Grippe porcine (suite sans fin et révélations françaises)

(Sans blague, une révélation de taille vous attend à la fin de cet article. Et si vous en avez le temps, faites connaître, car cela peut intéresser autour de vous.)

Dans l’univers des journaux, que je pense bien connaître, il existe très peu de journalistes au sens que je donne à ce mot. Beaucoup n’écrivent pas, ou mal, beaucoup ne lèvent guère le cul de leur chaise, beaucoup ne savent pas de quelle manière commencer une enquête. Au point qu’ils n’en font jamais. Je précise que je ne vais pas au bout de ce que je pense. Oui, c’est pire dans ma tête.

J’ai longtemps cru que les journalistes traquaient l’information, sans autre souci que le public auquel elle est destinée. Je dois reconnaître que c’est un point de vue ridicule, qui ne résiste pas au premier regard sur la profession. Bon, passons sans transition aux félicitations. Je viens de lire un article sensationnel dans l’un des meilleurs journaux que je connaisse, le quotidien américain The New York Times. Pour ceux qui ont la chance de maîtriser l’anglais, c’est ici.

Ses auteurs, Doreen Carvajal et Stephen Castle, montrent par un excellent travail sur le terrain la manière concrète dont le monde avance vers le vide. Et c’est évidemment saisissant. D’une certaine façon, le titre raconte le tout : Un géant américain du porc transforme l’Europe de l’Est. J’écris  d’une certaine façon, car je pressens qu’un cheffaillon sera passé par là pour minorer l’impact prodigieux de l’article lui-même. Il ne s’agit pas d’une transformation, mais d’une révolution brutale, inouïe, déshonorante pour la société des hommes.

Je vous ai parlé de cette entreprise américaine il y a quelques jours (ici), car elle est au centre de l’affaire de la grippe porcine au Mexique, que les bureaucrates internationaux de la FAO, de l’OMS et des Nations Unies ont rebaptisée A pour faire plaisir à l’industrie. Anyway, la transnationale Smithfield Foods est le plus gros producteur mondial de porcs industriels. Si le cœur vous en dit, jetez un œil sur le site du monstre, ce n’est pas sans intérêt (ici).

Que racontent les journalistes du New York Times ? Qu’un typhon nullement tropical s’est abattu sur la Roumanie et la Pologne, deux pays qui avaient pu – paradoxe du système stalinien – maintenir des agricultures paysannes. Cela change, et très vite. Car Smithfield Foods n’est présent dans ces pays-là que depuis cinq ans. De cette date, leurs hommes ont enrôlé – disons convaincu – des responsables politiques locaux de la plus haute importance. Citons, pour que vous situiez le niveau, le président roumain lui-même, Traian Basescu, travaillé au corps par une exceptionnelle agence de lobbying, McGuireWoods. Américaine bien sûr, cette bottega oscura – la boutique obscure chère aux Italiens – a été payée pendant des années par le gouvernement de Bucarest pour tenter d’arracher son entrée dans l’Otan. On est entre bons amis. Autre lobbyiste remarquable : Nicholas Taubman, ami de George W.Bush, qui fut ambassadeur en Roumanie, mais qui est aussi et surtout un homme d’affaires international.

Avec une telle équipe, qui aurait pu perdre ? Avec une entreprise pesant des milliards d’euros dans des pays si pauvres mais si avides, comment les paysans auraient-ils pu gagner ? Smithfield Foods est déjà le premier producteur de porcs en Roumanie, mais évidemment, avec de menus désagréments au passage. En 2007, par exemple, une grippe porcine – tiens donc – a dévasté trois “établissements” de Smithfield Foods en Roumanie, dont deux fonctionnaient sans aucune autorisation. Oui da. Ce n’est pas tout, vous pensez bien : au total, 67 000 porcs ont été tués ou détruits. Certains malades, et d’autres qui ne l’étaient pas, car le principe de précaution n’est pas une vaine parole chez les grands industriels.

