Soljenitsyne était-il écologiste ?

Si je reviens une fois de plus à Soljenitsyne, qui est pour moi une fraternelle présence, c’est pour deux raisons. La première, c’est qu’on continue à le calomnier par-delà le tombeau, ici-même dans des commentaires qui me restent au travers de la gorge. On écrit n’importe quoi, on le traite comme s’il était l’un de ces Cent-noirs, du nom des bandes antisémites qui régnaient en Russie avant la Première Guerre mondiale. Je ne le supporte pas. Même si cela semble dérisoire, je ne le supporte pas. La seconde raison, c’est que Marie-Pierre, grande lectrice des auteurs russes dans leur langue, m’a envoyé deux extraits de textes d’Alexandre Issaïevitch. Avant que vous les faire lire, deux mots.

Soljenitsyne n’est pas Tolstoï, mais je ne peux m’empêcher, pensant à l’un, d’évoquer l’autre. Tolstoï croyait en Dieu, comme Soljenitsyne. Il aimait profondément la nature, comme Soljenitsyne. Et l’antique campagne russe, et la liberté, tout comme l’autre. Mais les différences l’emportent évidemment. Car Tolstoï était un rousseauiste, un homme qui croyait en la bonté foncière de l’homme, qu’il suffisait d’aider à émerger, et qui finalement sauverait le monde. C’était un être merveilleux. Mystique, anarchiste, défenseur des animaux. Il n’y a aucun doute à mes yeux qu’il fut un écologiste avant l’heure.

Soljenitsyne avait, et pour cause, une vision bien plus noire de la vie. Il aimait profondément la liberté, mais craignait qu’elle ne fût dérobée, ou qu’elle ne servît les desseins du tyran. Il jugeait nécessaire, absolument nécessaire le constant rappel à la responsabilité individuelle. Il estimait l’homme capable de choisir entre le bien et le mal, entre la soumission et la révolte, entre la beauté et la bassesse. Dans son grand roman La Roue rouge, qui raconte l’ancienne Russie et son basculement dans l’horreur totalitaire, il fait intervenir Tolstoï. Je crois me souvenir qu’un de ses personnages ferraille avec lui. L’un croit au bien – le vieux comte Tolstoï -, l’autre préfère penser aux moyens possibles de combattre le mal. En tout cas, Soljenitsyne n’aura pas eu le temps de réfléchir à la crise écologique. Il était d’un autre monde, fort heureusement englouti depuis. Mais je puis dire, pour le bien connaître, qu’il avait tout pour devenir un formidable et tonitruant écologiste. Les circonstances en ont décidé autrement. Faut-il rappeler – oui, probablement – que je ne partage pas, de loin, tous ses textes et engagements ? Et alors, dites-moi ?

Voici le premier extrait a paru en 1990 dans le texte « Comment réaménager notre Russie ? Réflexions dans la mesure de mes forces ».

L’autolimitation

« “Les droits de l’homme”, c’est très bien, mais comment veiller nous-mêmes à ce que nos droits n’empiètent pas sur ceux des autres? Une société de droits sans fin est incapable de résister aux épreuves. Si nous ne voulons pas nous retrouver dominés par un pouvoir contraignant, chacun doit se mettre à lui-même un frein. Aucune constitution, aucune loi ni aucun vote n’assureront par eux-mêmes l’équilibre de la société, car le propre des hommes est de poursuivre opiniâtrement leur intérêt personnel. La majorité d’entre eux, s’ils ont le pouvoir d’augmenter leur surface et de happer de bons morceaux le font. (Et c’est précisément ce qui a perdu tous les groupes ou classes dirigeants de l’histoire.)

On ne fonde pas une société stable sur l’égalité des résistances mutuelles, on la fonde sur une autolimitation consciente : sur le devoir de toujours céder à la justice morale. Seule l’autolimitation permettra à l’humanité, toujours plus nombreuse et plus dense de continuer à exister. Et sa longue évolution aura été vaine si elle ne se pénètre pas de cet esprit : tous les animaux possèdent en effet la liberté de happer des proies et se remplir le ventre. La liberté humaine, elle, va jusqu’à l’autolimitation volontaire pour le bien d’autrui. Nos obligations doivent toujours dépasser la liberté dont nous jouissons. Puissions nous seulement réussir à assimiler l’esprit d’autolimitation et, surtout, à le transmettre à nos enfants. Car c’est pour lui-même que chaque homme en a d’abord besoin pour acquérir son équilibre et une âme imperturbable ».

Je vous le demande : ce texte n’entre-t-il pas en résonance profonde avec une bonne part de ce que j’écris ici ? Est-il la marque d’un esprit étroit, d’un ennemi de l’homme ? Je vous laisse juger.

Le deuxième extrait, tiré du même texte, me semble autant nécessaire, en défense intransigeante de la magnifique figure que fut Alexandre Soljenitsyne. Que je salue, que je saluerai toujours.

