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Quand on ne comprend pas tout (sur les gaz de schistes)

AVISSE ! UN GRAND RASSEMBLEMENT INTERNATIONAL CONSACRÉ À L’ÉNERGIE SE PRÉPARE POUR CET ÉTÉ 2011 SUR LE LARZAC. FAITES CIRCULER L’INFORMATION ! NOUS ALLONS AVOIR BESOIN DE BRAS, DE JAMBES ET DE TÊTES, PAR MILLIERS. AVISSE ! AVISSE À TOUS !

Surtout, garder la tête froide. Dans l’affaire sinistre des gaz et pétroles de schistes, les annonces fleurissent comme les cerisiers du printemps. C’est la fête, on se pousse du coude pour être sur la photo. En résumé, cela semble simple : c’est fini. Les députés socialistes préparent un projet de loi d’abrogation des permis. Une centaine de députés de différentes tendances sont déjà réunis dans un groupe de ferme opposition à cette nouvelle aventure industrielle. Mieux ou pis, doublant dans l’avant-dernière ligne droite les socialos, les députés UMP ont déposé leur propre projet, qu’il faudra bien entendu analyser à la loupe binoculaire. Dans l’état actuel des choses, emmenés par leur président Christian Jacob, ils réclament eux aussi l’interdiction pure et simple de l’exploration et donc, à fortiori, de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes.

Ajoutons au pandémonium un autre projet de loi, déposé par l’inénarrable Jean-Louis Borloo, qui avait signé en mars 2010, alors qu’il était ministre de l’Écologie et de l’Énergie, certains des premiers permis. À l’insu de son plein gré. Un mot de commentaire sur ce roi bouffon déjà moqué ici il y a quelques jours. Il est assez grave, il est assez désespérant pour l’idée démocratique, que les journalistes politiques de notre pays, ignares il est vrai, et indifférents ô combien à ce qui touche à l’écologie, n’aient pas questionné Borloo sur ce qui est, d’évidence, une forfaiture.

Qui s’en soucie ? Personne apparemment. Il signe des actes lourds de conséquences pour le pays entier, puis demande leur abrogation un an plus tard, sans rien expliquer des mécanismes qui nous ont menés là. Qui décide de quoi ? Cette question me hante, et j’espère que vous êtes dans le même cas que moi. Qui a décidé jadis de nous faire vivre sous la menace de 58 réacteurs nucléaires ? Qui s’apprêtait à changer les plus belles régions de France en un eldorado de l’industrie lourde ? Moi, je le sais : un corps oligarchique, celui des Mines. Mais qui l’apprendra ailleurs ?

Passons aux leçons de l’événement, même s’il est trop tôt pour se montrer affirmatif. Je suis infiniment heureux, d’ores et déjà. Car nous avons, d’évidence, remporté une victoire éclatante. Elle ne marque nullement la fin d’un combat qui ne fait que commencer, mais elle va, à coup certain, donner de l’énergie à tous les combattants. Ainsi donc, preuve est faite que l’on peut affronter des forces puissantes, et les vaincre, au moins provisoirement. Nous avons tant besoin de bonnes nouvelles ! Simplement, il faut reconnaître que nous ne savons pas ce qui a conduit à ce spectaculaire recul. Il va de soi que la mobilisation immédiate et massive a joué un rôle-clé. Il va de soi également, et j’écris cela à dessein, pour les grincheux, que José Bové nous a beaucoup aidés. Bien des choses sérieuses me séparent de cet homme, mais bien davantage m’en rapprochent. Tout au long de cette première étape, que nous avons franchie ensemble, depuis la fin de l’été passé, José a constamment joué le jeu.

Et c’est de cela que je veux me souvenir aujourd’hui. Il fallait que ce mouvement soit incarné, et cet homme pouvait le faire. Il l’a fait. Je ne chipoterai donc pas mes remerciements. Derrière, juste derrière, des centaines d’activistes hors parti, suivis par des milliers d’enthousiastes, ont formé un mouvement sans vraie hiérarchie, bordélique, mais très efficace. Il n’est pas temps d’en faire le bilan, d’autant plus que la coordination que nous avons bâtie reste formidablement vivante. Elle va continuer de nous surprendre, j’en suis convaincu.

