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Madame Duflot envoie des fleurs à Nicolas Hulot

Bien entendu, il y aurait de quoi rire, malgré les pleurs de certains. Mais je ne veux pas, exceptionnellement, paraître plus dur que je ne suis. Donc, Hulot a été ratatiné au cours de la primaire l’opposant à Eva Joly pour la désignation d’un candidat écologiste à la prochaine élection présidentielle. Je ne veux pas rire, bien que l’envie ne soit pas bien loin. Je vous avoue que je me contrefous totalement de cette histoire. Qui ne montre jamais qu’une chose : la crise écologique est moins importante que le destin électoral de toutes ces braves personnes. De vote en vote, sans que rien ne se passe jamais, les « écologistes » officiels usent leur énergie dans le subalterne le plus quelconque.

Asi son las cosas. Ainsi va la vie, et je n’y puis rien. Je note tout de même une grosse imbécillité prononcée il y a quelques minutes par madame Cécile Duflot, qui représente, comme chacun le sait, Europe-Écologie-Les Verts. Elle a déclaré à l’attention de Hulot : « Quelles que soient les embûches, Nicolas, tu fais désormais et pour toujours partie de notre famille ». Pour qui sait à peu près lire, cela signifie que Nicolas Hulot est l’équivalent écolo de ces satrapes qui s’entredécorent pour une bien incertaine éternité. Une preuve, s’il en fallait une, qu’il y a écologiste et écologiste. Pour ma part, je ne fais ni ne ferai jamais partie de cette famille-là. Vous faites ce que vous voulez, mais pour moi, c’est non.

La suite au prochain épisode (DSK)

Jean-Christophe Cambadélis. Je ne vais pas m’étendre. Voilà un homme qui a passé quinze années de sa vie dans une secte politique épouvantable, qui utilisait les pires méthodes, y compris la violence physique, pour imposer ses vues. Je veux parler de l’Organisation communiste internationaliste (OCI), dirigée dans des conditions inouïes par le mentor de Cambadélis, le défunt Pierre Lambert. Un tel parcours, et ce qui a suivi d’ailleurs, devrait rendre prudent tout être humain.

Je lis ce 4 juillet 2011 le texte d’un entretien de ce Cambadélis donné à Europe 1 : ici. Ce monsieur attaque bille en tête Tristane Banon, qui devrait déposer plainte demain contre DSK, pour tentative de viol. Le ton, l’extrême mépris de la personne, la désinvolture désignent Cambadélis comme un type infréquentable, insupportable. Mais voilà : c’est un  ponte socialiste. Et du coup, la question change du tout au tout. Quelle est cette société qui accepte d’être représentée par de tels individus ? Quel est ce monde, qui juge un tel personnage digne de siéger à la tête d’un parti dominant de la scène politique française ? Je crois que ce simple fait en dit très long sur nos limites collectives. Un Cambadélis devrait être déchu. Il triomphe. Il ricane. Il insulte toute conception morale de la politique.

Les foutriquets de l’affaire DSK

Un mot sur les extraordinaires suites de l’affaire DSK, certes éloignée de la crise écologique, objet de Planète sans visa. Ce que j’entends, ce que je lis, me dégoûte profondément. Le soulagement de tous ces chroniqueurs, de tous ces politiciens professionnels me répugne, purement et simplement. La présomption d’innocence dont ils se ceignent le front avec tant d’impudence, que ne la clament-ils quand il s’agit de pauvres ? Quand il s’agit de dominés, d’écrasés, de victimes de leur monde ?

Certes, je ne sais rien de ce qui s’est passé dans cette chambre d’hôtel. Mais eux non plus, qui triomphent pourtant. La femme de chambre guinéenne, Nafissatou Diallo, a semble-t-il triché sur plusieurs points et noué des liens avec des trafiquants de marijuana. Elle aurait donc, du même coup, tout inventé. Pas d’agression, pas de viol, un pur et simple montage. On a des copains truands, on a raconté des craques à la flicaille des États-Unis, et l’on n’est donc qu’une embrouilleuse, qui a fatalement menti sur le reste. Variante implicite et pourtant audible chez quelques salauds : violer une telle femme ne serait plus si grave que cela. On en est à se demander si DSK va se présenter à la présidentielle !

