Ce sera court, car la journée est bien avancée. En réalité, là où je me trouve, la nuit a commencé de tout recouvrir. Un autre monde est possible, il suffit d’attendre le crépuscule.
Allons, je me secoue. Un mot sur l’extraordinaire alerte lancée samedi 17 novembre par le Giec, ce fameux groupe international de chercheurs attachés de force au dérèglement climatique. Vous le savez, le Giec a reçu le prix Nobel de la paix, en même temps que l’ancien vice-président Al Gore, pour ses travaux.
En préambule de la remise de son nouveau rapport sur le climat, le Giec a rendu public un « résumé destiné aux décideurs » de la planète, dans lequel il met à bas son propre travail, pourtant acharné. Que dit ce texte ? Que le réchauffement climatique peut avoir des conséquences « soudaines » et « irréversibles ». Or le rapport, beaucoup plus tranquille, et fruit de longues tractations, se contente d’évoquer des hypothèses à l’horizon 2100.
2100, c’est loin, pour quiconque. Et une élévation de la température moyenne comprise entre 1,8° et et 4° – l’estimation du Giec – n’effraie en vérité pas grand monde. C’est pourtant saisissant, et dramatique, mais tout le monde s’en fiche. C’est sans doute pourquoi le Giec a souhaité dire une vérité cachée, qui ne peut être rapportée dans des documents scientifiques.
La science, surtout quand elle est mêlée à la diplomatie, a ses limites.La prudence considérable du Giec en est la preuve concrète, car plusieurs modèles mathématiques grâce auxquels il travaille sont visiblement dépassés. Ainsi, il est hélas certain que la fonte des glaces de l’Arctique est bien plus rapide que ne le suggéraient les projections.
Donc, le Giec tente de rectifier le tir, s’appuyant sur le savoir accumulé à propos des écosystèmes. Leur stabilité comme leur éventuel affaissement n’ont rien de linéaire. Et comme le souligne le Giec, la rupture peut être « soudaine » et « irréversible ».
Nous parlons là d’un aréopage de scientifiques sérieux, estampillés par leurs pairs, récompensés par le Nobel. Ils nous disent que tout ou presque peut advenir, dès demain matin peut-être. Et qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible. Inutile de commenter notre folie collective, qui est sans limites observables. Mais puisque nous sommes encore debout, encore humains, libres aussi dans une certaine limite, je nous propose de graver l’objurgation du Giec quelque part où nous la verrons à chaque instant.
Il n’existe aucun propos politique et moral plus important que celui-là. Tout discours, toute gesticulation de tel ou tel responsable de quelque niveau que ce soit, devraient être estimés à l’aune de cette mise en garde. Tout, jusqu’au sens ultime de notre vie, devrait être examiné au regard de cette urgence et de cette transcendance. Je vais essayer, je ne garantis pas que je vais réussir.