Que s’est-il passé pour que le système politique établi bascule si vite ? Je dois dire que je l’ignore. Je crois, sans préjuger du reste, qu’un emballement s’est produit au point de départ. Il a été clair, d’emblée, que le refus transcendait les frontières classiques. Et qu’il entraînerait, en cas de poursuite de la folie industrialiste sur le terrain, des troubles considérables. De nombreux notables, qui de droite qui de gauche, préparant leurs chères cantonales, ont été contraints, bien souvent, de prendre position. Elle ne pouvait qu’être contraire aux souhaits de l’industrie. À l’échelon supérieur, des conseils généraux, quelquefois de droite – l’Aveyron – et des Conseils régionaux ont embrayé, légitimant le combat au couteau qui se préparait. On peut, je le crois, parler d’une onde de choc qui a fini par ébranler les états-majors nationaux. Le cas de Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée, est intéressant. Élu de la Seine-et-Marne, où l’opposition au pétrole de schistes est vive, il a évidemment pu jauger l’impact électoral prévisible de cette affaire, à un peu plus d’un an de législatives difficiles. À la marge, notons qu’il est chiraquien, et que chatouiller le nez de Sarkozy, très proche du dossier, n’a pas dû lui déplaire exagérément.

Tout cela explique-t-il la situation ? Non, il faut l’avouer. Des pièces essentielles du puzzle manquent. Et le mystère reste grand. Question : pourquoi les industriels, Total et GDF-Suez en tête, ont-ils été incapables de former un vrai lobby actif ? Pourquoi, alors que cela paraît si simple, les députés n’ont-ils pas été inondés d’invitations et de dépliants en couleur ? Je ne sais pas la réponse. Autant il est facile d’admettre qu’ils ont été bousculés dans un premier temps par notre vivacité, autant il est incompréhensible qu’ils n’aient pas réagi depuis. Autre questionnement : le rôle du corps des Mines, véritable inspirateur des permis d’exploration. Sa discrétion apparente m’étonne bien moins. Les Mineurs n’aiment pas la lumière. Leur biotope se trouve dans les bureaux lointains des administrations centrales. Ils ont l’habitude, de longue date, de diriger les affaires énergétiques de la France. Sans rendre le moindre compte à la société, ni d’ailleurs aux politiques.

En la circonstance,  je pressens qu’ils ont été stupéfiés par la marche des événements. Obtenir le contreseing d’un ministre comme Borloo, c’est enfantin. Défendre de manière contradictoire un projet qui s’attaque à des repères essentiels, comme le paysage, l’eau ou le climat, c’en est une autre. Je fais le pari que le corps des Mines a été proprement déstabilisé. La démocratie, ce n’est pas encore exactement comme l’oligarchie. Un peu de patience, messieurs les ingénieurs.

Une conclusion ? Je n’en vois qu’une. Après cette guerre-éclair, il serait désastreux pour tous de s’arrêter sur un tel chemin. D’autant que nos adversaires n’ont évidemment pas dit leur dernier mot. Nos « bonnes » transnationales iront chercher des gaz et pétroles de schistes ailleurs. Sarkozy ne laissera pas tomber Paul Desmarais ainsi. Le corps des Mines va se ressaisir. Tout cela a les meilleures chances de se produire. Mais au-delà, il me semble que la situation a rarement été meilleure pour une appropriation par la société de la question décisive de l’énergie. Les débats volés du passé, dont celui sur le programme électronucléaire, doivent rester derrière nous, et à jamais. Sur fond de cataclysme japonais – cette horreur continue à me ronger chaque jour -, il devient possible de relier tous les fils volontairement dispersés. Celui des gaz et des pétroles de schistes. Celui du nucléaire. Celui des énergies renouvelables.

Nous devons, car nous pouvons cette fois, exprimer les vrais besoins énergétiques de la société française. Loin des manœuvres étatiques. Loin des lobbies industriels, dont le seul programme est l’expansion sans fin. Mais avec les peuples du Sud. Les Chinois, les Indiens, les Africains, les Latinos, les nord-américains, tous nos voisins européens. Cela tombe bien : il se prépare un rassemblement mondial sur toutes ces questions, début août 2011, sur le plateau du Larzac. Vous n’avez tout simplement pas le droit de ne pas en être. Certains d’entre vous réclament régulièrement de l’action. Du concret. En voilà !

PS ajouté le 9 avril : Dans un commentaire, Jean-Pierre Jacob fait remarquer que j’ai oublié de parler de Gasland. Comme il a raison ! C’est évident ! Ce film a été à la fois éclairant, éclaireur, fédérateur. VIVE JOSH FOX !

