Archives de catégorie : Pouvoir et démocratie

La supercherie de madame Kosciusko-Morizet (sur les gaz de schistes)

Vous lisez comme moi les journaux, ou vous écoutez sans doute les radios. Sentant monter une vraie grande colère nationale contre les gaz de schistes, madame Kosciusko-Morizet (ici) tente d’éteindre l’incendie, qui la menace directement. Car bien sûr, comment justifier une telle horreur quand on se prétend écologiste et qu’on entend – elle l’a dit et répété – devenir un jour présidente de la République ? C’est ce que j’appellerais une mission impossible.

La plupart des écologistes de cour et de salon adôôôrent madame Kosciusko-Morizet. Ils la trouvent belle, ils se trouvent beaux de la trouver belle. Ils rient avec elle sur les photos, vantent ses supposées qualités et ses soi-disant compétences. Fort bien. J’ai l’honneur de ne pas faire partie du club et de penser sans détour que madame Kosciusko-Morizet, secrétaire générale adjointe de l’UMP – vous imaginez ce que cela veut dire ? – est une politicienne ordinaire. Point barre.

Le moratoire, c’est du vent

Sur l’affaire des gaz de schistes, je n’ai hélas pas le temps de développer, mais je le ferai dès que possible. Il faut oser parler d’une supercherie. D’abord parce que le moratoire évoqué par madame Kosciusko-Morizet ne peut venir d’une parole, fût-elle ministérielle. Il faut une décision, écrite. Ce n’est pas le cas pour l’heure, et les propos de madame Kosciusko-Morizet ne sont donc, en tout cas pour le moment, que du vent. De l’air brassé sous le nez de journalistes complaisants. Mais il y a bien pire. Car madame Kosciusko-Morizet a également annoncé la création d’une mission d’expertise. Elle est bonne, elle est excellente, on nous a déjà fait le coup 1 000 fois.

Dans ce pays perclus qu’est la France, à qui diable peut-on confier pareille expertise ? Mais à des experts, pardi ! Seulement, ce travail technique hautement spécialisé est un monopole, tout simplement. Qui appartient à deux corps d’ingénieurs d’État, ceux que Pierre Bourdieu appelait fort justement la « noblesse d’État ». J’ai nommé le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), créé avant la Révolution française, et qu’on a longtemps appelé le Corps des Mines ; et puis le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’ancien corps des Ponts et Chaussées.

Derrière le programme électronucléaire

Pour aller très vite, ces deux corps trustent un nombre de postes de pouvoir ahurissant. Dans les ministères clés comme dans l’industrie. Le premier  a lié son histoire, depuis la guerre, avec le nucléaire, dont la bombe, et le pétrole. Ce sont les Mineurs qui ont arraché la décision de bâtir notre parc électronucléaire. C’est l’un d’entre eux, Pierre Guillaumat, qui a été le premier patron d’Elf-Aquitaine. À mon sens, ce corps pourrait bien être le pouvoir le plus considérable de notre pauvre République. Le corps des Ponts et Chaussées, de son côté, est derrière une infinité de destructions, dont le réseau routier et autoroutier, les ponts et rocades, les châteaux d’eau, les ronds-points.

Je vous le dis très calmement : ces gens tiennent le manche, mus, soutenus par un sentiment de toute-puissance lié à leur histoire pluricentenaire. Ils ont résisté aux guerres comme aux révolutions. Les ministres et les régimes passent, eux restent. Bien entendu, l’écologie n’a jamais été au programme de leurs écoles, entièrement au service de la technique et du pouvoir. Mais pour en revenir à notre sujet, quand un ministre crée une mission d’expertise, elle est fatalement confiée à ces braves serviteurs de l’intérêt commun. Madame Kosciusko-Morizet n’a pas dérogé à cette règle et sa mission sur les gaz de schistes est entre les mains du CGIET et du CGEDD. Or, le premier, bien plus encore que le second, est à la fois juge et partie. Car je vous en fais la confidence ici, et vous demande de la répéter partout où vous le pourrez : le moteur de cette folie globale appelée « gaz de schistes », en France du moins, c’est le corps des Mines, c’est le CGIET. On demande à ceux qui ont promu cette nouvelle aventure de nous expliquer les problèmes qu’elle poserait éventuellement. Au secours !

