Divagations sur le principe industriel

C’est dimanche, juste au lendemain de l’article ci-dessous, écrit donc samedi. Je dois préciser que je viens de changer le titre, ce qui a pu m’arriver une autre fois, mais guère plus. Le précédent titre (Sur le principe industriel [pas vu, pas pris] ) était très mauvais. Celui que j’ai mis à sa place n’est pas bon pour autant, mais au moins, il montre ce qu’il en est. J’essaierai de de faire mieux les autres fois.

Sans transition mesdames et messieurs, passons à ce qui m’amène. Je viens de lire une information saisissante sur un truandage majeur. Il concerne des prises illégales de poissons – maquereau et hareng surtout – au Royaume-Uni, c’est-à-dire, malgré tout, chez nous. Pour ceux qui lisent l’anglais, voici une adresse fiable où trouver les détails : cliquer ici. Pour les autres, je résume. Des pêcheurs margoulins, immatriculés pour bonne part aux îles Shetland, ont débarqué pendant des années des millions de tonnes de poissons qui n’étaient pas déclarés. Et qui, bien sûr, excédaient de loin les quotas, absurdes par ailleurs compte tenu de la situation des mers, octroyés par l’Union européenne.

La fraude est considérable, car en valeur, elle se chiffre en dizaines de millions d’euros. À cette échelle industrielle, il faut un système, et de multiples complices. De fait, il existait de faux livres de bord, des balances truquées, un système informatique parallèle. Bref, de quoi nourrir son monde et se payer des vacances aux Maldives – ô les jolis poissons ! – et des 4X4 Hummer pour faire bisquer le pauvre. Le plus plaisant peut-être se trouve dans la déclaration d’un bureaucrate de la pêche, Bertie Armstrong, chef de la Fédération des pêcheurs écossais. « La situation a complètement changé », assure-t-il pour commencer. Et le brave homme ajoute : « La loi a changé, les pratiques de l’industrie ont changé et sont vérifiées de manière indépendante par le Marine Stewardship council ».

Je précise en m’esclaffant que le Marine Stewardship council est un label censé garantir que la pêche menée selon ses règles est durable. Je ne développe pas ici, me contentant de m’esclaffer en précisant que ce label a été créé en 1997 par le WWF et Unilever, transnationale qui vendrait ses produits à 150 millions d’humains. Et parmi ces produits, des lessives aux phosphates, interdites en France, mais vendues par ce grand philanthrope, ami du WWF, en Amérique latine, où les rivières aiment les phosphates.

C’est affreux, car une fois de plus, je butine et ne parviens pas à me poser. Considérez donc cet article comme une simple déambulation mentale, et ne m’en tenez pas rigueur. Donc, si l’on en croit le monsieur Armstrong, tout a changé. Sauf qu’il n’en est évidemment rien, car le principe industriel joue bien entendu aussi sur la soif d’or qui s’est emparée du monde. Les pêcheurs-truands d’Écosse et leurs aides à terre sont indiscutablement des modernes. Eux aussi veulent en croquer. Eux aussi veulent faire comme les innombrables petites et grandes crapules du CAC 40. Eux aussi rêvent de parachutes dorés et de retraites-chapeaux. L’industrie est hybris, cette notion grecque qui signifie démesure.

Je me demande parfois si l’idée même d’industrie n’est pas en cause. Je blague, car je crois en réalité que le principe industriel a joué un rôle central, décisif, dans l’émergence d’une crise écologique sans rivages, et sans solution apparente. Bien entendu, il y a loin des premières fabriques, celles où les prolos et leurs gosses crachaient leur vie à pleins poumons, et les monstres complets que nous connaissons. Mais le passage des unes aux autres, qui s’est étendu des débuts de la révolution industrielle à nos jours, est-il affaire de nature ou plus certainement de degré ?