Je pourrais continuer sur des pages. Ce qui se passe en Pologne et en Roumanie est aussi atroce que ce qui arrive au Mexique. En Roumanie, le nombre de petits fermiers possédant des porcs est passé de 477 000 en 2003 à seulement 52 000 en 2007, soit une diminution de 90 % ! La Pologne a vu disparaître 56 % de ses 1,1 million de porchers entre 1996 et 2008. Vive l’Europe, messieurs ! Oui, vive l’Europe, car notre belle Union donne à Smithfield Foods des dizaines de millions d’euros de subventions pour la « modernisation » de ce pauvre élevage est-européen. Sur les marchés d’Abidjan (Côte d’Ivoire), raconte le Times, le kilo de porc made in Poland se vend 1 dollar et 40 cents le kilo. Quand la viande produite sur place coûte 2 dollars 50.

Beuark !, qu’ajouter de plus ? Tout de même quelque chose. Smithfield Foods est une transnationale. Par définition, elle se moque bien des frontières. Et elle est chez nous. Ne me dites pas que vous le saviez : Smithfield Foods est le plus grand groupe français de charcuterie, sous le nom d’Aoste (ici). Cochonou, Julien Bridou, c’est elle ! Et bien d’autres encore. Je vous espère aussi rassuré que je le suis. Et pour parachever mon impeccable œuvre d’information, voici la liste des lieux qui abritent en France des entreprises  Smithfield Foods : Landivisiau et Quimper (Finistère); Douai, Saint-André-les-Lille (Nord); Monein (Pyrénées-Atlantiques); Saint-Symphorien sur Coise, Bron (Rhône); Saint-Étienne (Loire); Yssingeaux (Haute-Loire); Vernoux, Boffres (Ardèche); Peyrolles (Bouches du Rhône); Aoste (Isère). À nous le jambon de Bayonne, le saucisson sec, les bonnes saucisses comme à la maison !

Voilà. Mon travail est fait. Si j’étais un rebelle, je sais bien ce que je vous dirais. Si j’étais un ennemi ouvert et définitif de ce monde mortifère, je vois bien jusqu’où je me laisserais entraîner. Mais je suis journaliste, n’est-ce pas ? Un simple journaliste qui ne fait que son job. Sans gagner un rond ni espérer en avoir. Portez-vous bien. Si possible.

Le prince Charles pris en flag’

Je suis fâché contre moi-même, car j’ai déjà dit du bien de Charles, Philip, Arthur, George, prince de Galles, fils aîné de la reine d’Angleterre et donc prétendant au trône. J’en ai dit du bien parce que j’en pensais du bien (ici). L’homme est une sorte d’écologiste de salon, bien élevé, propre sur lui, mais aussi un authentique défenseur de l’agriculture biologique. Et pas seulement, d’ailleurs. Il rentre à peine d’une « tournée écologique » qui l’a mené au Chili, en Amazonie brésilienne, en Équateur sur les traces du grand Darwin. Il n’a pas manqué de lancer de nobles appels en faveur de la forêt tropicale qui, comme chacun sait, disparaît sous nos yeux.

So what ? Le quotidien The Independent (ici) vient de le tourner en ridicule, ni plus ni moins. Dans l’article en question, Martin Hickman révèle que cinq produits vendus dans la chaîne d’épiceries bio du Prince – oui, il est proprio – contiennent de l’huile de palme. Une huile de palme qui est au coeur du processus de déforestation massive sous les tropiques, surtout en Asie. Si vous êtes familier de l’anglais, jetez donc un oeil sur l’histoire de Duchy Originals, concept imaginé par Charles lui-même en 1990 (ici). Sympa, non ?

En tout cas, il est certain que des produits vendus par Duchy Originals contiennent de l’huile de palme. Dans des biscuits, dans des soupes, et même dans des viandes. C’est un flag’, aucun doute. La réponse de l’entreprise est aussi délicieuse que celles de toutes les entreprises qui craignent pour leurs profits. Grosso modo, on ne trouverait de l’huile de palme que dans 5 produits sur plus de 200, et elle ne serait utilisée qu’au compte-gouttes, lorsqu’il n’existe aucun produit de remplacement. Ce dernier argument me fait toujours sourire. Car enfin, depuis quand met-on de l’huile de palme dans les soupes et les biscuits ? Depuis Mathusalem ? Et comment faisait-on avant ?

