Retraite, ou déroute générale ?

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 28 août 2013

Le plan de financement des retraites passe totalement à côté de l’essentiel. L’espérance de vie commence à flageoler, et les épidémies en cours, du cancer à Alzheimer, ont de quoi faire flipper.

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Sur ce point-là, ils sont tous d’accord. La droite, les socialos, le Medef, et les innombrables commentateurs qui squattent l’espace public depuis l’éternité. Il faut trouver du fric pour les retraites, car il y a de plus en plus de vieux, qui vivent de plus en plus vieux. On saura donc avant la fin août ce que Hollande, Ayrault et Sapin ont concocté. Probablement de ceci, et sûrement de cela, de façon à pouvoir refiler le vieux bébé à ceux qui tiendront le manche en 2020.

L’argument le plus ressassé, ad nauseam, est celui de l’espérance de vie. Pour les neuneus de tous bords, la courbe est grosso modo linéaire depuis deux siècles : on gagne trois mois de vie en plus chaque année. Pour les hommes, on serait autour de 78 ans, et pour les femmes, de 85. L’espérance de vie serait comme la croissance. Éternelle.

Première évidence : l’espérance de vie en bonne santé régresse. En avril 2012, l’Institut national des études démographiques (Ined) constatait une baisse, depuis 2006, de « l’espérance de vie sans incapacité », ou EVSI. En résumé express, tu vis plus vieux, mais avec de plus en plus de gros emmerdes. Tu pars en retraite à 62 ans, ou 63, ou 65, mais avec un déambulateur sous le bras.

Deuxième évidence beaucoup plus chiante encore : l’espérance de vie brute stagne ou diminue au moment même où les gazettes prétendent le contraire. L’alerte est venue des États-Unis en décembre 2010, à la suite d’un rapport des Centers for Disease Control (CDC) montrant une baisse de l’espérance de vie des Américains en 2008. Idem en France, où l’Insee a constaté une diminution de l’espérance de vie en 2011. Même si, dans les deux cas, le recul est très faible, cela n’interdit pas de se poser des questions.

Les démographes sont en général des gens sérieux, mais il ne faut pas leur demander l’impossible, car l’art de la courbe a ses limites. Or il faut rappeler que les vieillards cacochymes d’aujourd’hui sont nés dans un monde totalement différent. Leurs système nerveux et endocrinien, leur cerveau n’ont pas eu à affronter, au moment de leur assemblage, les millions de molécules de synthèse recrachés par l’industrie chimique jusque dans le trou du cul des abeilles. En vérité, rien n’indique que ceux qui ont bu de l’eau – et du vin – frelatés, bouffé conservateurs et colorants, respiré l’air des villes ou celui de maisons – plus pollué encore – pourront vivre aussi vieux.

La raison même, celle dont se réclament pourtant Ayrault et consorts, suggère le contraire. Les humains ne sont-ils pas confrontés à une dégradation générale de leurs conditions de vie ? De véritables épidémies de santé publique déferlent, sans que nos Excellences ne daignent faire de lien. Et par exemple :

*L’épidémie de diabète est fulgurante. Près de 300 millions de personnes sont atteintes dans le monde. Elles pourraient être 438 millions en 2030 selon l’OMS.

*L’obésité touchait 500 millions de personnes en 2010, et les chiffres explosent. En France, 15 % de la population adulte est obèse.

*Le cancer. Selon les derniers chiffres de l’Institut de veille sanitaire (InVS), les cas de cancer ont augmenté en France de 107,6 % chez les hommes et de 111,4 % chez les femmes entre 1980 et 2012.

*Alzheimer touche environ 900 000 personnes en France, mais le nombre de malades grimpe de 225 000 par an. On en attend 66 millions dans le monde en 2030.

*Parkinson frappe 150 000 personnes en France, et l’incidence augmente de 10 % par an.