Adresse aux peuples et nationalités de petite taille

« Enfin, les plus petites nationalités (… ) c’est nous, l’Union soviétique du communisme, qui les avons poussées vers une mort lente. Que de mal leur ont causé notre administration sans foi ni loi et notre industrie rapace et sans cervelle, en saccageant et empoisonnant leur milieu de vie et en enlevant à cette vie sa dernière assise ! Un mal particulièrement grave pour celles dont les dimensions particulièrement restreintes ne leur permettent pas de lutter pour survivre Il faut que nous arrivions à les renforcer, les revivifier et les sauver ! Il n’est pas encore tout à fait trop tard.

Chaque peuple, y compris le plus petit, est une facette irremplaçable du dessein de Dieu. Transposant le commandement chrétien, Vladimir Soloviev a écrit : “Aime tous les peuples comme le tien propre.” Le XXe siècle est secoué et corrompu par une politique qui s’est libérée de toute morale. Ce qu’on exige de tout honnête homme, on en dispense les États et ceux qui les dirigent. L’heure est venue, et nous sommes à la limite extrême, où il faut rechercher pour la vie des États des formes plus hautes qui ne seront plus fondées sur le seul égoïsme, mais aussi sur la compassion ».

Ces mots sont écrits alors que Soljenitsyne a 78 ans. Telle était la position centrale de cet homme sur la si complexe question des peuples et nationalités dans le territoire de la défunte Union soviétique. Et vous voudriez que j’accepte la sanie constamment déversée sur ce mort éternel ? Ne comptez pas sur moi.

Acharnement non-thérapeutique (sur Borloo)

Je crois que je devrais plutôt en rire. Jean-Louis Borloo, bonimenteur de foire virtuose, ami de longue date de Bernard Tapie – entre bateleurs, on se comprend -, ministre m’as-tu-vu de l’Écologie parce que Juppé lui a laissé la place contraint et forcé en 2007, Borloo ne cesse de jongler. On peut applaudir, et c’est d’ailleurs ce qu’ont fait depuis trois ans les malheureux écologistes officiels et patentés du Grenelle de l’Environnement, cette farce grandiose. En échange d’un plat de lentilles, dont il y a fort à parier qu’elles n’étaient pas même bio, nos écolos de ministère ont aidé Borloo à se forger une image d’écologiste.

Encore bravo à FNE, la fondation Hulot, Greenpeace, le WWF pour ne prendre que les principales associations de ce Barnum de seconde catégorie. Regrettent-ils ? Pas même. Elles sont déjà passées à autre chose, car leur temps est celui du monde existant, médiatique, immédiat, sans jamais aucun retour en arrière. Ma foi. J’aimerais croire qu’un jour, quelqu’un leur demandera des comptes sur ces années perdues qui ne reviendront pas. Mais j’en doute, franchement. Le probable est que tout sera jeté à la benne du temps qui passe. Et ce sera tout.

Borloo est un triste monsieur, quoi qu’en disent ses nombreux amis. Il sait taper dans le dos, promettre la lune à l’imbécile de service, boire un verre en explosant de rire. Ce qui s’appelle entourlouper. Ses deux derniers coups d’éclats sont fameux, croyez-en mon expérience. J’ai beaucoup vu de bluffeurs, il m’est arrivé dans une autre vie d’en affronter au poker, mais Borloo est un maître. Alors qu’il avait annoncé en octobre 2007 – gros titre du journal Le Monde au moment fatidique du Grenelle – que les programmes autoroutiers étaient terminés, voilà qu’il vient d’en débloquer trois, et d’importance (ici). Il a eu l’intelligence du joueur, qui tient parfois à la diversion, profitant du fracas autour de l’affaire Woerth-Bettencourt. Voyou un jour, voyou toujours.

Autre merveille : la disparition des niches fiscales dites vertes. C’est assez génial, dans le genre. La taxe carbone ayant sombré dans les oubliettes, il restait des avantages fiscaux qui ne changeaient rien au fond, mais permettaient au moins un affichage bien venu. Zou ! Dans la cuvette. On tire la chasse d’eau et on sourit aux caméras, comme si de rien n’était. Borloo devrait faire s’envoler à lui seul deux milliards d’euros de « niches vertes » (lire ici). Est-ce un flag’ ? Bien sûr. Borloo va racontant depuis qu’il a été nommé en 2007 que la planète est exsangue. Si elle l’était à ses yeux, réellement, il va de soi qu’il ne considèrerait pas l’écologie comme une variable d’ajustement de la politique gouvernementale. Mais comme il s’en fout absolument, comme elle n’a jamais été conçue par lui autrement que comme un éventuel marchepied vers Matignon et le poste de Premier ministre, il tente de convaincre son maître qu’il est le meilleur élève de cette classe de médiocres et de corrompus. Et il y parviendra probablement. Peut-être à l’aide de Greenpeace, du WWF, de la fondation Hulot et de FNE.  Voyons, ce cher Jean-Louis n’est-il pas des leurs ?