Bien au-delà des petits tracas de Charles, cette merde d’huile. Vous me passerez le mot, j’en suis convaincu. Une industrie s’est mise en chemin, qu’aucune force ne semble capable d’arrêter. Cette huile sert tantôt de substitut à je ne sais quoi dans des préparations culinaires. Tantôt de carburant automobile. On brûle, on ravage pour cela des millions d’hectares de forêts tropicales, et moi, je radote. J’ai fait un livre sur le sujet (La faim, la bagnole, le blé et nous), tenu des conférences, écrit pendant des mois un blog distinct de celui-ci. J’ai alerté, comme on dit. Sans nul espoir, car les forces en présence sont démesurées. Lula, cet étonnant crétin de gauche, Obama, que tant de gens portent aux nues, ont fait le choix stratégique des biocarburants, qui les déshonorent pour les siècles des siècles.

Et alors ? Oui, franchement, et alors ? Croyez qu’il en aille autrement en France ? Imaginez-vous que Sarkozy ou les socialistes tentent, tenteront, tenteraient de combattre cette industrie criminelle qui avance à marche forcée ? Êtes-vous assez naïf pour croire que Cohn-Bendit, qui défend si vaillamment l’industrie de la bagnole, aura ne serait-ce qu’un mot contre l’huile de palme d’Indonésie, ou pour les esclaves de l’éthanol au Brésil (ici) ? Je vais vous dire sans détour ce que je pense de leurs élections européennes : qu’ils aillent se faire foutre.Tous.

Y a pas d’âge pour faire (une guerillera de 71 ans)

Madeleine – merci ! – a trouvé ce papier pour moi sur le site (en anglais) de Guerilla Gardening (ici). Cela raconte, photos à l’appui, les aventures jardinières d’Élise, une Parisienne de 71 ans qui réside au Quartier latin. Elle a vécu à la campagne, et par miracle maintenu des liens vivants avec la nature. Or un jour, apprenant l’existence de cette géniale organisation, Guerilla Gardening, elle a décidé d’entrer dans la danse.

Guerilla Gardening rassemble ceux qu’attristent et révoltent les villes délaissées, sans arbres ni fleurs. Comptez. Plutôt, ne comptez pas, il y en a trop. Depuis 2004, ces guerilleros du jardin  embellissent en cachette les coins de rue, les terrains vagues, les jardinières et pots oubliés, les murs cachés. Génial, je vous l’avais dit. Eh bien, Élise fait exactement pareil. Deux actions de gloire sont déjà son actif. La première : avisant une immense jardinière servant de dépôt d’ordures diverses, elle la change en quelques nuits d’excitation – aidée par le fleuriste du coin, qui lui porte nuitamment de lourds arrosoirs – en une petite merveille pleine de capucines et de roquette.

La seconde action d’Élise – Élise ou la vraie vie ? – concerne une autre jardinière, située elle dans sa rue, juste en face de son domicile. Appartenant apparemment au « Département des Espaces verts de la Ville de Paris », qui s’en foutait royalement, la jardinière avait enduré seule un été meurtrier, et gravement souffert. Pour Élise, une injure personnelle, en tout cas un défi. Je vous passe les détails, qui mènent droit à l’éclosion de tulipes rouges au milieu de ce rien du tout déprimant. En prime, Élise a planté des bulbes de tulipes au pied d’arbres de sa rue. Aux dernières nouvelles, tout va bien pour les fleurs, merci.

Voilà. Ce n’est rien. Ce ne serait rien si ce n’était tout. Car quiconque relève la tête, dans ce monde soumis et malade, est non seulement un rebelle, mais aussi un espoir. Un grand espoir. Enfin, je crois.

Le Premier mai peut-il être écologiste ?

J’ai beaucoup manifesté le 1er mai. Lorsque j’étais jeune, pardon, rien ne m’aurait détourné de ce chemin-là. Mais rien. Je voyais ce rendez-vous comme celui des travailleurs du monde, et de mémoire, j’ai défilé la première fois le 1er mai 1971, alors que j’avais 15 ans. Une fois le matin, une fois l’après-midi. Mais je ne vais pas raconter mes vieux souvenirs. À l’heure qu’il est ce vendredi – 9 heures -, je ne sais pas si je m’inviterai ou non au défilé parisien. La raison en est très simple : je ne me sens plus concerné par ce qui se dit dans les cortèges.

