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Monsieur Hollande et ses bons amis (le grand naufrage)

François Hollande est un homme politique dérisoire. Chacun a bien vu qu’il n’avait été élu que par défaut, grâce à la détestation de l’autre. Et maintenant qu’il est nu, ma foi, il est nu. Je dois dire que je n’ai pas même d’antipathie pour lui. J’imagine que, dans d’autres circonstances, j’aurais pu jouer au baby-foot avec lui, activité de bistrot où j’ai longtemps excellé, soit dit sans me vanter. Ajoutons qu’il est moins drôle dans son rôle de petit flic de la croissance. Ce jour est à marquer d’une pierre noire, car la soldatesque est à nouveau intervenue contre les Braves de Notre-Dame-des-Landes. Si les écologistes officiels – des ONG jusqu’au parti Europe-Écologie-Les-Verts – étaient autre chose que des plaisantins sinistres, il est bien évident que des routes seraient partout barrées, et pas seulement dans la région concernée. Aucun ne semble avoir même eu l’idée d’une vaste manifestation nationale à Nantes, qui aurait été le minimum. C’est très con, car c’est vain, mais j’ai honte pour eux.

Revenons à Hollande. Il n’y a rien à attendre de lui pour des raisons multiples. La principale est que la nature et ses crises empilées ne fait pas partie de ses préoccupations. Ni le vaste monde et ses épouvantables contradictions, ni la famine pourtant omniprésente, ni l’immense désastre chinois, dont nous sommes pour le moins coresponsables. Et ne parlons pas, car à ce stade, c’est dépourvu de sens, du sort du loup, de l’ours et du lynx, animaux qui nous font l’immense honneur de cohabiter avec nous sur le territoire qu’ils appellent la France. Il n’y a rien à attendre de Hollande et de sa bande de clampins, et il convient de faire une croix sur ce quinquennat, du moins du point de vue qui est le mien, qui est la défense de la vie sur Terre.

Tous les lecteurs de Planète sans visa n’en sont pas convaincus, de loin. Et c’est aux dubitatifs que je dédie ce qui suit. Le Monde d’avant-hier a publié une série d’articles intéressants sur « Les hommes du Président ». On pénètre, non sans quelque appréhension, dans les coulisses des innombrables réunions où sont calées les grandes décisions. Je vous mettrai ci-dessous les textes eux-mêmes, en espérant que Le Monde ne m’en voudra pas trop. De la sorte, et en conscience, vous pourrez juger le tout à votre goût, y compris mon point de vue.

Mais voyons. Dans la garde très rapprochée de Hollande ne figurent guère que des énarques, dont beaucoup ont suivi les cours de cette grande école – l’ENA – en même temps que le président il y a plus de trente ans. Des fidèles, donc. Mais en même temps, quelle infernale pauvreté ! Une seule et même vision de problèmes pourtant assez complexes pour dérouter les meilleurs des intellectuels. Or ces gens ne sont pas les meilleurs intellectuels de la place, de fort loin. La décision publique est en réalité concentrée entre les mains d’aveugles et de mal-entendants. Qui ont si peu vécu, si peu entendu d’opinions discordantes qu’ils croient que leur formation lilliputienne les autorise à parler de tout. À trancher de tout. Une mention pour Aquilino Morelle, qui passe pour être la plume du Président. Il était le directeur de cabinet de Montebourg au moment des primaires socialistes précédant l’élection présidentielle. Il avait servi également Jospin à Matignon, en 1997. Le cas est intéressant : qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.

Évidemment, aucun n’a la moindre idée de l’existence d’une crise écologique planétaire qui est la question essentielle de notre époque. Évidemment. Nicolas Revel, secrétaire-général adjoint de l’Élysée, dispose de 11 conseillers pour lui tout seul. Ses tâches, telles que rapportées par Le Monde sont en effet immenses : « sa “feuille de route” des prochains mois : “Contrats de génération, sécurisation de l’emploi, mise en œuvre des outils opérationnels de la conférence environnementale”, sans oublier la préparation pour le début 2013 d’un projet de loi sur la décentralisation, un dossier qu’il suit également de près ». Je ne sais pas si vous me suivrez, mais j’ai un faible pour cette expression extra-terrestre : « mise en œuvre des outils opérationnels de la conférence environnementale ». Voilà un aveu si direct, si complet de la vérité profonde de ces personnes que c’est en est confondant. Voilà ce que pensent ces petites Excellences. Outils, opérationnels : il faut et il suffit de tirer l’échelle.

Le cas Macron confine au sublime. Emmanuel Macron a été choisi au milieu des mêmes pour servir au poste stratégique de secrétaire-général adjoint de l’Élysée. Il sait à peu près tout, décide de beaucoup, et comme la petite Cour élyséenne le désigne comme une sorte de Mozart de la politique – Joannes Chrysostomus Wolfgangus Theophilus, sache que je suis le premier désolé de cet absurde rapprochement -, il règne assurément. Or qui est-il ? Âgé de 34 ans seulement, Macron a déjà un pedigree qui en jette. Une grand-mère directrice d’école, des parents médecins, l’école chez les Jésuites, lauréat du Concours général de français à 16 ans, Prix de piano du conservatoire d’Amiens, l’ENA on s’en doute, inspecteur général des Finances, puis un titre dans le privé d’ associé-gérant chez Rothschild.

Banquier d’affaires, Macron a convaincu l’alors patron de Nestlé, Peter Brabeck, d’acheter la branche aliments du groupe Pfizer, pour la bagatelle de 12 milliards de dollars. Bien entendu, quantité de gens de droite, à commencer par le controversé François Pérol, à la fois ancien de chez Rothschild et ancien secrétaire général adjoint de Sarkozy à l’Elysée, le portent aux nues. Ajoutons pour faire bon poids que ce laudateur de l’industrie transnationale a été le le rapporteur adjoint de la fameuse Commission pour la libération de la croissance française. Oui, celle de Jacques Attali, l’immarcescible Attali, qui recommandait dans son rapport de 2008 de tout faire pour « libérer » la croissance française. Et d’accélérer donc la destruction de tout ce qui tient encore debout.

Eh bien, ce même Attali est celui-là même qui a présenté Macron à Hollande. Leur monde est si petit. Résumons mon propos : nul, dans l’entourage de Hollande, ne lui parlera jamais des limites physiques indépassables de la planète. Nul ne lui conseillera jamais de ne pas construire l’aéroport maudit de Notre-Dame-des-Landes. Nul n’évoquera jamais la Chine sous l’angle de l’inévitable catastrophe qu’elle annonce. Nul ne lui dira qu’il entrerait dans l’Histoire en interdisant d’un seul mouvement pesticides et biocarburants. Nul ne lui glissera de renoncer à tout jamais à l’exploitation de combustibles fossiles de notre sous-sol, en préalable à une authentique mobilisation contre le dérèglement climatique. Nul ne lui recommandera de dire cette évidence, pourtant, que la bagnole individuelle est une tragique impasse pour toute l’humanité, du nord au sud. La liste n’est pas limitative. Elle est précisément sans limites.

Le constat, froid malgré l’apparence, que Hollande et ses amis nous éloignent d’éventuelles solutions aux terribles problèmes de l’heure, ce constat a de nombreuses conséquences sur lesquelles je vous laisse réfléchir. Ces gens sont en tout cas, à mes yeux, détestables. Et je tiens au mot : détestables.

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Autour de François Hollande, un quintet plus technique que politique

LE MONDE | 27.10.2012 à 11h30 • Mis à jour le 27.10.2012 à 11h32

Par David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder

Aquilino Morelle, conseiller politique

Non, Aquilino Morelle n’a pas changé. « Je suis toujours le même, assure-t-il. J’ai les mêmes analyses, sensibilités, perceptions et défauts. » Directeur de campagne d’Arnaud Montebourg, sur l’aile gauche, pendant la primaire socialiste, « noniste avéré », le conseiller politique du président, 50 ans, dont la ligne politique n’est pas précisément celle-ci, exclut néanmoins de « travestir a pensée, faire des calculs » et juge « indispensable » de conserver une certaine liberté de ton. « La fonction n’a de valeur qu’à cette condition, sinon elle ne vaut rien, dit-il. Si un conseiller dont la vocation est de parler de politique avec le président ne peut pas dire librement ce qu’il pense d’une situation ou d’un projet, il ne sert à rien. »
Docteur en médecine et énarque, M. Morelle, qui n’a jamais réussi à se faire élire et se verrait volontiers ministre de la santé, se fait donc un devoir, lors de ses discussions quotidiennes avec le président, de n’éviter aucun sujet. Même les plus sensibles. « Il faut le faire avec tact et au bon moment, mais je n’ai pas le droit d’hésiter à dire quelque chose au président », explique-t-il.

Une franchise politique rendue possible, selon un autre conseiller de l’Elysée, par sa « proximité particulière » avec François Hollande, laquelle remonte à l’ère Lionel Jospin, dont M. Morelle fut la plume à Matignon. Outre le « conseil politique pur », les notes et les propositions, il consacre une bonne part de son temps, dans l’ancien bureau de Valéry Giscard d’Estaing et d’Henri Guaino à gauche de celui du président, à l’écriture des discours présidentiels, souvent jusqu’à une heure avancée de la nuit. Et à un « porte-parolat officieux », même s’il réfute le terme de story telling : « Je n’ai pas l’impression de raconter un récit, une histoire car il y a un côté raconter des histoires. Je réponds aux interrogations de la presse, j’essaie de l’aider à comprendre ce qu’il se passe. »

LE SUPER-RÉGALIEN

Sylvie Hubac, directrice de cabinet

Dans le top management de l’équipe présidentielle, c’est sans doute la plus discrète, celle qui évite le plus le contact avec les journalistes. Sylvie Hubac, 56 ans, directrice de cabinet de M. Hollande, n’en occupe pas moins une place essentielle dans le dispositif, qui s’est vue attribuer un « portefeuille plus large » que ses prédécesseurs, selon l’Elysée. Outre la gestion du palais, et notamment l’application des restrictions budgétaires, elle pilote les contacts du président avec les grandes institutions et supervise « un certain nombre de sujets régaliens », des questions judiciaires et policières au mariage pour tous.

