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Le Sénat et les fossoyeurs (sur les OGM)

Je ne cherche pas à distribuer bons et mauvais points au mouvement écologiste. Je l’ai déjà dit et le répète : j’en suis. Mais parce que j’en suis, j’ai le devoir de dire ce que je pense. Et advienne que pourra : ce mouvement est gravement malade.

J’en veux pour preuve, parmi hélas bien d’autres, la pantalonnade autour des OGM (www.liberation.fr). Préféreriez-vous le mot bouffonnerie ? Pendant dix ans, les écologistes de France ont combattu cette énième invention de l’agriculture industrielle. En 2006 encore, Greenpeace, par exemple distribuait massivement un badge démarqué du fameux « Non au nucléaire ». Son titre en était limpide : « OGM, j’en veux pas ». Les faucheurs volontaires, de leur côté, tentaient d’enrayer la machine, en prenant de vrais risques, au moins financiers.

Et puis, tout a basculé. On a commencé à parler de coexistence. D’une loi qui permettrait de manger sans OGM. Mais qui laisserait ces derniers exister, donc se développer. De compromis, en somme. Je n’ai rien contre les compromis, mais je déteste qu’on se fiche de moi. Or, jusqu’à plus ample informé, la coexistence dans les champs entre OGM et le reste demeure impossible. Toute culture de plein champ condamne au passage l’agriculture biologique par contamination du pollen. Oui, ou non ?

Je ne sais pas dans le détail l’histoire de cette régression, mais il est clair que le Grenelle de l’Environnement, ce truc politicien, aura joué un grand rôle. J’ai beaucoup écrit cet automne, ici même, à propos de cette débâcle. Je vous laisse les références de deux articles, auxquels je n’ai rien à changer (fabrice-nicolino.com) (fabrice-nicolino.com). Je serais intéressé d’entendre certains porte-parole autoproclamés de l’écologie rappeler, en public, ce qu’ils osaient alors dire devant les caméras. Oui, mais ils ne le feront pas. Leur temps, calqué sur celui de la machine universelle, est celui de la télévision et d’Internet. Celui de Winston Smith, ce héros d’Orwell qu’on ne présente plus. Ce qui a été n’a jamais été. Sauf cas d’extrême nécessité.

Le mouvement écologiste, par ses représentants du moins, a abandonné la lutte contre les OGM. Sans le dire publiquement, mais d’une façon absolument certaine. Avec une naïveté que je juge confondante, il a cru obtenir à froid, hors toute pression de la société, un arrangement favorable avec le maître (provisoire) des lieux, Sarkozy. Dépourvus de la moindre légitimité vraie, les négociateurs du Grenelle – Greenpeace, FNE, Fondation Hulot, WWF, etc. – ont rendu technique et tactique ce qui devait rester un engagement identitaire de tous.

La lutte contre les OGM, gagnante ou perdante, signifie avant toute chose que nous refusons ce que devient la vie sur terre. C’est un point de repère au milieu d’un horizon qui fuit, une borne frontière. De quel DROIT les dirigeants d’associations ont-ils bradé ce trésor commun ? Car ils l’ont bradé, qui ne le voit ? « Nos » experts, aussi experts, c’est-à-dire aussi insupportables que ceux d’en face, ont cru qu’ils allaient apprendre aux vieux singes de la politique ancienne à faire des grimaces. C’est raté.

Inutile de commenter le projet de loi concocté par le Sénat sur le sujet. D’abord, parce qu’il n’a rien de définitif. En tout cas, la gérontocratie UMP a plombé comme à la foire la baudruche d’octobre 2007, contraignant ceux qui nous parlaient de victoire historique de l’écologie à enregistrer « l’enterrement du Grenelle » (www.lemonde.fr). Sans gloire, vraiment.

Dans le même temps, on apprenait que la bio est, pour 77 % des Français, une voie d’avenir face aux problèmes écologiques. Et que 84 % d’entre eux souhaitent qu’elle se développe (sondage du cinquième baromètre de l’Agence Bio). Dans le même temps, on apprenait qu’un insecte résistait, pour la première fois, au coton OGM qui devait pourtant l’éliminer (www.lemonde.fr). Il faudra donc, j’imagine, trouver un deuxième OGM pour aider le premier, défaillant. Dans le même temps, on apprenait que le plan Banlieues serait financé à hauteur de 500 millions d’euros – pour commencer ? – par des budgets alloués au…Grenelle de l’Environnement. Comment mieux dire que tout est faux, que tout est com’ et simulacre ?

