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Une partie de jeu de paumes, ça vous tente ?

Louis XIV lui-même ? Non, on dit qu’il préférait le billard. En ces temps de jadis, les riches et les ultrariches ne dédaignaient pas taper dans la baballe. Au jeu de la courte-paume, qui se jouait en intérieur, contrairement à celui de la longue-paume, réservé aux ploucs en extérieur, on se lançait une balle de part et d’autre d’un filet. Avec la main, éventuellement gantée de cuir, avec une raquette, dès lors qu’elle fit son apparition en France, au tout début du XVIème siècle pense-t-on. Oui, cela ressemble au tennis, et c’est normal, car il vient tout droit de là.

Sous une forme primitive, on en trouve trace chez Homère – peut-être né au VIIIème avant Jésus-Christ -, chez Hérodote, chez les Romains, qui avaient créé à cet effet des sphéristères et plus tard, celui qui n’était encore que roi de Navarre – le futur Henri IV – installa dans son château de Pau une salle entièrement dédiée au jeu.

En 1686 – Louis le quatorzième – à 48 ans, il est au faîte de son règne -, fait construire une salle à Versailles, au sud-est du château, dans la ville, pour que son paumier – joueur – préféré, Nicolas Creté, puisse s’y entraîner. Et l’on tape allègrement dans ce qu’on appelle encore un éteuf – une balle – pendant 103 années sans se poser trop de questions sur la marche du monde, que l’on sache du moins.

Et puis arrive l’année sans pareille. 1789. Le printemps de 1789, qui annonce, sans qu’on le sache encore, la prise de la Bastille et l’emballement général. Ce gros balourd de Louis XVI, qui n’a rien compris ni ne comprendra rien, fait fermer la salle parisienne où se tenaient les travaux des États généraux. Sous le prétexte hénaurme d’y réaliser des travaux . On se fâche, on refuse, on se rend en masse à Versailles où se trouve la salle du Jeu de paume, pour une raison qui s’est perdue en route.

À l’arrivée, 300 députés du Tiers état, soutenus par quelques députés de la noblesse et du clergé, s’émancipent à jamais du vieux régime. Il faut dire qu’ils ont un peu peur. Le roi n’a-t-il pas l’intention – non, il n’a aucune intention – de les faire arrêter ? Alors le courage, autre nom de l’état gazeux, s’impose à tous. Ils vont faire le serment collectif de ne se séparer qu’après le vote d’une Constitution. C’est sérieux. Très. Mirabeau, qui ne manquait jamais une occasion d’un bon mot, aurait prononcé cette phrase que j’ai apprise dès l’école primaire : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes ». La vraie phrase supposée aurait eu plus de mal à être retenue par ma mémoire de gosse : « Cependant, pour éviter tout équivoque et tout délai, je déclare que si l’on vous a chargé de nous faire sortir d’ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes ».

Bon, nous y voilà. Cette si longue introduction était-elle nécessaire ? Je le crois, car il s’agit de s’extraire de nos êtres patauds et de laisser entrer un peu de la lumière cinglante des événements historiques. Or, envers et malgré toutes les critiques que l’immense show en cours m’inspire, je gage que ce temps de coronavirus nous offre l’occasion de lancer un mouvement neuf. Enfin différent des pathétiques formes politiques – j’y inclus la totalité de celles existant, désolé, la totalité – qui n’ont jamais été capables de prendre en charge la défense immédiate et totale de tous les êtres vivants, arbres et souriceaux compris.

Nous devons faire serment. Le serment solennel de rompre enfin, et pour de vrai, avec l’ancien monde, ses représentations, ses bouffées délirantes de consommation, la télé, la bagnole, le portable, le net, les vacances à la neige, les vacances à Saint-Domingue ou à Djerba, etc. En somme, d’arracher un à un les milliers de liens qui nous tiennent prisonniers. Et nous éloignent d’autant d’une vision neuve et conquérante, seule capable de réorganiser en profondeur les sociétés humaines.

Attention, mes amis, je ne crois pas délirer encore. Un tel mouvement, une telle torsion du cœur et de l’âme n’est pas à notre portée. En tout cas, pas en bloc, et sûrement pas en quelques jours. L’important, le décisif même, c’est de créer un espace où se mouvoir. C’est d’avancer ensemble sans trembler, en se tenant la main, conscients que nous brûlons tous nos vaisseaux. Non, il n’y a pas de retour en arrière possible.