Ce qui n’est pas allé sans quelques difficultés de frontière et « petits conflits territoriaux » avec le secrétaire général adjoint Nicolas Revel, notamment sur la décentralisation, selon un habitué de l’Elysée. Tous deux ont piloté de concert la réception des représentants des départements et des régions, et celle des présidents d’agglomérations, prévue mardi 30 octobre.

Enarque, issue comme François Hollande et Pierre-René Lemas de la promotion Voltaire de l’ENA, cette conseillère d’Etat considère sa tâche auprès du président de la République comme « l’aboutissement d’un engagement, le service d’un projet au plus haut niveau ». « C’est unique », ajoute Mme Hubac, mettant en avant une « exigence de réussite ». La directrice de cabinet du chef de l’Etat, ex-directrice nationale de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles et ancienne présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, manifeste un goût prononcé pour les spectacles et tente de continuer à y assister malgré son agenda, même si celui-ci la contraint souvent à n’arriver qu’à l’entracte.

LA « TOUR DE CONTRÔLE »

Pierre-René Lemas, secrétaire général

Il est « la tour de contrôle », comme le dit un des piliers de l’équipe. Celui qui « voit tout » et par qui « tout passe ». Le principe est simple : « il ne peut y avoir une note ou une information qui lui échappe ». Bras droit d’un président jaloux de sa liberté, Pierre-René Lemas, 61 ans, connaît trop bien François Hollande – ils étaient ensemble à l’ENA – pour savoir que celui-ci a aussi ses propres canaux. Mais lui veille à ce que la « machine » tourne efficacement, en y mettant la part de rondeur et la bonhomie qui le caractérise.

Décrit comme « très convivial » et « très facile », Pierre-René Lemas fait partie, comme Bernard Rullier, le conseiller parlementaire du président, de ceux que François Hollande a fait venir de chez Jean-Pierre Bel, le président du Sénat. Pierre-René Lemas en dirigeait le cabinet. Outre ses liens anciens avec le président, il a pour lui un parcours d’une grande diversité : un temps journaliste, passé par les cabinets de Gaston Defferre et de Pierre Joxe dans les années 1980, ce qui a achevé de faire de lui un décentralisateur convaincu, il a connu des moments délicats comme préfet en Corse, et connaît le coeur de l’appareil d’Etat pour avoir été directeur général de l’administration au ministère de l’intérieur de 2000 à 2003.

« C’est un fonctionnaire, mais ce n’est pas un technocrate. C’est un préfet, il connaît la réalité sociale, locale, syndicale. Il n’a pas une vision désincarnée des dossiers », constate l’un de ceux qui le côtoient chaque matin à la réunion qu’il préside dans son bureau d’angle du premier étage du palais de l’Elysée, où il est rare qu’il reçoive un visiteur sans lui demander, au bout de quelques brèves minutes, s’il l’autorise à allumer une cigarette.

LE SINOLOGUE

Paul Jean-Ortiz, sherpa

Il fait partie de ces hommes qui ne cherchent guère à en imposer. Réservé, sans goût pour l’épate, Paul Jean-Ortiz, 55 ans, n’a rien de ces diplomates de salon qui vous expliquent doctement la façon dont tourne le monde. Les journalistes en savent quelque chose : au 2, rue de l’Elysée, dans l’une des annexes du palais où se trouve la cellule diplomatique de la présidence de la République, les « briefings » qu’il tient avant les déplacements à l’étranger du président, parfois difficiles à suivre tant ils sont dits d’une voix basse, sont tout sauf des leçons-spectacles truffées de formules définitives.

S’il s’était rapproché de François Hollande environ deux ans avant l’élection, « PJO », comme on l’appelle souvent, sait que sa nomination comme « sherpa » du président en a étonné plus d’un. A ceux qui croyaient en leurs chances et le faisaient parfois savoir, le président a donc préféré cet ancien collaborateur d’Hubert Védrine dont la démarche un peu nonchalante et l’humour pince-sans-rire cachent « un gros bosseur très précis et ultra méthodique », comme le décrit un membre de l’équipe.

Parfaitement bilingue en chinois, ancien consul à Canton et conseiller d’ambassade à Hanoi et Pékin, Paul Jean-Ortiz était directeur Asie et Océanie au ministère des affaires étrangères quand François Hollande l’a appelé à ses côtés. A l’Elysée, il dirige une équipe d’une dizaine de conseillers, et est assisté pour les questions européennes par Philippe Léglise-Costa, 45 ans, ancien numéro deux de la représentation permanente de la France auprès de l’UE.

L’AUTRE HOMME DE DOSSIERS

Nicolas Revel, secrétaire général adjoint

Depuis le début, il est l' »autre » secrétaire général adjoint, celui que l’on cite toujours en second tant Emmanuel Macron, son alter ego de onze ans son cadet, a le don de capter la lumière. Dans le bureau qu’occupait avant lui Christian Frémont, le directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy, Nicolas Revel semble en avoir pris son parti : « Je me définis en creux », répond-il quand on l’interroge sur sa place dans le dispositif élyséen.

Le creux, pourtant, ne signifie pas le vide, loin de là. Car après avoir précisé qu’il ne s’occupe « ni de l’économie ni du super-régalien », domaines respectifs d’Emmanuel Macron et de Sylvie Hubac, Nicolas Revel vous fait vite comprendre que son périmètre est large (« les ministères sociaux, l’éducation, la culture, la recherche… »). Et qu’il n’a pas de trop de onze conseillers autour de lui pour appliquer sa « feuille de route » des prochains mois : « contrats de génération, sécurisation de l’emploi, mise en oeuvre des outils opérationnels de la conférence environnementale », sans oublier la préparation pour le début 2013 d’un projet de loi sur la décentralisation, un dossier qu’il suit également de près. « L’objectif est clair : c’est que soient lancés avant l’été les principaux véhicules de transformation de la vie quotidienne », dit-il.

Conseiller-maître à la Cour des comptes, Nicolas Revel ne connaissait pas François Hollande avant d’entrer à l’Elysée, qu’il a rejoint après neuf années passées auprès de Bertrand Delanoë comme directeur-adjoint puis directeur du cabinet à la mairie de Paris. Autour du président, il fait partie de ces conseillers discrets qui fuient plus qu’ils ne cherchent le contact avec la presse. Peut-être parce que c’est un monde que ses parents, Claude Sarraute et Jean-François Revel, lui ont fait trop bien connaître.

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Emmanuel Macron, monsieur superlatif

LE MONDE | 27.10.2012 à 11h55 • Mis à jour le 27.10.2012 à 11h56

Par Claire Guélaud

Tous ou presque en parlent au superlatif : ses camarades de promotion, ses anciens collègues de l’inspection des finances, ceux qui travaillent avec lui à l’Elysée. Emmanuel Macron ? « C’est la star de l’équipe. Il a tout ce qu’il faut pour son poste, avec en plus un profil un peu décalé », assure un conseiller du président. « Un garçon de cette qualité humaine et intellectuelle, je n’en ai pas rencontré tous les dix ans », dit Jacques Attali, qui fit de lui le rapporteur adjoint de la commission pour la libération de la croissance française.

« Sympathique et ouvert », complète Claude Bébéar, figure du capitalisme français et président de l’Institut Montaigne, qui loue son « expérience de haut fonctionnaire » et sa « bonne vision de l’économie. Au poste qu’il occupe, c’est un atout. Trop de princes qui nous gouvernent ne savent pas de quoi ils parlent ».
A 34 ans, Emmanuel Macron est tout sauf un secrétaire général adjoint de l’Elysée « normal ». Il est bien trop jeune. Trop talentueux. Trop séducteur. Son CV est si impeccable qu’il en est presque décourageant : lauréat du Concours général de français à 16 ans, Troisième Prix de piano du conservatoire d’Amiens, sorti dans les dix premiers de l’ENA (promotion Léopold Sédar Senghor), associé-gérant chez Rothschild à 33 ans ! Où qu’il soit, il capte la lumière. Il séduit. On le courtise.

Aider à définir la stratégie, apporter des idées et de l’imagination, donner l’alerte : tel est son rôle, tout en influence. Dans l’affaire des « pigeons », ces patrons qui se sont mobilisés sur le Web contre l’alourdissement de la taxation des plus-values de cession d’entreprise, le recul du gouvernement a été décidé en commun par Emmanuel Macron et Christophe Chantepy, le directeur de cabinet du premier ministre.

Sur le chantier en cours de la compétitivité, décisif pour l’économie française – et il le sait –, il a suivi les méandres du président, qui a dit tout et son contraire sur le coût du travail. Comme lui, il s’est rangé in fine à l’avis de Bercy : la priorité, en 2013, c’est de protéger la demande pour éviter une rechute. L’idée défendue par l’Elysée d’une trajectoire de compétitivité, une baisse massive des charges des entreprises programmée sur la durée du quinquennat et compensée par une hausse de la CSG, n’a pas résisté aux menaces de récession.