Etc, etc, etc. On n’évoque même pas les maladies cardiovasculaires et respiratoires, la fibromyalgie, et quantité d’autres affections peu ou mal connues, qui explosent elles aussi. D’évidence, plusieurs facteurs sont en cause, mais d’évidence aussi, il se passe quelque chose de fulgurant à l’échelle du temps humain. Tous les signaux dont se gargarisent tant les experts sont au rouge, ce qui n’empêche personne de pérorer sur le progrès généralisé. Les discussions récurrentes de la retraite ne sont qu’une vaste foutaise.

À quand les vraies batailles contre la bouffe industrielle et la chimie de synthèse ?

Le pétrole d’Équateur est-il de gauche ?

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 28 août 2013

Rafael Correa, président de l’Équateur, et rusé renard. D’un côté, il prétend en 2007 vouloir se passer du pétrole du parc de Yasuni. De l’autre, il vend l’Amazonie et les Indiens aux transnationales.

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La version pour les altergogos : Rafael Correa, président – de gauche – de l’Équateur, est un héros. D’ailleurs, Mélenchon l’adore et réciproquement. En 2007, Correa propose de ne pas exploiter le pétrole du parc national Yasuni, en échange d’un chèque de 3,6 milliards de dollars signé par les pays du Nord. Ceux qui parlent de la crise climatique sans jamais rien foutre. Nous.

Six ans plus tard, n’ayant obtenu que des clopinettes, le même Correa annonce le 15 août dernier que le pétrole du Yasuni sera exploité. Aux chiottes les 696 espèces d’oiseaux, les 2 274 d’arbres, les 382 de poissons, les 169 de mammifères. Et les Indiens de la forêt, car nous sommes, mais oui, en Amazonie.

C’est beau comme un chromo, mais comme un chromo, c’est de la daube. Correa a été élu président en 2006 grâce à une coalition mêlant la gauche classique, y compris chrétienne, les groupes écologistes et alter, et le puissant mouvement indigéniste. Les Indiens sont certes minoritaires – ils représentent quand même 25 % de la population -, mais leurs idées le sont bien moins.

Et quand Correa fait voter sa nouvelle Constitution, en juin 2008, il prend soin d’y inscrire en toutes lettres une vision politique remontant aux Quechuas de l’ère précolombienne : le sumak kawsay, qu’on traduit généralement par « bien-vivre ». Bien qu’aucune définition n’épuise sa signification, ce « bien-vivre » tourne le dos à l’idée de croissance économique et considère les relations avec la nature comme essentielles à l’équilibre de toute société.

Et donc Sarayaku, village kichwa de 1200 habitants. Kichwa, c’est-à-dire quechua. Quand on commence à parler de pétrole dans ce coin d’Amazonie – qui n’a rien à voir avec Yasuni -, dans les années 90, les habitants de Sarayaku envoient une émissaire se renseigner à Quito, la capitale. Elle y rencontre des biologistes, des économistes, des politiques, et rentre, ayant compris l’essentiel : on va éventrer son pays. Les Indiens envoient chier toutes les propositions des compagnies et en 2002, lourdent les employés venus pour les premiers travaux, escortés par 400 flics et militaires. La résistance n’a cessé depuis de s’amplifier, sur fond de menaces, d’emprisonnements, de tortures.

En 2003, les Indiens déposent une plainte devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui leur donne raison, contre toute attente, estimant en juin 2012 que l’État équatorien a violé leurs droits. La Cour exige qu’à l’avenir, les Indiens soient consultés sur tous les projets les concernant.

Certes, le verdict condamne les prédécesseurs de Correa, mais ce dernier tire une tronche épouvantable, car il gêne considérablement ses projets. En novembre 2012, sans bruit, il met aux enchères l’exploitation de 13 champs pétrolifères au beau milieu de l’Amazonie, déclarant : « Bienvenidos todos los inversionistas que buscan esa rentabilidad razonable, pero con altísima responsabilidad ambiental ». On dirait un dépliant de Total : « Bienvenue à tous les investisseurs qui cherchent une rentabilité raisonnable, mais avec un haut sentiment de responsabilité environnementale ».