Visite à l’Assemblée nationale (sur les gaz de schistes)

Comme à l’habitude en ce moment, pas le temps. Un mot toutefois concernant mon audition à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une mission d’information menée par le député UMP François-Michel Gonnot (Oise) et le député socialiste Philippe Martin (Gers). On arrive au 101 rue de l’Université, à Paris, et l’on se retrouve comme dans une salle d’embarquement aéroportuaire, avec portique de sécurité et tapis roulant envoyant ses rayons X dans mon pauvre sac à dos. Attention, ça ne plaisante pas. J’ai failli devoir enlever mes chaussures, dont le bout métallique faisait sonner les alarmes. Et puis non.

Ensuite, on laisse sa carte d’identité, on se pose un badge sur la chemise, et l’on part dans un périple labyrinthique qui mène en fait au 95 rue de l’Université. Mais pas question d’entrer par là. On peut sortir du 95, mais pas y entrer. On m’a gentiment fait patienter dans un « salon d’accueil » confortable, où j’ai failli fermer l’œil. Mais juste avant la fermeture des écoutilles, un administrateur de l’Assemblée – j’espère ne pas me tromper sur son statut, d’autant qu’il a été charmant – est entré et m’a conduit dans un bureau voisin où j’ai serré la main de nos deux élus. Je ne ferai pas d’autres commentaires sur leurs personnes, disons simplement que j’étais attentif aux mouvements de l’air.

Monsieur l’administrateur, qui aide au travail de la mission, était lui aussi présent, et m’a d’ailleurs posé deux ou trois questions. Pour le reste, disons que j’ai entendu (presque) exclusivement Philippe Martin. De mon côté, j’ai balancé calmement, mais sans me censurer, ce que je sais de l’aventure industrielle des gaz de schistes. Les liens entre le clan Bush et l’industrie pétrolière et gazière du Texas, qui expliquent pour une part le nombre effarant de puits en activité là-bas, soit plus de 500 000 pour les seuls gaz de schistes.

J’ai ensuite abondamment parlé du rôle historique et très politique du corps des ingénieurs des Mines dans la définition de la politique énergétique de la France. J’ai enfin pointé la proximité extrême de notre président, Nicolas Sarkozy, avec deux acteurs majeurs – côté industrie – du dossier, Albert Frère et Paul Desmarais. Je ne jurerais pas que tout le monde était aux anges. Voilà. Après, je suis reparti, et le temps était humide rue de l’Université. Je me suis demandé si la pluie de Paris contenait des microparticules d’iode 131 venues du Japon. J’ai pensé que oui. Et j’ai foncé au métro.

Pendant ce temps, EDF (sur le nucléaire)

Je fais comme tout le monde, j’essaie en ce samedi matin d’en savoir plus sur le tremblement de terre au Japon, qui semble réserver de très mauvaises surprises nucléaires. Je clique, je vais regarder la presse, étrangère ou française. Tout à l’heure, parcourant un article du Point sur le sujet, une publicité s’est surimposée à l’écran. Cela arrive de plus en plus souvent, car cette industrie du mensonge est partout. Mais cette fois, j’ai eu un sursaut, car la pub était en faveur d’EDF. EDF !

On ne peut faire revivre l’esprit qui a présidé à la naissance de ce monstre, en février 1946. On appliquait alors le programme de nationalisations du Conseil national de la résistance (CNR), et l’heure était à l’illusion lyrique. La nation enfin rassemblée autour de nobles objectifs avait un vital besoin d’énergie, et cette dernière ne pouvait plus être soumise à l’intérêt privé. 64 ans plus tard, la boîte est entre les mains de Proglio, proche de Sarkozy comme tant d’autres, et des grands ingénieurs d’État. Une gigantesque alliance entre les staliniens – car le PCF et la CGT sont indissociables de l’histoire d’EDF -, l’État et les ingénieurs a conduit à la confiscation généralisée. Quel bilan !

Oui, le débat sur l’énergie a été confisqué par ces gens, et nous n’avons pas eu notre mot à dire. Nous sommes face à une industrie électronucléaire surpuissante, et bien entendu irresponsable. Qui paierait les dégâts si demain un tiers de notre pays devenait inhabitable ? La catastrophe est impossible tant qu’elle ne s’est pas produite, pour reprendre la forte pensée de Jean-Pierre Dupuy. Mais si elle advient, elle le devient rétrospectivement. Elle était possible, puisqu’elle s’est produite, et nous sommes tous morts vitrifiés.