Rappelons aux oublieux que le salariat, cette invention maudite, a une histoire, et qu’elle est récente. Ce rapport de sujétion entre un maître et ses marchandises – un salarié est-il autre chose ? – n’existe pas depuis la nuit des temps, pardi. Et ne me faites pas dire que le passé était mieux. Le passé est d’abord ce qui a passé. La cruauté sociale, la souffrance au travail, le malheur d’un geste raté, tout cela existait bien avant le salariat. Je constate seulement que la domination et le pouvoir de coercition ont fait, depuis deux siècles, d’étonnants progrès. Je constate également que l’abolition du salariat, qui irrigua pourtant une partie de l’histoire vive du mouvement ouvrier défunt, ne figure plus guère au programme.

La soif de l’or est ancienne, comme chacun le sait. Mais à l’époque par exemple d’El Dorado, cette contrée mythique d’Amérique latine que les soudards espagnols du XVIème siècle croyaient découvrir chaque jour ou presque, elle pouvait être étanchée avec deux ou trois sacs de bijoux incas, ou mayas, ou aztèques. Le crime était là, mais artisanal encore. Et c’est bien ce qui aura changé avec l’apparition des machines à vapeur, puis du reste, jusqu’à cette informatisation uniforme de la planète, qui recèle à mes yeux les plus grands dangers de l’histoire des hommes. Faut-il rappeler que pendant ladite Guerre Froide, l’équilibre de la terreur a reposé sur des ordinateurs, seuls capables de répondre en une milliseconde à une agression nucléaire venue de l’autre camp ? Faut-il ajouter un mot sur le rôle d’amplificateur des crises financières que tiennent aujourd’hui les machines ? Ce que je veux dire, qui n’est que truisme, c’est que les hommes – nous – et les petits cerveaux dont nous sommes dotés, ne sont pas compatibles avec la taille des structures et des engins. Le constat peut être partagé avec quiconque regarde les choses avec sérieux. D’un côté, nos possibilités de maîtrise et de morale sont les mêmes qu’au temps de la pierre taillée; et de l’autre, nous devrions nous montrer capables de dominer l’atome et le pouvoir extravagant des transnationales malgré ces tares congénitales que sont l’idiotie, la jalousie, le pouvoir, le lucre.

Je ne suggère pas de nous tourner vers les temps anciens, ce serait vain. Je prétends que, compte tenu de nos singularités d’espèce, ou nous saurons trouver des formes de production locales et régionales, contrôlables, mesurées, ou nous périrons dans les flammes de l’enfer. Et quand je dis : périrons, je ne pense pas nécessairement à la mort, mais à la survie dans des conditions qui deviendraient chaque jour plus indignes. Tiens, avez-vous entendu parler de cette fraude sur le marché européen des émissions de carbone, qui a coûté à la France 1,6 milliard d’euros (cliquer ici) ? Pour vous donner une idée de l’ampleur du chiffre, les 60 000 postes que créerait François Hollande élu président dans l’Éducation coûteraient selon lui 2,5 milliards d’euros. Vu de cette manière, vous serez d’accord, je pense, pour estimer que cette fraude au carbone est simplement colossale. A-t-on lu des éditoriaux enflammés des habituels sur la question ? Non pas. L’industrie, comme la fraude industrielle, est considérée comme un fait. Un horizon indépassable. Le restera-t-elle ?

En attendant le black-out, tous à la bougie !

Le temps passe si vite que l’on a oublié l’hiver. Il y a une dizaine de jours, la France claquait des dents et battait des records de consommation électrique chaque soir ou presque. On attendait de vastes coupures dans les régions les plus fragiles, comme Paca ou la Bretagne. Moi, j’en ai profité pour écrire deux papiers dans Charlie-Hebdo la semaine passée, que je vous mets ci-dessous, en complément des billets précédents de Planète sans visa. Hum, on nous aurait donc mené en bateau ? Pas possible. Pas possible, n’est-ce pas ?