« IL ASSIMILE TRÈS VITE »

Le secrétaire général adjoint de l’Elysée peut jouer un rôle moteur mais il met rarement les mains dans le cambouis, sauf sur le G20 et sur l’Europe, en préparant les conclusions des conseils européens. « Les sujets sont devenus si techniques que la qualité des échanges entre la filière des finances et celle des collaborateurs de chefs d’Etat ou de gouvernement est vitale, explique le directeur du Trésor, Ramon Fernandez. Et cela est vrai dans tous les pays, quelle que soit la configuration politique. »

Le haut fonctionnaire ne voit guère de différence à travailler avec Emmanuel Macron ou avec Xavier Musca, l’ancien secrétaire général de Nicolas Sarkozy. L’échange est continu et il arrive au directeur du Trésor de se rendre dans le bureau du « SGA » quand celui-ci est en conférence télévisée avec un de ses homologues européens : « Il assimile très vite toutes les informations que nous lui transmettons, et il apporte ses idées. Puis il mène la négociation avec ses correspondants. Il tient ses positions sans jamais être péremptoire, agressif ou autoritaire », juge-t-il.

Plus que ses dons intellectuels – qu’une grand-mère directrice d’école, des parents médecins et les jésuites du lycée La providence d’Amiens ont fait grandir –, c’est son sens des relations humaines qui fait la différence. « Il a une capacité incroyable à tisser des liens avec des gens très différents », dit son ami Jean-Baptiste Nicolas, consultant au Boston Consulting Group. « Il a un sens inné des rapports de force », ajoute un de ses anciens chefs, qui préfère rester anonyme. Les membres de la commission Attali gardent le souvenir d’un facilitateur modeste.

Emmanuel Macron, toutefois, n’est pas seulement ce garçon « urbain, raffiné, élégant, un peu vieux jeu » que décrivent ses amis. L’ancien secrétaire de l’association des membres (et anciens membres) de l’inspection générale des finances, a aussi le sens du relationnel utile. A la commission Attali, il avait noué de bonnes relations avec le PDG de Nestlé, Peter Brabeck, qui ne passait pas pour une personnalité commode. En homme averti, le jeune inspecteur des finances a maintenu ce précieux contact qui fut à l’origine d’un de ses faits d’armes chez Rothschild : le rachat, sur ses conseils, par Nestlé de la branche aliments pour enfants du groupe Pfizer, pour 12 milliards de dollars…

Emmanuel Macron est entré en 2008 dans cette banque d’affaires, qui favorise les allers et retours entre le public et le privé et où plusieurs bonnes fées l’avaient recommandé. « Il était fait pour le métier de banquier d’affaires, qui suppose que l’on sache se mettre dans les chaussures de son client », explique François Pérol, président de BPCE, ancien de chez Rothschild et premier secrétaire général adjoint de Nicolas Sarkozy à l’Elysée.

« IL A EU PLUSIEURS VIES »

Le parcours de premier de la classe d’Emmanuel Macron est moins lisse qu’il n’y paraît : il a raté Normale-Sup. Plus surprenant, il a épousé en 2007 une femme de vingt ans son aînée, professeure de français et mère de famille. Il l’avait rencontrée à Amiens lorsqu’il était en première, à l’occasion d’un stage de théâtre.

Autre trait distinctif, il n’est pas un pur produit Sciences Po-ENA. « Il a eu plusieurs vies : la philosophie, l’inspection des finances, la banque d’affaires », explique Amélie Verdier, directrice du cabinet de Jérôme Cahuzac, qui l’a connu en hypokhâgne au lycée Henri-IV, à Paris. A l’époque se souvient un de ses condisciples, il n’était pas le plus brillant des élèves, « mais au bout de quelques semaines, il dînait déjà avec des profs ».

Etudiant à Nanterre, il a travaillé sur l’Etat et décroché un DEA de philosophie politique. Sa biographie officielle dit qu’il a été l’assistant de Paul Ricœur. Ce n’est pas tout à fait exact. Mais le philosophe, qui avait besoin de quelqu’un pour faire de l’archivage, l’a fait travailler à mi-temps pendant trois ans. « Je ne connaissais rien ou presque à la philosophie, se souvient Emmanuel Macron. C’est lui qui m’a formé. C’est à lui que je dois d’avoir vraiment lu Aristote et Platon. Lors de notre première rencontre, il m’a demandé de classer une vingtaine de pages qu’il avait écrites pour son prochain livre. Je les ai lues et j’en ai fait un commentaire écrit, qu’il a lu très soigneusement et auquel il a répondu. »

Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit et membre de la Fondation Ricœur, raconte qu’Emmanuel Macron a aidé le philosophe dans la conception de l’un de ses derniers livres et des plus difficiles, La Mémoire, l’histoire, l’oubli (Seuil, 2000). « J’ai vu dix fois Ricœur l’accueillir comme un fils, dit-il. Macron est quelqu’un pour qui j’ai un très grand respect comme intellectuel. »

Un temps proche des idées chevènementistes, ce militant socialiste assez jacobin s’est ensuite rapproché de la deuxième gauche, celle d’Esprit et du think tank En temps réel. En 2002, il a rencontré Michel Rocard, auquel le lie une vraie complicité. Jacques Attali, à qui il confie en 2007 qu’il est de gauche, l’invite à dîner avec François Hollande. Cette rencontre, dont plusieurs personnalités revendiquent la paternité, est décisive.

Emmanuel Macron se met au service de l’ancien premier secrétaire du PS avant la primaire socialiste. Il devient la cheville ouvrière du programme économique du candidat Hollande. Il fait le lien entre les économistes du groupe de La Rotonde (Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen, Jean Pisani-Ferry…) et de jeunes « technos » de Bercy et d’ailleurs. Tous saluent son sens de l’organisation et de la synthèse.

UN SOUVENIR PLUTÔT MITIGÉ

Tant de qualités ont leur revers : où est la vérité d’un être qui se met si bien à la place des autres ? « Il a des convictions. Mais il a aussi le sens de la réalité, du possible », observe le consultant Jean Kaspar, ancien secrétaire général de la CFDT. Il a laissé un souvenir plutôt mitigé au conseil de gérance de la Société des rédacteurs du Monde qu’il a aidé, gratuitement, à un moment délicat de la vie du journal, lors de sa recapitalisation.

L’homme est évidemment ambitieux. Sinon, il n’occuperait pas les fonctions qui sont les siennes et pour lesquelles il a divisé par dix sa rémunération. Sa souplesse peut-elle se transformer en duplicité ? Libération a raconté qu’il était allé à Londres, avant la présidentielle, pour rencontrer des expatriés français et minimiser la portée de la taxe à 75 % sur les très hauts revenus, qu’il lui faut bien défendre aujourd’hui. La trouvaille d’Aquilino Morelle, autre conseiller de François Hollande, n’est pas sa tasse de thé. « C’est Cuba sans le soleil », a-t-il écrit à François Hollande.

Il sait donc être impertinent. Le chef de l’Etat ne lui en a pas tenu rigueur. Propulsé en pleine lumière, le benjamin de l’Elysée aimerait retrouver un peu d’ombre. Conscient que sa présence dans les médias agace et peut momentanément desservir ses grandes ambitions.

Kempf et Superno sur Notre-Dame-des-Landes

Je ne le dirai jamais assez : la bagarre de Notre-Dame-des-Landes est essentielle pour tout écologiste qui se respecte. Je n’ai pas le temps d’y insister, et vous donne donc à lire deux textes qui ne sont pas de moi. D’abord une chronique d’Hervé Kempf, parue dans son journal, Le Monde. Ensuite un billet du blogueur lorrain Superno. Je les salue tous les deux.

Une cause nationale

Hervé Kempf – 21 octobre 2012

Le lourd silence de Cécile Duflot, de José Bové, de Daniel Cohn-Bendit, de Nicolas Hulot et de tant d’autres sommités, le désintérêt des médias, la passivité d’Europe Ecologie Les Verts, le « courage fuyons » des élus PS informés des enjeux écologiques, l’apathie de la grande majorité des associations environnementales, le désir si manifeste de tout ce joli monde de tourner la page n’y font rien : ce qui s’est déroulé cette semaine et se poursuit ces jours-ci autour de Notre Dame des Landes, en Loire-Atlantique, est vital, crucial, essentiel. Si ceux pour qui les mots « crise écologique » veulent dire quelque chose perdent cette bataille, si cet aéroport se faisait, le mouvement écologique en serait aussi durablement affaibli qu’il l’avait été, en 1977, par les événements de Creys-Malville.

On s’étonne que ne soit pas comprise l’importance de ce bras de fer. Mais peut-être faut-il, de nouveau, en expliquer les enjeux. Il s’agit, donc, d’un projet d’aéroport qui occuperait près de 2000 hectares de terres au nord de Nantes. Vieux d’une quarantaine d’années, il a ressurgi au début des années 2000. La résistance tenace, non violente, assise sur des expertises solides, de paysans, d’élus, d’écologistes, de citadins, d’habitants anciens et nouveaux, a retardé le projet. Elle a permis de voir que se cristallisent ici toutes les problématiques qui forment le complexe écologique de ce début du XXIe siècle. Ce n’est pas Trifouilly-les-Oies, c’est une cause nationale.

Alors que le Programme des nations unies pour l’environnement vient d’annoncer que les zones humides, essentielles à la biodiversité et à la régulation des écosystèmes, ont perdu dans le monde la moitié de leur superficie depuis un siècle, on s’apprête en France à détruire un site dont 98 % des terres sont des zones humides. Alors que semaine après semaine, les climatologues publient des études montrant la gravité du changement climatique, on s’apprête en France à construire un aéroport qui stimulera le trafic aérien, important émetteur de gaz à effet de serre. Alors que l’artificialisation des sols et la disparition des paysans sont officiellement déplorées, on la planifie ici, ce qui la justifiera ailleurs. Alors que le pouvoir du capital et les partenariats public-privés sont partout dénoncées, on donne les clés du projet à la multinationale Vinci.
Il y a des moments où il faut savoir dire non. Il est temps que se fassent entendre ces « Non ».