Il n’y en a pas, car nous attend un double collapsus – déjà tragiquement entamé – qui effacera en un quart de seconde, qui efface d’ores et déjà la pandémie actuelle de coronavirus. Vous le savez comme moi, le dérèglement climatique et la sixième crise d’extinction des espèces – elles se combinent – déferlent chaque jour un peu plus. Elles sont lourdes de la dislocation de toutes les sociétés humaines, portant dans leurs flancs la perspective insoutenable d’une barbarie totale.

Eh bien oui, c’est l’heure du grand serment. Ne faisons plus jamais confiance à qui ne contresignerait cette évidence : tout, la totalité, doit être repensé dans ce cadre. Quiconque n’adopte pas cette position est fatalement un charlatan de la pensée. Tout, c’est-à-dire l’économie, la politique, le transport, les retraites, la pauvreté, le tourisme, la police, l’armée, la mort. Voter aujourd’hui pour des gens qui ne proclament pas cet horizon certain de l’aventure humaine, c’est un crime. Certes insignifiant au regard d’autres, mais réel néanmoins. Rompre, c’est aussi envoyer aux pelotes ceux qui osent encore nous faire perdre un temps décisif en nous parlant – exemple pris absolument au hasard – des élections municipales quand tout flambe déjà. Désolé pour vous qui y croyez encore, mais s’inquiéter du score de madame ou monsieur Dugenou à Paris, Lyon ou Nevers, c’est réellement danser sur le pont du Titanic sombrant dans les abysses.

Oui, que le coronavirus soit un grand début fraternel et planétaire – mais pour de vrai -, ouvrant la voie à une révolution morale et intellectuelle immédiate. Pensons au pangolin et aux réfugiés et à tous ceux qui croupissent à dix dans une pièce, sans accès à l’eau, tandis que nous montrons à tous le visage hideux de l’angoisse et de la fermeture. J’écris après d’autres que le coronavirus doit être pris comme un ultime avertissement. Si nous reprenons le cours de nos égoïsmes respectifs après cette pandémie, alors c’est que nous méritons le sort que notre folie nous promet. Mais je ne veux pas le croire.


J’écris sur la crise climatique, que j’ai appelé jadis la mère de toutes les batailles humaines depuis trente années. Oui. Voyez ce petit texte paru le 23 mars 1995, pour le journal Politis.

Avis de tempête

On envie leur bonne humeur et leur goût de la plaisanterie. C’est à qui sera le plus joueur : monsieur Balladur assure qu’il vaincra les méchants, monsieur Chirac qu’il aime l’Europe; quant à monsieur Jospin, il propose, vingt ans après un programme socialiste qui exigeait les 35 heures, 37 heures de travail hebdomadaire dans deux ans. Quelle drôlerie !

Pendant ce temps, le climat change. Pas celui du microcosme ni même celui de la France éternelle, mais plus gravement peut-être celui de Gaïa, notre terre, notre mère. Du 28 mars au 7 avril, une conférence des Nations-Unies – sorte de nouveau Rio – doit décider à Berlin de mesures pour lutter contre l’effet de serre. Certes, on est très loin d’être sûr de tout dans ce domaine pourtant décisif. Mais les lobbies à l’oeuvre n’ont quant à eux aucun doute sur la marche à suivre : il faut et il suffit de saboter toute politique de prévention.

L’Arabie saoudite notamment, qui redoute comme la peste une diminution de la consommation de pétrole, aura tout tenté, dans les coulisses, pour que la conférence échoue. On peut imaginer les moyens utilisés, dans ce monde où tout s’achète. Caricatural, le royaume wahabite n’est pourtant pas isolé : Texaco, Shell, Amoco, BP et compagnie – c’est le cas de le dire – sont allés jusqu’à créer une organisation spéciale, Global Climate Coalition, pour défendre le intérêts de la boutique.