Croyez-vous que ce pauvre Borloo, signataire en mars 2010 des autorisations d’exploration, connaissait quoi que ce soit au sujet ? Évidemment, non. Mais les ingénieurs des Mines, oui. J’ai le pressentiment qu’ils veulent rééditer leur exploit du début des années 70, quand ils ont obtenu du régime pompidolien de l’époque le droit de semer partout des centrales nucléaires, ce qui a leur donné un surcroît de puissance sans égale. S’ils obtiennent satisfaction avec le gaz de schistes, ils offrent du même coup au pouvoir actuel un semblant d’indépendance énergétique, ce qui les rend intouchables pour longtemps.

On se doute bien que ces grands ingénieurs ont d’autres soucis en tête que le dérèglement climatique, non ? J’ajoute qu’une réforme passé inaperçue a créé en région les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (les Dreal), qui ont englouti la maigrelette administration de l’Écologie (les Diren) ainsi que les directions de l’Équipement. Dans ces nouvelles structures, ingénieurs des Mines et ingénieurs des Ponts et Chaussées font la loi, comme il se doit. Ce sont ces Dreal qui auront à gérer les dossiers concrets d’exploration des gaz de schistes.

Chez Total, Vallourec, Suez, et dans les ministères

À ceux qui pourraient croire que je fantasme, je conseille vivement de lire et de se renseigner. J’ai à peine commencé mon propre travail de mise à jour que je tombe déjà sur cette évidence : les ingénieurs des Mines sont partout dans ce dossier pourri. À la tête de Total et de Suez, bien sûr. Mais aussi chez Vallourec, qui produit les tubes destinés à l’exploitation du gaz. Et bien évidemment au ministère de l’énergie de ce cher monsieur Besson. Et bien évidemment au ministère de l’Écologie de cette chère madame Kosciusko-Morizet.

En résumé, nous avons affaire à un coup de force oligarchique. Je ne suis pas en train de parler d’un complot. Je suis aux antipodes de ces fumeuses visions. Ces gens ne se montrent pas sur la place publique, certes. Mais c’est de notre faute, et de notre faute seulement. Tout est à portée de main, et de critique : une infime minorité de puissants entend passer en force sur la question décisive de l’énergie. Comme en 1974 à propos du nucléaire. Cette fois-là, nous avons été battus à plate couture. Mais aujourd’hui, sur fond de crise climatique, nous n’avons plus le choix. Il faut gagner ce combat. Et donc, surtout, avant tout, ne pas se laisser manipuler par des personnages comme madame Kosciusko-Morizet ou MM. Borloo et Sarkozy.

En attendant des échéances qui se rapprochent à toute vitesse, on peut évidemment signer la pétition, et la faire tourner (http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci/). Ce n’est, toujours et encore, qu’un début.

PS : mon ami, mon cher ami François Veillerette, vice-président du Conseil régional de Picardie, a obtenu un vote remarquable que je vous laisse découvrir. François, des bises pour vous trois !

COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 4 février 2011

Gaz et pétrole de schiste : Le Conseil régional de Picardie décide d’interdire par tous les moyens l’exploitation sur son territoire

Lors de la session de ce matin 4 février, le Conseil régional de Picardie a voté à l’unanimité une délibération engageant la région à s’opposer par tous les moyens à l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste sur le territoire. Porté par François Veillerette, vice président chargé de la santé et Christophe Porquier, vice président énergie-climat, ce vote confirme la position ferme et nette du Conseil régional à ce sujet.

