Polar (re)

Juste un mot sur le roman policier – le mien – que j’évoquais ici il y a quelques jours. Je ne vais pas vous mentir en vous disant que je suis assailli, mais plusieurs d’entre vous m’ont fait savoir qu’il y avait un problème sur le titre. L’explication est simple : dans les dernières semaines, ce dernier a changé. Le bon, le seul titre est : Le vent du boulet (Fayard). Je redis une dernière fois qu’il n’est pas consacré à la crise écologique. La preuve – qui m’étonne moi-même – que je ne pense pas seulement à elle.

Claude Allègre (as a guest star)

Ce n’est pas de gaieté de cœur que je vais vous parler encore de Claude Allègre, que la presse annonce comme l’un des prochains ministres de Sarkozy. Car, rions un peu, cet homme ne me plaît guère. Depuis plus de vingt mois que j’ai créé Planète sans visa, j’ai parlé de ce phénomène de foire un très grand nombre de fois. Et comme je ne veux pas encombrer l’espace par un énième radotage, je vous renvoie sans faire de manières aux cinq articles les plus importants à mes yeux (dans l’ordre chronologique, 1, 2, 3, 4, 5).

Je vous avoue un penchant personnel pour le numéro 1 de la liste. Écrit en septembre 2007, voici près de deux ans, il raconte un face-à-face hilarant – à mes yeux – entre Haroun Tazieff et Claude Allègre. Deux hommes « de gauche », ministres « de gauche » et formidables rigolos tous les deux. Ceux qui auront le courage de lire ce très – trop ? – long texte comprendront mieux, je le pense en tout cas, la personnalité profonde de Claude Allègre.

La plupart des commentateurs oublient ou déforment les positions réelles de Claude Allègre. Pour la bonne raison qu’ils s’en moquent éperdument. Et je ne parle pas là de ses positions sur la crise climatique, mais bien plutôt des trucs et astuces par lesquels il parvient à faire croire qu’il sait de quoi il parle. Cela, pour un homme qui se pare des vertus du scientifique, est très grave. Je dirais même plus, et sans ironie, gravissime. Je songe par exemple au soutien qu’il a apporté au Danois Lomborg, pourtant convaincu de malhonnêteté scientifique, comme je l’ai écrit une bonne demi-douzaine de fois, et pas seulement ici.

Donc, les commentateurs s’en foutent. Et tel est, selon moi, l’information la plus intéressante concernant l’éventuelle nomination d’Allègre au poste de ministre. À l’exception notable d’Alain Juppé, que je me vois contraint de remarquer (ici), la classe politique ne trouve rien à redire. Sarkozy aurait donc le droit de nommer à un poste décisif pour l’avenir – on parle d’un poste mêlant recherche et industrie – un négateur en chef de la crise climatique.

Côté socialistes, on est en pleine bouffonnerie. Il est vrai que Claude Allègre a été l’ami de près de quarante ans de Jospin. Lequel – vous en souvenez-vous ? – aura dirigé le gouvernement de la France pendant cinq ans en ne faisant strictement rien pour limiter les effets de la crise écologique planétaire. Bouffonnerie encore avec le vieux « jeune » Pierre Moscovici, interrogé par France Info. Il y a des images que je vous recommande de regarder (ici), car elles disent tout sur ce qu’est la pauvre tambouille politicienne. On y entend Moscovici raconter qu’il a croisé Allègre dans un restaurant  du quartier habituel de ces messieurs-dames – autour des Invalides -, où il déjeunait en compagnie de Catherine Pégard, conseillère de Sarkozy.

Allègre aurait alors confié à Moscovici que son entrée au gouvernement était chose acquise. Qu’ajoute à ce moment – sur France Info – Moscovici ? Non pas qu’Allègre a fait prendre à la France des années de retard dans la lutte contre le dérèglement climatique. Non pas qu’il a nié la dangerosité de l’amiante, jusques et y compris à Jussieu, où elle a fait quantité de morts. Non pas qu’il jongle sans aucun état d’âme avec des faux, comme l’a excellemment démontré le journaliste Sylvestre Huet. Mais plus sérieusement que Claude Allègre est un grand « créatif » – texto -, et surtout qu’il a mis le pied à l’étrier de Moscovici il y a 25 ans en le faisant entrer dans le comité des experts du PS. En somme, Allègre soutient Sarkozy, mais ce n’est pas si grave, car il a tant aimé Moscovici.