Amis lecteurs de Planète sans visa, je ne voudrais pas me montrer trop solennel, mais dans le même temps, nous avons besoin de sérieux, et d’engagement. Je crois que nous devons faire le serment, alors que s’effondre au Japon une centrale nucléaire, de ne plus jamais lâcher ceux qui ont décidé à notre place. Que ce soit sur le nucléaire ou les gaz de schistes, une oligarchie entend trancher, et imposer. Ce sont nos adversaires. Il faut les combattre sans plus hésiter. Et il faut vaincre, je n’ai pas peur de ce mot guerrier. La priorité des priorités est d’arracher un vaste débat public, étendu sur des mois, qui nous permette de répondre à une question clé. La voici : quels sont nos vrais besoins énergétiques ? Comment diviser par trois ou quatre la consommation par habitant ? Je me répète : faisons serment.

Des questions sur les gaz de schistes

Pour signer :  http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci

Une bataille essentielle est en cours, qui se révélera peut-être historique. Nous verrons. Il s’agit bien sûr de la grande mobilisation contre l’exploitation de gaz et de pétrole de schistes, qui permettrait à la vaste machine industrielle de repartir à l’assaut du monde. Ce combat est français, européen, planétaire bien entendu. De son issue dépend une part que je crois considérable de notre sort commun. Je ne trahis aucun secret en écrivant que j’ai joué et continue de jouer un rôle important dans cette terrible affaire.

Dès cet été, j’ai alerté, comme le dirait Higelin, « les pingouins de ma galaxie », dont fait partie José Bové. Dès le 6 octobre, j’ai révélé dans Charlie-Hebdo que Jean-Louis Borloo avait signé le 1er mars, sans avertir quiconque, des permis d’exploration sur des surfaces gigantesques, incluant le Larzac. À propos de Charlie, et c’est en effet de la pub, je dois vous dire que j’y écris depuis un an, quasiment toutes les semaines, et sans l’ombre d’un souci. Je sais ce que nombre d’entre vous pensent de Philippe Val, et je crois que vous pouvez imaginer combien je suis éloigné de lui. C’est une litote, oui. En tout cas, Charlie  mérite d’être lu, si vous voulez mon avis. D’ailleurs, il s’y trouve cette semaine un article sur les gaz de schistes, que j’ai bien entendu signé. Et faites ce que bon vous semble.

Quoi d’autre ? Des questions, de multiples questions, que j’adresse à tous les militants de ce front pour le moment exemplaire. Pardonnez si je ne développe pas, car je n’ai simplement pas le temps. Voici, dans le désordre de ma pensée.

1/ Pourquoi madame Kosciusko-Morizet ne publie-t-elle pas la liste complète de tous les permis d’exploration accordés depuis le début ? Comme l’a montré Mediapart, au moins un permis d’exploration de gaz de schistes a été donné dès 2006, sur deux sites des Pyrénées, et au moins une fracturation hydraulique a eu lieu. Que l’on dise tout, une fois pour toutes !

2/ Par quelle audace oligarchique a-t-on osé confier la soi-disant mission d’expertise sur les gaz de schistes à ceux-là même qui ont lancé ce délirant programme, c’est-à-dire au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) ? Certes,  le  Conseil général de l’environnement et du développement durable (nouveau nom des Ponts et Chaussées) est associé, mais le pouvoir penche, dans ce dossier du moins, du côté des ingénieurs des Mines, ces « Mineurs » qui décident depuis deux siècles, hors tout contrôle démocratique, de la politique énergétique de la France.  La création d’Elf, et donc, pour partie, de Total, c’est eux. Le programme électronucléaire, de même. Ils entendent recommencer ce qu’ils ont déjà si souvent fait.

3/ L’État français est-il à ce point en ruines qu’il ne puisse obtenir des industriels la liste exhaustive – exhaustive – des innombrables produits chimiques de la pire espèce utilisés dans la fracturation hydraulique ? N’oublions pas, je vous en prie, que la société Toreador, dont l’un des vice-présidents, Julien Balkany, est le demi-frère de l’ami intime de Sarkozy, Patrick Balkany, s’apprêtait à forer en région parisienne. Sans notre refus massif, immédiat, ce serait chose faite. Et des molécules cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens seraient en ce moment dans notre sous-sol.

4/ Quel deal politico-commercial a-t-il été conclu entre notre gouvernement et les sociétés américaines ? Il va de soi que Hess, dirigé par d’anciens ministres de Bush, et qui a monté l’opération parisienne en compagnie de Toreador, a obtenu des garanties au plus haut niveau. Tout simplement pour la raison qu’elle a accepté de mettre 200 millions de dollars sur la table, pour le seul Bassin parisien. Ouvrez les dossiers ! Pas de négociation secrète ! La vérité, et rien d’autre !

