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Mais où faut-il donc envoyer les Grecs ?

Pas de blague vaseuse sur les Grecs et la destination à laquelle certains les convieront de toute façon. Pas de blague, d’autant que les Grecs, cela crève les yeux, c’est nous. On annonce la mort de notre formation sociale et économique depuis si longtemps que je me garderai de vous infliger ma propre prédiction. Cela chie, à n’en pas douter, et je crois comme bien d’autres que ce n’est que le début. Seulement, faut-il rejouer la scène mille fois vue opposant les crapules capitalistes au peuple embobiné et même ridiculisé ?

Ridiculisé, oui, car enfin, ignore-t-on réellement qu’un capitaliste – capitaines et chevaliers d’industrie tendrement enlacés – ne pense qu’au blé et jamais au sort de la société qui lui permet d’engranger ? Si notre peuple, près de deux siècles après la naissance du mouvement ouvrier, suivi de son cortège de mutuelles et de syndicats, ne le sait pas, tirons ensemble l’échelle. Il ne le saura jamais. Et en ce cas, ce serait à se demander s’il ferait beaucoup mieux dans le cadre d’une société mieux faite. Ce serait, vous noterez que j’ai courageusement choisi le conditionnel. En vérité, je crois que chacun sait à quoi s’en tenir. Les maîtres du monde, et de la France, accumulent tant d’argent qu’ils ne savent quoi en faire, et précipitent par leur cupidité et leur sottise la crise écologique qui ne fait que commencer. Elle ne fait que commencer, et elle est sans commune mesure avec la crise financière en cours.

Mais stop. Restons-en à cette dernière. Faut-il se réjouir, avec Mélenchon, de l’annonce d’un référendum en Grèce, dont on ne connaît d’ailleurs pas la question ? Pour ma part, je prétends que non. Pourquoi cela ? Est-ce que cela fait de moi un définitif ennemi du peuple, comme le penseront sûrement les mélenchonistes ici égarés ? De l’idée qu’ils se font du peuple, assurément. Car, que je sache, nul ne remet en cause en ce moment les raisons concrètes pour lesquelles quelques millions de Grecs se sont englués dans la dette. Beaucoup, récitant leur habituel bréviaire, accusent le marché financier de faire ce qu’il fait sans jamais se fatiguer. Mais nul n’interroge les dépenses concrètes soutenues, voire désirées par une partie considérable du peuple grec. Et ces dépenses s’appellent, entre autres : bagnoles, télés à écran plasma, téléphones portables, vacances je ne sais où, malbouffe, jouets et vêtements chinois, etc.

Autrement dit, quiconque accuse la spéculation sans mettre en cause l’aliénation de masse par les objets est un charlatan de la politique.  Qui nous prépare d’amères défaites en prétendant nous armer pour le triomphe. Qu’on me comprenne bien : je suis pour la destruction du système industriel. Lequel inclut évidemment les bandes parasites qui, en Bourse, jouent la vie des autres. Mais qu’on ne compte pas sur moi pour défendre la manière de consommer et de vivre, c’est-à-dire la manière de détruire, des Grecs. Qui est exactement la même que la nôtre. Commençons donc par un langage qui ne sente l’odeur terrible de la mort. Qui osera ?

Et Sarkozy donna la charia aux Libyens (faute de nucléaire)

Je ne veux d’autant moins me croire devin que je ne le suis pas. Je me trompe régulièrement et je fais très attention de m’en souvenir. Cela entretient l’esprit, je vous l’affirme. Je me trompe, mais je réfléchis, ceci expliquant en partie cela. Et je ne me trompe pas toujours, fort heureusement pour moi. En ce qui concerne les dites « révolutions arabes », je crois avoir moins pensé de sottises que tant d’autres, dont le métier est pourtant de commenter doctement, voire d’agir, comme font semblant de faire nos femmes et hommes politiques.

Je n’ai jamais cru dans la baliverne d’une démocratie remplaçant la dictature. Et même si cela ne touche pas directement la crise écologique, unique objet ou presque de Planète sans visa, permettez-moi quelques phrases. L’Occident niais, idéalement représenté en Libye par le couple Sarkozy-BHL, continue de juger son « modèle » irrésistible et universel, contre toute évidence. À les suivre, si l’on se débarrasse d’un tyran, c’est pour ouvrir la place au CAC40 et à ces messieurs des transnationales, sur fond d’élections à la mode parisienne. L’exemple chinois, parmi tant d’autres, aurait pourtant dû secouer les plus nigauds. Loin des fantasmes de jadis – au temps de la guerre froide -, qui associaient systématiquement liberté du commerce et liberté tout court (dans la défunte Union soviétique), la Chine montre qu’on peut vendre des colifichets par milliards et maintenir un monopole politique sur la société.