Cela, du côté des socialistes, donc. Et du côté de la droite, faut-il bien en rajouter ? Je plains sincèrement ceux qui ont permis à Sarko et à ses boys de monter les opérations publicitaires à répétition connues sous le nom générique de Grenelle. L’environnement, les ondes, la condition animale – mais si ! -, la mer, en attendant mieux. Pour l’heure, ces faux naïfs bandent leurs petits muscles et clament que ce n’est vraiment pas bien du tout et qu’ils ne seraient décidément pas contents de l’arrivée d’Allègre au gouvernement. Tu parles, Charles ! La vérité révélée par cette ridicule affaire, c’est que la politique en place, celle de droite comme celle de gauche, est indifférente en profondeur à des problèmes essentiels, qui n’ont jamais fait qu’effleurer son esprit.

La politique, telle que résumée par Moscovici, c’est de savoir qui a aidé qui à quel moment. Et sur qui on pourra éventuellement compter pour monter d’une marche ou ne pas la redescendre trop brusquement. Cette politique-là, éternelle je le crains, est pour la première fois confrontée à l’impensable. Car la crise écologique n’est pas seulement impensée. Elle est pour ces gens-là impensable. Elle les réduit à ce qu’ils sont, à la taille réelle de leur vision. À la taille réelle de leurs ambitions sur cette terre.  Attention, ne croyez pas que je veuille la disparition de cette classe politique, si pitoyable qu’elle soit. Elle est, et à l’évidence, elle exprime une tension perpétuellement renaissante à l’insignifiance. Mais je proclame qu’elle ne peut servir à poser les vraies questions. Mais j’affirme qu’elle ne saurait y répondre. Allègre, ou le syndrome de l’impuissance.

PS : Ne pas oublier cette grande, cette magnifique figure de la pensée que fut Cornelius Castoriadis. Je vous livre ces quelques mots de lui : « Il y a un lien intrinsèque entre cette espèce de nullité de la politique, ce devenir nul de la politique et cette insignifiance dans les autres domaines, dans les arts, dans la philosophie ou dans la littérature. C’est cela l’esprit du temps. Tout conspire à étendre l’insignifiance ».

Aveux tardifs (sur un roman policier)

(À la demande générale de Raton et de Hacène, je me dois d’écrire ici que les aventures de tata Thérèse ne sont pas terminées. Il reste dans les placards quelques histoires vraies, dont une si hénaurme que je n’aurais pas été capable de l’inventer. Qu’on se le dise donc, tata va revenir. Pas tout de suite, parce que je n’ai pas le temps, et ce qui n’a pas été écrit, je ne vous le fais pas dire, ne l’est pas encore.)

So what ? Je passe aux aveux, car il est temps, plus que temps. J’ai écrit un roman policier qui sort ces jours-ci – ou qui est sorti, je ne sais pas trop – aux éditions Fayard. Pour mettre d’emblée de côté les rieurs que j’ai repérés parmi vous, sachez que la collection Fayard Noir abrite aussi Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel. Ce n’est pas une blague : moi, à côté de lui,  dans la même collection.

Bon. Contrairement aux apparences, cet avis n’est pas publicitaire. Je ne cherche pas à vous faire acheter un livre qui, je vous le précise aussitôt, n’est pas consacré à la crise écologique, obsession souveraine de mes jours et de mes nuits. Mais franchement, je ne pouvais quand même pas cacher que j’ai écrit ce livre. Si ? Bon, c’est fait. Il s’appelle Le vent du boulet. De quoi parle-t-il donc ? De la France, je crois. D’une certaine France qui existe bel et bien, selon moi en tout cas. Pour ne pas non plus paraître ingrat avec vous, qui me lisez avec plus ou moins de patience et d’indulgence, je vous donne en excusivité mondiale, ci-dessous, le prologue de ce roman-là. Ma mission est accomplie, et du même coup, elle est terminée. Le bonsoir.

PROLOGUE

Voilà. On est le 17 avril, je suis vivant. Si on veut. Cela fera bientôt un an qu’un ami a franchi ma porte, rue Lesage, Belleville, Paris, France, pour me rendre service. J’espère qu’Antoine De Bei regrette certains jours de ne pas être devin : il m’aurait laissé dépérir. J’aurais préféré peut-être, que tant souffrir.

Je vais mieux. Si. J’ai arrêté tous les médicaments dès octobre, au cul la chimie, et je n’ai jamais repris l’alcool, sauf en de rares occasions, quand le pleur menace, quand Antoine m’invite chez lui, et les deux fois où j’ai couché avec Maureen. La gauloise est toujours ma forteresse d’antan, la gardienne de mes prisons, elle s’agite en ce moment sous mes yeux.