Le malheur, c’est que tous les gouvernements, peu ou prou, sont d’accord avec les boutiquiers. Le nôtre n’a guère besoin d’aller à Berlin, car il a déjà fait connaître sa position.Un seul exemple : le transport par poids lourds produit cinq fois plus de CO2 au km que par train. Dans la vallée d’Aspe, il y a une voie de chemin de fer, inutilisée depuis 25 ans. Il y aura demain un tunnel, pour y faire passer les 38 tonnes. Quand viendront les tempêtes climatiques, Chirac, ou Balladur, ou encore Jospin nous trouveront bien une solution. Un parapluie, peut-être ?

Planète sans visa rouvre ses portes

L’événement est du genre mineur, mais enfin, c’est comme ça : je reprends du service. Moi, Fabrice Nicolino, qui ai créé en septembre 2007, il y a plus de douze ans, Planète sans visa. Depuis cette date – je n’ai pas compté -, j’ai écrit et publié ici environ 1500 articles, tous disponibles. Ce que j’ai dans la tête n’a rien d’un secret. Il suffit de se référer à cette déclaration d’intention, en date du 27 août 2007.

Pourquoi s’y mettre à nouveau ? Parce que. Parce que, comme tant d’autres, je suis confiné et que ces circonstances amènent fatalement à penser un peu. Si j’en ai le goût, si j’en trouve le temps, j’écrirai ici un journal incertain, irrégulier et sincère sur ces jours d’agonie d’un monde détestable. Notons dès avant cela que Planète sans visa annonce audacieusement à son frontispice : une autre façon de voir la même chose.

Ce premier épisode concerne tous les êtres vivants, humains compris. J’éprouve depuis le départ une gêne à observer ce qui est si visiblement une épidémie de riches. Attention ! je ne souhaite pas aggraver mon cas, car je sais que ce que nous vivons est une très lourde épreuve. J’éprouve une compassion que je crois sincère pour les milliers de malades de France, les centaines de milliers de malades ailleurs. Et ne parlons pas des morts qui partent à la fosse seuls, sans même que leurs amis aient pu les accompagner. L’épouse de l’un de mes frères a dû accepter la crémation d’un proche à l’étranger, sans pouvoir faire le voyage. Bref, inutile de me chercher sur ce terrain : je sais combien tout cela est triste, douloureux, funèbre.

Je sais aussi que notre monde malade du Nord se contrefout, en règle si générale, du sort des autres. Le choléra, oublié ici depuis le 19ème siècle, tue chaque année 100 000 humains, dont chacun vaut bien la peau de chacun de nous. Faut-il rappeler la dernière phrase d’un texte célèbre ? « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui.» Dans ce même temps, 272 000 enfants de moins de cinq ans meurent du paludisme. 650 000 de la grippe, et pas que des petits vieux. 770 000 du sida, malgré la trithérapie. Autour de deux millions de gosses boivent une eau contaminée, eux-mêmes vivant au milieu de 1,6 milliard d’humains sans accès sécurisé à une eau de qualité. 96 millions sont frappés par la dengue. 800 millions sont des affamés chroniques et 9 millions en meurent. Mais deux milliards d’adultes sont en surpoids, dont 650 millions d’obèses. 140 millions seront réfugiés climatiques dans leur propre pays en 2050, selon la Banque mondiale. Ou peut-être 250 millions, comme le craint l’ONU. À moins qu’ils ne soient un milliard, selon d’autres sources.

Est-ce assez ? Cela ne le sera jamais. En quarante ans, 60% des populations d’animaux sauvages ont disparu et le rythme s’accélère. Voilà qu’on s’en prend – et peut-être y a-t-il une part de vrai – au pangolin et à la chauve-souris, accusés d’avoir propagé le coronavirus. Il y a près de 25 ans, la grippe aviaire avait été l’occasion d’un fantastique déni mondial. On accusait les oiseaux sauvages, ces salauds, de transporter le virus dans le monde entier, avant de s’interroger sur les routes majeures de la propagation, qui étaient celles du transport d’animaux de l’élevage industriel.

Qu’en sera-t-il demain ? Savez-vous qu’en Chine, d’où tout est parti, on lance des fermes de 100 000 vaches à la frontière avec la Mongolie ? Que l’on élève des porcs dans des immeubles spécialement conçus pour en accueillir des milliers ? Que la peste porcine africaine (PPA) a peut-être tué au moment où j’écris – le pouvoir totalitaire le conteste -, 200 millions d’animaux ? Que la Chine toujours, pensant mieux se protéger du fléau, élève désormais des porcs géants, aussi lourds que des ours ?