Comment marche la presse

J’écoutais l’autre soir, pas plus tard que jeudi, Rony  Brauman sur France Culture. Brauman, que je n’ai jamais rencontré, a été le président de Médecins sans frontières, et je l’ai toujours entendu dire des choses percutantes, pertinentes, dérangeantes. Brauman est à l’opposé de ces humanitaires qui ne pensent qu’à la structure – la leur -, au blé, aux caméras. Il pense, ce qui fait tache. Mais jeudi soir, j’ai été pris d’un malaise. Le propos avait pour cadre l’émission Du grain à moudre, vers 18h30, et par extraordinaire, elle était intéressante. On y parlait du rôle si étrange, et pour tout dire, inquiétant, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la lutte contre la grippe porcine, dite H1N1. Mais à un moment, Julie Clarini a parlé du climat, et Brauman, à mes yeux en tout cas, a dérapé en live.

Finalement, disait-il entre deux phrases sur tout autre sujet, finalement, ma religion n’est pas faite sur la question du climat. Et moi, j’ai eu l’envie de lui dire : pauvre imbécile, si nous attendons tous que tu sois dans de bonnes dispositions, nous serons morts. En l’occurrence, la question n’est pas même – bien sûr, pour moi, elle est réglée – de savoir si le dérèglement est une réalité. Pas même, je vous le jure. La question est de savoir s’il est raisonnable de discuter encore. Et la réponse est NON, NON, NON. Admettons, pour la commodité de ma démonstration, que des idiots boursouflés comme Allègre ont raison. Même en ce cas, la raison, cette raison exigeante dont se réclament les négateurs ne devrait-elle pas TOUS nous mobiliser ?

Je m’explique, ce qui ne sera pas long. Ou les scientifiques du Giec ont tort, ou ils ont raison. S’ils ont raison, il faut abattre les voiles, car l’ouragan qui vient va tout dévaster. Et s’ils ont tort, les mesures que nous prendrions pour faire face à un typhon imaginaire seraient toutes, absolument TOUTES bénéfiques à la vie sur terre et à ses équilibres essentiels. Mais les « climatosceptiques » sont des idéologues, pour qui la réalité est seconde. En conséquence, ils font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher des prises de décision qui iraient nécessairement vers une emprise moindre des hommes sur les écosystèmes. Ils montrent ainsi leur inconscience, en quoi ils sont si affreusement humains.

Revenons à Brauman. Mon Dieu ! Comment oser, en 2010, prétendre qu’on ne sait pas ? La seule explication que j’entrevois est qu’il fait partie de cercles qui se piquent d’indépendance intellectuelle, de ceux à «  qui on ne la fait pas ». Fantastique leçon de choses ! On  peut être lucide sur les connivences entre experts de l’OMS et industrie, et aveugle sur la plus grave menace contre les sociétés humaines. Fantastique ! Pour ce que j’ai pu entendre depuis un moment, Julie Clarini et Brice Couturier – les deux animateurs de l’émission de France Culture – font partie de cette tribu parisienne, omniprésente dans les médias, qui ne sait rien de la nature et de ses lois finalement infrangibles. Simplement, se sentant assurés de représenter l’opinion moyenne – moyenne, mais avancée – de leur temps, ils traitent l’écologie avec un mépris apitoyé. Ils sont bons, croyez-moi, dans leur genre. Indiscutablement, ils savent présenter une émission alerte. Ils sont bons, mais ignares.

Au-delà, deux faits. D’abord, une enquête sérieuse de six mois montre que les chercheurs de l’Unité de recherche climatique (CRU) de l’université d’East Anglia (Angleterre) n’ont pas truandé leurs données. Grossièrement résumé, on les accusait de cacher des éléments décisifs, de manière à exagérer l’importance du souk climatique et obtenir ainsi plus de sous ( lire ici). Vous ne vous en souvenez pas forcément( lire ici), mais avant la conférence mondiale sur le climat, à Copenhague – un hasard, sûrement un  hasard -, un opération mondiale de désinformation a eu lieu. Il s’agissait de discréditer ceux qui accumulent par milliers des données sur l’évolution dramatique du climat.

Mais pour monter une telle opération, il fallait compter sur la presse, laquelle est bête comme ses pieds, aveugle, sourde, mais hélas nullement muette, plus moutonnière que ne le sera jamais une brebis. Et le résultat prévisible fut que la presse mondiale largua dans l’espace des milliers et des milliers d’articles ineptes sur 1073 courriels que presque aucun journaliste n’avait lus. Pas le temps, coco. Sept mois, plus tard,  le but des désinformateurs est atteint, et la méfiance règne. Vienne le résultat d’une enquête sérieuse de six mois, et l’on n’obtiendra, dans le meilleur des cas, que 10% du volume consacré au soi-disant scandale appelé par des journalistes – faut-il être abruti ! – Climategate. C’est la fange qui a gagné la partie, définitivement, et les journalistes en sont les premiers responsables.