Je suis encore vivant, c’est déconcertant. Je ne suis pas sûr de pouvoir compter dessus bien longtemps. Que s’est-il passé depuis la fin de l’été passé, quand j’ai échappé à ce bastringue ? Commençons par les morts, peut-être. Monsieur Ahmed Kebbour n’a toujours pas été retrouvé, selon Antoine, qui suit de près l’actualité locale. À l’heure qu’il est, que retrouverait-on de lui ? Ses dents jaunes ? Son haleine de rat ? Oublions.

Monsieur Christian Mathieu a officiellement été tué par un cambrioleur. La police n’a pas même cherché la vraisemblance, à croire que c’était au-dessus de ses forces maigrelettes. Un voleur chez un collectionneur de poids et haltères ? Retrouvé quasiment à poil,  ses vêtements éparpillés autour de lui, sa silhouette musculeuse criblée de trois impacts de balles ? Lui, l’ancien parachutiste d’exception, se serait laissé surprendre puis descendre comme un loulou de Poméranie ? Quelle belle enquête, et quelle jolie conclusion ! La police est grande, quand elle le veut.

L’amie de cœur de Popeye, une certaine Nicole N’Diaye, Sénégalaise selon le journal La Provence, aurait vu le meurtrier. Il aurait vingt-cinq ans, il aurait des lunettes, il aurait une casquette. Tout moi. Je me suis demandé pourquoi elle avait raconté de telles conneries, je me le demande encore. J’ai osé penser qu’elle était soulagée de ne plus sucer la queue de Popeye. J’ai osé.

Concernant les noyés de force, j’ai été surpris par la conclusion de l’enquête. Hartmann n’a pas abdiqué, il a œuvré, comme il avait promis. Il a fait son travail, en partie du moins. L’autopsie n’a pas été préfabriquée, elle a démontré que les poumons des deux plongeurs de Port-Cros contenaient de l’eau douce, qui se rencontre peu en haute mer. Je parviens désormais à écrire sans trop trembler que des petites ordures leur ont trempé la tête dans un quelconque récipient. L’enquête continue, bien qu’enlisée, bien que perdue dans le désert en plein soleil, car elle a été ouverte pour assassinat.

Du côté des vivants, Lando ne veut plus entendre parler de rien, et je le comprends. Du reste, à l’entendre, il n’a jamais fait la moindre analyse. Le genou de Kijo ? La machine s’est trompée, ou c’est lui. Stop, de toute façon, stop s’il vous plaît, stop. Stop est l’un de ses mots préférés, dans cette nouvelle étape de sa pauvre vie. La nénette qui l’accusait de l’avoir gravement tripotée a retiré sa plainte, et Lando parle d’exil. Il ferait mieux.

Kijo, justement. Je viens de recevoir une petite carte de lui, avec un couple d’amoureux de Peynet au recto. Il dit qu’il est heureux, que sa copine attend un petit. Une petite, en fait. Il a quitté sa supérette, il parle d’un BTS d’horticulture, il parle des Alpes-de-Haute-Provence. Pierre-Henri est bien allé au Canada, voir son frère installé là-bas, mais il n’en est pas revenu. Ou plutôt, il est repassé chez lui pour tout bazarder, personne autour de lui n’a compris. Il a vendu la maison, fermé le cabinet, il a rendu son tablier trop maculé. Je l’ai vu, et je dois l’aller visiter là-bas, à Trois-Rivières, où il travaille dans un hôpital. Il dit qu’il est soulagé, que le Québec est grand, que le Québec est libre. Il adore New-York, qu’il rejoint certains week-ends en avion.

Le Philippe à Marina, l’ancien Philippe à Marina a fini par m’écrire une longue lettre fin novembre. Auparavant, on s’était écharpés au téléphone, je lui aurais bien balancé un ou deux coups de boule, mais à distance, ce n’est pas évident. Dans sa lettre, il était calmé, apaisé pour de bon, et me donnait du cher Fred. Si. Il prétendait être en plein deuil, mais ajoutait qu’il fallait se tourner vers la vie. N’est-ce pas, mon cher Fred ? Je n’ai pas répondu, je crois bien que j’ai déchiré la lettre. Depuis, j’ai su par Pierre-Henri et son ancien réseau local qu’il s’était marié. C’est donc ainsi qu’il oublie. Requiescat in pace.