Or, il pourrait y avoir 10 milliards d’humains sur terre en 2050. Qui les nourrira ? Selon l’Atlas mondial de la désertification, 20% de la surface végétale a subi un déclin de sa productivité agricole. Maria-Helena Semedo, directrice générale adjointe de la FAO : « Si nous n’agissons pas maintenant, plus de 90 % des sols de la surface de la terre pourraient se dégrader d’ici 2050 ». Il faut entre 200 ans et plusieurs millénaires pour obtenir un centimètre de sol.

Pourquoi vous asséner ces chiffres implacables ? Parce qu’ils sont implacables. Ils sont le cadre, la contrainte, le paradigme dans lequel tout doit être repensé radicalement. Telle est la base morale et pour tout dire raisonnable de tout discours politique en ce mois de mars 2020. La crise terrible du coronavirus doit être considérée, Dieu sait. Mais en sachant ce que nous avons sous les pieds. Les innombrables pantins et paltoquets qui nous ont conduits là ne nous sortiront pas de ce cauchemar. C’est l’heure des vaillants. Sortez de la paille, descendez des collines.

Méfiez-vous de tous

Encore un appel solennel à la révolte ? On ne se refait pas. Ce samedi soir, pas davantage qu’hier ou le mois dernier, je rumine. L’autre jour, passant à la gare du Mans, j’y ai vu le maire actuel, Stéphane Le Foll, donner une interview à Europe 1 sur le parvis. Je n’ai pas écouté, mais j’ai lu ce qu’il paraît penser sur le Nouvel Obs en juin. D’abord, rigolons gaiement : le porte-serviettes inusable de Hollande – il a été sa carpette de salon pendant 20 ans au siège du parti, rue de Solferino, puis ministre de l’Agriculture – y déclare que non, il n’est plus « hollandais ». Il a donc été « hollandais », c’est-à-dire rien, sans l’ombre d’une idée sur quoi que ce soit. Je rappelle que sur Planète sans visa, le 19 septembre 2010, j’ai écrit ceci :

« J’ai eu la curiosité malsaine d’aller jeter un regard sur le blog (ici) de François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste entre 1997 et 2008, date de l’arrivée de Martine Aubry à ce poste. Hallucinant reste un faible mot pour décrire mon sentiment. Ce machin est lamentable de la première ligne à la dernière image (il y en a beaucoup, évidemment). Si vous en avez le temps et le courage, tapez donc sur le moteur interne de recherche des mots comme écologie ou biodiversité. Vous ne serez pas déçu de ce court voyage. Hollande n’est au courant de rien. Cet homme de 56 ans – ce n’est pas le perdreau de l’année – aura donc passé au moins trente ans à faire de la politique sans se rendre compte que la vie sur terre, et donc l’avenir des sociétés humaines, et donc celui des désolants politiciens dans son genre, étaient désormais en question. Il ne sait foutre rien. Et il a commandé le principal parti de la gauche pendant onze années ».

Or donc, Le Foll a servi ce drôle qui espère, pauvre chou, revenir en politique. Demain, l’immense duel Sarkozy-Hollande ? Je galège, bien entendu, car tout de même, non. Il est nel et bien notre passé stérile. Mais Le Foll, qui n’a jamais que 59 ans, est enfin réveillé. Il en tient désormais pour la « social-écologie » et même la « croissance sûre ». Cette expression, Le Foll est allé la trouver dans la Bible de l’entourloupe, qui aura permis de lancer dans l’arène planétaire le si funeste « développement durable ». Elle est dans le rapport Brundland, du nom de la Première ministre norvégienne de la date de publication, 1987. Or un homme a joué un rôle-clé dans sa rédaction, le Canadien Maurice Strong. Vous pouvez en savoir beaucoup plus en cliquant ici-même.

En tout cas, Le Foll découvre ce si beau rapport 32 ans après son apparition, qui a tant aidé à la destruction continuée du monde. Ce pourrait être drôle, c’est sinistre. Du temps qu’il était ministre de l’Agriculture – 16 mai 2012-10 mai 2017 -, Le Foll aura évoqué de temps à autre l’agroécologie, mais surtout tapé la carton du matin au soir avec la FNSEA et bien entendu couvert la farce hénaurme du plan Ecophyto, censé réduire l’usage des pesticides tandis qu’il augmentait. Dis Stéphane, tu nous dis où sont passés les centaines de millions d’euros d’argent public du plan ?