Assez d’excuses ! Assez d’arguments en défense des pires attitudes ! On attaque les politiques, les agriculteurs industriels, les syndics, les flics, les industriels. Moi, je dis que les journalistes sont des brêles, point barre. Ils ne lisent rien, ne savent rien, et racontent n’importe quoi. Je le sais, j’en suis. Dernier point, une étude de l’Institut de recherche et de développement (IRD). Cet organisme public qui a pris la suite de l’Orstom a une belle réputation, que je crois fondée. Mais peut-être ai-je tort ?

En tout cas, l’IRD vient de rendre publique une étude exhaustive sur les glaciers de Patagonie. Le mieux est encore de citer les chercheurs : « Contrées perdues aux confins du continent latino-américain, la Patagonie et la Terre de Feu, archipel à l’extrémité Sud, abritent les plus majestueux géants de glace du monde. Les glaciers patagoniens, dont le célèbre Pio XI, le plus grand d’Amérique latine avec ses 1292 km², surplombent les vallées chiliennes à l’ouest et argentines à l’est. Ceux de la Terre de Feu, les pieds dans l’océan, plongent dans les méandres des fjords. Ces glaciers reculent. Leur régression vient d’être quantifiée à une échelle régionale. Une vaste étude de chercheurs de l’IRD et de leurs partenaires, portant sur 72 d’entre eux, montre que la grande majorité des glaciers patagoniens et de Terre de Feu ont considérablement diminué depuis 1945 : jusqu’à près de 40% pour certains »

Les négateurs du dérèglement climatique n’en auront jamais assez, car une foi ne se rend jamais aux arguments. La danse macabre continuera donc. Avec la presse, cette presse inouïe, cette presse inculte, cette presse arrogante en maîtresse de cérémonie.

Ce qu’on devrait sans doute tenter

Ce texte est la suite du précédent, ce qui ne risque pas de vous épater. Je précise : il forme un tout avec l’autre, un tout que j’espère cohérent, mais je vous laisse juges. J’en étais arrivé à ce point désagréable que nous n’éviterons plus des désastres. Les sociétés humaines sont des agrégats, voilà que je recommence à écrire des truismes. Mais le mot agrégat, en la circonstance, me semble juste. Un agrégat est un assemblage d’éléments distincts au départ. Et comme à l’habitude, l’étymologie nous est d’une aide précieuse. Car le latin aggregare signifie réunir un troupeau. Précisons, s’il est utile, que je n’ai rien contre les troupeaux, surtout s’ils sont sauvages.

En tout cas, une société humaine m’apparaît bien comme un troupeau d’êtres réunis autour de quelques repères et valeurs. Chez nous, qui nierait que les idées du passé se sont dissoutes ou sont en passe de disparaître ? La patrie, paix à son âme maudite, est morte. Et l’Empire. Et donc les colonies. Et donc tous les mythes associés, dont cette mission civilisatrice dont tout le monde a parlé pendant un siècle sans jamais la rencontrer. Morte aussi la croyance dans l’existence d’une classe sociale universelle – le prolétariat -, susceptible de mener le monde à une société communiste des égaux. Englouties de même les phraséologies social-démocrates, qui juraient de redistribuer jusqu’au dernier sou et de bâtir des cités fleuries pour tous, sauf les Noirs, les Jaunes et les Arabes.

Les moros du général Franco

Je précise pour ceux qui ne le sauraient pas que l’histoire du mouvement socialiste français, au long du siècle passé, est tissée de mille milliards de liens avec le racisme « bon enfant » à l’encontre des dominés de l’empire français d’avant 1960. En Espagne voisine, l’une des causes évidentes de la défaite de la République en 1939 tient à son refus d’accorder sans conditions l’indépendance à ce qu’on appelait alors le Maroc espagnol, grosso modo le nord du Maroc actuel. L’eût-elle fait que – peut-être -, cette canaille de Franco n’aurait pas pu recruter massivement dans son armée d’assassins des dizaines de milliers de moros, ces redoutables soldats marocains. Mais il aurait fallu admettre que le Maroc était un pays, de même qu’un peuple. Et cela, la gauche socialiste au pouvoir à Madrid ne voulait pas en entendre parler. Même pour abattre le fascisme.

Je me suis éloigné, mais vous avez l’habitude. Parmi les mythologies les plus récentes, je ne vous en citerai que deux. La première est celle des Trente Glorieuses, ces années qui mènent de 1945 à 1975, plus ou moins. La machine économique tourne à plein, la voiture individuelle devient la règle, la télé remplace la radio, les vacances à la mer deviennent populaires. Surtout, les prolos – ouvriers et paysans – qui font tenir l’édifice sont entretenus dans l’espoir que tout ira toujours mieux et que leurs enfants, après être passés par l’école, seront ingénieurs, médecins ou fonctionnaires. La crise des années 70 aura à peine entamé le bel enthousiasme, malgré la plate évidence que tous ne peuvent pas devenir les maîtres du monde et des gros bolides.