Antoine semble normal en tout point. Il rit. Il continue de bien aimer Domi, sa femme, bien qu’elle soit un peu chiante sur les bords. Je ne parle pas pour moi, cette fille a toujours été adorable à mon endroit. Antoine rit, Antoine aime, Antoine plaide. Il a récemment, en février, défendu Jean-Paul, un ami commun, un éditeur qui n’hésite pas à prendre les risques qu’il faut. Une sombre histoire de rétro commissions, concédées par l’Algérie dans le cadre d’un vaste contrat gazier, et dénoncée dans un livre au napalm. Jean-Paul et son auteur, un Algérien courageux, ont emporté le morceau grâce à une ruse de guerre, une faille formelle dénichée au dernier moment par Antoine. Il semble normal, mais les rares fois où l’on a abordé ensemble les événements passés, sa voix a flotté, son œil a cherché la fuite au loin, il a eu des soupirs pesants. Il a peur. Voilà, la chose essentielle est dite. Antoine semble normal, mais il a peur. Pour lui peut-être, et pour sa famille, sûrement. Il voudrait que l’affaire soit vitrifiée, enterrée pour 300 ans au cimetière de La Hague, au milieu de déchets électronucléaires, voilà ce qu’il voudrait, j’en suis bien certain. Rarement, mais tout de même, il parvient à m’arracher un rire d’avant.

Maureen vit sa vie, regarde Charwa, sa pousse, commencer la sienne dans les éclats de rire, Maureen a un amant, ce n’est pas moi. Elle m’a lancé des appels de phare jusqu’en janvier, par là, on s’est retrouvés au lit deux fois, je me répète, mais je l’ai envoyée promener, une fois de plus. Et donc, elle a un jules, un mec que j’aimerais bien détester, mais ce salopard est si gentil avec elle que je n’y parviens pas. Putain, comment fait-il ?

Charwa m’a sauvé la vie, elle a planté des fleurs autour, et des rires, et des instants de bonheur. Je n’ai cessé de la voir, je propose sans arrêt à Maureen de la garder dans la journée, d’aller la promener, de la sortir, merde, je suis attaché par les fibres, je n’en reviens pas. Certains matins, je regrette, oh comme je regrette d’avoir refusé, avec Maureen. Trop tard.

Angelica m’envoie des mots, des flots. Je ne lis pas tout, car à chaque fois, je suis embarqué pour deux jours, la tempête souffle de bas en haut. J’aime cette femme, à un point qui m’inquiète, mais il faut 900 km entre nous, c’est mieux. On s’est téléphonés deux ou trois fois, elle est passée en coup de vent gargantuesque à Paris, je l’ai menée chez un Chinois. Ce jour-là, tout était d’un calme étrange. Elle continue de pleurer. Et Ange boit.

Hartmann m’étonne. Un peu avant Noël, je me suis autorisé à l’appeler au travail, je voulais ajouter deux ou trois phrases au merci du jour de mon départ. Il a été laconique au possible, réfrigérant, mais m’a recommandé d’attendre de ses nouvelles. Le mystère. Dès le lendemain, dans ma boîte aux lettres de la rue Lesage, il y avait un petit mot avec une courte phrase : « Pour continuer la conversation, appeler à 17 heures précises, d’une cabine publique éloignée ». Il y avait un numéro de portable à la suite. À dix-sept heures, j’ai appelé depuis une cabine au coin du Cirque d’Hiver, et de l’autre côté, on se doute, Hartmann. J’ai pu me libérer d’un peu de ma dette avec des phrases méditées et sincères.

Hartmann est un homme exceptionnel, pas la peine de chercher plus loin le compliment. Je le lui ai dit, à ma manière louche. Il m’a servi quelques sentences, mais aussi demandé des nouvelles de ma santé, j’étais touché plus que je ne saurais dire. Il a affirmé pour finir, en montant sur ses grands chevaux, que l’enquête sur les noyés de Port-Cros se poursuivait, et qu’elle se poursuivrait. J’ai gardé mes doutes pour moi.

Quant à moi, je vis, je vivote, je vis. En échange de menues conneries écrites, dont des corrections, Jean-Paul, l’ami éditeur, me délivre un petit salaire qui me suffit, d’autant que je ne paie rien pour la rue Lesage. Il n’est pas exclu, comme j’en avais la vague intention l’an passé, que je tente de coucher avec la voisine d’en face. Le mois d’avril recommence, bientôt mai, tout n’a pas disparu dans la vaste trappe des jours. Rien n’a disparu. Je pense à Marina Lourens, je rêve d’elle.