Dans les pays arabes, où la situation est fort différente, où chaque situation est en vérité unique, il est un point commun, et c’est l’islam en tant que réponse globale à la frustration et à l’impasse tragique où sont fourvoyées les sociétés humaines. La plupart imaginent qu’il suffit de fournir quelques objets usuels aux classes moyennes des villes, plus les bouquets satellite des télévisions, mais les peuples s’angoissent pourtant. Et ils ont raison, car l’avenir est assurément sombre. Prenez le cas de la Libye, que ce bouffon assassiné de Kadhafi aura tant fait souffrir. Là-bas, le despote avait décidé de créer le « Grand fleuve artificiel », qui devait devenir le second Nil de la région. Le 30 août 1991, à Benghazi la rebelle d’aujourd’hui, le colonel inaugurait la première phase de travaux pharaoniques, devant une trentaine – où êtes-vous diable, satrapes et salauds ? – de chefs d’État et de gouvernement.

Quels travaux ? Ceux visant à extraire grâce au fric venu du pétrole une eau miraculeuse et fossile, vieille de milliers d’années, cachée dans les grès du désert, entre Tchad, Libye, Soudan, Égypte. Dans cette zone que devait parcourir bien plus tard mon ami Jean-Loïc Le Quellec, admirable découvreur des civilisations disparues (lisez donc son livre, coécrit avec Pauline et Philippe de Flers, Peintures et gravures d’avant les pharaons, du Sahara au Nil, Soleb/Fayard). À rebours de la grandeur de jadis, Kadhafi aura claqué de 1985 à 2010 au moins 30 milliards de dollars pour dilapider une eau qui ne reviendrait plus, expédiée vers le nord, le littoral, Tripoli par des canalisations géantes à ciel ouvert. Comme de telles monstruosités sont-elles possibles ? C’est très simple : il faut et il suffit d’avoir des amis techniciens.

Qui osa prêter main forte à ce vol contre l’humanité et son avenir ? Entre autres notre société du BTP Vinci, qui accompagnait en visite officielle en Libye, en novembre 2004, un certain Jacques Chirac (ici). Et qui représentait Vinci ? Mais son patron, évidemment, Antoine Zacharias (lire ses aventures ici) le goulu. Et que venait donc faire Zacharias à Tripoli ? Mais signer contrat, pardi, pour réaliser la quatrième tranche des travaux du « Grand fleuve artificiel ». Ainsi se bâtissent les fortunes de notre planète malade. Je n’insiste pas sur le cas angoissant de l’Égypte, qui est incapable de nourrir une population de 85 millions d’habitants avec son seul fleuve surexploité, martyrisé, le Nil. Je n’y insiste pas, car j’ai consacré au début de l’année un article à la question, qui peut se lire encore (ici).

Est-il utile d’entrouvrir le dossier tunisien ? Ce malheureux pays ne survit, dans les conditions du Sud, qu’en vendant son âme, pour rester poli, au tourisme fou des pays du Nord. Une telle soumission ne peut conduire qu’à la dissociation psychique de masse, c’est-à-dire à la maladie mentale de toute une société. Et, bien entendu, il ne s’agit que de châteaux de sable, comme les Tunisiens le comprennent sans qu’on ait besoin de leur faire deux fois le dessin. Où veux-je en venir ? Ces pays, très ou trop peuplés, indifférents comme le nôtre à la crise écologique qui va fatalement déferler, sont néanmoins tenaillés par une peur venue des profondeurs.

Tel est en tout cas mon sentiment. Des millions de gens, souvent pauvres, ne distinguent aucune lumière au loin, mais sont bien obligés d’avancer. Et l’islam est là, qui est la seule réponse globale disponible. Je ne discute pas ici des critiques évidentes que l’on peut, que l’on doit faire à l’islamisme. Il reste que ce dernier, jusques et y compris sous ses formes « modérées », incarne une voie de civilisation, quand il est clair que la nôtre n’a aucun avenir. En ce sens, elle rassure et rassurera d’autant plus qu’elle est fantasmatique. Disons, pour rester respectueux, qu’elle est promesse, et le restera. Une grande et fabuleuse promesse d’une vie meilleure, ici ou ailleurs. Cela suffit bel et bien.