Le chômage de masse a malgré tout modifié la donne, et il a bien fallu fabriquer de toute urgence quelques utiles raisons de se lever le matin, fût-ce pour se rendre au supermarché. La plus puissante de toutes a été et demeure la soif sans limites de posséder des objets inutiles et coûteux. Ou au moins de rêver en posséder. Dans le premier cas, on travaille, dur, pour remplir son Caddie le samedi. Dans le second, on s’emmerde, dur, devant la télévision, en attendant les allocs ou le RSA qui permettront, le samedi, d’aller remplir son Caddie. Plus petit, un peu plus frustrant peut-être. Mais de toute façon, la frustration est le moteur, le réacteur nucléaire de notre organisation sociale.

Il n’y a plus d’imaginaire commun

Ces deux derniers habillages du vide ont-ils un avenir ? N’ouvrent-ils pas, déjà, sur la tombe où sont tombés les autres ? Je crois bien établi que plus personne n’espère un sort meilleur, du moins au plan matériel, pour ses enfants. Et il me semble que la pacotille perpétuellement repeinte, mais éternellement la même, est plus proche de son épuisement que de son triomphal futur. Dites-moi donc ce que l’on fera si l’on contracte de force, par force, ce si célèbre « pouvoir d’achat », objet de tous les débats et de toutes les convoitises ? Comment fera-t-on pour changer de téléphone portable tous les trois mois ?

Je n’ai pourtant pas très envie de rire. Toute société a besoin d’un imaginaire social qui cimente ses membres. Or il n’y a plus de désir commun, plus aucun projet qui repousserait aux lisières cet infernal individualisme qui soutient la production et la destruction – c’est désormais synonyme – matérielles comme la corde soutient le pendu. Elles sont nécessaires au capitalisme épuisé, dégénéré, mortifère à quoi l’on est soumis, mais elles sont en train de nous tuer. Aussi sûrement que l’individualisme extrémiste aura défait un à un les liens qui unissaient jadis, hier encore, les appartenants au groupe.

Plus d’imaginaire, plus d’avenir commun seulement désirable, d’un côté. Et de l’autre, l’épuisement des innombrables et incommensurables services gratuits que la nature offre, dans sa prodigalité, à nos folles aventures. Cela ne saurait durer, cela ne durera pas. Mais quant à savoir le détail de ce qui vient, je pense que madame Irma est mieux indiquée que moi. L’inventivité technologique des humains peut très bien nous faire « gagner » quelques années. Au mieux, une poignée de décennies, au cours desquelles la vie ensemble sera toujours plus difficile. Mais nous allons au choc. Aux chocs. À la dislocation de sociétés que nous imaginions éternelles. Que nous continuons, et je ne fais pas exception, à croire solides, quant tout indique qu’elles craquent et menacent d’exploser, nous emportant avec elles.

Un chemin au milieu de la nuit

Alors ? Je sais que je devrais être désespéré, et d’ailleurs, nombre de lecteurs de Planète sans visa verront dans mes propos la confirmation que je suis d’une noirceur anthracite. Eh bien, que chacun croie ce qu’il veut ou ce qu’il peut. Moi, non, je ne suis pas désespéré. Je suis accablé souvent, triste régulièrement, indigné chaque matin. Mais désespéré, non. Je crois tant dans la vie, et je l’aime si furieusement au milieu des pires orages que je parviens encore à imaginer un chemin au milieu de la nuit. Admettons par commodité que j’ai raison, et qu’une incroyable régression, sur tous les plans, nous attend. Admettons. Que devons-nous faire, que pouvons-nous faire ?

D’abord, cela va de soi, résister. Ne jamais reculer sur l’essentiel. Qui implique à mes yeux la défense d’un point de vue humain, universaliste, libertaire, égalitaire et fraternel sur la crise qui vient, celle qui est déjà là. Moi, rien ne me fera dévier, pour une raison bien simple : je n’entends pas vivre dans les catacombes de l’esprit. J’entends rester un homme jusqu’à ma mort, que j’espère lointaine encore. Un tel postulat commande bien des paroles et même des actes. Il signifie la fin des frontières géographiques, mentales, financières. Il signifie la proclamation du monde. Nous sommes un monde. Nous sommes une terre et une seule.

Au-delà, quoi ? Au-delà, je pense qu’il faut utiliser au mieux le temps qui reste. En créant un réseau sans tête, planétaire, immense autant que solide, efficace, pragmatique, fondé sur la solidarité inconditionnelle de tous ses membres, qui pourraient et devraient se compter par millions. Un réseau, et pour quoi faire ? Mais pour conserver, consolider, souder à l’argon notre fabuleuse richesse collective. Il existe des banques de semences, destinées à garder au froid une partie de la diversité végétale du monde. Et de sperme. Et d’argent, mille fois hélas. Ce que j’entrevois serait comme un trésor commun où resteraient disponibles, pour demain et plus tard, nos savoirs. Savoir dire, savoir écrire, savoir faire, savoir comprendre, savoir entendre, savoir partager, savoir compatir, savoir protéger, savoir aimer, savoir mourir en ultime ressort.