À ce stade, plus de faux-semblant. Dans un entretien au magazine américain de gauche New Left Review (septembre-octobre 2012), Correa officialise sa rupture avec une partie de ses soutiens de 2006. Il déclare notamment : « Je ne crois pas que Marx, Engels, Lénine, Mao, Ho Chi Minh ou Castro ont dit non aux mines ou aux ressources naturelles. C’est une nouveauté absurde, mais qui semble être devenue une part fondamentale du discours de gauche ».

Dans le même entretien, Correa embrasse sur la bouche les transnationales, assurant : « Une exploitation propre des ressources naturelles peut aider à conserver la nature plutôt qu’à la détruire ». Sublime. Alberto Acosta, ancien président de l’Assemblée nationale, qui a rompu avec Correa, a un point de vue un poil différent. Pour cette grande gueule locale, l’exploitation du pétrole dans le parc national Yasuni serait une honte nationale. Et il réclame l’organisation d’un référendum. Sûr que Mélenchon va le soutenir.

Le Foll invente « l’agriculture écologiquement intensive »

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 21 août 2013

Quatre ministres viennent de réclamer une accélération de la « transition écologique », et parmi eux, Le Foll, censé s’occuper d’agriculture. Le blème, c’est que Le Foll a une idée très personnelle du sujet.

On a beau savoir que le faux et la novlangue ont partout triomphé, on reste béat d’admiration. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, est désormais un partisan de l’agroécologie et de l’ « agriculture écologiquement intensive » ou AEI pour les intimes. La grande farce est née pendant le Grenelle de l’environnement, à l’automne 2008. Sarkozy avait alors décidé de faire un show à l’américaine, jurant que la France se lançait dans une vaste « révolution écologique ». Qui s’en souvient ? Personne.

Du côté de l’agriculture industrielle et de la FNSEA, on savait depuis un moment que le modèle n’avait aucun avenir. Les sols ne peuvent éternellement supporter tant de milliers de tonnes de pesticides et d’engrais. Et la société commençait à ne plus vouloir ingurgiter toutes les merdes produites. En clair, il fallait ripoliner le système. On appelle cela, dans les officines spécialisées, « travailler sur l’acceptabilité sociale ». Et c’est alors que vint l’impeccable Michel Griffon. Ingénieur agronome, économiste, il a fait toute sa carrière dans les administrations, par exemple au ministère de la Coopération, entre 1982 et 1986, où il occupait le poste stratégique de « secrétaire des programmes ». On ne présente plus ce magnifique ministère, ni son rôle réel, notamment en Afrique.

Donc, Griffon. Il propose au cours du Grenelle une audacieuse formule citée plus haut, « l’agriculture écologiquement intensive ». Le principe en est simple : il faut produire de plus en plus, et donc intensifier encore, mais dans la propreté s’il vous plaît. Comment ? C’est une autre histoire. Quelques colloques et branlotages plus tard, Le Foll achète la marchandise. Il participe ainsi, en septembre 2010, à un débat loufoque sur le sujet avec deux manitous de l’agro-industrie, Christian Pees – coopérative Euralis – et Christiane Lambert, cheftaine de la FNSEA. Ce bastringue n’interdit évidemment ni les pesticides ni les OGM.

Nommé ministre en juin 2012, Le Foll ne se sent plus. Pour le même prix, il ajoute une autre expression, l’agroécologie. C’est une belle prise de guerre, car cette dernière appartient aux vrais écologistes, façon Pierre Rabhi, pour qui l’agriculture n’est pas une technique, mais un modèle social. Le Foll, qui s’en bat l’oeil, bricole un fourre-tout qui mêle « agriculture écologiquement intensive » et agroécologie. Roule ma poule ! Le 18 décembre 2012, Il organise au palais d’Iéna, à Paris, une pompeuse conférence nationale au titre affriolant : « Agricultures, produisons autrement ». On y parle « agriculture heureuse », « nouveau modèle » ; on y jure que la France doit devenir la « référence mondiale de l’agroécologie ». Marion Guillou, ancienne patronne de l’Inra, l’institut des pesticides et de la fin des paysans, trône juste au milieu.