N’insistons pas, car ils sont en réalité tous pareils. On voit même un Cazeneuve ces jours-ci – il est le dernier Premier ministre de Hollande – tenter de faire croire qu’il pourrait se présenter en 2022 à la présidentielle. Mais pourquoi pas ? Ces gens nous ont habitués à tout, jusqu’à faire semblant de croire – derrière Mitterrand – que le parti socialiste entendait terrasser le « système capitaliste ». D’eux tous et en bloc, oubliez, et tournez le regard.

Faut-il vous parler des anciens staliniens ? Je ne suis même pas sûr. Eux aussi, dépourvus de la moindre idée en propre, ils ne savent plus où ils habitent, ces pauvres gens. Oublions même l’époque glorieuse où ces salopards vantaient l’atome – les plus dégueulasses, à l’époque de Maville 1977, c’était eux, et Marchais en 1980 vantait encore la centrale nucléaire de Plogoff en projet -, les grands travaux, la chimie de synthèse, l’Union soviétique. Il paraît qu’ils ont changé. La preuve par Braouezec Patrick, ancien ponte de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). En 2010, ce glorieux apparatchik quitte le PCF pour créer une très improbable Fédération pour une alternative sociale et écologique ou Fase – comme c’est astucieux -, car le monsieur est devenu écologiste. Très.

En 2012, en compagnie du ministre de la Ville de Sarkozy Maurice Leroy – vendu depuis à Poutine, il y fait du lobbying, mais oui, pour le Grand Moscou -, il signe un label d’excellence au projet Europacity, cette bouse (lire ici) destinée à tuer 700 hectares de terres agricoles aux portes Paris. N’est-il pas le président en titre de Plaine Commune, la structure intercommunale du lieu ? En 2017, il reprend sa carte au PCF et surtout, car le vent a sérieusement tourné, il est devenu un opposant à Europacity. Très.

Je pourrais vous tenir des pages entières sur la décomposition accélérée des derniers anciens staliniens, car je vomis leur histoire en totalité. Croyez-moi, je connais cette tragédie comme bien peu. Ce n’est la preuve de rien, mais la garantie que je n’écris pas pour ne rien dire. Un mot sur Mélenchon ? Allez, pour la route. Avez-vous remarqué combien la question écologique, pourtant présentée – frauduleusement, selon moi – comme centrale il n’y a guère, paraît avoir disparu. Là encore, je pourrais me perdre dans le labyrinthe des fantaisies mélenchoniennes, et je rappelle aux oublieux qu’il existe en haut et à droite un petit moteur de recherche qui permet d’aller droit aux très nombreux articles que j’ai consacrés à un homme que je juge exécrable.

Ceci posé, quoi ? La droite, Macron compris. J’ai si peu à voir avec eux, leurs idées, leurs fantasmes, leurs réalités, que je me sens tout dépourvu pour parler d’eux. Notez que je l’ai déjà tant fait. Voyez donc le cas Macron tel que je l’ai décrit ici et . Quant à ceux du Rassemblement national, j’ai également assez dit ce que j’en pensais. Je les conchie et les maudis.

Que reste-t-il ? Ceux qui se réclament de l’écologie politique. Comme si l’écologie pouvait être autrement que politique, pour un humain en tout cas. Je n’ai guère le cœur d’insister ce jour sur cette génération qui s’est tant vautrée dans le cirque politico-médiatique. Tout de même ! Qui demande le moindre compte à Dominique Voynet et Yves Cochet, ministres de Jospin pendant son quinquennat de Premier ministre entre 1997 et 2002 ? Qui ? Les deux pouvaient et devaient – n’était-ce pas une injonction absolue ? – se battre contre le dérèglement climatique. L’ont-ils fait ? Non. Ils avaient trop envie de leur petit trajet sous les lumières de leur monde. Suis-je en colère contre eux ? Pas qu’un peu, beaucoup. Voynet a siégé près de trois ans au conseil des ministres en compagnie du criminel climatosceptique Claude Allègre. Sans moufter jamais. Et Cochet qui a pris sa suite en 2001, après le départ d’Allègre il est vrai, qu’aura-t-il tenté ? Rien non plus. Honte éternelle.