Eh bien, deux choses. Aux États-Unis bien sûr – voir l’histoire du clan Kennedy, et de tant d’autres -, en France évidemment – penser à l’histoire des dynasties industrielles entre 1820 et 1940 -, ailleurs également, l’argent et le pouvoir sont venus par le crime. Les puissants d’aujourd’hui sont les crapules d’hier. Aussi bien, s’en prendre à une émigrée guinéenne venue du fond de l’Afrique au motif qu’elle connaît des grossistes d’herbe me fait doucettement rigoler. Les leurs, ceux de leur lignée, ceux qui sont derrière tous ces putains de commentateurs, ont fait mille fois pire, et continuent. Et continueront. Les actionnaires de la Shell sont-ils pendus en place publique pour avoir pourri depuis cinquante ans le pays des peuples du delta du Niger ? Ne sont-ils pas, au contraire, fêtés comme des héros dans les pages saumon du Figaro ?

C’était la première chose. Et voilà la seconde. DSK n’a peut-être pas violé cette femme. Ou si. À ce stade, nul ne peut rien dire de sérieux. En revanche, il est davantage que probable qu’il y a eu une relation sexuelle – consentie ou non – dans cette chambre d’hôtel. Un nouvel adultère, donc, qui n’est pas une affaire morale, mais bel et bien politique. Car redescendons sur terre. Des éléments concrets  – l’affaire Tristane Banon, celle de l’économiste hongroise du FMI, des confidences concordantes sur « DSK et les femmes » – montrent que notre grand homme politique a des pulsions aussi terribles que constantes. Laissons de côté, pour l’occasion, ce que cela révèle de sa personne, et regardons la chose de manière froide : un pays peut-il élire à sa tête un tel homme ?

Voyons. Peut-ont faire confiance à quelqu’un capable de risquer sa réputation en trompant sa femme dans une chambre de palace avec l’employée venue faire le ménage ? Un tel comportement place perpétuellement sous la menace du chantage et du scandale, c’est l’évidence même. Et entraîne fatalement, ne fût-ce que pour dissimuler les faits, au mensonge quasi-permanent. Encore une fois, ce n’est pas en l’occurrence moral, mais politique. Les responsables qui sont tout prêts à redonner les clés de la campagne électorale à ce type-là ne sont pas seulement des irresponsables. Ils révèlent une fois de plus ce qu’ils ont toujours été : des aventuriers de la vie publique. Des gens qui ne songent au bien commun que par extraordinaire ou raccroc. De purs et simples foutriquets. Et ils sont nombreux.

Ce que sont les siècles pour la mer*

J’ai déjà écrit, ici ou ailleurs, et tant de fois, que la crise actuelle des océans – d’où nous venons tous – dépasse l’entendement humain. Nos ressources intellectuelles sont faibles, quoi qu’en pensent les paons, si nombreux où que l’on se tourne. J’ai dit, écrit, et par-dessus tout pensé que le désastre des eaux sous-marines est de nature biblique, en ce qu’il sépare un avant impensé et un après impensable. L’état des mers révèle, comme aucune autre crise actuelle, où nous en sommes réellement. Des chaînes trophiques, des équilibres stables depuis des millions d’années se rompent sous nos yeux d’humains, dont la vie est si brève.

Millions ou dizaines de millions. Un groupe de scientifiques de haut niveau vient de compiler pour nous de nombreuses études. L’océan mondial paraît être sur le point de basculer, en quelques années, dans une crise d’extinction de la vie comme il n’en a pas connu depuis 55 millions d’années. L’acidification – par l’explosion des émissions de carbone -, la pêche industrielle évidemment, les massives pollutions charriées par les fleuves, qui créent des zones d’anoxie – absence d’oxygène – de millions de km2, tout cela forme un tout atterrant.Vous lirez le résumé de tout cela ici.