Les papiers de Charlie :

Notre France va-t-elle connaître un krach électrique ? À l’heure où Charlie boucle, ce n’est pas encore gagné. Mais avec un peu de chance, un vaste black-out peut bloquer d’un clic des milliers d’ascenseurs et des millions de rasoirs électriques. Merci qui ? EDF, qui promet la lumière aux benêts depuis l’après-guerre. Merci quoi ? Le chauffage électrique.

Comme c’est bien organisé ! En 1971, EDF invente le chauffage électrique. Pile poil au bon moment, car à la fin de 1973, profitant de la maladie du Pompidou et du quadruplement du prix du pétrole, les ingénieurs des Mines et leurs complices du gouvernement lancent la construction de nombreuses centrales nucléaires. Seulement, soyons pas cons, il faut penser à la suite. Produire de l’électricité, c’est bien, mais la vendre, c’est mieux. Citation de Marcel Boiteux (1), alors directeur général d’EDF, en 1973 : « Tout client nouveau qui opte pour le chauffage électrique nous amène à augmenter d’autant notre programme nucléaire ».

Boiteux, t’es chic comme tout. Le chauffage électrique a donc servi de cheval de Troie pour imposer le nucléaire à une société qui n’en voulait pas. Dans la foulée, des armées de margoulins se lancent à l’assaut. Pour les fabricants de convecteurs, les installateurs, les bureaux d’études pour logements neufs, les vendeurs de laine de verre et de placoplâtre, c’est Noël tous les matins. Une industrie de l’arnaque se met en place.

Comme on peut s’en douter, personne ne vérifie rien. Le chauffage électrique ne peut chauffer que des pièces bien isolées. Or tel n’est pas le cas des millions de logements, souvent sociaux, qui vont être royalement équipés au fil des décennies. Selon EDF même, dans sa communication interne, 50 % des logements chauffés ne respectent pas, en 1999, la réglementation d’isolation de 1977. Et les deux tiers celle de 1982. Un triomphe (2). Les proprios installent deux merdouilles avec résistance électrique, et laissent le locataire se démerder avec les factures. Les promoteurs de maisons neuves préfèrent installer quelques appareils plutôt que de payer un chauffage central, bien plus cher au départ. Les sociétés HLM, qui n’ont rien à refuser à EDF et à l’État, balancent du tout électrique dans des immeubles en carton-pâte et obligent ainsi les prolos à jongler avec l’addition.

Un exemple parmi 500 000 autres : la cité des Grands Pêchers, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). En 1997, Bertrand et Nils Tavernier viennent y tourner « De l’autre côté du périph’ », et réveillent une putain de colère. L’hiver, les gueux grelottent et sortent jusqu’à un demi-smic pour payer une électricité qui se barre par les fenêtres et les portes. Les responsables HLM dénoncent l’attitude d’EDF, soutenue au plus haut niveau de l’État (3).

Face aux gueulantes, EDF sort une arme de destruction massive nommée publicité : la propagande Vivrélec déferle à partir de 1996 sur la France. Cela donne, dans le texte : « Vous voulez faire construire ou acheter un logement neuf, et vous réfléchissez à son mode de chauffage. Aujourd’hui, avec les nouveaux appareils, le chauffage électrique vous offre de nombreuses possibilités pour un très grand confort ». Ou bien : « Pratique et esthétique, le radiateur sèche-serviettes ». Ou encore : « Satisfaction sur toute la ligne », ce qui est, précisons-le, un jeu de mots.

Le chauffage électrique repart du bon pied. Selon les derniers chiffres officiels connus, 31 % des logements individuels et collectifs sont chauffés à l’électricité, et surtout, 80 % des logements neufs, en 2009 étaient livrés avec. Voici venue l’heure de la leçon de choses. En France, 80 % de l’électricité est nucléaire. Notons ensemble l’intelligence de ce mode de production. Un, faire garder par des hommes en armes des mines d’uranium, au Niger par exemple. Deux, enrichir le minerai et larguer les déchets où c’est possible, loin des yeux. Trois, bâtir 58 réacteurs nucléaires, en priant le bon dieu des atomes qu’aucun n’explosera jamais. Quatre, aligner de vastes réseaux de lignes à très haute et à haute tension, si bonnes pour la santé des riverains.