On retrouve la dame le 11 juin 2013, au cours d’une remise solennelle d’un rapport sur l’agroécologie que lui a obligeamment commandé Le Foll. La scène est historique. Guillou proclame en révolutionnaire la nécessité de « créer une dynamique ». Mais reprenant ses esprits, elle précise que de tels efforts prendront du temps. Et là-dessus, Le Foll annonce qu’une loi dite de modernisation, prévue en 2013, ne sera votée au mieux qu’en 2014.
Grotesque ? Affirmatif.

Le Foll ne dit évidemment pas un mot sur le système à l’origine du gigantesque merdier. Rien sur l’agro-industrie, ses pesticides, ses coopératives, ses chambres d’agriculture inféodées, ses céréaliers gorgés de subventions. Rien bien sûr à propos des centaines de milliers de kilomètres de haies arrachées, ou du remembrement au sabre d’abordage. Le ministre veut faire croire que, par la magie du verbe, les profiteurs d’hier seront les vertueux de demain.

Notons que certains disent toute la vérité sur « l’agriculture écologiquement intensive ». Dans une motion votée à l’unanimité par les Chambres d’agriculture de Bretagne, aux mains de la FNSEA, on peut lire ce délicat aveu : « L’AEI permet (…) de se projeter vers le futur en évoluant dans les pratiques et systèmes en place (…) L’AEI (…) ne doit pas d’aboutir à l’édition d’un cahier des charges ». Pas de cahier de charges, donc pas d’obligations. Business as usual.

La guerre aux bêtes (José Bové monte encore au front)

Je l’ai assez dit ici : j’aime bien José Bové, que je ne suis pas loin de considérer comme un ami. Je le connais depuis un quart de siècle, ce qui signifie que je l’ai rencontré bien avant le démontage du McDo de Millau, qui a fait sa célébrité. Mais comme, en outre, je me vante de ne pas respecter la hiérarchie sociale, fût-elle médiatique, je n’ai jamais hésité à ferrailler contre lui. C’est ainsi, ce ne sera jamais autrement. Et sur la question du Loup, José Bové montre à mes yeux qu’il n’est pas un écologiste au sens que je donne en tout cas à ce mot. Je sais que les définitions ne manquent pas, ce qui crée une immense confusion des esprits, mais la mienne ne changera pas. En attendant, en espérant le jour où nous aurons inventé un mot nouveau, je me répète : José Bové n’est pas un écologiste.

Cette fin d’été est marquée par une nouvelle levée de boucliers dans la région même où s’illustra, au 18ème siècle la Bête du Gévaudan : entre la Lozère et la Haute-Loire actuelles. Une manifestation d’éleveurs, rassemblée par la FNSEA, vient d’avoir lieu à Langogne, là où j’ai pêché jadis à la mouche – nul n’est parfait – quelques truites aussitôt cuites au feu. Jusque-là, rien d’étonnant. Une manifestation de plus, pour dire que le pastoralisme est incompatible avec l’élevage de brebis. Sauf que Bové s’est senti obligé de soutenir à distance, occupé qu’il était à participer aux Journées d’été d’Europe Écologie, à Marseille. Déclaration au quotidien Le Midi Libre  le 24 août : « Un loup s’est fait écraser à l’entrée de Millau en février. Ses congénères peuvent désormais arriver sur le rayon Roquefort. Il faut envisager une législation renforcée pour protéger les territoires ruraux et d’élevage. Le tir est la seule solution à certains endroits. On a vu que les mesures mises en place ne suffisaient pas. Soit on met l’homme et le maintien des paysans comme une priorité, soit on met le loup et ça veut dire que l’espace disparaît. On aura des animaux hors sol à l’intérieur pour permettre au loup d’être sur l’espace ». (Merci à Érick de m’avoir envoyé la copie).