Je vois, je comprends, je suis convaincu que le mouvement écologiste tenait en mains, avec les OGM, un dossier extraordinaire. Une arme politique d’une dimension sans pareil. Rappelons tout de même qu’une forte majorité des Français expriment depuis dix ans leur opposition aux OGM, dans tous les sondages d’opinion ! Le désastre en cours devrait nous conduire tous à l’examen de conscience. Pourquoi ? Par qui ? Jusqu’où ? Et par-dessus tout : comment en sortir ? Le pire de tout serait que l’omertà sur l’état réel de nos forces se maintienne encore. C’est possible, ce n’est pas certain.

Pour le bonheur de Pierre Mauroy (hélas)

Si vous êtes jeune, vous êtes un(e) veinard(e). Mais en même temps, quel dommage, car vous ne connaissez pas Pierre Mauroy. Ou peu. Je présente le brave garçon : né en 1928 – il aura 80 ans cette année -, Mauroy a fait toute sa carrière, y compris professionnelle, à la SFIO. Je ne peux ici faire un cours d’histoire politique. La SFIO, c’est Guy Mollet, l’aventure de Suez en 1956, la torture d’État pendant la guerre d’Algérie, j’en passe.

En 1981, Mauroy devient Premier ministre, poste quitté en 1984, et depuis, il continue de régner sur sa région d’origine : Lille. Car il est ch’ti. Après avoir été maire de la ville pendant 350 ans environ, il a laissé sa place à Martine Aubry, plus jeune que lui mais aussi vaillante, à n’en pas douter. D’ailleurs, Dominique Voynet est une grande amie de cette dernière. N’est-ce pas ce qu’on appelle un certificat ?

Revenons-en à Mauroy. Ces dernières années, il est apparu dans l’esprit du papy que l’heure de la retraite pourrait bien – sait-on jamais – arriver un jour. Oui, mais, et le grand stade ? Mitterrand ayant eu sa bibliothèque et sa pyramide du Louvre, Mauroy pouvait-il partir sans être accompagné du grand stade ? La réponse est non. NON !

Ce qu’est le grand stade ? Une splendide idée imbécile. Une coque pouvant contenir 50 000 personnes, s’élevant à 31 mètres de hauteur, accolée à deux hôtels, un centre « sport et santé », des commerces et des restaurants. Le groupe de BTP Eiffage a été désigné hier « attributaire pressenti » par Lille Métropole Communauté Urbaine ou LMCU. Cette structure, dont Mauroy est le président, englobe Lille et dispose de moyens bien plus considérables que la ville.

Rien n’est définitivement fait, mais cette décision est un pas important, tout à la gloire de Mauroy. Car notre grand homme de poche présidait hier vendredi sa dernière réunion de la LMCU et les élus qui y siègent voulaient – j’en ai la larme à l’oeil – lui offrir le stade en cadeau de départ. C’est un peu cher, certes : autour de 700 millions d’euros. Autour de.

Une association locale (nonaugrandstade.free.fr) dénonce quantité d’extravagances liées à ce projet. J’ai été intéressé par les questions de transports et d’environnement, qui démontrent sans difficulté à quel point les vues de Mauroy-Aubry sont funestes et archaïques. Mais je note autre chose, qui concerne l’idée que nos immenses socialistes se font de la démocratie. Lisez plutôt, c’est court : « Le choix du site s’est fait sans aucun débat au sein du conseil de communauté (dont les membres sont élus au suffrage indirect), sans consultation des communes, sans débats dans les conseils communaux, et sans consultation ni débats avec la population, qu’elle soit riveraine du site ou résidente de la Communauté urbaine. A aucun niveau le débat n’a eu lieu.

Une commission, dont les membres ont été « choisis », a été chargée d’étudier le dossier. Parmi ses membres, on y trouve les principaux intéressés par le projet : le Président du LOSC, entreprise privée qui fait pression pour un très grand stade, et les supporters du LOSC, très impatients ».

Je crois cela édifiant. Pas vous ? Poursuivant mon propos, je dirai calmement que ces gens sont perdus, si loin qu’ils sont désormais irrécupérables. Mauroy autant qu’Aubry, évidemment. 700 millions d’euros ! Imagine-t-on bien ce que cela représente pour la région lilloise ? J’ai sur mon bureau une brochure de l’association Nord Nature, en date de 1989. Elle est entièrement consacrée aux pollutions, sous ce titre évocateur : L’Enfer du Nord.