Ne croyez surtout pas que le silence régnait sur les faits. Le journal Politis, dont je faisais partie – ô combien – était lu tant par Voynet que par Cochet. Cet hebdo était tenu comme l’ami des Verts, ce que moi-même je n’ai jamais été. Eh bien, Politis consacrait sa couverture et un dense dossier au Grand flip climatique dès février 1989. Huit ans avant que Voynet n’entre au gouvernement ! Moi qui vous écris, j’ai constamment bataillé dans ces années-là, exprimant avec force dans mes articles publics, lus pourtant par la chefferie verte, que la crise climatique était la mère de toutes les batailles humaines.

Et j’ai attaqué publiquement Allègre dès le 4 décembre 1997 – in Politis – et récidivé tant de fois que je n’en ai pas le nombre. Les faits étaient sur la table et ces gens – Voynet, Cochet et toutes leurs troupes maigrelettes – s’en sont foutu. Voilà la vérité. Le 12 novembre 1998, il y aura bientôt 21 ans, j’écrivais : « Il n’y a pourtant aucun doute : sans le dynamitage de nos modes de vie, la température de notre globe augmentera irrésistiblement. On ne peut pas demander aux Français de consommer massivement – la croissance, la croissance ! – et défendre les grands équilibres écologiques. Du point de vue de Gaïa, il n’y a aucune différence entre Jospin et Chirac ».

Comme la génération socialiste de 1981, ridiculement couchée au pied de son maître et seigneur Mitterrand, celle des écolos – mot que j’abhorre fort justement – a montré qu’elle était incapable d’honorer le moindre engagement sérieux contre la crise écologique planétaire. Yannick Jadot, s’il voulait conquérir un peu d’un espace politique véritable, commencerait par interroger le passé de son parti. Car ce n’est pas dans l’aveuglement que l’on avance, mais dans la clarté du jour. Embourbé comme le furent les autres, il ne le fera pas, je le parie ici. Et son règne provisoire s’achèvera sans qu’aucune question fondamentale n’ait été posée. Les Verts, 34 ans d’histoire et de folles défaites, et pas une seule explication.

Vous me trouvez dur ? Eh bien, c’est ainsi que je suis et ce n’est plus l’heure de changer. Je l’ai écrit dix, peut-être cent fois : nous devons inventer des formes politiques neuves, adaptées aux défis que nous connaissons. Tous ceux qui rament aux côtés des barques et galères du passé perdent leur temps, et le nôtre. Avons-nous encore assez d’énergie ? Voulons-nous vraiment combattre les monstres qui nous assaillent ? Voilà à quoi devrait passer le mois d’août des gens studieux.

Didier Guillaume est-il un bouffon ?


Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, est-il un bouffon ? Je sais qu’il faut faire attention à l’usage des mots et comme celui-là est tout chargé de sens divers, je crois que je vais sagement vous demander de répondre. Qu’est-ce qu’un bouffon ? L’affaire remonte à loin. Le Momos de la Grèce antique – Mỗmos signifie raillerie – était un dieu prétendument mineur, lié familialement, inextricablement à Thanatos, la mort et à Hypnos, le Grand sommeil. Dormir, mourir, la piste paraît intéressante.

Le mot lui-même nous vient de l’italien buffone, tiré d’une onomatopée qui indique le gonflement des joues. Monsieur Didier Guillaume, toutes joues dilatées. Bien plus tard, le grand Erasme consacra des pages puissantes au bouffon, devenu inséparable de la plupart des cours européennes. Avec des notations qui n’ont pas vieilli, comme celle-ci : «  C’est un fait, les rois détestent la vérité ».  Et cette autre : « Les bouffons, eux, procurent ce que les princes recherchent partout et à tout prix : l’amusement, le sourire, l’éclat de rire, le plaisir ». Se pourrait-il ?

