois, c’est prodigieux. Allègre devrait avoir une médaille pour chaque invention qu’il imagine. Mais la fabrique nationale suffirait-elle ? Je ne peux ni ne veux tout souligner. Vous savez lire comme moi. Un petit commentaire ne vous sera pourtant pas épargné. Notez ces deux phrases, et regardez-les ensuite de près : « La température moyenne des océans n’augmente plus depuis 2003. L’année 2008 aura été dans l’hémisphère Nord parmi les plus froides depuis dix ans et tout indique que l’année 2009 sera identique ».

Que dire qui ne soit aussitôt une retentissante injure publique ? Je ne confronte pas même à la réalité des faits et des études raisonnablement établies. Je laisse ce travail à d’autres, s’ils en ont envie. Non, je pense à la logique interne de ces mots. Ainsi de l’usage du présent indicatif pour signaler une impossibilité manifeste. Comment voulez-vous savoir que la « température moyenne » des océans n’aurait plus bougé depuis 2003 ? Seul Allègre est en mesure de tels miracles.

Autre point remarquable : l’année 2008. Là encore, restons-en à la logique interne. L’hémisphère nord aurait connu une année « parmi les plus froides depuis dix ans » ? Si tel était le cas, que nous dirait-il ? Absolument rien. Le dérèglement climatique global s’accommoderait aisément d’un tel phénomène. Dans le même temps, Allègre ne dit rien de l’hémisphère sud, qui pourrait modifier en profondeur la donne. Autrement dit, son propos est dépourvu de sens. Mais le pompon est dans les derniers mots : « tout indique que l’année 2009 sera identique ». N’oublions pas que l’auteur est un scientifique. S’il dit tout, ce doit être tout. Donc, tout dirait que l’année météo, avant même de s’être déroulée, sera identique à la précédente.

On est là dans une extraordinaire démonstration. Allègre n’est plus, s’il l’a jamais été, dans la prévision. Mais dans la prédiction. Dans la divination. Demain, il ira à Delphes, consulter les oracles. Ou se fera tirer les cartes par madame Irma. L’esprit humain est grand, invincible, presque sans limites dans sa fantaisie. Cet homme a été ministre de la gauche sans que personne dans ce camp ne s’étonne de ses positions sur l’amiante et le climat, connues depuis près d’une quinzaine d’années. Cet homme sera peut-être, demain, ministre de la droite. Voilà qui me fait réfléchir à l’état de la pensée politique. Voilà qui me fait songer que nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

PS : Comment une seule et même terre peut-elle porter à la fois un Henri Pézerat et un Claude Allègre ? Voilà bien l’un des nombreux mystères que j’emporterai avec moi. Quand le moment sera venu. Je ne suis pas pressé, non pas.