N’oublions pas la haine. Il ne faut pas haïr, dans une belle société pacifiée comme la nôtre. C’est barbare. Je suis un barbare qui n’oublie ni ne regrette rien. Ni Kebbour, ni Mathieu. Je suis un barbare qui se réveille la nuit quand il rencontre dans l’eau froide le visage d’hommes jamais vus. Je suis un barbare qui pense à la vengeance. On verra bien. Patience.

Détendons l’atmosphère (sur le dos de NKM et du portable)

(Un mot sur les engueulades qui précèdent. Je n’ai pas le goût, malgré les apparences, de trop secouer mes proches. Or il est clair que nombre de lecteurs de Planète sans visa sont des proches. Je prie donc celles et ceux qui s’estimeraient avoir été malmenés par moi de bien vouloir m’excuser. Et leur demande de comprendre – je ne me plains aucunement – que je suis seul face à plusieurs milliers de personnes. Mon tempérament explique le reste.)

Bon, what’s up ? Vous savez sans doute qu’un « Grenelle des ondes » se déroule en ce moment. Aussi loufoque que les autres Grenelle, il se propose de mettre tout le monde d’accord, ce qui n’arrivera évidemment pas. Une dernière réunion se tient aujourd’hui, et la remise solennelle des conclusions est prévue le 25 mai. Que sera-t-il décidé ? Rien. D’après les indiscrétions qui circulent, on aura droit à un texte sur la « nécessaire transparence » – on en parle dans le nucléaire civil depuis près de quarante ans – et de « nouvelles recherches ». L’association Robin des Toits juge qu’il ne s’agit que d’une « ribambelle de vœux pieux ». Ce n’est pas loin d’être mon avis.

Dans un entretien lénifiant donné au magazine L’Express (ici), Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne secrétaire d’État à l’écologie, rassure à tout va. Exemple : « A ce jour, rien n’a été prouvé sur la nocivité des antennes ». Ou encore : « Il y a deux problèmes à diminuer la puissance des antennes ». Mais le meilleur est ceci : « Personnellement, je pense que notre règlementation est très datée et doit être dépoussiérée. Une mesure possible en sortie de ce Grenelle pourrait être d’aller vers des seuils plus bas, après expérimentations (attention (…), des seuils plus bas cela peut vouloir dire plus d’antennes, dans certaines configurations.) ».

Et là, c’est le top. Car la règlementation actuelle fixe des limites d’émission de 41 à 61 volts par mètre pour les antennes-relais. Madame Kosciusko-Morizet envisage donc prudemment d’abaisser cette limite, fût-ce en augmentant le nombre d’antennes. C’est à ce moment de l’histoire que j’explose de rire, car je lis de mon autre oeil la proposition de loi enregistrée à l’Assemblée nationale le 13 juillet 2005 sous le numéro 2491 (ici). Les attendus en sont charmants : « Or, la question de santé publique est sans doute l’aspect le plus grave de ce dossier, celui qui nécessite les mesures les plus urgentes. De nombreux riverains d’antennes-relais se plaignent de problèmes de santé apparus au moment de l’implantation d’antennes-relais de téléphonie mobile à proximité de leur domicile, de leur travail… Des parents s’inquiètent de voir des antennes s’implanter à proximité de l’école ou de la crèche de leurs enfants.
Ces inquiétudes s’appuient sur les résultats d’un certain nombre de recherches qui portent sur les effets des rayonnements non ionisants sur la santé, qu’il s’agisse de basses ou de hautes fréquences. La spécificité des ondes rayonnées par la téléphonie mobile se fonde, en effet, sur l’alliance entre hautes et extrêmement basses fréquences. Or, les extrêmement basses fréquences (jusqu’à 300 Hz) ont été classées, en juin 2002, après bien des années de débat, dans la catégorie « potentiellement cancérigène » par l’OMS »
.

Et maintenant, la proposition elle-même, ou plutôt son premier article : « Le niveau maximal d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication, ou par les installations radioélectriques, est fixé à 0,6 volt par mètre ». Je le précise illico, 0,6 volt par mètre est la mesure exigée par l’association Robin des Toits, et correspondrait à une division comprise entre 68 et près de 102 fois du seuil actuel.Il s’agirait donc d’une (petite) révolution qui mettrait à mal l’univers des opérateurs amis du pouvoir, Bouygues en tête.