Nous ne pouvons concourir durablement contre une telle « offre » civilisationnelle. Nous ne jouons pas dans le même registre. Nos goûts sont vulgaires et corrompus, et ne croyez pas que j’écris ces mots pour la raison que je serais un converti à l’islam, pardieu. Mais franchement, Zacharias, Séguéla, TF1, les hypermarchés, la neige artificielle, le béton jusqu’au bord des plages ? Franchement. En regard, l’islam incarne le renouveau, la sagesse, la mesure, la beauté, l’esprit. Vous ne le voyez donc pas ?

Il n’y a qu’une seule autre réponse possible. Elle réside dans une alliance encore improbable entre la culture au sens le plus profond, et l’esprit, dans son acception la plus large. Je l’appelle faute d’un mot meilleur, encore à inventer, l’écologie. C’est-à-dire une manière totalement neuve de comprendre la place des hommes sur une terre dévastée, qui implique des relations dont nous n’avons pas encore la moindre idée avec les animaux et végétaux qui ont survécu à notre folie commune. Qui implique un respect de la vie, une sacralisation de la vie sur terre, de toutes les formes vivantes, de tous les espaces, de toutes les espèces, lequel supposerait un bouleversement de notre psyché. Est-ce concevable ? Je le crois, car je ne vois aucune autre issue. Je le crois, mais je sens avec douleur que la voie d’accès est ridiculement étroite. Et que l’on n’y parviendra pas sans d’héroïques efforts sur nous-mêmes, pauvres petits êtres que nous sommes.

En attendant que vienne cette heure, si elle vient jamais, on garde le droit de railler Sarkozy. Après avoir humilié en 2007 la France, recevant Kadhafi en grande pompe à Paris, et lui proposant une centrale nucléaire, il a engagé notre pays dans une guerre coûteuse, qui aurait pu nous enliser pour des années. Et qu’a-t-il gagné ? L’édiction de la charia, la loi islamique, dans ce territoire que nos avions viennent de libérer de notre crapule préférée. À bouffon, bouffon et demi.

Armistice sur le front de la Dhuis

Je vous entretenais hier du funeste projet de Bertrand Delanoé, maire de Paris. Et je sais que des lecteurs de Planète sans visa ont aussitôt signé la pétition mise en ligne. Merci, les amis ! Ce n’est certes pas l’explication du recul de la Mairie de Paris, sans doute provisoire, mais en tout cas, nous disposons d’un magnifique sursis, dont il faudra profiter pour obtenir une victoire définitive. Lisez plutôt :

Communiqué de presse IDFE – Ile de France Environnement:
L’Aqueduc de la Dhuis, coulée verte de l’Est francilien, en sursis ?

La ville de Paris a retiré de l’ordre du jour du conseil des 17 et 18 octobre 2011 la cession de l’aqueduc de la Dhuis à la société Placoplâtre. Cette coulée verte, indispensable au maintien de la biodiversité et au déplacement des espèces, est un des éléments clefs de la trame verte de l’Est Francilien. Ile de France Environnement et les associations de protection de l’environnement de l’est francilien se félicitent de cette décision mais demeurent extrêmement vigilantes quant à l’avenir de ce véritable balcon vert.

L’aqueduc souterrain de la Dhuis ou (Dhuys), construit sous Napoléon III, achemine  l’eau de la Dhuys pour fournir majoritairement en eau le parc d’attractions Disneyland, son surplus étant dirigé vers Paris. Serpentant sur 131 km depuis Pargny-la-Dhuys (Aisne), il aboutit au réservoir de Ménilmontant (Paris XXème). L’aqueduc de la Dhuis est géré par la SAGEP (société anonyme de gestion des eaux de Paris).

En 2007-2008, 6 millions d’euros ont été consacrés par l’AEV (Agence des Espaces Verts d’Ile de France) pour aménager l’espace libre au-dessus de l’aqueduc souterrain. Cet itinéraire très prisé des populations relie à flanc de coteaux plusieurs espaces boisés de la région et traverse 13 communes. Véritable trait d’union entre la ville, la forêt et la campagne, cette coulée verte est un des éléments clefs de la trame verte de l’est francilien.