C’est sans consultation avec les collectivités locales et encore moins avec la population que l’Etat par l’intermédiaire de son ministre de l’environnement de l’époque, Jean-Louis Borloo a accordé un permis d’exploration à la société Toréador Energy France SCS dans la région de Château-Thierry (Aisne). Ce permis délimite une surface de 779 km2 dans laquelle sont programmés 6 forages.

Ce type d’exploitation engendre de lourdes conséquences pour l’environnement et la santé publique. La technique utilisée pour extraire les gaz, ou, comme c’est le cas en Picardie, du pétrole de schiste, consiste à fracturer la roche à l’aide de millions de litres d’eau (il faut environ 20 000 m3 d’eau pour un seul puit) additionnés à un mélange de produits chimiques particulièrement toxiques.

Mercredi 2 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’environnement, a annoncé la création d’une mission chargée « d’évaluer les enjeux, et d’abord les enjeux environnementaux » de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes. En attendant le rapport de la mission en juin prochain, aucune autorisation de travaux ne sera donnée.

Ce réveil tardif de l’Etat confirme la nécessité qu’une réelle concertation publique soit menée.

C’est pourquoi, en  plus de sa décision d’interdire l’exploitation des gaz  et pétroles de schistes, la Région exige un moratoire sur la prospection de ces gaz et demande l’organisation d’un débat public et la réalisation d’études d’impact. Par ce biais, la région compte garantir la protection de la population et de l’environnement et lui apporter l’information nécessaire et faire valoir ainsi le principe constitutionnel de précaution.

François Veillerette
Vice-président chargé de l’agriculture, alimentation, santé

Sur l’anarchie (Pour Laurent et tous autres [éventuellement] intéressés)

Je réponds ici en vrac, et en bien peu de lignes, à des interrogations qui ne cessent de renaître sur Planète sans visa. Souvent gentiment, parfois de manière comminatoire, on me demande mon avis. On m’interpelle, on me soumet des arguments, des questions, on souhaiterait que je réponde à tout et au reste. Je laisse de côté ceux qui pensent ainsi me coincer, et démontrer je ne sais quoi à mon encontre. Je ne peux rien pour eux, ils ne peuvent rien contre moi. Si j’étais à leur place, ce qu’à Dieu ne plaise, je passerais mon chemin. Il y a tant de belles choses à faire !

Quant aux autres, que je considère comme des lecteurs, et avec qui j’entretiens, fût-ce à distance, des relations de compagnonnage et de fidélité, je leur dirai simplement la vérité. En premier lieu, je n’ai pas le temps. Matériellement parlant, ce rendez-vous me prend du temps et de l’énergie. Bien moins qu’à une autre époque, mais encore beaucoup. J’en suis ravi, évidemment, mais c’est un fait. Or le temps nous est à tous compté. Et je réalise bien des choses dont je n’ai aucune raison de parler ici. En somme, je fais rigoureusement ce que je peux. Et si je ne réponds pas à vos attentes, j’en suis désolé, mais c’est inévitable. Chacun à sa place, comme il peut, et pas au-delà.

Il est un autre point que j’ai déjà abordé et qui reste central. Je n’ai réellement rien d’un gourou, et j’ai toujours détesté l’autorité, la hiérarchie, les chefs. À un point qui devrait faire peur à M. Mélenchon et à ses amis, qui me bassinent ici jusqu’à plus soif. Je ne crois pas à l’anarchie en tant que système politique, à mon grand regret. Mais j’aime follement, et depuis ma jeunesse – malgré mes contradictions, nombreuses – cette admirable philosophie de la liberté. Même si l’écologie est et restera la seule grande affaire politique de ma vie. Disons que je suis un écologiste fervent, et que je combats comme je peux, chemin faisant, toute soumission à l’autorité. Je vois que ce trait si pesant, fort bien décrit jadis par Stanley Milgram, est l’un des ressorts les plus puissants des catastrophes provoquées par l’homme. Chacun doit donc penser, aidé de ses lectures, encouragé par ses rencontres, mais en restant ce qu’il est. Pour ma part, j’ai la claire conscience et le vif contentement de n’être qu’un atome de la vie, tourneboulé comme nous tous par des forces incommensurables. Je suis un écologiste habité, éclairé de l’intérieur, par ce grand rêve humain qui signifie la vraie liberté. L’anarchie, oui.