Le drôle, mais vous l’aurez sans doute deviné, c’est que madame Kosciusko-Morizet est signataire, avec sept autres parlementaires, de cette proposition de loi ! La même qui tempère et minaude en 2009 voulait en 2005, compte-tenu des problèmes posés, diviser par 100 la limite d’émissions électromagnétiques. Mais j’en vois qui prennent encore cette politique-là au sérieux, et je me garderai bien de me moquer. Au reste, les élections européennes approchent, n’est-ce pas ?

Un court retour en arrière (sur Besancenot)

Ce qui devait arriver arrive. L’article précédent, consacré au NPA et à sa revendication d’un smic à 1500 euros nets n’a pas plu à une partie des lecteurs. Je ne discute pas de leur droit à me critiquer, mais je tiens à préciser deux ou trois points. Le premier, c’est que j’ai écrit exactement ce que je pense, et que je ne regrette donc rien du tout. Le débat et l’affrontement même – dans certaines limites – sont essentiels à l’esprit humain tel que je l’estime.

Pour le reste, quoi ? L’affaire du smic n’a rien à voir avec la morale, ou plutôt rien à voir avec la sensiblerie. J’ai écrit ici des centaines d’articles, dont un nombre considérable sur les vraies victimes de ce monde atroce, qui habitent en presque totalité au sud. Je pense à eux en priorité, et je le ferai jusqu’à la fin de ma vie. La misère passe avant la pauvreté. Pour moi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais dès qu’on semble ne pas être d’accord avec une mesure « généreuse », on est assez vite accusé personnellement de se moquer du monde. Drôle de pensée, à moins qu’il ne s’agisse d’un étrange impensé, je ne sais.

À la différence de l’immense majorité des lecteurs de Planète sans visa – je reconnais ne disposer d’aucune preuve -, je suis né dans le sous-prolétariat urbain. Et je suis bien sûr que personne, en dehors de ceux qui en viennent, n’imagine très clairement. Pendant toute ma jeunesse, nous avons acheté à manger à croum, c’est-à-dire à crédit. Et quelle bouffe ! Je n’insiste pas, car j’ai le pressentiment que nul ne me croirait. Il y a eu incomparablement pire dans ma vie, sachez-le.

J’aurais pu oublier ce monde affreux d’où je viens, mais non. Et là encore, je ne détaillerai pas. Il s’agit de ma vie, et tant que je n’attente pas à celle des autres, elle m’appartient. En tout cas, oui, je plaide pour des frontières étanches entre les compartiments de l’existence. Car sinon, Winston Smith, le héros de M.Orwell.

Ici, on discute. On échange des idées, éventuellement des gnons, mais autour de points de vue construits. C’est en tout cas ma vision des choses. Et pour en revenir au NPA, je trouve déplacés les commentaires qui défendent ce smic à 1500 euros nets. Car il ne veut rien dire. Soit le NPA et « les masses » sauront l’imposer et en ce cas, cela ne durera évidemment pas. Soit il restera ce qu’il est réellement : un slogan vide de sens réel. Mais imaginons que cela soit imposé à des patrons français lancés dans cette folie totale qu’on nomme mondialisation. Cela viendrait après une telle secousse tellurique que notre pays serait nécessairement isolé en Europe et dans le monde.

Toute révolution – ce n’est pas un jugement, mais un fait – a conduit inexorablement à des processus de dislocation des sociétés. On peut légitimement le souhaiter, mais il faut aussi savoir et faire savoir quelles en seront les conséquences. Demander un smic à 1500 euros nets par mois permet au NPA d’apparaître comme le bon, le meilleur défenseur des pauvres de ce pays. Moi qui ai vécu la plus grande partie de ma vie en Seine-Saint-Denis, je dois vous dire que je connais cette chanson par cœur, car ce fut celle du parti communiste dans le 9-3. Pendant des décennies, assumant cette fonction tribunicienne bien connue des politologues, le PCF a réclamé pour les pauvres de France et de Navarre des revendications qui n’ont jamais été satisfaites, sauf à la marge.

Mais en attendant, ils ont créé – oui, créé – des ghettos urbains, de monstrueux lieux de relégation, et des villes aussi atroces que Bagnolet, ou le « Parti » règne en maître depuis les années 20 du siècle passé. Alors, poliment, merde. Moi, je plaide pour qu’un mouvement de fond de la société réclame et obtienne des droits inaliénables de base pour tous les habitants de ce pays. Un toit sûr. Une nourriture de qualité. Des soins équivalents pour tous. Voilà mon programme, et vous en faites ce que vous voulez. Mais distribuer de l’argent pour faire tourner l’industrie des objets made in China, non. Non. NON.