Source : Cet article est paru dans Le Monde daté du 21 octobre 2012. On peut le trouver ici : http://www.reporterre.net//spip.php?article3367

Superno (ici)

 

Assourdissant silence médiatique sur la guerre civile contre l’écologie à l’Ayraultport de Notre-Dame-des-Landes

[La démocratie et l’écologie selon Jean-Marc Ayrault. Cette photo a été prise ces dernières heures à Notre-Dame-des-Landes. Je n’en connais pas l’auteur, mais s’il se fait connaître je le créditerai et le remercierai.]

Ce qui se passe en ce moment même à Notre-Dame-des-Landes est un scandale véritable. Et le deuxième scandale, c’est que tout le monde s’en fout !

La télé, les grands médias, n’en parlent quasiment pas. Un entrefilet sur France Info, un bandeau de quelques secondes sur Itélé, point barre. Ah si, un petit article dans “Le Monde”, un autre sur rue 89. Mais rien dans les JT nationaux.

Sur Internet, c’est à peine mieux. Il faut dire que depuis que Hollandréou et sa clique ont pris le pouvoir, la plupart des blogueurs “de gauche” sont de plus en plus mal à l’aise, le cul entre deux chaises, et se ridiculisent à défendre des gens et des trucs indéfendables (genre le TSCG et le prix Nobel à l’UE). Et puis il faut bien dire qu’il y a des sujets autrement plus importants . Ah, si c’était Sarkozy qui s’était amusé à faire la même chose, c’eût été la révolution !

Je ne suis même pas sûr que chacun d’entre vous connaisse les détails du projet de Notre-Dame-des-Landes, et sache ce qui se passe là-bas, maintenant.

Je vais donc essayer de vous le résumer.

Tout d’abord, il y a déjà un aéroport à Nantes, l’aéroport de Nantes Atlantique (anciennement Château-Bougon), à quelques kilomètres au sud-ouest de la ville. Un bel aéroport, d’ailleurs. En place depuis des dizaines d’années. 3 200 000 passagers par an. Et capable d’en accueillir bien plus, puisque lorsque le volcan islandais a fait des siennes, ce sont 20 000 passagers par jour qui y sont passés dans des conditions correctes. On peut donc supposer que son seuil de saturation est au delà de 7 millions de passagers par an.

Il a même obtenu en 2011 le prix européen du meilleur aéroport décerné par l’ERA (European Region Airlines Association). C’est dire s’il est pourri et bon à jeter.

Au passage, il y a au total 14 aéroports dans l’ouest de la France. Cela pourrait sembler suffisant…

Seulement voilà. Aéroport ancien et opérationnel, ça veut dire possibilité de bétonnage supplémentaire limité. Pas bon pour la “croissance”. Et pas bon pour le bétonneur Vinci, société multinationale bien connue pour sa rapacité et son influence sur les politicards, et qui cogère l’aéroport de Nantes Atlantique.

Le maire de Nantes depuis plus de 20 ans s’appelait jusqu’en juin dernier Jean-Marc Ayrault. Un notable régional médiocre, un roublard de la politique comme on en connaît hélas tant. Or, quand un élu le reste trop longtemps, chacun sait qu’il a une fâcheuse tendance à se monarchiser ou se dictateuriser, on ne connaît que trop bien le problème en Lorraine avec Metz et Nancy.

Toujours partant pour faire parler de lui ou pour laisser une trace dans l’histoire régionale, le maire écoute forcément d’une oreille attentive les margoulins cupides qui se pressent autour de lui.

Ayrault, comme Hollande et tous les “socialistes” archaïques, en est resté aux 30 glorieuses, au béton, au nucléaire, et à la sacro-sainte “croissance” qui s’est évanouie mais pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier dans l’espoir de son retour, un peu comme un amoureux éconduit qui ne comprend pas que c’est foutu, elle ne reviendra jamais. En particulier, ils ne semblent jamais avoir entendu parler de Peak Oil ou de réchauffement climatique.

Complètement plongés dans la politique, avec une vision rétrécie qui ne dépasse jamais l’horizon de la prochaine élection, ils n’ont pas vu le temps passer, le monde changer. Oh, ils ont bien entendu parler d’écologie, mais ils n’y ont rien compris. Des conseillers en comm leur ont dit d’en parler ? OK on en parle. Mettez-moi un ou deux ministres écolo, fermez moi une vieille centrale nucléaire, une bagnole hybride pour le président, Montebourg qui se promène en voiture électrique, et voilà, ça fait la rue Michel. Pour le reste ? Ben on change rien, c’est croissance, nucléaire, béton et bagnole.

Il est d’ailleurs assez symptomatique de voir sur Twitter des arguments en faveur de l’Ayraultport qui soient défendus par Théo Aubin, le cheffaillon régional des “jeunes de la droite populaire” ! (Au passage, visez l’oxymore ! Jeunes sur leur carte d’identité, et déjà tellement vieux cons dans leur tête !). Ça ne vous interpelle pas ?

Le projet de Notre-Dame-des-Landes est ancien. On avait même failli réussir à le justifier pour faire atterrir… le Concorde ! C’est dire le niveau et la clairvoyance de nos dirigeants. Qui n’a pas évolué depuis 40 ans.

Mais un jour, j’imagine que quelqu’un de désintéressé à dû souffler à l’oreille de Ayrault qu’un deuxième aéroport à Nantes ce serait bien pour la croissance, pour le rayonnement régional, pour celui du maire, aussi, hein, hé hé…

Et l’aéroport actuel ? Comme le vieux chien dont on veut se débarrasser, on l’accuse de la rage. Ah ? Euh… Oh… Il est vieux et tombe en ruines… Avec la croissance du trafic, il sera bientôt saturé… Et puis il est… dangereux !

Comme on l’a vu, cet aéroport est loin de la saturation. Et personne ne l’a jamais trouvé dangereux, ni les pilotes, ni la Direction Générale de l’Aviation Civile. Et s’il doit tomber en ruines, c’est que plus un investissement n’y est fait en raison du nouveau projet.

Souvent, dans les projets régionaux, les clans s’affrontent et cela peut donner des catastrophes aberrantes. Tout près de chez moi, il y a l’exemple magnifique de l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine et de la gare de Cheminot. Après une guerre Metz-Nancy, l’aéroport a été construit, pour ne froisser personne, à exacte distance entre les deux. Sauf qu’il est perdu dans le trou du cul du monde et qu’il faut faire 25m pour y aller. D’ailleurs il y a très peu de trafic, et c’est un gouffre à pognon qui fermera tôt ou tard. Ensuite, il fallait construire une gare TGV. Là encore, deux clans se sont battus. Les uns voulaient cette gare à Cheminot, près de l’aéroport, d’autres à Vandières. C’est la première solution qui a été retenue. Merveilleux. Sauf que cette gare, qui se trouve aussi dans le trou du cul du monde, n’est reliée à rien. Même pas à l’aéroport, distant de quelques km seulement, et encore moins au réseau TER. Du coup, il est à nouveau question de construire une nouvelle gare à Vandières. Bref. Et on confie l’avenir de nos enfants à cette engeance…

Ayrault n’a pas eu ce problème à Nantes. Dès qu’il s’agit de “croissance ou de béton”, l’UMP est toujours d’accord. Comme le PCF. Et les barons du Grand Ouest, comme Fillon et Raffarin, ont soutenu ce projet ridicule et scandaleux. Pour être honnête, il y a un peu d’opposition. Le Parti de Gauche, par exemple (au passage on notera encore une fois que le “Front de Gauche” est un attelage très étrange…). EELV, bien sûr, dont on reparlera. Le Modem, aussi. Ségolène Royal. Et Philippe de Villiers (qui lui n’est pas contre l’aéroport, mais le trouve trop loin de la Vendée, et voudrait donc… construire un nouveau pont sur la Loire… Du béton, des bagnoles, on n’en sort pas). Mais tous ces gens-là ne pèsent pas grand-chose face au Front du Béton.

Le nouveau projet d’aéroport se situe au nord-ouest de Nantes, plus loin, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Tant mieux, c’est toujours autant d’autoroutes et de béton à construire. La surface totale du terrain à saccager est de 1650 hectares. Monstrueux ! Cette ZAD (“Zone à Aménagement Différé”, que les opposants ont rebaptisée “Zone à Défendre”) se trouve dans un secteur rural et fragile. Inutile de préciser que l’eau du secteur a du souci à se faire. Au moment où l’agriculture bio peine à décoller car elle ne trouve pas de terrains pour l’accueillir, inutile de préciser qu’on est en présence d’une ineptie sans nom.

C’est un projet principalement privé, mené par Vinci, qui en obtiendra la concession pour 55 ans ! Le coût du projet, sous-estimé à un peu plus de 500 millions d’euros (la moitié d’argent public), serait en fait au total (comprenant donc les autoroutes) de 4 milliards d’euros.

Mais rien n’arrêtera les bétonneurs et leurs complices politiciens. Les gouvernements passent, et le projet se poursuit. On habille bien entendu l’ignominie avec les habits du droit (enquête d’utilité publique…). Le Grenelle de l’environnement Sarkozyste en 2007 aurait dû enterrer le projet définitivement, mais non, il se poursuit. Il faut dire qu’on a mis le paquet dans le greenwashing et l’intoxication médiatique. À écouter ces andouilles, ce site sera un merveilleux paradis écologique. Non polluant, autosuffisant en énergie. Labellisé “Haute Qualité Environnementale”. Pour un peu, ils nous feraient croire que seuls des avions à pédales ou à élastique vont s’y poser.

Voilà pour ce rapide résumé. Passons maintenant à l’actualité.