Chávez, Castro et Mitterrand (ode aux belles idées)

Je mords une nouvelle fois la ligne jaune. Pardon aux lecteurs occasionnels de ce site, auxquels je dois une courte explication. Les autres savent mon vilain penchant. Planète sans visa est consacré à la crise écologique, exclusivement. Presque. Je fais une solide fixation sur le stalinisme, l’esprit du stalinisme, les différentes apparitions historiques, géographiques, politiques du stalinisme. Lequel vit encore, au profond, jusqu’en France. Ce n’est pas seulement que je déteste avec violence le culte du chef, les versions verticales du pouvoir, et tous les goulags, quels que soient leur nom. C’est aussi et surtout que je vois de nombreux jeunes gens sincères verser dans le soutien à des caudillos comme Hugo Chávez, quand ce n’est pas cette canaille de Castro. Je vous livre donc deux infos ci-dessous concernant cette question de principe. Et une autre qui n’a rien à voir, sauf que si.

Information numéro 1 : le plan cubain de « reordenamiento laboral », qui pourrait se traduire en français par « ajustement social », commence ces jours-ci. Il s’agit de lourder pour commencer 500 000 salariés de la fonction publique, fortement encouragés à créer leur propre petite entreprise de restauration, de coiffure, de cirage de pompes et bien entendu, pour les moins « adaptables », de chômage perpétuel. Ils devraient progressivement être rejoints dans ce grandiose effort pour la patrie par 1,3 million d’autres employés de l’État. Soit au total 1,8 million de fonctionnaires jetés sur le marché libre où les renards libres s’occupent si bien des poules libres. Rappelons que Cuba compte 11 millions 500 000 habitants. Une telle révolution dans l’emploi signifierait, en France, 16 millions de personnes contraintes de trouver un nouveau boulot. Soulignons que dans ce pays de rêve, les flics, les militaires, les bureaucrates du parti et ceux qui ont de la famille aux États-Unis paient en dollars et peuvent, à condition d’en avoir assez, tout s’offrir. Les autres se contentent de la libreta de abastecimiento. Un livret de rationnement qui permet de se régaler de patates à moitié pourries et de poissons avec beaucoup d’arêtes.

Le magnifique, c’est que la nouvelle du chamboulement a été annoncée par le syndicat unique appelé Centrale des Travailleurs cubains (CTC), qui non seulement approuve, mais aussi soutient cette mesure barbare. Vous avez toujours voulu savoir ce qu’est le totalitarisme ? Eh bien, c’est cela. C’est quand tout l’espace social, tous les interstices publics sont investis par les mêmes sous différents noms. Quand il n’y a plus de place aucune pour nous. Pour la liberté réelle. Je sais qu’il se trouvera toujours des soutiens de Cuba pour évoquer l’impact de l’embargo américain et les intrigues de l’impérialisme américain. Je plains les plus naïfs. Je maudis tous les autres. Castro est au pouvoir depuis cinquante ans à la place de son peuple.

Information numéro 2 : je n’adore pas le journaliste Jean-Pierre Langellier, correspondant du Monde en Amérique latine, installé à Rio. Mais je le lis, car c’est du moins un professionnel sérieux. Il écrit le 5 novembre une chronique glaçante sur les meurtres qui endeuillent chaque jour Caracas, capitale du « socialisme bolivarien » de Chávez, cher au cœur de tant d’altermondialistes. Caracas est devenue la ville la plus violente d’Amérique latine, avec 16 094 homicides en 2009, dont 93 % restent impunis. Probablement encore une entourloupe de l’impérialisme. Par rapport à 1998, juste avant que le grand jefe Chávez ne prenne le pouvoir, les chiffres ont été multipliés par quatre. Si je comprends bien, plus la révolution triomphe et profite au peuple, et plus le peuple s’étripe lui-même. Car ce sont bien sûr les pauvres qui se tuent entre eux, en priorité. Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j’y retourne immédiatement.