Vers une « cité des ophiures » ?

Je crois que nous devons donc relier nos métiers et connaissances, nos arts et nos lettres, nos si nombreuses compétences au service de la vie future, au-delà des terribles secousses qui approchent. Vous me parlerez peut-être des Amap ou des Transition Towns, de l’habitat bioclimatique et des coopératives ouvrières dans le genre des Scop, des producteurs bio et des groupes de solidarité mondiale, comme par exemple la Cimade. Et je vous répondrai : mais bien sûr ! Évidemment ! Encore heureux ! Nous ne partons pas de rien. Si nous nous lançons dans cette aventure terrestre, avec des groupes du monde entier bien entendu – à moi Maude Barlow, Vandana Shiva, Lori Wallach, Martin Khor, Agnès Bertrand, Silvia Pérez-Vitoria, Jerry Mander, Anuradha Mittal, à nous ! -, il faudra bien un substrat.

L’image qui s’impose à moi est celle d’une « cité des ophiures », ces animaux qui font penser, à l’œil en tout cas, à des étoiles de mer. Des chercheurs néo-zélandais et australiens ont découvert une colonie installée sur le pic d’un mont sous-marin. Comme elle est constituée de dizaines de milliers d’ophiures, elle est bien plus haute que le plus haut de nos dérisoires immeubles terrestres. Ces animaux vivent réellement, concrètement bras dessus bras dessous, au beau milieu d’un courant tourbillonnant qui pourrait sembler une menace mortelle. Or tout au contraire. Ce courant empêche les prédateurs de pénétrer la maison commune – le mot grec oïkos, la maison, a fini par donner, complété par logos, le mot écologie – et convoie d’importants chargements de nourriture dont les ophiures s’emparent en levant les bras. Car ils ont des bras. Comme nous.

Je reconnais que la métaphore a des limites, mais elle me plaît. Nous sommes tous des ophiures ! Voilà ce que j’aimerais entendre plus souvent, à l’avenir, dans les cortèges et manifestations où nous rechercherons des voies de sortie, des issues de secours à ce monde devenu méphitique. Dois-je encore insister ? Un réseau de réseaux, souple, pratiquement indestructible, se régénérant à mesure qu’il subirait des assauts venus du vieux monde, qui mettrait au service de chacun le colossal possible de tous. C’est ainsi, collectivement, mondialement, humainement que nous affronterions l’impensé radical qui arrive. Et que nous conserverions une chance d’y survivre, nous ou d’autres. Mais libres. Mais dignes. Mais debout. Ce que j’en dis.

Un vieux sage a failli naître (moi)

Je commence ci-dessous une série de deux articles auxquels j’attache une importance particulière. J’aimerais, dans un monde idéal qui n’existera jamais, que beaucoup de gens les lisent avec patience. Non que je les croie indiscutables ou intouchables. Au contraire, je souhaiterais qu’ils suscitent débat et controverse, ce qui m’éclairerait en retour sur leurs insuffisances, leurs erreurs, leurs limites. Quoi qu’il en soit, ils expriment bel et bien un point de vue sur l’état du monde. Le mien. Il y en a d’autres, évidemment.

 

Je vais à la fois frapper un grand coup et ruiner ce qui me reste de réputation : je ne suis pas devin. Mille excuses, j’aurais dû commencer par là ce jour d’août 2007 où j’ai commencé Planète sans visa. Je ne sais donc pas ce qui va se passer demain, ou après-demain, et pas davantage en 2017. Si vous êtes encore là après une si vilaine proclamation, c’est donc que vous êtes masochiste, et que tous mes scrupules peuvent disparaître comme le ferait un brusque éclair de magnésium. Je ne suis pas devin, mais je m’autorise à réfléchir sans autorisation. Et voici ce que je pense de l’avenir.

Il n’est plus possible, au stade où nous sommes, d’éviter le fracas et le chaos. Ce n’est pas à la portée des humains. La dislocation d’écosystèmes essentiels est déjà en cours, et vous le savez comme moi. Les océans subissent l’attaque la plus extrémiste qui se puisse concevoir. La pire depuis des millions d’années, et de loin. Hélas, nos esprits tout petits sont incapables de la considérer. Les chaînes alimentaires sont rompues, les gros poissons disparaissent, l’équilibre n’est plus. Ce n’est pas un épiphénomène, c’est un événement de nature cosmique, dont le retentissement se fera sentir, si l’homme poursuit sa route, pendant des milliers de générations. Des milliers. N’est-ce pas fou ?