Compter 100 000 Km en tout. Enfin, servir bien chaud à domicile ce qui reste dans la hotte du père Noël. Comme vous le saurez en lisant l’encadré que Charlie a caché ailleurs sur cette page, il ne reste pas bézef. Est-ce au moins bon pour le climat, comme le jure EDF sur la tête de sa mère ? Benjamin Dessus, l’un des meilleurs connaisseurs du dossier électricité, rappelle que « l’Ademe et RTE (Réseau de Transport d’Électricité) ont montré que tout kWh électrique supplémentaire consacré au chauffage d’ici 2020 contiendrait 500 grammes de CO2, contre 300 pour le fioul et 200 pour le gaz ». C’est technique, très. Mais l’Ademe et RTE sont des autorités officielles. Le chauffage électrique est bien une merde.

(1) Le Point, le 30 juillet 1973

(2) In Sujets ou citoyens, par Marc Jedlizcka et Didier Lenoir (Cler)

(3) Libération, 6 décembre 1997

(4) www.terraeco.net/La-France-du-tout-electrique-est,7051.html

Un deuxième papier

Le plus con de tous les chauffages du monde

Tout le monde le sait : la France ne cesse de battre ses records historiques de consommation d’électricité. Plus de 100 000 mégawatts (MW) chaque soir, à l’heure où s’allume le chauffage électrique. Autour de 19 heures, il faut mobiliser une puissance électrique colossale. Sauf qu’on ne l’a pas en magasin : il faut en acheter 7 à 8 % à l’étranger, surtout en Allemagne. Bien souvent en provenance du charbon.

Le nucléaire qui devait nous sauver de la bougie est un bon connard de l’énergie, qui produit sans lever la tête de son établi. Comme on ne sait pas stocker l’électricité, il faut la vendre quand elle sort du tuyau. À prix cassé tout au long de l’année. Mais quand l’hiver arrive, changement de programme. Le chauffage électrique est si foldingue qu’EDF n’arrive plus à suivre.

Il y a encore plus distrayant. L’électricité nucléaire – 80 % de celle made in France – est une gagneuse. Entre l’uranium que l’on extrait de la mine et celui, enrichi, qu’on enfourne dans les centrales, on perd 14 % de l’énergie de départ. Rien qu’un début, car la conversion de la chaleur en électricité n’est que de 33 %. Tout le reste, soit 67 %, disparaît dans les systèmes de refroidissement des centrales. Fini ? Pas encore. Les pertes en ligne, le long des pylônes, ou autour des convecteurs à domicile, parachèvent le miracle. Au total, l’énergie utile n’est que de 25 % de celle de départ.

Quand tu chauffes à l’électricité nucléaire, tu perds les trois quarts en route. Question efficacité, nos bons amis de la nucléocratie ont réinventé la cheminée sans insert. Retour au Moyen Âge, avec une bougie dans le cul.

Les animaux malades de la peste nucléaire (pour Jean-Gabriel)

Publié le 4 août 2010

Tchernobyl, destructeur de biodiversité

par Valéry Laramée de Tannenberg

Cet article est extrait du Journal de l’Environnement (ici), et m’a paru si clair, si net, à ce point informé que j’ai décidé de le mettre en ligne ici, espérant que l’auteur ne m’en voudra pas. En tout cas, bravo.

Au printemps, lorsque l’on visite la zone d’exclusion de Tchernobyl, c’est toujours le même rituel. Immanquablement, les guides s’extasient sur la richesse de la flore et de la faune. La preuve, selon eux, que les effets de la radiation s’estompent. Et chacun y va de son anecdote : les troupeaux de chevaux sauvages venus d’on ne sait où ; les bisons biélorusses qui préfèrent les parages de la centrale accidentée à leur forêt natale. Sans oublier les poissons-chats dont la taille dépasse sûrement celle de bien des requins. On ne compte plus non plus les cervidés qui se plaisent à hanter la ville fantôme de Tchernobyl. Bref, la zone la plus contaminée de la planète serait devenue le paradis perdu des animaux.