Le mot n’est hélas pas trop fort. J’en tire cette courte synthèse : toute la région a été dévastée par deux siècles d’industrialisation lourde. Les mines, les fonderies, les hauts-fourneaux ont dirigé le pays, puis laissé des centaines, des milliers de friches industrielles. L’agriculture intensive couvre 72,5 % du territoire, et les nappes phréatiques sont du même coup gravement polluées : sous Lille, on trouve plus de 100 mg de nitrates par litre d’eau. les pesticides commencent à apparaître dans les prélèvements. Les forêts ont largement disparu. La qualité de l’air est médiocre ou mauvaise. La biodiversité est réduite à quelques taches, de loin en loin.

La conclusion de cette étude, vieille de 20 ans, est sans surprise : les habitants de la région vivent moins longtemps et plus mal qu’ailleurs en France. Et ils sont, c’est lié, plus souvent malades. Est-il bien juste, dans ces conditions, de dépenser 700 millions d’euros pour les footeux, quand tant d’autres priorités essentielles existent ? Car, faut-il le préciser, rien n’a réellement changé.

Il n’aurait pas fallu une imagination débordante pour proposer un vaste plan régional de reconquête écologique. On aurait pu aisément mobiliser des dizaines de milliers d’enthousiastes pour changer concrètement la face du Nord. Et qu’on ne me dise pas que c’est rêverie. Pas à moi. À l’automne 1994, j’ai rencontré pour mon plus grand bonheur Hervé Nowara, de Billy-Berclau. Il est vrai que le village appartient au Pas-de-Calais voisin. Voisin et jumeau.

Hervé Nowara était alors un ouvrier. Et un amoureux des oiseaux. En 1989 justement, l’année de la brochure, il se lance avec ses amis William Broodthuis, Robert Ledru et Jacques Debondu dans une entreprise herculéenne dédiée à Chico Mendes, défenseur de la selve amazonienne assassiné par des nervis. Herculéenne. Ayant repéré une décharge illégale autant qu’immonde, en bordure du canal de la Deûle, ils décident de transformer les dix hectares en une réserve naturelle.

Fou, n’est-ce pas ? Mais ces hommes de Sauvegarde et protection des oiseaux (SPO) – leur petit groupe – y parviennent pourtant. En se débrouillant par exemple pour se faire prêter une tractopelle, destinée à creuser une mare et élever une butte. En travaillant comme des bêtes, le soir après le travail, ou le week-end. Je m’y suis promené, quelques années après le début des saisissants travaux de restauration écologique.

Je n’oublierai jamais Hervé et William me montrant le « chemin du paradis », un sentier de saules qui donnait envie de chanter. Non, je n’oublierai pas les tas de bois et de compost disposés de manière à accueillir grenouilles, belettes et putois. Ni les clairières créées par eux, où chassaient buses et hiboux moyens-ducs. Ni les mares, où le héron venait manger. Ni cette phrase que m’avait dite William : « J’aime beaucoup les oiseaux, mais tôt ou tard, ils s’enfuient. Les fleurs, elles, restent ». Il avait semé à profusion des nielles des blés, des coquelicots et des compagnons rouge et blanc.

Si quelqu’un les connaît, il faut leur dire qu’ils continuent de m’émouvoir. Leur existence est comme une preuve de la liberté. Le duo Mauroy-Aubry pouvait trouver une autre destination à ces 700 millions d’euros. Cet argent perdu ne sera jamais retrouvé. Pendant trente ans, le bastringue de Mauroy, LMCU, remboursera sa dette. Trente ans pendant lesquels ceux qui ont de vraies idées n’auront aucune chance de les voir réalisées.

Voyez-vous, au fond, je crois que je n’aime pas le parti socialiste.

Madame Royal en monsieur (presque) Loyal

C’est dur, mais je me sens obligé d’ajouter un mot à mon premier envoi du jour sur le froid. Je découvre avec intérêt, mais sans surprise hélas, le propos de Ségolène Royal à l’endroit du rapport sur la croissance remis par Jacques Attali au président Sarkozy. Je le redis ici, à mes yeux, Attali est un pitre doublé d’un paltoquet (fabrice-nicolino.com). Son objectif unique, misant sur la destruction accélérée, est de parvenir à hisser la croissance à 5 % par an en France. Les conséquences ? Quelles conséquences ?