Il n’y aura pas de miracle

J’ai commencé par les océans parce que je les aime d’un amour fou. Mais il y a tout le reste. Les forêts, les fleuves et rivières, ces sols agricoles massacrés, épuisés, érodés, envolés, l’empoisonnement universel par la chimie de synthèse, l’effroyable massacre des bêtes et des plantes, lui aussi inconcevable par les si petits hommes que nous sommes. Tous ces phénomènes créent sans cesse des rencontres, des boucles de rétroaction le plus souvent négatives, dont nous ne savons rien. La mort des abeilles compromet les chances d’une pollinisation efficace. Les ratés de cette dernière abaissent le niveau des récoltes au Bengale, déclenchant des émeutes et des migrations, encourageant le braconnage des derniers tigres de la région, etc. Tout est à l’avenant. Tout résonne d’un bout à l’autre du monde. Tout est entrelacé, car écosystémique. Mais nous sommes si affreusement limités dans nos perceptions, malgré et peut-être à cause de notre arrogance, que nous ne voyons rien. Et par-dessus, couvrant le tout et l’aggravant dans des proportions que nul ne connaît, ce dérèglement climatique qui modifie les règles de base de la vie sur terre.

Il n’y aura pas de miracle. Le miracle serait la négation même de la réalité. Or, jusqu’à preuve du contraire, cette dernière s’impose à nous, elle s’impose à tous. Il n’y aura pas de miracle, mais à mesure que la catastrophe s’abattra davantage sur nous, les marchands d’espoir se multiplieront. Les sectes vont prospérer. Les scientistes et « technologistes » aussi, qui nous promettront de régler la crise écologique à coups d’inventions, de trucs et d’astuces. Ce n’est qu’un début, la tragédie continue. Nous sommes rendus à la séquestration du carbone dans le sol et peut-être à des manœuvres bien plus discrètes. Certains, qui ne sont pas fous, évoquent la piste d’épandages aériens susceptibles d’agir sur le climat, connus sous le nom de chemtrails (lire ici). Une telle action, si elle a lieu, est évidemment clandestine et hors de tout contrôle social. Je n’ai aucune lumière particulière sur la question, mais je dois dire par avance que je n’en serais pas étonné. Il serait même imparablement logique que des organismes militaires – les seuls à être capables de penser stratégiquement -, tentent dans le secret quelque chose. Qui d’autre serait en mesure de le faire, alors qu’aucun consensus n’est plus possible sur quelque sujet que ce soit ?

À la vérité, ce n’est pas de cela que j’entends vous parler. Le chaos, ai-je dit. Le fracas. J’ai bien conscience de la charge anxiogène contenue dans ces mots, et si je pouvais m’abstenir, je le ferais. Mais je ne peux ni ne dois. Planète sans visa n’est pas Pif le chien, et vous méritez qu’on vous parle sans détour. La guerre de tous contre tous a déjà commencé sans que nous ne l’admettions, car notre intérêt bien compris est de ne pas y prêter attention. Ne sommes-nous pas, nous les gens du Nord, du bon côté de l’abominable manche ? S’il est une tradition maudite, en France, c’est bien l’indifférence pour ce qu’on appelle aujourd’hui le Sud. Terrae incognitae de jadis, colonies, tiers monde, Sud. L’indifférence, la même éternelle indifférence, parfois mâtinée d’une peur fugace, suivie de fureur. Que ces gens lointains soient morts dans les cales ou sous le fouet, dans les plantations des Antilles « françaises », face à la mitraille allemande, face à la mitraille française, comme le 8 mai 1945 à Sétif, qu’ils succombent à la malaria ou au sida n’a jamais eu la moindre importance.

L’héritage nazi en nous

Le Sud n’existe pas. S’il existait, il faudrait reprendre l’ouvrage de Bartolomé de Las Casas, qui tenta héroïquement de défendre les Indiens de l’Amérique qu’on osa nommer espagnole, il y a 500 ans. S’il existait, nous aurions détruit de fond en comble, depuis longtemps, les officines de cette Françafrique qui gardent depuis cinquante ans les coffres-forts et oléoducs des Bongo, Sassou-Nguesso, et depuis peu Dos Santos. S’il existait, il serait très difficile de faire comme si les miséreux du monde étaient des sous-hommes. Cela va en choquer plus d’un, mais sincèrement, l’Occident démocratique n’a-t-il pas mis en pratique une partie du programme nazi ? Certes, nous sommes bons et blancs, souvent chrétiens, souvent généreux, si souvent humanistes. Mais quoi ? Faites l’effort une courte seconde de vous mettre dans la peau d’un paysan burkinabé de 42 ans, qui ne parvient plus à nourrir ses quatre petiots. Ses petiots valent-ils ou non nos petiots ? Ou d’une veuve de la guerre interminable, en Angola, entre MPLA et UNITA, sur fond de barils de pétrole. Disons une veuve de 38 ans, seule avec trois marmots. J’écris trois pour faciliter l’identification, car je suis bon, puisque Français.