Incroyable, mais faux ! Depuis 20 ans, Anders Pape Moller, de l’Université Pierre et Marie Curie de Paris, évalue les effets de la contamination radioactive sur la faune des alentours de la centrale ukrainienne. Et d’après le biologiste danois, pas plus que pour les humains, les rayons bêta et gamma ne sont bons pour les animaux.

Ces dernières années, cet ornithologue patenté a publié de nombreux articles sur le déclin des populations d’oiseaux dans la région de Tchernobyl. « Nous avons réalisé de nombreuses campagnes de comptage dans et hors des zones contaminées. Et, à l’intérieur de la zone d’exclusion, les populations d’oiseaux sont, en général, inférieures de moitié à celles que l’on trouve à l’extérieur », déclare-t-il.

Jusqu’à présent, ses travaux n’ont porté que sur nos amis à plumes. Avec son habituel compère Timothy Mousseau, de l’université de Caroline du Sud, Anders Pape Moller a voulu en savoir plus. « En adaptant nos méthodes, nous avons estimé les populations de mammifères, insectes, arachnides, amphibiens et reptiles », explique-t-il. Trois années durant, les chercheurs vont observer et baguer des oiseaux, compter bourdons, sauterelles et libellules, traquer les traces des renards.

Publiés cette semaine dans la dernière mouture d’ Ecological Indicators, les résultats de leurs travaux sont édifiants. « Tous ces animaux sont touchés par les doses de radiations et cela se voit nettement. Dans la zone d’exclusion leurs populations, tant en nombre qu’en diversité, sont moindres qu’à l’extérieur des zones contaminées. Pour certaines espèces d’insectes, la population est 89 % moins importante autour de Tchernobyl que dans le reste de l’Ukraine », précise le Danois.

Tout aussi grave, de nombreux spécimens sont malades. « Voilà des décennies que je bague des oiseaux. Or, à Tchernobyl, plus de 10 % des hirondelles capturées étaient atteintes de tumeurs. Je n’avais jamais vu ça auparavant », reprend-il.

Plusieurs mécanismes expliquent cet affaiblissement biologique. L’exposition aux radiations détruit ou endommage l’ADN des animaux, ce qui entraîne des conséquences fâcheuses pour leur descendance. La radioactivité fragilise aussi la chaîne trophique. Parce qu’il y a moins d’insectes, les insectivores sont moins nombreux, de même que leurs prédateurs.

Le bilan définitif de la catastrophe du 26 avril 1986 n’est pas près d’être achevé.

Jancovici et Allègre sont dans un bateau (personne ne tombe)

Dans Quel beau dimanche – Aquel domingo -, Jorge Semprún raconte un jour ordinaire dans le camp nazi de Buchenwald, où il fut emprisonné. J’ai lu ce livre lorsqu’il est sorti, en 1980 donc, et je l’ai aimé. J’aimais beaucoup Semprún, en ce temps-là, et ce temps a changé. Celui qui fut le responsable du parti communiste (clandestin) espagnol à Madrid, dans les années si noires du fascisme franquiste, parlait dans ce livre des insupportables réalités d’un camp de concentration. Qui n’était pas d’extermination, la différence est de taille pour qui passa par les conduits des chambres à gaz. Buchenwald, Dachau ou Mauthausen ne sont pas Auschwitz-Birkenau, Sobibór ou Treblinka. Mais je m’égare, comme si souvent.

Semprún raconte dans ce livre quantité de choses importantes, et parmi elles, ce mot à propos d’une des antiennes de la vulgate marxiste-stalinienne de cette époque : la dialectique. Tarte à la crème de générations de militants élevés dans l’orbite soviétique, la dialectique était servie à toutes les soupes. Et pour Semprún, cela donnait finalement : « C’est quoi, la dialectique ? La dialectique, c’est l’art de toujours retomber sur ses pattes ». Voilà que j’ai pensé à ces mots à propos – peut-être hors de propos, vous en jugerez – de deux personnes en apparence fort éloignées.