Je n’ai cessé de radoter, en particulier sur Planète sans visa, la même chose : c’est à cette aune-là, et à aucune autre, qu’il faut comprendre le monde, et juger ses acteurs principaux. Le reste n’est que bullshit. J’ai vu plusieurs commentaires concernant Hulot ou Europe-Écologie, qui montrent bien la distance qui me sépare même de certains lecteurs pourtant fidèles. Eh bien, j’en prends évidemment mon parti. Hulot, Joly et tant d’autres, sans compter les ridicules de droite ou de gauche qui dansent et rient sur le pont du Titanic, je ne les supporte plus. C’est un fait que je dois bien assumer : je ne marche plus du tout et ne marcherai plus jamais. J’espère qu’au moins cela sera compris. Hulot, pour ne prendre que cet exemple, est de nouveau en train, après son fameux Pacte et son piteux Grenelle, de nous faire perdre ce que nous n’avons plus : du temps. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qu’il incarne, je dois avouer que je lui en veux.

Arrêtons une seconde, une minute peut-être, de nous raconter des salades. Nous ne sommes pas sur une voie possible. Nous accompagnons le désastre en sifflotant. Et ceux qui voteront siffloteront un peu plus fort que les autres.

* Ce titre est inspiré d’un livre ancien, Que sont les siècles pour la mer. Beau titre, pour un auteur qui n’est pas de mon goût : Max Gallo.

Le barrage brésilien qui fait pleurer Hulot (dans Charlie)

Peut-être finira-t-on par croire que je déteste Nicolas Hulot. Eh bien non, je ne le déteste pas. Il était à sa place – il en faut bien une, n’est-ce pas ? – sur TF1, dans son rôle de commandant Cousteau des années 2000 et 2010. Il n’est évidemment pas à la sienne dans cette élection présidentielle. Ce qui ne signifie surtout pas que je lui préfère Éva Joly. Comme j’ai pu le dire, comme je le répète, cette mise en scène est une perte de temps radicale, qui correspond fort bien, il est vrai, à la nature réelle d’Europe-Écologie-Les Verts.

Jusqu’ici, Hulot diffusait des images et portait des messages simples, mais clairs, à des millions de personnes. Et le voilà qui entend représenter ce qui le dépasse de cent coudées, et davantage même. Non qu’il soit plus bête qu’un autre. Simplement, il ne sait pas, et vraisemblablement ne saura jamais ce qu’est une société. De quoi elle est faite. De ce qui peut, très éventuellement, la faire changer. Comme, à cinquante-cinq ans, il n’a encore jamais pointé aucune cause structurelle du désordre général – par exemple, l’existence de transnationales plus puissantes que les États -, on peut penser, et craindre, qu’il ne le fera jamais. Pour ma part, il est évident que je ne lui donnerai jamais ma voix. Mais chacun fait ce qu’il veut, c’est entendu.

Je vous glisse ci-dessous l’article publié dans Charlie-Hebdo de cette semaine, en vente jusqu’à mardi. Oui, il est de moi, comme on peut s’en douter.

Le barrage brésilien qui fait pleurer Hulot

Si tous les gars du monde voulaient bien se donner la main, Hulot serait vachement content, mais comme ils se foutent sur la gueule, ça le rend bien malheureux. Mettons-nous à sa place. Sur terre, la vie n’est pas gaie. D’autant qu’on ne sait jamais qui est responsable. Le capitalisme ? « Je ne suis pas quelqu’un qui juge », répond Hulot, qui ajoute gentiment : « Je parle sans haine, car je ne suis pas favorable à la lutte des classes (1) ». Sarkozy ? « Être antisarkozyste, ça ne m’intéresse pas, je ne le serai pas (2) ».