Bertrand Delanoé, l’ami de Placoplâtre

Sûr et bien sûr, vous ferez ce que vous voulez. Moi, j’ai signé la pétition ci-dessous, adressée au grand Écologiste, au géant socialiste devant l’Éternel, Bertrand Delanoé, maire de Paris. C’est ainsi, croyez-moi, grignotage après grignotage, que se poursuit dans notre pays la destruction du monde. Dans le silence, dans l’indifférence générale. L’affaire de la Dhuis n’est pas encore terminée. Elle le sera encore moins quand vous aurez fait connaître l’histoire autour de vous. En avant, les amis ! (On signe )

Pétition NON à la Destruction de l’Aqueduc de la Dhuis

Pour : Mairie de Paris

NON à la Destruction de l’Aqueduc de la Dhuis ??Cette coulée verte, indispensable au maintien de la biodiversité et au déplacement des espèces est un des éléments clefs de la trame verte de l’Est Francilien. ?La ville de Paris a inscrit à l’ordre du jour du conseil des 17 et 18 octobre 2011 la cession de l’aqueduc de la Dhuis à la société Placoplâtre. ?

Île de France Environnement et les associations de protection de l’environnement de l’est francilien tirent le signal d’alarme ??Long de 131 Kms, l’aqueduc de la Dhuis (ou Dhuys) a été construit sous Napoléon III pour acheminer l’eau de la Dhuys. Son point de départ se trouve à Pargny-la-Dhuys (Aisne) et il se termine au réservoir de Ménilmontant (Paris XXème).

Aujourd’hui, l’aqueduc de la Dhuis est géré par la SAGEP (société anonyme de gestion des eaux de Paris). Il fournit majoritairement en eau le parc d’attractions Disneyland, seul le surplus est dirigé vers Paris. ??6 millions d’euros ont été consacrés en 2007-2008 par l’AEV (Agence des Espaces Verts d’Ile de France) pour aménager l’espace libre disponible au-dessus de l’aqueduc souterrain de la Dhuis. L’entretien de cet espace est assuré par l’AEV.

Véritable trait d’union entre la ville, la forêt et la campagne, cet itinéraire très prisé des populations relie plusieurs espaces boisés de la région. Cette coulée verte est indispensable au maintien de la biodiversité et permet le déplacement des espèces. C’est un des éléments clefs de la trame verte de l’est francilien. ??Cette réalisation de l’Agence des Espaces Verts de la région Ile-de-France risque d’être réduite à néant.

En effet, la Mairie de Paris a l’intention de céder, au profit de la Société Placoplâtre, des tronçons de l’Aqueduc de la Dhuis sur les communes de Seine et Marne Le Pin , Claye-Souilly, Villevaudé et Annet-sur-Marne. Et cela afin de permettre une exploitation des sous-sols gypseux à ciel ouvert alors que l’exploitation souterraine de ce gisement est possible, comme cela a été fait en Seine Saint Denis. ??S’il se réalisait, ce projet sonnerait le glas d’un ouvrage Hausmannien, mettrait en péril l’intégrité écologique de cette coulée verte et nuirait gravement à cette promenade chère aux habitants de l’Est Francilien et d’ailleurs.

Ce secteur de Seine et Marne a déjà trop souffert et souffre encore aujourd’hui de ce type d’exploitation ??Par ailleurs ce projet s’oppose aussi gravement à la convention de partenariat signée en février 2011 entre la Mairie de Paris et le conseil général de Seine et Marne visant à construire une métropole durable et notamment sur le sujet essentiel de la biodiversité. ??Nous nous opposons à toute opération qui viendrait dénaturer, altérer ou nuire à la coulée verte que constitue la promenade de l’aqueduc de la Dhuis. ??Nous demandons également qu’aucune nouvelle exploitation de gypse à ciel ouvert ne soit plus autorisée sur ce secteur. ??Nous demandons aux élus de la ville de Paris de s’opposer à la cession de l’aqueduc de la Dhuis à la société Placoplâtre.

Comment faire la bombe plus vite (avec un laser)

Je n’ai pas le temps d’alimenter Planète sans visa en ce moment. Vous trouverez ci-dessous un article paru il y a deux ou trois semaines – je ne remets pas la main sur mon exemplaire – dans Charlie-Hebdo, journal auquel je collabore avec plaisir. Il est de moi, pas de doute.

Une nouvelle porte ouvre sur le futur, et c’est enthousiasmant. Le New York Times, dans une longue enquête signée William J.Broad, révèle qu’une grande aventure industrielle est sur le point d’aboutir (1). Il s’agit, comme on va le découvrir avec joie, d’un nouveau procédé pour enrichir l’uranium tiré des entrailles de la terre.