Mais d’abord, les présentations. Claude Allègre, avant d’être un climatosceptique et un imposteur certain, a été un ponte socialo. Un ami de plus de trente ans de Jospin, à qui il servit à la fois de ministre de l’Éducation, de conseil – si je puis écrire – en écologie, et même de garde rapprochée. Il est proprement fantastique de voir un homme de cette sorte, qui a prétendu toute sa vie être de gauche, et donc défendre la veuve et l’orphelin, se rallier avec une vulgarité sans égale à la candidature de Sarkozy, qui méprise le peuple sans seulement le dissimuler. Cela n’embête personne. Cela ne questionne ni le parti socialiste, ni Lionel Jospin, qui eût pu devenir notre président après avoir été un espion de Pierre Lambert (fondateur de l’OCI, secte politique dont fut membre aussi Jean-Luc Mélenchon, lequel admire sans gêne Jospin).

Jean-Marc Jancovici, polytechnicien, est membre de longue date du Comité de veille écologique de la Fondation Hulot. Il a écrit de nombreux livres sur l’énergie – bons  -, au Seuil, il tient table ouverte sur www.manicore.com, un site internet très intéressant, et il est un croyant dans le nucléaire. Mais un vrai. Pour avoir parlé avec lui, longuement, je peux ajouter sans craindre de me tromper qu’il est d’une infatuation considérable. Doté d’une agilité intellectuelle que je n’hésite pas à juger remarquable, son intelligence – et ce n’est certes pas la même chose – bute contre les limites de son arrogance. Je gage qu’à l’égal d’un Juppé, il a une perception rabougrie de l’intelligence de soi et de celle des autres. Bon, je n’entends pas le changer.

Pourquoi ces deux-là ? Parce que le premier, Allègre, vient de se prosterner aux pieds de notre soi-disant président. Et cela n’attire pas le moindre commentaire. Besson, Kouchner, Amara se sont vendus au maître, et cela ne voudrait rien dire. Sur les hommes. Sur la valeur qu’on accorde aux idées. Sur le sens de l’action publique. Oui décidément, je pense à Semprún. Tout est possible à qui sait danser sur un fil. Et retomber sur ses pattes sans se faire le moindre mal. Quant à Jancovici, je viens de lire un entretien déprimant qu’il a accordé à un journal en ligne, Enerpresse. Je dois avouer que les mots me manquent, qui permettraient de décrire mon écœurement. Voici ce que Jancovici écrit sur Fukushima, dont on va fêter l’atroce premier anniversaire le 11 mars prochain :

« Même si tous les 20 ans se produit un accident similaire, le nucléaire évitera toujours plus de risques qu’il n’en crée. Il n’y a plus de raison sanitaire, aujourd’hui, d’empêcher le retour des populations évacuées à Fukushima, qui, au final, n’aura fait aucun mort par irradiation. De son côté, le million d’évacués pour le barrage des Trois Gorges, parfaitement « renouvelable », est assuré de ne jamais retrouver son « chez lui » ! En France – car c’est loin d’être pareil partout – Fukushima aura surtout été un problème médiatique majeur, avant d’être un désastre sanitaire ou environnemental majeur. Cet embrasement médiatique n’est pas du tout en rapport avec l’importance de cette nuisance dans l’ensemble des problèmes connus dans ce vaste monde. Du point de vue des écosystèmes, et ce n’est pas du tout de l’ironie, un accident de centrale est une excellente nouvelle, car cela crée instantanément une réserve naturelle parfaite ! La vie sauvage ne s’est jamais aussi bien portée dans les environs de Tchernobyl que depuis que les hommes ont été évacués (la colonisation soviétique, à l’inverse, a été une vraie catastrophe pour la flore et la faune). Le niveau de radioactivité est désormais sans effet sur les écosystèmes environnants, et le fait d’avoir évacué le prédateur en chef sur cette terre (nous) a permis le retour des castors, loups, faucons, etc. On a même profité de cette création inattendue de réserve naturelle pour réintroduire des bisons et des chevaux de Przewalski , qui vont très bien merci. La hantise de la radioactivité vient de la crainte que nous avons tous quand nous ne comprenons pas ce qui se passe. Mais ce que nous ne comprenons pas n’est pas nécessairement dangereux pour autant…».