Depuis quelques années, et malgré la quasi-unanimité des politiciens du Front des Bétonneurs, la résistance s’est organisée sur place. Des riverains. Des écolos. Une association, l’ACIPA, compte désormais 3000 membres. Et même des citoyens engagés venus de loin : Notre-Dame-des-Landes est devenu un symbole de la résistance à l’absurdité. Des séminaires y ont eu lieu, réunissant décroissants, écolos, et “Vraie Gauche”. Force est de constater que la situation a comme un arrière-goût de Larzac, 40 ans après.

Tiens, le Larzac. Voilà qui doit faire mal au cul à quelques “socialistes” qui dans leur jeunesse y sont venus affûter leurs dents de lait contre le pouvoir de droite de l’époque. Mais comme les notaires de Jacques Brel, ils sont désormais passés dans l’autre camp..

Des propriétaires qui ont eu la malchance de se trouver sur la zone ont été sommés de déguerpir. Nombreux sont ceux qui refusent de vendre leur maison à Vinci. Et des maisons expulsées sont squattées par des opposants. La résistance s’est concentrée dans la ferme maraîchère du sabot où les derniers irréductibles se sont installés.

Et c’est dans ce contexte que les bétonneurs ont commencé à passer à l’action. Hier, ils ont envoyé 1200 flics (CRS, gendarmes mobiles, BAC…) déloger les empêcheurs de bétonner en rond. Mille deux cents ! Plus que l’effectif total de l’armée Luxembourgeoise ! Milice au service de Vinci. Des scènes de guerre civile dans le bocage nantais (cf photo d’illustration). Des robocops qui gazent les manifestants pacifiques, et selon certains témoignages, tirent au flash ball. C’est ça, la “gauche” ?

Les flics ont reculé hier soir le temps de la nuit, mais sont revenus ce matin. Et à l’heure où j’écris ces lignes les affrontements se poursuivent. Dans le silence télévisuel.

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est un projet pharaonique et anachronique. C’est le triste résultat de raisonnements faits par des cerveaux malades de gens drogués depuis leur enfance par l’idée de “croissance”. Ces gens-là sont persuadés que le trafic aérien va poursuivre une croissance exponentielle, alors que dès qu’on regarde la situation sans œillères, on voit clairement que le secteur aérien sera l’un des premiers touchés par la crise de l’énergie et l’effondrement économique qui va s’ensuivre (et qui a déjà commencé).

[ça donne envie, hein ?]

Et puis ce qui est saturé, ce sont les plages et les stations balnéaires de la région, prises d’assaut en été. Même si le trafic aérien était multiplié par 3, où mettrait-on ces touristes ? On bétonnerait 3 fois plus Saint Jean de Monts ? On mettrait des mezzanines sur les plages ? C’est ridicule.

Comme le dit si bien Paul Ariès pour illustrer l’absurdité du concept de “croissance”, le problème n’est pas de faire grossir le gâteau, le problème c’est de changer la recette. Et dans cette recette, le kérosène, le béton est les avions n’ont pas leur place.

La croissance infinie n’existe pas, inutile de courir après. Il ne faut pas chercher toujours plus de croissance, il faut réfléchir aux moyens de vivre mieux sans croissance et les mettre en place. Respecter la planète au lieu de l’exploiter jusqu’à en faire un désert inhabitable et surchauffé. Si on écoute les croissancistes, on va creuser des puits de gaz de schiste dans tous les jardins, saloper toutes les nappes phréatiques pour repousser l’inéluctable de quelques années.
Ces “socialistes” n’ont rien compris à l’écologie. Pire, ils ne comprennent plus rien à rien. Notre-Dame-des-Landes juste après le TSCG, personne ne peut avaler ça. Quoi qu’ils en disent, ils veulent poursuivre et amplifier le nucléaire. Ils veulent faire baisser le prix de l’essence, et le nouveau “bonus/malus écologique” confirme le choix du “tout-diesel” cancérigène. Des aveugles, des incompétents, des irresponsables. Je n’ai pour ces gens que mépris. D’ailleurs, quand on voit qu’ils veulent pénaliser de 130 000 euros les impudents qui ont osé dire non au TSCG, quand on voit la procédure “démocratique” (similaire à celle utilisée par les communistes dans Tintin au Pays des Soviets) qui va se terminer ce soir par la nomination d’Harlem Désir au poste de premier secrétaire, on se dit que rien ne va plus dans ce parti.

Notre-Dame-des-Landes est encore plus symbolique depuis que son promoteur, Ayrault, est devenu premier ministre. Bon, il est en train de se planter, les Valls ou Touraine guignent déjà sa place en coulisses. Et pendant que les CRS gazent les résistants du “Sabot”, Môôssieur Ayrault part 4 jours en Asie du Sud-Est. Même pas de couilles !

Dans ces œuvres de malfaisance, le P”S” est toujours épaulé par les “écolos” d’EELV. Ils ont toujours deux ministres, des députés, des sénateurs, des voitures de fonction, du travail pour des dizaines de collaborateurs. Pour garder ce train de vie confortable, ils sont contraints de tout avaler. Ils n’ont rien dit pour le TSCG, rien pour le nucléaire, rien pour le diesel… Ils ne diront plus rien pour rien.

À Notre-Dame-des-Landes, ils n’ont jamais été à la pointe du combat, adoptant tout juste une opposition de principe. On se souvient d’un passage éclair d’Eva Joly, du seau d’épluchures jeté sur Nicolas Hulot. Mais depuis qu’ils sont au pouvoir, c’est pire.

Pour certains, c’est manifestement un supplice de se voir ainsi écartelé entre des convictions et la soupe. Le président d’EELV, Pascal Durant, s’est tout de même fendu d’un article sans ambiguïté. Les élus locaux ont aussi mis leur grain de sel. Et Yannick Jadot a trouvé sur Twitter le temps de condamner le projet et le déploiement de militaires.

Mais Cécile Duflot, d’ordinaire très prolixe sur Twitter, est totalement muette de saisissement sur le sujet. Idem pour son collègue Pascal Canfin. Extinction de voix totale. Et pendant qu’on prépare le bétonnage à Notre-Dame-des-Landes, la députée européenne EELV de la région Est, Sandrine Bélier, continue comme si de rien n’était à parler de biodiversité. Ce très grand écart est ridicule. Ces “écolos” ne sont même pas fichus de se rendre compte qu’ils cautionnent ces saloperies, qu’ils doivent quitter ce gouvernement où ils n’auraient d’ailleurs jamais dû entrer.

Le Canard Enchaîné nous apprenait cette semaine que l’élue EELV parisienne mise en examen pour un blanchiment d’argent présumé était aussi actionnaire d’une site internet de “sex shop bio”, et qu’elle vendait entre autres joyeusetés un “lubrifiant anal à l’extrait naturel d’écorce de goyave”. J’espère qu’elle en a mis quelques hectolitres de côté à l’attention de ses collègues ministres, parce qu’il y a là un marché de grande ampleur à la croissance prometteuse.

Terminons en remerciant les lanceurs d’alerte, des gens bien connus sur ce blog, et sur lesquels on peut compter :

Fabrice Nicolino, qui qualifie Jean-Marc Ayrault de “pauvre imbécile”. C’est inexact : il n’est pas pauvre du tout !

Corinne Morel Darleux, du Parti de Gauche, qui une fois de plus sauve l’honneur des politiques. Son billet sur Vinci.

Hervé Kempf et son site “reporterre.net”, auteur d’un article au titre ironique : la transition écologique a commencé

Si ce silence médiatique se poursuit, les opposants ne tiendront pas longtemps. Hollandréou a lâchement cédé aux “geonpis”, parce qu’ils ont été capables d’organiser un battage médiatique de grande ampleur. Avis aux vrais blogueurs de Gauche. Nous devons lui faire comprendre que ce projet est une folie et que comme Mitterrand en 1981 qui avait mis fin au délire au Larzac et à Plogoff, il se grandirait en reconnaissant cette colossale erreur.


Plus d’infos sur le sujet :L’association ACIPA, à suivre notamment sur son Twitter @ACIPA_NDL ou encore ici
https://zad.nadir.org/spip.php?article353
http://leflochingtonpost.wordpress.com/2012/10/16/occupation-militaire-a-notre-dame-des-landes/
http://lutteaeroportnddl.wordpress.com/
http://www.zebigweb.com/_NDDL.html
http://www.gauche-anticapitaliste.org/content/notre-dame-des-landes-quon-leur-envoie-la-troupe

C’est la guerre (à Notre-Dame-des-Landes)

Vous êtes sans nul doute au courant. Ce matin, des centaines de flics et de militaires, appuyés par des hélicoptères, ont délogé par la force un grand nombre d’habitants de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, où ce pauvre imbécile de Jean-Marc Ayrault, ancien maire de la ville, aujourd’hui Premier ministre, entend bâtir un second aéroport (voir ici, ici et ). En agissant de la sorte, le triste gouvernement de la France vient de franchir un pas qui, pour moi, révèle l’ampleur du gouffre entre eux et nous. Cette expression, « eux et nous », a beaucoup servi dans le passé des idées, et pas toujours, loin s’en faut, d’heureuse manière. Il n’empêche qu’elle m’est venue spontanément. Car entre ceux qui défendent un avenir possible pour les hommes et tous les êtres vivants d’une part, dont je suis, et les autres, il existe un univers. Quand je dis les autres, inutile d’insister je pense, cela fait beaucoup de monde. Mais c’est ainsi que je vois les choses, qu’y puis-je ?

Foin d’illusions : le gouvernement socialiste est un adversaire. Et même un ennemi. L’incroyable opération militaire lancée contre les habitants de Notre-Dame-des-Landes n’a rien à voir, évidemment, avec les tueries d’Alep, les massacres de la République démocratique du Congo, ni même les ignobles opérations menées au Brésil, en Argentine, au Paraguay pour chasser les petits paysans de leurs terres et y imposer le soja transgénique. Non, rien à voir.