La suite est adressée à ceux qui misent sur le parti socialiste dans les années à venir. Pardonnez si je ne ris pas, j’ai les lèvres gercées depuis des décennies. Ségolène Royal a dit tout le bien qu’elle pensait d’Attali et de son travail au service de la déréliction. Je ne commente pas, lisez si le coeur ne vous vient pas au bord des lèvres (afp.google.com). En tout cas, ne comptez pas sur moi les jours d’élection, car vous seriez déçu. Et pas la peine de m’engueuler, car j’assume sans état d’âme.

Je ne vote pas.

Considérations sur l’imbécillité (en Espagne et ailleurs)

Avouons que ce papier s’adresse d’abord à ceux qui croient encore dans la politique. Je veux dire la politique ancienne, celle qui émet les signaux que nous connaissons tous, celle de madame Royal, de monsieur Sarkozy. Celle venue en droite ligne de 200 ans d’histoire tourmentée.

On le sait, ou l’on finira par le savoir, je ne porte plus guère attention aux acteurs de ce jeu de rôles, mais je ne cherche pas à convaincre. Je ne fais qu’exprimer un point de vue. Et voici pour ce jour : j’aimerais vous parler d’Andrés Martínez de Azagra Paredes. Un Espagnol. Cet ingénieur, également professeur d’hydraulique, propose un néologisme : oasificación. Pour nous, Français, ce n’est pas très difficile à comprendre : il s’agit de créer des oasis. Martínez est un homme très inquiet de l’avenir de son pays, menacé par des phénomènes de désertification dont nous n’avons pas idée. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà, comme aurait dit Montaigne. Mais nous avons grand tort, en l’occurrence, de ne pas tendre l’oreille.

Martínez, en tout cas, a des solutions ( attention, en espagnol : www.oasification.com). Cela consiste, sommairement résumé, à récupérer l’eau, de pluie surtout, et à restaurer un couvert végétal là où il a disparu. En mêlant savoirs ancestraux et technologies nouvelles. J’avoue ne pas en savoir bien plus. Est-ce efficace ? Peut-être.

Mais la vraie question est autre : l’Espagne devient un désert. Bien entendu, il est plus que probable que nous ne serons plus là pour admirer le résultat final. Le processus est pourtant en route (afp.google.com) : le tiers du pays est atteint par des formes sévères de désertification, et le climat comme la flore et la faune seront bientôt – à la noble échelle du temps écologique – africains. J’ai eu le bonheur, il n’y a guère, de me balader sur les flancs de la Sierra Nevada, cette montagne andalouse au-dessus de la mer. Je me dois de rappeler que nevada veut dire enneigée. De la neige, en ce mois de novembre 2005, il n’y en avait plus.

Pourquoi cette avancée spectaculaire du désert en Europe continentale ? Je ne me hasarderai pas dans les détails, mais de nombreux spécialistes pensent que le dérèglement climatique en cours frappe davantage l’Espagne que ses voisins. Et comme le climat se dégrade aussi en Afrique, notamment du nord, il va de soi que les humains qui ont tant de mal à survivre là-bas ont tendance à se déplacer plus au nord, au risque de leur vie quand ils tentent la traversée vers les Canaries ou le continent.

Et que fait le gouvernement socialiste en place ? Eh bien, avec un courage qui frise la témérité, il vient de décider la création d’un Plan national contre la désertification. Tremblez, agents de la dégradation écologique ! Je ne vous surprendrai pas en écrivant que les choix faits depuis 50 ans n’ont jamais qu’aggravé les choses. La surexploitation des ressources en eau, la déforestation, l’agriculture intensive et l’urbanisation sont les points les plus saillants d’une politique d’autant plus efficace qu’elle est évidente, et rassemble tous les courants qui se sont succédé au pouvoir.

Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Donc, Zapatero. Il me fait penser à DSK. Ou à Moscovici. Ou à Delanoé. Ou à tout autre, cela n’a pas la moindre importance. Il se vante donc de l’état de l’économie sous son règne, espérant bien remporter les élections générales du 9 mars prochain. Comme je m’en moque bien ! Car il y a tout de même un peu plus important. Certes, le socialistes locaux ont stoppé – pour combien de temps ? – le démentiel Plan hydrologique national de la droite, qui entendait détourner une partie des eaux de l’Èbre – fleuve du Nord qui a donné son nom à la péninsule – jusque vers l’extrême sud et les côtes touristiques.