Combien d’affamés chroniques ? Plus d’un milliard. Combien d’habitants des bidonvilles ? Nettement plus d’un milliard, et ce ne sont pas forcément les mêmes. Tandis que nous continuons à prêter attention aux querelles des riches – DSK,  l’homme des transnationales et du FMI, l’étrangleur des peuples, sera-t-il le candidat de la gauche aux présidentielles de 2012 ? -, l’humanité réelle perd pied, et bientôt n’aura plus aucune patience à notre endroit. C’est alors que l’on verra se déployer chez nous, massivement, militairement, un nouvel « humanisme », de combat. Tourné contre eux, fatalement. Je dis bien : fatalement. Le temps épuisé dans le dérisoire ne saurait se rattraper. Voici venir l’heure des comptes.

Ce que nous n’avons su mettre en place à la Libération, qui aurait pu prendre la forme d’un pacte de civilisation, ne se fera pas davantage demain. Et encore moins, car en 1945, la victoire sur le fascisme mobilisait le meilleur de l’homme. La résistance contre l’immonde avait été morale. Notre monde à nous est simplement, affreusement, obstinément immoral. Un précieux mécanisme psychique nous interdit de penser le mal que nous avons propagé et continuons de soutenir. Le Rwanda, c’est pas nous. Les nécrocarburants, c’est pas nous. La disneylandisation  de tant de lieux jadis habitables, parfois sublimes, c’est pas nous. Les guerres chirurgicales – au sens de chirurgie lourde – menées dans le lointain sous divers prétextes, quand la vraie raison est de protéger notre criminelle façon de vivre, c’est pas nous. Jamais nous. Bon, la vie est douce, sur les bords de Seine.

Le retour des incendies 

Cette dénégation constante fait partie des meubles mentaux de toutes les factions françaises, de la droite extrême à la gauche radicale. Laissons de côté l’essentiel de l’éventail, et concentrons nous sur cette gauche qui prétend changer l’ordre établi. Non que j’en fasse partie, Dieu non. Mais enfin, le Parti de Gauche et le NPA – pour ne parler que d’eux – n’entendent-ils pas modifier le cours des choses ? S’en approchent-ils quand ils passent l’essentiel de leur temps en des campagnes électorales aussi creuses que stupides ? Lorsqu’ils réclament un pouvoir d’achat qui irait renforcer encore la production de biens ineptes et la machine criminelle qui les met sur le marché ?  Libre à certains de voir dans le pathétique Jean-Luc Mélenchon l’avenir de l’humanité. Libre à d’autres de ne pas comprendre que même un mouvement plus sympathique – il n’y a guère de mal – comme le NPA ne sait pas faire de la politique à la seule échelle concevable. Qui est celle des équilibres de la vie sur cette terre. Quant aux Verts et à Europe Écologie, rien ne serait trop brutal pour évoquer leur impuissance. Certains d’entre eux, parmi les plus chenus, vont répétant qu’il ne reste qu’une poignée d’années pour changer de cap. Mais tous font comme s’ils disposaient de 300 000 ans devant eux. Le monde brûle de mille incendies, mais la question reine reste : qui tiendra l’appareil, qui écrira les statuts, qui sera élu.

Je vais achever ici ce qui est la première partie de mon propos. Je coupe, car je serais sinon trop long. Et je sais que ce n’est pas très efficace. Je sais même qu’il est absurde à bien des égards de glisser ici un seul texte comme celui qui précède. Lire devient une gêne dans une journée de course et de fuite. Lire et réfléchir ensemble devient un luxe de grand seigneur. Je n’aurai pas tout perdu, donc. Et sachez que je n’accuse personne de rien. Asi son la cosas. C’est ainsi que va la vie. Je fais de mon côté ce que je crois devoir faire, et advienne que pourra. J’en étais à ce point : les choses sont d’ores et déjà allées trop loin. Qu’on l’appelle choc, crash, krach ou guerre, l’avenir est l’avenir de l’extrême tension. Si vous lisez mon prochain papier, vous saurez ce que je suggère de faire en attendant le retour des incendies.

Avant cela, je crois devoir insister : nous aurions besoin d’une flamme morale incandescente. Nous aurions besoin d’un flot d’indignation majeure. D’un sursaut comparable à celui qui mena sur le chemin de la liberté la résistance antifasciste d’il y a 70 ans. Pour commencer, pour seulement commencer. Car la crise écologique commande et commandera des vertus de bien plus longue durée. D’une intensité bien supérieure. En serons-nous capables ? L’Occident gavé d’objets, hystérique, individualiste, égoïste jusqu’à l’égotisme, vieilli, piétinant avec une stupidité rare sa propre jeunesse, cet Occident malade a-t-il ou non épuisé son souffle historique ? Y a-t-il une chance que nous parvenions à incarner ne serait-ce qu’une fraction d’un avenir commun possible ? Rendez-vous au prochain article.