Nom du papa : General Electric, que tout le monde, aux Amériques, appelle GE. Pour commencer, quelques mots sur la noble entreprise. Sixième plus grosse firme des Etats-Unis en 2011 selon le classement de Fortune, GE est aussi le quatrième plus gros pollueur de l’air du pays. Dresser la liste de tous les problèmes écologiques posés par l’activité de GE lasserait son monde. Cette immensité créée par Thomas Edison en 1890 s’occupe de tout ou presque, de l’énergie aux ordinateurs, en passant par l’espace, la télé, les éoliennes.

Retenons au moins deux choses. Un, les gens de GE ont de bons conseillers fiscaux, car bien qu’ayant cumulé 14,2 milliards de profits en 2010 dans le monde entier, dont plus de 5 milliards pour leurs activités proprement américaines, ils n’ont payé aucun impôt cette année-là (2). Deux, Fukushima. On y revient, c’est fatal. Les six réacteurs de la centrale ont été conçus par GE, et des critiques sur leur fiabilité ont commencé dès 1972, soit près de quarante ans avant la cata. Donc, GE est une entreprise sérieuse.

Et maintenant l’enquête du quotidien américain. L’uranium naturel, c’est chiant. Il faut trouver une mine accueillante – Areva la française se coltine des conflits à répétition au Niger – et admirer le travail des pelleteuses et des excavatrices. Pas terrible. Quand il sort de la mine, l’uranium naturel est composé de deux isotopes. L’uranium 238 pour 99,3 % du total. Oublions, on s’en fout. Et l’uranium 235 pour 0,7 %. Ça, c’est du tout bon. Sauf qu’il faut enrichir le 235 pour le rendre utile aux centrales dites civiles et à la bombe. En théorie, pour les centrales nucléaires, il faut enrichir l’uranium naturel, de manière qu’il contienne entre 3 et 20 % d’uranium 235. Au-delà, et surtout à hauteur de 90 % d’uranium 235, l’usage militaire devient possible, puis facile.

Un pays comme la France se fait chier comme pas permis à enrichir son uranium. Cela se passe dans deux usines d’Areva, gentiment appelées Georges Besse 1 et Georges Besse 2. Jeunesse, sache que Georges Besse, flingué par des gens d’Action Directe en 1986 pour la raison qu’il était patron de Renault, avait avant cela été un ponte de l’industrie nucléaire. D’où ce délicat hommage. Areva sait vivre.

Chez Besse 1, depuis 1978, on enrichit l’uranium par la méthode dite de « diffusion gazeuse ». Chez Besse 2, la plus moderne, par centrifugation. Sauf que nos ingénieurs sont peut-être bien en train de se faire enfler par GE, qui a ressorti et visiblement amélioré la méthode du laser. Abandonnée il y a une quarantaine d’années, elle a été relancée et apparemment validée par une équipe australienne dans les années 90. Bravo à vous, amis ingénieurs !

Un monsieur Christopher J. Monetta, président de la filiale de GE nommée Global Laser Enrichment, déclare au Times : « Nous sommes en train d’améliorer la conception » de cette technologie, qui pourrait se déployer, après accord fédéral, dans une immense usine prévue à Wilmington, en Caroline du Nord. Coût estimé : 1 milliard de dollars pour commencer. Taille estimée du bâtiment principal : la moitié de la surface du Pentagone, quartier général des armées américaines. Ou, si l’on veut embêter les héros, la taille de la plus vaste usine d’enrichissement de l’uranium des mollahs de Téhéran, qui ne veulent que le bien de l’homme.

Grincheux en chef, le physicien nucléaire Frank N. von Hippel – il a conseillé Clinton et enseigne à Princeton -, n’est pas bien convaincu, et il estime : « Nous sommes proches d’un nouveau chemin vers la bombe. Nous devrions avoir appris assez pour commencer par une évaluation avant de laisser faire ce genre de chose ». Pourquoi ces inquiétudes ? Parce qu’il s’agit d’un procédé technique, susceptible d’être reproduit, amélioré, simplifié. Idéal pour les groupes terroristes et les États comme l’Iran, qui pour l’heure, doit se contenter de centrifugeuses, difficiles à cacher, pour enrichir son uranium.

Demain le laser pour tous, et l’uranium enrichi sur le pas de la porte ? C’est possible, c’est américain, et ça vient de sortir. Bonne rentrée de septembre.

(1) http://www.nytimes.com/2011/08/21/science/earth/21laser.html?_r=1
(2) http://www.nytimes.com/2011/03/25/business/economy/25tax.html?_r=1&scp=2&sq=ge&st=cse