Certes. Mais la soi-disant bonne santé du pays repose, pour l’essentiel, sur la construction. Qui n’est bien entendu que destruction. Jusqu’à la crise des subprimes, ces damnés crédits immobiliers américains, l’Espagne était considérée comme un modèle (www.lemonde.fr) à suivre partout en Europe. Écoutez donc cette nouvelle chanson, dans la bouche de Patrick Artus, gourou financier bien connu : « La crise récente risque de montrer qu’il s’agissait de « faux modèles » à ne pas suivre. Que reste-t-il du dynamisme de ces pays, une fois enlevés l’expansion des services financiers et de la construction, qui y représentaient 50 % à 80 % des créations d’emplois ? ».

Zapatero est un grossier imbécile. Je vous le dis, vous pouvez le répéter. Imbécile, je pense que cela va de soi. Grossier, car dans le même temps que sa ministre de l’Environnement faisait semblant d’agir contre l’avancée du désert, on apprenait la teneur de quelques chiffres officiels. L’an passé – de juin 2006 à juin 2007 -, les mairies du littoral espagnol reconnaissaient l’existence de projets immobiliers plus nombreux que jamais. Soit 2 999 743 nouveaux logements, 202 250 lits dans l’hôtellerie, 316 terrains de golf et 112 installations portuaires avec 38 389 places neuves pour les jolis bateaux. Sans compter 90 cas de corruption établis, impliquant 350 responsables publics (attention, en espagnol : www.glocalia.com).

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Faut-il reprendre les clés à Nicolas ?

Parler de Sarkozy ici, encore une fois ? Sans hésitation, oui. Et de ses affaires personnelles, et de ses aventures amoureuses, et de ses drames familiaux ? Oui, sans l’ombre d’un doute.

Reprenons dans l’ordre tout relatif de ce qui nous est concédé. Notre président aime. Cécilia. Une histoire ancienne, qui aurait commencé le jour des noces de la dame avec Jacques Martin, présentateur télé. Quand ? Je ne cherche pas, disons plus de vingt ans. Ce jour-là, c’est Sarkozy lui-même – il est le maire de Neuilly – qui les marie. Il a de son côté une femme, et deux enfants. Il regarde Cécilia, embrassant Jacques Martin sous les applaudissements, et il se dit qu’il l’aura, tôt ou tard. Je précise que je n’invente pas, que je m’appuie sur des confidences publiques de Sarkozy soi-même.

Oui, longtemps après, et devant des millions de gens, notre président a reconnu qu’il souhaitait conquérir Cécilia dès l’instant où il l’avait vue au bras d’un autre. Ma foi. Ce qui me trouble un peu, ce n’est pas ce désir, mais son expression publique. Car d’autres que lui-même sont tout de même un peu concernés. Je pense par exemple aux deux fils qu’il a eus avec sa première épouse. Aux deux filles que Cécilia a eues avec l’homme de l’École des fans. Et à cette première épouse, précisément, qui apprend ainsi à la télé que même du temps où Nicolas rentrait dormir au domicile commun, il avait la tête ailleurs. Pour commencer.

Poursuivons. Cécilia est la femme irremplaçable de sa vie, à lui. De nouveau, je ne fais que répéter ce que Sarkozy nous a seriné au cours d’innombrables entretiens. Au reste, on comprendrait assez mal les diverses pantomimes de ces dernières années sans cet attachement si profond. Elle part, elle se montre avec un autre, elle revient. Il commence une autre vie avec une journaliste du Figaro, il se laisse photographier avec elle en train de faire des courses, continue d’inonder de textos Cécilia, qui file le parfait amour avec Richard, à New York, puis la fait revenir in extremis. In extremis, car quelques jours plus tard, il eut dû déménager, car il était sur le point de s’installer avec l’autre, la journaliste. Vous suivez, j’espère ?

Cécila revient donc, oblige Sarkozy à se débarrasser de certains collaborateurs politiques jugés trop peu tendres avec elle, mais le coeur n’y est plus tout à fait. Elle ne vote pas pour son mari aux présidentielles, semble absente des réjouissances accompagnant le triomphe. Sarkozy, lui, en rajoute. Il l’aime, il l’adore, elle est la femme, la muse, l’éternel pilier sans lequel tout s’écroule. (Tête, soit dit en passant, de la journaliste du Figaro, jetée en trois secondes, à qui il avait promis le monde).

Là-dessus, divorce. Si l’on a bien suivi – et cru -, il ne peut s’agir que d’un deuil, qui vous cloue l’âme pour un moment. Mais à coup certain, on n’est pas Sarkozy. Lui part manger chez Jacques Séguéla, un soir de fin novembre 2007 – il y a moins de trois mois, plus de dix siècles – et rencontre Carla Bruni, qui a apporté sa guitare. Bon, le reste est largement connu.