Pour autant, il s’agit à mes yeux d’un acte de guerre, dans un sens précis : il marque une frontière, infranchissable. Il désigne deux camps irréconciliables, qui défendent assurément deux manières de voir la vie ensemble, et l’avenir qui nous attend. Pour leur part, les socialistes sont maîtres de tout le jeu politique alors que leur candidat à l’élection présidentielle n’a recueilli, au premier tour, que 25 % des électeurs inscrits. Au pouvoir, ils se montrent incapables de seulement imaginer régler les problèmes du modèle qu’ils défendent pourtant. Cette économie, cette banlieue, ce racisme fou, cette lancinante question des retraites, ce prix de l’énergie, ce nucléaire, cet effondrement de l’industrie automobile, ce chômage de masse interminable, mais c’est leur legs ! Le leur et celui de leurs jumeaux de l’UMP, car tous deux se partagent le pouvoir depuis des décennies sans que rien n’ait bougé, sans que rien n’ait jamais été résolu.

Ces derniers jours, burlesques au possible, ont vu le gouvernement chanceler sous des coups de butoir en papier mâché. Ridicules « pigeons » défendant les patrons de start-up, ridicule Peillon réclamant un débat sur le shit, ridicule Tartempion s’embourbant au sujet de la taxe télé dans les résidences secondaires, etc. C’est bien parce que Jean-Marc Ayrault est incapable, et risible à force, qu’il a cru malin de monter l’odieuse opération aéroportée contre ceux de Notre-Dame-des-Landes. Quand tout s’effondre, quand tout démontre que la politique ancienne ne peut rien et ne sait pas davantage, reste l’apanage essentiel de l’État : la coercition. Autrement dit ce monopole de l’usage prétendument légitime de la force.

On peut aussi le dire autrement. Ayrault, nécessairement soutenu en la circonstance par Hollande, a voulu montrer qu’il bandait encore. C’est vulgaire ? Que oui, ce l’est. Mais personne ne saurait l’être davantage que Jean-Marc Ayrault, qui masque de la sorte sa si cruelle impuissance politique. Je l’accuse, en plus de tout le reste, de violer allègrement la loi du pays qu’il représente si mal. Car en effet, la France est dotée depuis juillet 2005 d’une loi sur l’énergie dont j’extrais, de l’article 2, cette phrase : « En outre, cette lutte [contre le dérèglement climatique] devant être conduite par l’ensemble des Etats, la France soutient la définition d’un objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050, ce qui nécessite, compte tenu des différences de consommation entre pays, une division par quatre ou cinq de ces émissions pour les pays développés ».

De ce point de vue, Notre-Dame-des-Landes n’est pas seulement une lamentable ânerie, qui nous ramène de manière fantasmatique au temps où le climat semblait éternel. Franchement, est-il compatible de miser, avec de l’argent public, sur le développement du trafic aérien, et de prétendre diviser par cinq nos émissions de gaz ? Franchement. Mais ce foutu aéroport est aussi et surtout un symbole. Le symbole éclatant que culturellement parlant, au sens le plus profond, les socialistes ne lâcheront rien. Parce qu’ils en sont incapables. Parce qu’ils ne savent pas même ce que l’expression « crise écologique » contient d’inévitables contraintes au regard desquelles les leurs – par exemple le déficit public – perdent toute signification.

Bien entendu, mais faut-il, ici du moins, insister, les écologistes officiels EELV ne valent guère mieux. Ils ont abdiqué à propos de l’aéroport au moment où leurs petits chefs signaient un déshonorant accord électoral avec le parti socialiste. Et si j’écris déshonorant, ce n’est pas, non pas, pour me faire plaisir. C’est parce que lorsqu’on prétend que le feu est au lac, on ne se tourne pas vers le bac à sable pour y faire des pâtés. Alors que la crise infernale du climat est à nos portes, se vendre pour un ministère et demi est une insulte faite aux hommes.

Et pour le reste, bien sûr, MOBILISATION ! Non-violente, cela va de soi pour moi, mais MOBILISATION tout de même. Nous n’avons, nous les écologistes sincères, pas le droit de reculer. La bataille de Notre-Dame-des-Landes, qui ne fait que commencer, doit être gagnée. Perdre ici serait lâcher partout ailleurs. Ce combat est à mes yeux une cause sacrée. ¡ Sin jamás retroceder, adelante!

PS : j’attends les commentaires de tous les foutriquets écologistes enrubannés et décorés présents à la Conférence environnementale du mois dernier. Le mois dernier. Elle est bien belle, la transition écologique de cet excellent monsieur Hollande.

Je n’ai pas le temps, mais quand même (l’étude Séralini sur les OGM)

Ce long texte est la faute exclusive de Sancho, lecteur de Planète sans visa, qui m’a poussé dans mes retranchements. Il avait bien raison. Tu avais bien raison. C’est long, mais cet article contient des informations que vous ne trouverez pas ailleurs, notamment à propos de deux personnages, Gérard Pascal et Catherine Geslain-Lanéelle. C’est de l’aguichage ? Il n’y a pas d’autre mot.

Je pense que vous êtes au courant. Gilles-Éric Séralini est l’auteur principal d’une étude sur les OGM. Publiée dans la revue réputée Food and Chemical Toxicology, qui a accueilli des recherches de Monsanto sur le même sujet, elle annonce une sorte d’Apocalypse. Des rats ont été divisés en trois groupes. Le premier soumis à un régime à base de maïs OGM NK 603, le deuxième à ce même maïs OGM traité au Roundup, herbicide bien connu, et le troisième à un maïs non OGM, mais traité au Roundup (ici). Je n’entre pas dans le détail des résultats, qui sont, comme vous savez, accablants pour les OGM.

Je n’y entre pas, car je suis bien incapable, aujourd’hui comme demain, de juger l’étude Séralini. Je connais cet homme, je sais son honnêteté foncière, sa vaillance, sa valeur scientifique. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas tout. En 2005 – sept ans, comme le temps passe, hein ? -, j’ai mené avec lui un long entretien dans le magazine Terre Sauvage, auquel je collaborais alors. En voici un extrait : « (Séralini) Nous n’avons plus, pour ainsi dire, d’observatoire global, ni de l’homme ni de la nature, ce qui a de nombreuses et fâcheuses conséquences. N’oublions jamais que ce sont les physiciens à l’origine de la bombe A qui ont développé à la fois  la biologie moléculaire et l’informatique. Physiciens et mathématiciens ont en quelque sorte dit aux biologistes : vous devez saisir le code génétique des humains. Et en le comparant explicitement au code informatique ». « (Moi) À vous suivre donc, les OGM seraient le fruit d’une certaine vision, discutable, de la science. Mais au fait, à quand remontent vos premiers contacts avec les OGM ? ».

« (Séralini) Dès mes années d’étude, j’ai travaillé sur des OGM de laboratoire. J’ai pratiqué la manipulation, le clonage, le séquençage des gènes. Quant aux OGM qui allaient devenir commerciaux, ceux dont on parle tant, je les ai découverts en 1991, quand j’ai été nommé professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen. J’étais au courant des essais d’OGM en plein champ, et comme je devais faire un enseignement sur le sujet, j’ai lu les rapports de la Commission du génie biomoléculaire de l’époque – de 86 et 96 – et surtout le premier bilan qu’avaient écrit Axel Kahn et ses collègues. Les fabricants d’OGM assuraient qu’ils allaient permettre une réduction de l’usage des pesticides, dont je savais le rôle dans les dérèglements hormonaux et les cancers. J’étais donc non seulement favorable, mais enthousiaste devant ces nouvelles perspectives. J’ai pris les dossiers en mains et là, la stupéfaction m’a… ». « (Moi) …saisi ? ». « (Séralini) …Atterré ! Car je me suis rendu compte que la principale stratégie des industriels était de “fabriquer” des plantes capables d’absorber des pesticides sans en mourir. Alors qu’on prétendait réduire ces produits ! Et du reste, dix ans après le lancement des OGM commerciaux, les trois quarts des plantes transgéniques ne sont que cela. Seconde stratégie, tout aussi curieuse : la création de plantes OGM qui sécrètent leur propre insecticide. Lequel est, je le rappelle, aussi un pesticide ».

Revenons au présent. Je ne sais donc pas la valeur scientifique du travail de Séralini. On le saura fatalement, un jour ou l’autre. En attendant, le spectacle des réactions m’amène à m’interroger, car cette soudaine montée au créneau de tant de scientifiques pour disqualifier à ce stade le travail du professeur rappelle inévitablement des souvenirs. Qui s’inscrivent dans les stratégies désormais connues de l’industrie pour sauvegarder ses intérêts. L’exemple le plus abouti est celui des cigarettiers américains, car depuis la date de 1998, le Master Settlement Agreement – un accord à l’américaine clôturant un immense procès contre les industriels de la clope – a peu à peu rendu publics des millions de documents internes à Marlboro and co.  Le résultat est ahurissant, même si je ne suis pas tout à fait né de la dernière pluie. L’historien des sciences Robert Proctor en a tiré un livre de 750 pages, Golden Holocaust, que j’ai commandé aux Amériques, que j’ai reçu, que je n’ai pas encore lu. La quatrième de couverture fait peur.