Mais comme c’est un grand cœur, quand il voit le chef indien du Brésil Raoni pleurer, il craque : « La construction de ce barrage, ça me rend fou (3) ». Quel barrage ? Mais celui qui fait chialer Raoni, celui qui va noyer les terres ancestrales de son peuple et détruire la forêt, celui de Belo Monte. On dira ce qu’on voudra de la technique, mais là, chapeau bas aux artistes. En pleine jungle infestée d’araignées, de serpents, de moustiques et d’Indiens cracheurs de curare, il faut le faire. La bête produira à terme 10 % de l’électricité du Brésil, et pourra du coup servir à extraire de la bauxite non loin de là, ce qui repoussera plus loin les Indiens au curare, et permettra de produire de l’aluminium grâce à quoi l’on pourra boire de la bière proprement dans des canettes. Mes aïeux, le progrès est une chose merveilleuse.

Bon, il est vrai qu’avec l’autre complexe Altamira-Babaquara, 6140 km2 seront inondés. Soit la moitié de l’Île-de-France, région qui abrite chez nous presque 12 millions d’habitants. Charlie espère vivement que l’on pourra faire du pédalo, de la voile et de la plongée, car ce serait trop bête de rater une occasion pareille. Sur ce plan-là, la France est bien placée, car figurez-vous que notre champion Alstom est dans le coup. La boîte de Belfort que défendait avec ses petits bras Chevènement est devenue un « leader mondial de l’hydroélectricité » et a signé en février dernier un contrat de 500 millions d’euros pour le chantier de Belo Monte. Alstom fournira une bonne part des turbines géantes, ce qui donnera tant de travail chez nous que c’en est un bonheur.

Mais revenons à Nicolas Hulot. Le barrage le rend fou. On s’apprête à le retenir – un geste violent est si vite arrivé -, mais notre écologiste planétaire est en vérité placide. « On doit se mobiliser, il en va du sort de l’humanité tout entière », insiste Hulot, sans rien proposer du tout. Le premier imbécile venu penserait aussitôt à une action contre Alstom, mais Hulot est plus malin, se contentant d’attaquer la méchanceté du monde. D’ailleurs, Alstom n’a-t-il pas un partenariat stratégique avec Bouygues, donc TF1, depuis 2006 ? Bouygues ne possède-t-il pas 21% du capital d’Alstom ?  TF1 n’est-elle pas, par hasard, l’entreprise reine de Nicolas ? Si.

Le Brésil de la présidente « de gauche » Dima Roussef est une sorte de Chine des Amériques, qui entend bien bouffer l’Amazonie entière, en attendant mieux. Ces dernières semaines, quatre paysans dans la tradition de Chico Mendes et de la sœur Dorothy Stang, dont Jose Claudio Ribeiro da Silva et sa femme, ont été butés pour avoir tenté de protéger la grande forêt. Pendant ce temps, le gouvernement de Brasilia modifiait le Code forestier de 1965, qui ouvre la voie à une déforestation massive.

Au Brésil encore, un autre barrage, celui de Jirau, est en construction sur la rivière Madeira, à la frontière du Pérou et de la Bolivie. Mauvais coucheurs, l’écrivain Le Clézio et le directeur de Survival France Jean-Patrick Razon estiment que le barrage : « menace non seulement la diversité biologique et socioculturelle de la région, (…) mais aussi la survie même de certaines des dernières tribus isolées du monde (4) ».

Or, incroyable mais vrai, notre GDF-Suez à nous est le grand constructeur du barrage. Comme indiqué sur son site internet, le groupe est « un acteur de référence eu Brésil », installé depuis cinquante ans, au point d’être le premier producteur privé d’électricité du pays. Et voilà que ces idiots d’Indiens protestent eux aussi contre la destruction de leurs cases à toit de paille et de leurs flèches.

Ce serait une excellente occasion pour le grand Nicolas Hulot de démontrer au monde entier la vigueur de son engagement altermondialiste. Mais il y a problème. Un, GDF partage encore de nombreux intérêts avec EDF, partenaire de longue date de Hulot. Et deux, l’État Français est actionnaire de GDF-Suez à hauteur de 35 %. Hulot fera-t-il de la peine à Sarkozy et à ses si nombreux amis de l’industrie ? La suite dans Charlie, sans faute.

(1) Terraeco, mai 2011

(2) Le Monde, 6 mai 2011

(3) Le JDD, 4 juin 2001

(4) Le Monde, 7 avril 2010