Monsieur Guillaume, de passage au Salon de l’Agriculture le 25 février 2019, a apposé sa signature ministérielle sur le « préambule » d’un « contrat de solutions » imaginé par la FNSEA, le grand « syndicat » de l’agriculture industrielle. Le texte, assez lourdaud, affirme nécessaire « la sortie [du glyphosate] pour une majorité d’usages pour lesquels il existe des alternatives accessibles et viables d’ici fin 2020 ». Dans le détail de 100 pages que je suis allé regarder (fnsea.fr/wp-content/uploads/2018/09/Contrat-de-Solution.pdf), on trouve également cet engagement rigoureusement sic : « Réduire fortement les herbicides et se passer à moyen terme de glyphosate dans une majorité de situation sans perte de revenu ». Il me semble moi que chaque mot compte. Réduire. Moyen terme. Majorité de situations. Sans perte de revenu.

Momos, l’éternel retour ? En 1993 surgit des limbes un petit nouveau, le Forum pour une agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement, ou FARRE. Son adresse ? 2 rue Denfert-Rochereau, à Boulogne Billancourt. La même, un peu plus tard, que celle de l’UIPP, qui regroupe toute l’industrie des pesticides en France. Faux-nez de l’agrochimie, FARRE va réunir des chambres d’agriculture, la FNSEA bien sûr, Bayer, Monsanto, BASF, l’UIPP. Commence la saison enchantée de la propagande. On présente aux gogos des fermes Potemkine (1) – chez les époux Blaisiot, le lisier de porc n’a plus d’odeur -, on adresse à des centaines de journalistes des invitations à la campagne.

En 2001, la FNSEA en congrès vote une motion de soutien à l’agriculture « raisonnée » et envisage un nouveau contrat avec la société. Mais attention, « la mise en cause des agriculteurs et de leurs méthodes de production se révèle par les procès d’intention systématiques dressés à leur encontre ». Comme en 2019 ? Comme en 2019. Le gras est dans le texte d’origine.

Parle-t-on encore d’agriculture raisonnée ? Non. A-t-elle donné le moindre résultat ? Non. Vint ensuite le funeste Grenelle de l’Environnement de septembre 2007. Notre merveilleux Nicolas Sarkozy y avait promis une réduction de l’usage des pesticides de 50 % en dix ans, mais nos amis de la FNSEA,  codécisionnaires en toute chose, étaient alors parvenus à faire rajouter : « si c’est possible ».

Et cela ne fut pas possible. Malgré les centaines de millions d’euros jetés au vent par le Plan Ecophyto et la réapparition de fermes Potemkine, la consommation de pesticides n’a pas baissé. Elle a au contraire augmenté de plus de 20 %. Mais c’est avec ces gens-là que monsieur Guillaume vient d’engager notre responsabilité à tous. Le ministre est-il un bouffon ? D’un côté, il apporte en effet aux puissants – merci Erasme – beaucoup de plaisir.

Mais du rire ? Eh bien, je crois que oui. Chacun sait qu’on peut rire aux éclats au cours d’un enterrement – je l’ai fait -, ou lorsqu’on découvre une maladie grave, un accident, et ne parlons pas de la chute d’un inconnu sur un trottoir. Monsieur Guillaume n’a pas l’air très marrant, c’est vrai. Mais son comique, très proche de celui de l’impassible Buster Keaton, a quelque chose de génial. Une chose est certaine : Buster Keaton n’était pas un bouffon.

(1) Depuis le règne de Catherine II de Russie, on parle de villages Potemkine en carton-pâte, destinés à cacher la misère paysanne.

Comme le flagrant délit est douloureux

Ainsi que vous ne savez peut-être pas, Macron s’est comme on dit piteusement “écrasé”. Le journal Le Monde indique contre l’évidence même qu’on aurait mal compris le président à propos de la cancérogénicité du chlordécone (voir l’article précédent ici). Selon des sources élyséennes écœurantes, « Le président n’a jamais dit que le chlordécone n’était pas cancérigène. Quand il dit : “Il ne faut pas dire que c’est cancérigène”, c’est une façon de dire : “On ne peut pas se contenter de dire que c’est cancérigène, il faut aussi agir.” »

C’est si piteux que, si j’étais charitable, je plaindrais Macron. Mais je préfère garder mes sentiments les meilleurs pour les innombrables victimes des pesticides. Celles des Antilles, celles de partout, car on en compte des millions.