Je peux admettre, car je fais des efforts, qu’on défende cette énergie criminelle. Mais pas avec des arguments aussi lamentables. Non ! Si même Jancovici avait raison sur le nucléaire, il serait insupportablement con de prétendre savoir, comme par miracle, ce qui s’est passé il y a près d’un an à Fukushima. Car nul ne le sait. Car l’opacité organisée par les maîtres locaux de l’atome interdit que l’on sache. Oser dire dans ces conditions qu’il n’y a eu aucune mort liée à l’irradiation est une pure et simple infamie. Et passons vite, car je ne veux pas vomir devant vous, sur le goût du paradoxe, sur le plaisir du paradoxe dont fait preuve Jancovici. Cette affaire est un drame planétaire, sauf pour lui et ses amis, dont je ne doute pas qu’ils rient à gorge déployée de ces écolos-idiots incapables de prendre la vraie mesure des choses.

Non, cette fois, je ne me suis pas perdu en route. Cette manière de perpétuellement retomber sur ses pattes, c’est le signe de notre époque, davantage que celui d’autres temps. Je constate que les socialistes se foutent du cas Allègre et al., qui en dit tant sur eux. Et que Nicolas Hulot se garde bien de remettre à sa place son glorieux conseiller dans le domaine de l’énergie. Et cela en dit extraordinairement long sur les limites indépassables de sa personne. Non ?

Petite nouvelle en passant du lobby de la bidoche

En complément à l’article précédent consacré à mes si chers animaux, ce papier trouvé sur le site du quotidien La Voix du Nord (ici). Pour bien comprendre la chose, sachez que le Comité d’information des viandes (CIV) est le lobby industriel le plus en pointe dès que l’on parle de bidoche en France. J’ai traité à ma manière et la chose et son directeur – Louis Orenga – dans mon livre justement appelé Bidoche. Ces gens-là n’éprouvent aucune gêne à venir faire leur propagande, avec distribution de colifichets à la clé, dans les écoles. Et nous sommes assez faibles, assez sots, pour les laisser faire. Mais cela ne durera qu’un temps, j’en suis absurdement certain.

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Bien dans son assiette, bien dans ses baskets !

 

dimanche 19.02.2012, 05:14 – La Voix du Nord

 Les élèves de CM2 de l'école Sainte-Bernadette ont reçu la visite de deux animateurs du centre d'information des viandes. Les élèves de CM2 de l’école Sainte-Bernadette ont reçu la visite de deux animateurs du centre d’information des viandes.

| LANDAS |

Les CM2 de l’école Sainte-Bernadette se sont mis à l’heure écologique et nous ont fait parvenir le fruit de leur réflexion.

« Une association nommée CIV, centre d’information des viandes, est venue à l’école Sainte-Bernadette nous informer sur l’alimentation. Au départ, nous avons revu les sept groupes alimentaires (glucides, sucres lents…) ainsi que leur rôle sur notre organisme. Nous avons compris la nécessité de manger équilibré et de ne pas grignoter entre les repas… et gare au sucre ! Ensuite, nous avons composé, tout en jouant, des menus équilibrés. Puis nous avons abordé l’origine des produits que nous avons dans nos assiettes ainsi que la pollution qui peut en découler (transport, engrais…). Il vaut mieux acheter des produits locaux et de saison plutôt que ceux importés ! Maintenant, nous comprenons pourquoi il faut adopter une attitude d’éco-citoyens pour l’environnement et pour nous. »