Information numéro 3 : quinze ans après la mort de François Mitterrand, une bonne partie des Pleureuses officielles se retrouve donc au cimetière de Jarnac – Jarnac ! – pour un émouvant hommage au cher disparu. Il y aura là Aubry, Royal, Cresson, Lang, etc. Notons parmi les etc. Roland Dumas, éternel complice de Mitterrand, qui vient d’aller embrasser le satrape Gbagbo sur la bouche, à Abidjan. Notons de même Gilles Ménage, héraut des écoutes téléphoniques sous le règne de son maître. Notons encore Michel Charasse, serviteur de chaque instant du monarque défunt, copain comme cochon avec Pasqua. J’arrête là, car à quoi bon ?

Nos socialistes ne rêvent que de recommencer une politique – celle de Mitterrand – qui a sacrifié les banlieues, réhabilité le capitalisme financier le plus débridé – Tapie -, vendu la télé publique, sans produire une seule mesure contre la crise écologique. Qui leur donnera sa voix contresignera ces objectifs-là, et aucun autre. Au total, comme je l’ai déjà écrit douze milliards de fois, il faut sortir du cadre. Les socialismes, qu’ils soient caudillistes ou à bajoue social-démocrate, n’ont plus le moindre souffle. Et n’en retrouveront pas. Je le crois. Je le veux.

En complément du précédent (sur Total, Suez et nos députés)

Il paraît qu’il ne faut pas critiquer la représentation nationale. Les députés, les sénateurs, toutes ces excellentes personnes qui veillent scrupuleusement sur l’intérêt général. Je ne sais pas ce que l’avenir réserve, et je suis bien convaincu que la violence est, historiquement, une arme qui s’est toujours retournée contre les pauvres et les gueux. Seulement, si elle revient un jour hanter nos contrées, il faudra bien savoir de quel côté se situer. Vous ne pensez pas ? Voici deux articles. Le premier a paru dans Le Figaro. Le second dans Libération. Cela ne saurait durer des siècles.

(Je reprends la plume le 21 décembre au matin, car dans la nuit, craignant sans doute des remous, les députés ont modifié le projet de loi évoqué dans l’article du Figaro ci-dessous. Sans rien changer, fondamentalement, à son épouvantable esprit)

(1) Le Figaro

L’Assemblée restreint les pouvoirs de la commission pour la transparence financière.

Par Sophie Huet
20/12/2010

Coup de théâtre, lundi, en commission des lois à l’Assemblée. Jean-François Copé et Christian Jacob ont fait adopter sans aucune publicité deux amendements destinés à ne pas augmenter les pouvoirs de la commission pour la transparence financière de la vie politique. Le nouveau secrétaire général de l’UMP et son ami, le président du groupe des députés UMP, ont ainsi supprimé la nouvelle incrimination (sanctionnée de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende) pour déclaration volontairement incomplète ou mensongère du patrimoine d’un député. Jean-Luc Warsmann, le président de la commission, et Charles de la Verpillière, le rapporteur UMP du projet de loi organique sur l’élection des députés, dont l’examen a débuté lundi soir, se sont prononcés sans succès contre les amendements Copé-Jacob.

Le 8 décembre, le député UMP Jean-Paul Garraud (Gironde) avait voté contre l’amendement du rapporteur créant cette nouvelle incrimination, qui avait été adopté de justesse en commission des lois, l’UMP et le PS étant divisés sur le sujet. Garraud est revenu lundi après-midi à la charge, en soulignant que « cette incrimination pénale nouvelle n’a pas lieu d’être, car il est inutile que la commission pour la transparence financière devienne une sorte d’autorité judiciaire préalable, et qu’il y a dans l’arsenal juridique toute la gamme d’infractions nécessaires».