Il ne s’agit pas même de polémique : l’homme prime. Selon Bové, Le loup fait disparaître l’espace par un coup de baguette magique, car cet espace, c’est celui des humains, et il faut choisir. Eux ou nous. L’Homme ou la Bête, ritournelle des civilisations humaines depuis des milliers d’années. Comme le raisonnement de Bové s’applique fatalement ailleurs, on voit où l’on irait si l’on retenait son point de vue. Partout où l’animal gêne les activités économiques, il doit disparaître. Et comme tel est le cas de l’Afrique à l’Asie, des Amériques jusqu’en Océanie, en passant par la vieille Europe, il doit disparaître partout. Dans les mers y compris, car le requin ne sabote-t-il pas les efforts de l’industrie du surf ?

Bon. José Bové est selon moi un environnementaliste. Ce qui importe réellement, c’est ce qui entoure, « environne » le roi des animaux, c’est-à-dire l’homme. C’est un courant, assurément puissant, mais qui n’a jamais été le mien. Quand j’entends le mot « environnement », si je le peux, je passe mon chemin. Un écologiste, à mon sentiment, considère l’ensemble, les interdépendances, la beauté et la nécessité de chaque espèce. Et dans ce vaste tout, l’homme n’est jamais qu’un élément, certes décisif, mais qui doit composer, partager, céder, éventuellement reculer. L’écologie est donc bien un acte de rupture mentale considérable, pour la raison que l’homme n’a cessé d’avancer, d’occuper les espaces, de ruiner un à un  les territoires conquis. Je vois bien ce qu’une telle vision a d’invraisemblable sur une Terre désormais surpeuplée [oui, je crois que la Terre est surpeuplée, mais oui,  je compte bien défendre la vie des hommes existants ] mais enfin, je n’en ai aucune autre à ma disposition.

Pour en revenir au Loup, j’en ai marre d’entendre tant d’abrutis d’ici ou là opposer une poignée d’urbains dégénérés, ignorants autant qu’indifférents, aux si braves habitants des montagnes, courageux bien sûr, lucides et réalistes de surcroît. J’en ai simplement marre de cette absence de pensée, qui habille si mal la défense d’intérêts personnels. Pas de malentendu ! Je comprends que des éleveurs de brebis ne supportent pas la présence du loup. Et même qu’ils réclament son éradication. Mais la marche d’une société ne peut être l’agrégat des revendications de tous les groupes et de chaque individu. Nous sommes collectivement malades d’une exacerbation de l’individualisme, fondement hélas des sociétés modernes. Il y a deux siècles, la proclamation de l’individu était une émancipation. Aujourd’hui, étendue jusqu’au délire par les publicités au service de la marchandise et de la consommation perpétuelle, elle n’est plus que terrifiante régression.

Oui, les éleveurs doivent être entendus. Mais, oui, la société doit dire que la défense de la biodiversité est une valeur supérieure, qui s’impose à tous. Ayant affirmé cela avec force, elle doit – nous tous devons – proposer un pacte national pour la coexistence avec les grands prédateurs, qui sont ici chez eux. Ce pacte consisterait en des droits pour tous, animaux compris, et des devoirs pour les humains. Des devoirs pour nous, car sauf grave erreur, c’est bien nous qui commandons. Et qui tuons les brebis par millions. Et qui tuons au gaz neurotoxique les enfants de Damas aujourd’hui. Après ceux d’Halabja en 1988, grâce aux Mirage français fournis à l’excellente armée irakienne. Après tant d’autres. Avant bien d’autres.

Défendre les loups présents en France est un acte évident de civilisation.

Et une piquouse d’aluminium, une !

Publié dans l’hebdomadaire Charlie Hebdo le mercredi 14 août 2013

Les industriels ont ajouté de l’aluminium dans tous les vaccins, y compris ceux pour les bébés. On s’en foutrait si ce métal n’était pas gravement soupçonné de provoquer une nouvelle maladie. Pendant ce temps, le gouvernement pionce.