Je vous ai signalé déjà, par ailleurs, un excellent article de l’excellent Stéphane Foucart, qui rapporte la parution du livre et ses a-côtés (ici). Sachez, si vous ne le savez, que des pontes de la science française ont servi les intérêts mortels de la clope. Des pontes. Et que le centre de la stratégie des cigarettiers consistait à gagner du temps en finançant des études parallèles, inutiles, confuses autant que contradictoires, avec pour seul but de créer du doute. Est-ce que le même scénario se reproduit autour de ce que la science officielle appelle déjà « l’affaire Séralini » ? Je rappelle qu’on l’accuse désormais de mensonge, de biais évidents, de choix plus que contestables de la souche de rats ayant servi à l’expérience, etc, etc. Ce qui est proprement incroyable, c’est que nul n’a pu, en un temps si bref, examiner l’étude pilonnée. Personne. Est-ce que cela a empêché des flopées de scientifiques bardés de diplômes de déblatérer à la télé ou à la radio ? Non. A-t-on vu, fût-ce de loin, pareille mobilisation lorsque des études payées par Monsanto ont prétendu que les OGM ne posaient aucun problème de santé publique ? Non.

Attention, ce qui suit est une interrogation, et elle n’est pas formelle. Je n’accuse personne. Je ne sais rien. Et même le pire criminel reste innocent tant qu’on n’a pas démontré sa culpabilité. Or donc, je n’accuse pas Gérard Pascal et Catherine Geslain-Lanéelle. Mais comme je connais – un peu – les deux, je me sens tenu de vous confier quelques éléments en ma possession. Gérard Pascal a longtemps été un homme-clé de notre système de surveillance alimentaire. Il a ainsi été le président, entre 1998 et 2002, du conseil scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), aujourd’hui dissoute dans l’Anses. Je vous mets à la fin de l’article un CV du monsieur, qui date de 2007. C’est instructif. En tout cas, Gérard Pascal, arborant ses titres comme autant de médailles, s’est autorisé une sortie terrible contre Séralini : « Le protocole d’étude de M. Séralini présente des lacunes rédhibitoires (Le Monde du 20 septembre 2012) ». Ce n’est pas une critique, c’est du tir au gros.

L’étude ayant été validée par des pairs, et publiée par une revue de haute réputation, à comité de lecture précisément, il me paraît difficile de croire, au plan de la simple logique, qu’elle soit à ce point ridicule. Par ailleurs, et je me répète, nul ne pouvait dire le 20 septembre, quelques heures après publication, ce que pouvait valoir une étude ayant mobilisé de bons scientifiques pendant deux ans. So what ? Quand j’ai écrit Pesticides, révélations sur un scandale français (paru chez Fayard en 2007) avec mon ami François Veillerette – la bise à tous les trois -,  j’ai eu l’occasion d’égratigner Pascal. Page 226 de l’édition générale, nous constations, François et moi, que Gérard Pascal avait été le conseiller d’une agence de com’ et de lobbying, Entropy Conseil, laquelle a par exemple mené des campagnes de promotion en faveur de l’industrie des pesticides. Hum. Lorsque j’ai écrit Bidoche (paru aux éditions LLL en 2009), j’ai retrouvé sur mon chemin Gérard Pascal. Extrait du livre :

« La société créée par Serge Michels à son départ de Que Choisir, Entropy, reste à bien des égards une entreprise fascinante. Outre son fondateur, dont on apprend au passage qu’il a participé aux travaux du Conseil supérieur d’hygiène de France, du Conseil national de l’alimentation, de l’Inra, de la Commission européenne et du Codex Alimentarius, les scientifiques d’Entropy sont vraiment fameux. Il s’agit, dans l’ordre d’apparition à l’écran d’ordinateur, de Gérard Pascal, Philippe Verger, Claude Fischler, Serge Hercberg, Jeanne Brugère-Picoux, Adam Drewnovski. Regardons un peu mieux le cas Gérard Pascal, personnage clé de la sécurité alimentaire en France. On ne peut détailler un curriculum aussi prestigieux que le sien, mais même en élaguant, on demeure surpris par l’étendue et la durée des responsabilités qu’il a occupées. Il fut – et parfois reste – président du conseil scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), membre de la Commission du génie biomoléculaire, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), au CNRS puis à l’Inra, expert pour l’évaluation des projets de recherche à la direction générale « Recherche » de l’Union européenne, président du comité scientifique directeur de l’Union européenne. Il a reçu en 1993, comme Mme Bellisle en 2007, le prix de la recherche de l’IFN. Et il est donc en relation commerciale avec Protéines, agence au service de l’industrie ».

Si vous êtes encore là – sait-on jamais -, vous me direz peut-être : et l’IFN, c’est quoi ? Comme je veille à mes intérêts – et plutôt à mon temps -, je me permets respectueusement de renvoyer à mon livre. Encore un bout : « Que peut-on ajouter sur les experts d’Entropy ? Trois fois rien. Ils sont (presque) tous membres de l’IFN, eux aussi. Serge Michels fait partie du grand institut indépendant, ainsi que Serge Hercberg, Claude Fischler, Gérard Pascal – membre du conseil d’administration –, et même Adam Drewnovski. Comme le monde est petit ! Ce n’est certes pas un crime, juste une considération géographique. Tous les points de l’univers semblent parfois se rejoindre. Même l’agence Protéines, ès qualités, fait partie de l’IFN. C’est ainsi. Appelons cela une bizarrerie de la nature ».

Quant à madame Catherine Geslain-Lanéelle, sachez qu’elle est la patronne de l’EFSA, acronyme anglais pour Autorité européenne de la sécurité des aliments. Elle a annoncé ces derniers jours que son agence analyserait l’étude Séralini. Oui, mais avec les mêmes experts que ceux qui avaient donné le feu vert au maïs OGM si gravement mis en cause par ce même Séralini, qui a aussitôt déclaré : « Pas question que ceux qui ont autorisé le NK 603 réalisent la contre-expertise de nos données. Il y aurait un conflit d’intérêt avec leur autorité et leur carrière ».

Au passage, je signale que l’EFSA a été gravement mise en cause pour des conflits d’intérêt, jusques et y compris dans son panel de scientifiques qui suivent le dossier OGM. Cela donne le tournis, mais j’y ajoute volontiers ma touche personnelle. Dans Pesticides, cité plus haut, nous avions, François et moi, évoqué le cas Geslain-Lanéelle, réputée de gauche, mais oui, faudrait pas croire. Un premier extrait, qui concerne la gestion de l’épouvantable dossier Gaucho, du nom d’un pesticide dévastant ruchers et abeilles : « Le juge Ripoll, qui a ouvert une instruction à Paris à la suite d’une plainte d’un syndicat d’apiculteurs, perquisitionne avec éclat au siège de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), une administration majeure qui dépend du ministère de l’Agriculture et dirigée alors par Catherine Geslain-Lanéelle. Il réclame communication du dossier d’autorisation de mise sur le marché du Gaucho. Inouï : Geslain-Lanéelle, pourtant haut fonctionnaire, en théorie au service de la République, refuse avec hauteur. Ripoll est si furieux qu’il l’oblige à rester dans une pièce sous contrôle. On frôle la garde à vue ! Finalement, la directrice peut appeler le ministre de l’Agriculture, Jean Glavany, et seulement lui. Sans céder pour autant. La justice n’obtiendra pas gain de cause. Le ministère est une forteresse qui n’est pas près d’être investie ».

Oh oh ! Deuxième extrait : « On pourrait presque achever là ce chapitre, mais on serait trop loin du compte. Il faudrait pour cela oublier le plus grave, le plus sombre du secret entourant le Gaucho et le Régent. Sous Guillou et Geslain-Lanéelle, la gestion du dossier a amplement démontré que l’administration française soutenait les intérêts industriels contre ceux de la santé publique. Mais l’arrivée de Thierry Klinger aggrave encore les choses : elle coïncide avec des méthodes faites de franche intimidation ». Un troisième, pour la route :

« Catherine Geslain-Lanéelle a failli rater une très belle promotion. Nommée à la tête de la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt (DRAF) en Île-de-France après son passage à la DGAL, elle guignait sans trop le cacher un poste à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Jacques Chirac en personne, sans doute inspiré par des ennemis plus proches, a tenté de l’en empêcher. Mais le vieux chef n’a plus la main depuis des lustres, et en février 2006 Geslain-Lanéelle a été nommée directrice exécutive de l’EFSA, à Bruxelles. Comment vous priver de ses premières paroles ? Les voici : « J’entre en fonction à l’EFSA à un moment opportun. En effet, sur la base de l’énorme travail d’ores et déjà fourni, je m’engage à faire de l’EFSA une référence européenne en matière d’évaluation des risques concernant la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux au niveau tant européen qu’international. Les gestionnaires des risques en Europe doivent pouvoir se fier à des avis scientifiques indépendants et transparents pour élaborer des politiques et des mesures de sécurité alimentaire. » Seul un impudent personnage oserait poser la question suivante : Mme Geslain Lanéelle aurait-elle été nommée si elle avait choisi de coopérer avec la justice de son pays au moment de la perquisition du juge Ripoll ? ».

Voici ma contribution. Dans tous les cas, elle peut aider, ce me semble, à réfléchir.