Jean-François Copé et Christian Jacob n’ont en revanche pas réussi à empêcher la commission de demander communication des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune des députés. Mais ils ont fait supprimer une autre disposition, également adoptée le 8 décembre: la commission pour la transparence financière ne pourra pas demander au député une communication sur la situation patrimoniale du conjoint séparé de biens, du partenaire lié par un pacs ou encore du concubin. Les débats en commission ont été houleux. Bernard Roman (PS, Nord) a dénoncé « la rupture du compromis» intervenue entre la majorité et l’opposition sur ce texte. René Dosière (PS, Aisne) a annoncé son intention de défendre deux motions de procédure contre le projet de loi organique ainsi modifié. « Avec ces amendements, la commission pour la transparence financière ne sert plus à rien. On est en train de l’enterrer», dénonce ce spécialiste de la traque aux dépenses publiques. En séance, lundi soir, il a même qualifié de «dangereux» un texte qui était, selon lui, «consensuel» à l’origine.

La commission des lois a aussi approuvé lundi un amendement de Bernard Roman, qui prévoit que quand un député est élu au Sénat ou au Parlement européen il peut être remplacé par son suppléant, sans procéder à une élection partielle comme c’est le cas actuellement. Un autre amendement socialiste, également adopté, stipule que quand le Conseil constitutionnel annule l’élection d’un candidat et le déclare inéligible en raison d’irrégularités de son compte de campagne, l’intéressé doit « reverser à l’État le montant perçu du remboursement de ses dépenses».

(2) Libération

Même réformée, la retraite des députés reste très avantageuse

 Par LUC PEILLON, 03/11/2010

L'Assemblée nationale.

Faites ce que je vote, pas ce que je fais. Ou comment les députés, contraints de réformer leur régime (très) spécial de retraites, ont accepté hier de l’aménager, mais sans renoncer totalement à leurs avantages. Une réforme approuvée par l’ensemble des partis représentés au bureau de l’Assemblée, à l’exception du Vert François de Rugy.

Mesure phare qui existait jusqu’ici pour les représentants du peuple: le système de double cotisation lors des trois premiers mandats, puis d’un et demi sur le suivant. Celui-ci permettait aux députés de cotiser 22,5 ans pour une retraite complète, contre plus de 40 ans aujourd’hui pour le commun des mortels. Avec la réforme, les députés ne pourront plus cotiser «que» 1,5 fois sur les deux premiers mandats, 1,33 sur le suivant, puis 1,25 sur ceux d’après. «Un effort de réforme sans précédent», selon le cabinet de Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. Et qui conduira à amputer les retraites de 25%.

En réalité, même réformé, le régime restera très confortable. Ainsi, au bout d’un mandat, un député sera encore assuré de toucher une pension de près de 1200 euros (contre 1600 euros auparavant). Soit une retraite obtenue en cinq ans quasi équivalente au montant de la pension médiane touchée par les Français (1334 euros) après une carrière complète (près de 40 ans de cotisation). Et si le député fait un second mandat, il touchera alors le double (2400 euros, au lieu de 3200 euros auparavant). Pour faire taire les critiques, l’Assemblée insiste sur le fait que le mandat moyen d’un député est de 7,5 ans. Ce qui fait tout de même une retraite moyenne de 1800 euros après 7,5 années de cotisations…

Pas de décote pour les députés

Un rendement imbattable, rendu possible grâce à la surcotisation ouvrant droit à une majoration d’annuités, mais également par le fait que les députés ne sont pas soumis au dispositif de la décote. Pour un salarié lambda, par exemple, la retraite sera proportionnelle au nombre d’annuités cotisées, mais aussi amputée d’une décote de 5% par année manquante (dans la limite de cinq ans). Pour les députés, pas de décote, la pension est calculée au prorata du nombre d’années effectuées. Argument de l’Assemblée: leur système n’étant intégré à aucun autre, leurs années ne comptent pas dans la reconstitution finale de la carrière. Sauf à faire 31 ans de mandat pour une carrière complète, tous seraient soumis à la décote. Et devraient attendre l’âge d’annulation de celle-ci que la nouvelle loi sur les retraites a justement repoussé à 67 ans.