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Pourquoi ? Jusqu’en 2008, on pouvait encore trouver des vaccins sans aluminium. Depuis, impossible. Chaque injection introduit fatalement une dose de cet adjuvant dans le corps, qu’on soit bébé ou vieillard. Or, il y a un sacré lézard. Une association de malades, E3M (http://www.myofasciite.fr), mène un formidable combat pour le retour de vaccins sans aluminium, et plusieurs de ses membres viennent d’ailleurs de mener une grève de la faim de plus d’un mois, soutenus par des parlementaires – les écolos Michèle Rivasi et Corinne Lepage, la sénatrice communiste Laurence Cohen, le Modem Jean Lassalle. Trois malades ont d’ailleurs porté plainte contre X pour blessures involontaires.

Du côté du pouvoir, Marisol Touraine, ministre de la Santé, avait promis le retour de vaccins sans alu pendant la campagne présidentielle, mais elle ne veut plus bouger un doigt. 75 000 personnes ont signé en ligne un appel de soutien à la grève de la faim, mais pour le moment, nib. On attend prudemment septembre.

Tentons un résumé de ce vaste bobinard. Le 1er août 1998, le professeur Gherardi – hôpital Henri Mondor, Créteil – et une poignée de ses collègues publient un article remarqué dans le journal scientifique The Lancet (1). Ils y décrivent une nouvelle maladie, appelée myofasciite à macrophages (MFM). Peu à peu, un petit groupe de scientifiques, autour de Gherardi, se convainc par de multiples examens cliniques que l’aluminium contenu dans les vaccins pourrait être la cause de la MFM. Et cet aluminium semble bien, chez une partie des vaccinés, rester dans la zone d’injection au lieu de se dissoudre naturellement, avant de migrer jusqu’au cerveau, provoquant de graves dégâts cognitifs, de nombreuses douleurs et des fatigues invalidantes. Le cœur de la controverse est là. Ceux de l’association E3M réclament au moins, compte tenu de très fortes suspicions, le retour au libre choix de vacciner sans aluminium.

On en était là jusqu’à la publication ces tout derniers jours d’un copieux rapport officiel (2) du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Intitulé « Aluminium et vaccins », ce texte de 63 pages, qui se veut une analyse mondiale de la question, « estime que les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium, au regard de leur balance bénéfices/risques ». Laissons de côté le verbiage technocratique, et signalons plutôt l’étrangeté du texte. Car à côté de cette conclusion, qui ne peut que complaire à l’industrie du vaccin, le Haut Conseil essaie maladroitement de prendre des précautions, au cas où.

Constatant l’évidence de questions sans réponse – par exemple : « quelle est la durée normale de persistance [des] lésions et après quel délai l’aluminium du muscle se résorbe-t-il ? » -, le rapport suggère de nouvelles études. Y aurait pas de risques, mais faudrait voir. De son côté, l’association E3M se livre à un commentaire critique qui oblige à se poser de pénibles questions, y compris sur la persistance possible de conflits d’intérêt entre certains auteurs de la synthèse et des labos pharmaceutiques.

Le rapport du Haut Conseil consacre par ailleurs beaucoup de place à dézinguer le travail du professeur Gherardi, visiblement sa bête noire, et même d’E3M. Or Gherardi n’a été auditionné que quelques jours avant la validation du texte, alors que les conclusions étaient déjà arrêtées, et l’association n’a quant à elle jamais été reçue, ce qui fait un tantinet beaucoup.

Ajoutons deux points. Un, l’aluminium utilisé dans la « fabrication » de l’eau potable est fortement soupçonné de jouer un rôle dans la maladie d’Alzheimer. Deux, la toxicologie de papa, celle du HCSP, postule avec Paracelse, depuis près de 500 ans, que la dose fait le poison. Des études de plus en plus nombreuses pulvérisent cette vieillerie, car certains toxiques sont bien plus actifs à des doses infinitésimales. Mame Touraine, c’est si dur, de tenir une promesse ?

(1) Macrophagic myofasciitis: an emerging entity
(2) http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=369