Cécilia ? Morte. Enfin, pas tout à fait, puisque Sarkozy continue à lui adresser des messages. Parmi lesquels ce délicat passage à Petra, en Jordanie, il y a quelques jours. Petra ! Alors qu’il existe des dizaines de milliers de lieux de villégiature, Sarkozy choisit, pour y montrer sa nouvelle inoubliable, l’endroit exact où Cécilia la traitresse avait rejoint son amant Richard voici près de deux ans.

Je me suis laissé entraîner, comme chaque fois, et mon texte est déjà bien trop long. Je vais accélérer. Cécilia est furieuse, et confie à une journaliste du Point, qui le publie dans un livre, à quel point Sarkozy est décevant. Il serait pingre, il n’aimerait pas ses enfants, elle ne l’aurait jamais aimé, elle n’aurait jamais aimé que le beau Richard, etc.

Encore un tout petit mot sur Louis, leur fils de dix ans, qui avait été grossièrement utilisé il y a deux ou trois ans du haut d’une tribune de l’UMP. Cécilia et Nicolas lui avaient fait dire à l’époque, je pense que vous vous en souvenez : « Bonne chance, mon papa ! ». Je crois que c’est lui, désormais, qui va avoir besoin de beaucoup de chance pour ne pas sombrer. Imaginez le poids des mots et le choc des photos sur l’équilibre d’un enfant comme lui, soumis par force à la dictature du commun.

Tout cela garde-t-il un rapport avec l’objet de ce blog, c’est-à-dire la crise écologique planétaire ? Je le pense. Mais d’abord, cette évidence : notre président est profondément instable sur le plan psychologique. Il manque cruellement, en outre, d’au moins deux des sept formes d’intelligences décrites par Howard Gardner dans un livre qui m’a beaucoup marqué : Les intelligences multiples (Retz). C’est simple : il est mal doté en intelligence intrapersonnelle – la vraie connaissance de soi – et en intelligence interpersonnelle, celle qui permet de bien comprendre les autres.

Instable donc, rusé certainement, mais peu capable de bien se comprendre et de bien sentir les autres, il dispose d’un pouvoir rarement accordé à un humain. Je veux parler, bien évidemment, du feu nucléaire. Écartons de suite la science-fiction : décider une attaque nucléaire ne consiste pas à appuyer sur un bouton dans le dos des chefs militaires. Non. Il y faut des raisons, un contexte, un climat de crise extrême.

Mais est-ce si rassurant ? Car une tension majeure peut advenir en quelques heures. Et in fine, dans l’organisation du pouvoir telle qu’elle existe, la décision est bien celle du président. Une décision qui doit pouvoir être prise – en cas de représailles, par exemple – en une très courte poignée de minutes. Le feu nucléaire peut donc être déclenché par un homme dont chaque jour révèle un peu plus les faiblesses psychiques. Parmi lesquelles une relative mais réelle indifférence aux autres que lui-même, ainsi qu’une propension à casser puis oublier en un éclair ce qu’il a tant adoré.

Je ne crois pas que cela soit indifférent pour notre sécurité collective. Mais oublions un instant cette personnalité-là. Je pense également que la politique ancienne – donc la responsabilité des personnes, l’organisation concrète des pouvoirs – n’a pas intégré la révolution absolue de l’arme nucléaire. C’est une question de rythme et de temps. Hiroshima et Nagasaki n’ont qu’un peu plus de 60 ans d’existence, et nos capacités réelles étant ce qu’elles sont, nous n’avons pas réussi à imaginer des formes de contrôle nouvelles et adaptées.

Si, si nous étions plus sages, nous ne nous serions pas dotés d’une telle puissance sans avoir au préalable organisé les moyens de la soumettre. Mais faut-il, pour la raison que nous sommes si faibles d’esprit, tout admettre ? Les citoyens d’un pays adulte ne sont-ils pas en droit de contester, au nom de l’avenir commun, au nom de la vie, au nom de l’espèce peut-être, le droit d’un homme fragile et changeant à tout détruire si le coeur lui en dit ?

Sarkozy est un symptôme, mais très grave en vérité. Chacun sait que nous serions englués dans le sang de l’Irak s’il avait commandé aux armées françaises au printemps 2003. Au-delà même de la bombe, c’est sur lui que reposent, pour quatre ans et demi, les décisions françaises en matière d’agriculture, de gestion de l’eau, de lutte contre les pollutions, d’enseignement des bases de l’écologie. La liste n’est pas limitative. Celle de mes inquiétudes non plus.