Reste que ce système, même réformé sur d’autres points (suppression du 13e mois, recul de l’âge légal, alignement du taux cotisation sur celui du privé), demeure sans doute le plus lucratif de tous les régimes spéciaux. Mais l’écrire, «c’est être accusé d’antiparlementarisme primaire», glisse un député frondeur. Pour le patron du groupe UMP, Jean-François Copé, c’est même «un bon accord, équilibré, qui nous rapproche singulièrement du régime général». Ne reste plus, alors, qu’à aligner le régime général des salariés sur celui des députés…

Des nouvelles du monde réel (Total et Suez)

Je crains fort qu’aucun commentaire ne soit bien nécessaire. Le monde dans lequel nous vivons est celui-là. C’est celui de Sarkozy. C’est celui de Strauss-Kahn, sans qu’aucune différence ne puisse être faite entre les deux. L’article ci-dessous est tiré du magazine Challenges, propriété du groupe Le Nouvel Observateur, dirigé jusqu’à son départ vers Europe 1 et Lagardère, marchand d’armes, par Denis Olivennes. Bienvenue dans ce monde tellement meilleur qu’on ne sait plus quoi dire.

Le 20 décembre 2010. L’an dernier, Total, Danone ou encore Suez n’ont pas payé l’impôt sur les sociétés, essentiellement grâce aux niches fiscales.

La Bourse de Paris

En France, l’impôt sur les sociétés (IS) est fixé à 33%, et 15% pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 7,6 millions d’euros. En théorie. Car dans la pratique, ces taux sont largement contournés. Une enquête du Journal du dimanche publiée dimanche 19 décembre conclut qu’«une entreprise du CAC 40 sur quatre n’a pas payé d’impôt sur les sociétés l’an dernier ».
En 2009, malgré un bénéfice de plus de 8 milliards d’euros, Total n’a pas payé un centime d’IS en France. Idem pour Danone, Suez, Essilor, Saint-Gobain et Schneider. Ces sociétés ont toutes payé cet impôt à l’étranger: près de 8 milliards pour Total, 433 millions pour Schneider, 424 millions pour Danone

« Un impôt de chagrin »

Les causes diffèrent selon les sociétés. Pour Total, c’est parce que ses activités françaises, les raffineries, sont en perte. De son côté, « Danone déduit la facture de ses emprunts contractés pour acquérir Numico en 2007 », selon le JDD, profitant de ce que l’on appelle dans le code des impôts de la « déductibilité des intérêts ».
Il n’y a dans cet état de fait rien d’illégal. Si la crise a diminué les bénéfices, donc l’IS, les grandes entreprises françaises profitent surtout des diverses dispositions fiscales qui permettent de multiples exonérations: le report illimité des pertes, le régime fille-mère, le crédit impôt-recherche, la « niche Copé »… L’impôt sur les sociétés est devenu « un impôt de chagrin » selon le ministre du Budget François Baroin, cité par le journal.

Le CAC imposé à 8% en moyenne

Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires publié en octobre indique que les entreprises du CAC 40 sont imposées en moyenne, au titre de l’IS, à 8%, tandis que les PME le sont à 22%, ces dernières n’ayant pas les moyens des grands groupes en matière d’optimisation fiscale. Ce rapport précise que les économies réalisées par les entreprises grâce aux dérogations fiscales représentaient 66,3 milliards d’euros en 2009, contre seulement 18,5 milliards en 2005.
Dans un contre-rapport publié le 30 novembre, le Medef expliquait que ces niches fiscales, qui se multiplient depuis huit ans, étaient la compensation nécessaire pour les entreprises à une imposition parmi les plus élevées d’Europe.

(Challenges.fr)