5/ La ministre de l’écologie osera-t-elle participer au sabotage ultime des négociations internationales sur le climat ? La question est très grave, évidemment. La propagande politicienne – celle de droite comme celle de gauche sous Jospin – n’aura cessé de vanter notre complexe électronucléaire, censé garantir des émissions de gaz à effet de serre moindres que dans d’autres pays du Nord. La France – et nous tous – est engagée par la loi sur l’énergie de juillet 2005, qui commande de diviser par quatre nos émissions. Faut-il réellement préciser que cet engagement est national ? L’extraction chez nous de gaz et de pétrole ferait exploser notre contribution au dérèglement climatique, sans l’ombre d’un seul doute. Et serait, au passage, une violation grossière de la légalité républicaine. Enfin, il va de soi qu’un tel signal, au centre de l’Union européenne, ruinerait définitivement toute chance d’accord mondial. Au nom de quoi oserait-on encore se présenter devant les Indiens et les Chinois ? Attention, lecteurs de Planète sans visa, nous sommes proches d’un crime écologique majeur.

6/ Last but not least, aura-t-on enfin droit à un authentique débat public sur l’énergie ? C’est la clé. Ce débat nous a été volé à chaque fois depuis l’après-guerre. Au moment de la création d’EDF. Au moment de la création d’Elf. Au moment de la construction des centrales nucléaires. Il nous a été volé pour la raison que la question énergétique est entre les mains d’une oligarchie de 500 ingénieurs des Mines en activité. Pas plus. Serons-nous, cette fois, assez forts pour imposer une réelle discussion ? Sans une nouvelle définition de nos besoins, qui passe par de fortes contraintes imposées à tous les process industriels, suivie d’une diminution drastique de la consommation par habitant, et d’un développement sans précédent des énergies renouvelables, il n’y a aucun avenir possible. Et au fond, tout un chacun le sait bien. Méfiez-vous ! Méfions-nous tous ! Ce gouvernement aux abois va probablement tenter d’organiser une énième consultation bidon, par exemple dans le cadre de la désastreuse Commission nationale du débat public, qui s’est illustrée à propos des nanotechnologies. Ne tombons pas dans ce piège, qui serait une offense supplémentaire à notre intelligence collective. Il faut un débat. De la démocratie. Il faut que nous prenions la parole, et peut-être bien des places, des places de villes, comme ailleurs.

Cette fois, l’affaire est trop sérieuse pour être confiée à nos représentants habituels. Les représentants, c’est nous. On y va !

Qui a signé les permis (sur les gaz de schistes) ?

Le suspense devient insoutenable : qui a pu signer, dans le dos du peuple français, les permis d’exploration des gaz de schistes ? Je ne peux rappeler ici tous les épisodes précédents, dont certains sont sur Planète sans visa. Qui, mais qui a donc osé ? Eh bien, voici une première réponse, qui porte sur le permis dit de Nant. Celui-ci a été accordé à deux sociétés américaines, Schuepbach Energy LLC et Dale, ainsi qu’au champion français Suez. Ce permis concerne une surface de 4 414 kilomètres carrés. Une paille.

Or donc, qui ? Officiellement, et comme il se doit, Borloo, car le texte date du 1er mars 2010, date à laquelle l’ami Jean-Louis était ministre de l’Écologie et de l’Énergie. Seulement, un ministre paraphe ce que d’autres préparent. Et en l’occurrence, ceux qui ont préparé le permis de Nant sont, comme je l’ai déjà écrit, des ingénieurs des Mines. En la circonstance, le directeur – à l’époque – de l’Énergie au ministère de l’Écologie, c’est-à-dire  Pierre-Marie Abadie, ingénieur-en-chef des Mines. Un oligarque. Un parfait oligarque au temps du choléra de la démocratie. Au plan politique, rien ne me semble plus urgent que d’abattre les monopoles de pouvoir que se sont octroyés une poignée de féodaux. Ce n’est certes pas suffisant, mais c’est assurément nécessaire. Montons à l’assaut, car il faut avancer à toute force. On y va ?

PS : Je ne sais pas qui a préparé, pour le ministre, les autres permis. Dès que je le saurai, je vous le dirai. Mais je suis prêt à parier que des ingénieurs des Mines sont derrière chaque décision. Car telle est la fonction qu’une société aveugle, sourde, atone, leur a concédé.  ¡ Nos vemos !