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Curriculum Vitae de Gérard Pascal, arrêté en 2007

I – ETUDES ET FORMATION GENERALE

1. Etudes
1964    –    Ingénieur de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon, spécialité « Biochimie », avec les félicitations du Jury
1964    –    Certificat de Zoologie Appliquée (C4) (Université de Lyon)
1968    –    DEA de Nutrition (Université de Paris VI)
2. Stages de longue durée
Septembre 64 – Août 65    :    CEA-CEN-Saclay – Service des Molécules marquées
Novembre 65 – Février 66    :    (Ingénieur stagiaire, puis Scientifique du contingent
Juin 66 – Avril 67    :    puis  Agent  Contractuel  Scientifique  INRA  mis  à disposition)
Mars – Mai 66    :    Centre de Recherches du Service de Santé des Armées :
Hôpital Percy, Division de Radiobiologie (Scientifique du
contingent)
Avril 67 – Juillet 76    :    Centre de Recherches sur la Nutrition du CNRS : ACS,    Assistant, puis Chargé de Recherches INRA mis à disposition (à plein         temps, puis à mi-temps)
II – ACTIVITÉS DE RECHERCHE
1. Carrière à l’INRA
Juin 1965    :    Agent Contractuel Scientifique
Décembre 1967    :    Assistant de Recherche
Juillet 1970    :    Chargé de Recherches
Janvier 1980    :    Maître de Recherches
Mai 1986    :    Directeur de Recherches, 1ère classe
Mai 1999    :    Directeur de Recherches, classe exceptionnelle
Janvier 2004    :    Directeur de Recherches honoraire
2. Responsabilités à l’INRA
Avril 1983    Directeur Adjoint du Laboratoire des Sciences de la Consommation
Juillet 1984    Chargé des fonctions de Chef du Département des Sciences de la
Consommation
Juil. 1984 / Sept 1989    Directeur du Laboratoire des Sciences de la Consommation (24
agents dont 15 scientifiques et ingénieurs)
Juil. 1985 / Oct. 1989    Chef du Département des Sciences de la Consommation (105
agents dont 65 scientifiques et ingénieurs)
Oct. 1989 / Déc. 1992    Chef du Département de Nutrition, Alimentation, Sécurité
Nov. 1996 / Déc. 1997    Alimentaire (280 agents dont 145 scientifiques et ingénieurs)
Janv. 1993 / Déc. 99    Directeur du CNERNA – CNRS
Déc. 1997/ Déc.03     Directeur Scientifique pour la Nutrition Humaine et la Sécurité des
Aliments à l’INRA
III – ACTIVITÉS D’ENSEIGNEMENT
–    Professeur Consultant de Nutrition en 2ème année à l’ENSIA (Massy) de 1982 à 2005
–    Interventions régulières dans divers DEA et DESS
–    DEA National de Toxicologie : co-responsable de l’option toxicologie alimentaire de 1991 à 1999
–    Participations à des jurys de thèse : de 5 à 10 participations par an jusqu’en 2000.
IV – ACTIVITÉS DANS LES COMMISSIONS SCIENTIFIQUES
– Au niveau national :
–    Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France :
.    Membre consultant, puis membre de 1978 à 2000
.    Président du groupe de travail « Additifs alimentaires » et expert toxicologue du groupe « Matériaux au contact » de 1983 à 1988,
.    Président de la Section de l’Alimentation de Novembre 1988 à Novembre 1992
–    Commission d’Étude des produits Destinés à une Alimentation Particulière (CEDAP) : membre de 1980 à 1992
–    Conseil National de l’Alimentation : représentant du PDG de l’INRA de 1986 à Juin 1989, puis membre de droit jusqu’en 1999
–    Commission du Génie Biomoléculaire : membre depuis 1986
–    Commission de Technologie Alimentaire : membre de droit depuis sa création en Juillet 1989 jusqu’en 2000
–    Commission Interministérielle et Interprofessionnelle de l’Alimentation Animale : membre de droit depuis 1993 jusqu’en 2000
–    Président du Conseil Scientifique de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) de 1999 à 2002. Membre du Conseil d’administration de 2002 à 2005.
– Au niveau international :
–    Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine de la CEE : membre de 1986 à 1997. Président de septembre 1992 à septembre 1997.
–    Multi-Disciplinary Scientific Committee of the E.U. (centré essentiellement sur le problème de l’ESB) de juillet 1996 à octobre 1997.
–    Comité Scientifique Directeur de l’Union Européenne : membre depuis Juillet 1997 et Président de novembre 1997 à avril 2003.
–   Membre du groupe de travail « Expérimentation animale pour l’évaluation de la sécurité des OGM du Panel OGM » de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) depuis septembre 2004.
–    Consultation FAO/OMS sur les Biotechnologies et la Sécurité Alimentaire (Rome 1996) ; Expert invité.
–    Co-Président du Workshop de l’OCDE sur l’Evaluation Toxicologique et Nutritionnelle des Nouveaux Aliments- OGM (Aussois 1997).
–    Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, participation comme expert aux discussions sur la Nutrition Humaine et la Sécurité Alimentaire (1993, 1994, 1997 et 1998).
–    Expert en Sécurité Alimentaire de l’OMS depuis 1993.
–    Membre du Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA) depuis 1995.
V – DISTINCTIONS
–    Médaille de bronze du Service de l’Hygiène et des Maladies Contagieuses de l’Académie Nationale de Médecine (1978)
–    Chevalier du Mérite Agricole (1987)
–    Lauréat de l’Académie Nationale de Médecine : Prix du Centre de Recherches Cliniques et Biologiques sur la Nutrition de l’Homme (1990)
–    Lauréat de l’Académie des Sciences : Prix du Docteur et de Madame Henri LABBE (1990)
–    Lauréat de l’Institut Français pour la Nutrition : Prix de Recherche de Nutrition (1993)
–    Médaille d’Or du Comité de l’Agro-Industrie de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale (1995)
–    Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France (1996)
–    Officier du Mérite Agricole (1997)
–    Médaille CHEVREUL de l’Association Française pour l’Etude des Corps Gras (1999)
–    Chevalier dans l’ordre National du Mérite (2000)
–    Prix de Nutrition de l’Institut Benjamin Delessert (2002)
–    Élu membre de l’Académie des Technologies (2002)
–    Grand Prix des Industries Alimentaires de l’Académie des Sciences (2002)
–    Commandeur du Mérite Agricole (2004).
–    Prix de la Recherche en Nutrition de l’Association Ajinomoto (2006)
–    Médaille d’argent du Comité mixte FAO/OMS d’expert des additifs alimentaires (JECFA) (2006)

La CGT aime tant le nucléaire (et le gaz de schiste)

Je rappelle, à toutes fins utiles, que Bernard Thibault est non seulement le secrétaire général de la CGT, mais aussi membre – longtemps très influent – du parti communiste depuis 1987. À ce titre, il fait également partie du Front de Gauche de M.Mélenchon. Lequel ne manquera pas de nous faire savoir ce que tout cela signifie. Mon point de vue est simple : l’imaginaire social de la gauche française est en fait le même que celui de la droite. De la croissance, des objets inutiles, des bagnoles pour aller perdre sa vie au boulot, des cancers made in France (ici).

Je crois qu’il faut retenir comme un emblème de cette gauche absurde, totalement dépassée par les événements la phrase de Thibault que vous trouverez ci-dessous : « [La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim] ne sera acceptable que si elle est socialement gérable ». Je rappelle, à toutes fins utiles, que la grande centrale ouvrière de M.Thibault – la CGT, donc – a siégé ès qualités au Comité permanent amiante (CPA), lobby créé par l’industrie pour tenter de fourguer encore quelques années de plus son produit massivement cancérigène. Grâce à quoi l’amiante n’a été interdit en France qu’en 1997. Au moins 3 000 personnes meurent chaque année d’avoir été exposées à cette fibre. Des dizaines de milliers vivent avec des plaques pleurales, des asbestoses, des cancers broncho-pulmonaires, etc. Jamais personne n’a seulement osé mettre en accusation la CGT pour avoir donné la main à un patronat criminel. Pourquoi se gênerait-elle, dites-moi, avec le nucléaire ou le gaz de schiste ?

Il y a une distance définitive entre le mouvement écologiste tel que je le défends et des organisations syndicales simplement incapables de défendre la vie de leurs mandants. Et la nôtre. Ne parlons pas des non-humains.

Thibault : « Ne pas fermer la porte » au gaz de schiste

Créé le 16-09-2012 à 11h03 – Mis à jour à 11h03

Le secrétaire général de la CGT met en garde le gouvernement contre des choix liés à des « coalitions » entre les partis de la majorité.

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. (CHARLES PLATIAU / POOL / AFP)

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. (CHARLES PLATIAU / POOL / AFP)

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, estime qu’il ne faut « pas fermer la porte » aux recherches sur le gaz de schiste et met en garde le gouvernement contre des choix liés à des « coalitions » entre les partis de la majorité, en allusion aux écologistes, dans une interview au « Journal de Dimanche ».

« Nous ne devons pas fermer la porte aux recherches dans le domaine de l’énergie, y compris pour les gaz de schiste. Investissons au moins pour explorer. S’il s’avère, à partir de recherches incontestables, pour des raisons environnementales ou de sécurité, qu’il n’est pas souhaitable d’extraire ces gaz, cela ne me pose pas de problème », affirme le numéro un de la CGT.

« Une problématique politique »

Mais, selon lui, « renoncer à l’exploration est un peu inquiétant. Nous allons finir, alors que notre pays a de véritables atouts énergétiques, par être de plus en plus dépendants dans ce domaine ».

« Chacun a conscience qu’on est là dans une problématique politique qui met en jeu les relations entre partis formant la majorité présidentielle », estime Bernard Thibault, en allusion à EELV.

« Il ne faudrait donc pas que la solution apportée à certains problèmes soit seulement le résultat de coalitions plus politiques qu’efficaces pour l’avenir du pays », dit-il.

« Une annonce précipité »

« Tous les éléments d’appréciation doivent être mis sur la table et présentés aux Français avant de faire des choix uniquement idéologiques », prévient-il.

Bernard Thibault redit aussi son « regret » d’une « annonce précipitée » de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fin 2016.

« Cette fermeture ne sera acceptable que si elle est socialement gérable ». Selon lui, « on parle un peu trop aisément de reconversion professionnelle » mais « des personnes exerçant des métiers depuis des décennies ne peuvent pas forcément se reconvertir dans une activité alternative ».

Le président François Hollande a annoncé vendredi la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) fin 2016 et le rejet de permis d’exploration de gaz de schiste.