Les emplois ? Mais quels emplois ? Construire des bagnoles qui sont une insulte à l’état réel du monde ? Le pouvoir d’achat ? Pour le téléphone portable et cette si magnifique télé à écran plasma ? Les retraites ? Pour encombrer avec les cars de (vieux) touristes les rues portugaises ou pétaouchnokaises ? Merci bien. Non. Et pourtant, je suis délégué du personnel depuis une douzaine d’années. Et j’aurais fait dans ma vie beaucoup, beaucoup de syndicalisme. Car je crois à cette grande idée de rassembler les humains au travail.

Mais de la sorte ? Non, franchement non. Pour vous démontrer que je ne suis pas que dans la faribole, et que des idées neuves commencent à circuler, je vous joins ci-dessous un tract de l’entreprise qui m’emploie. Un tract de la CFDT, dans la rédaction duquel j’ai tenu mon rôle. Vous me direz peut-être ce que vous en pensez. Le syndicalisme d’avant la crise écologique bouge encore, mais il est déjà mort. Reste à inventer celui de l’avenir, et ce ne sera pas facile. Voici le tract :

(UN AUTRE SYNDICAT EST POSSIBLE)

Vous nous avez surpris. Franchement. L’enque?te interne sur le de?me?nagement, mene?e aupre?s des salarie?s, a donne? des re?sultats  exceptionnels. 655 personnes y ont re?pondu, alors que moins de 1 000 avaient e?te? sollicite?es. Sachez que la CFDT avait insiste? pour y glisser des questions que nous jugeons de?cisives : celles qui portent sur la possibilite? de de?jeuner sur place, les e?conomies  d’e?nergie, la re?duction des pollutions et le confort thermique et acoustique.

Et nous avons eu raison, car ces sujets, et seulement eux, ont e?te? ple?biscite?s au travers de vos re?ponses. Ainsi, 99 % des votants jugent tre?s important ou assez important le confort thermique et acoustique. 92 %, de me?me, la ne?cessite? de re?duire les pollutions et 89 % celle de re?aliser des e?conomies d’e?nergie. En bref, vous souhaitez vivement que l’environnement dans les nouveaux locaux soit enfin conside?re? comme une priorite?.

La CFDT pense la me?me chose, et se bat depuis des anne?es ici autour de ces questions, que nous rassemblons dans cette expression de plus en plus utilise?e : le de?veloppement durable. Pour nous, ce n’est pas un gadget. C’est une exigence moderne, fondamentale, et qui finira d’ailleurs par s’imposer a? tous. Mais quand ? Le monde de demain sera tre?s diffe?rent de celui que nous connaissons. Au moins pour une raison : le de?re?glement climatique change toutes les re?gles connues. La France est engage?e depuis 2002 dans un plan audacieux qui vise a? diviser par quatre nos e?missions  de gaz a? effet de serre d’ici 2050. Cela peut sembler abstrait, et surtout lointain. Mais ce plan, s’il est mis en œuvre, va bouleverser notre vie quotidienne.

Nos moyens de transport, nos modes de chauffage, notre manie?re de voyager, de ba?tir, de vivre en somme, doivent changer de?s maintenant. De?s aujourd’hui si nous voulons parvenir a? limiter les effets de la crise climatique. Certes, il n’y a aucun doute qu’un
mouvement est ne? dans l’entreprise ces dernie?res anne?es, autour de ces nouvelles interrogations. Mais nous avons le devoir de vous avertir qu’il se heurte a? de formidables pesanteurs internes. C’est ine?vitable, mais cela nous conduit aujourd’hui a? e?lever la voix. Le de?me?nagement est une aventure collective, qui engage l’entreprise et ses salarie?s pour des de?cennies. Il s’agit donc d’une occasion unique, historique me?me, pour prendre en compte de nouvelles re?alite?s, et si possible les anticiper. Or tout semble indiquer que l’entreprise se pre?pare a? des choix de?ja? de?passe?s.

Selon la CFDT, il est crucial au contraire de profiter de ce mouvement pour changer l’image du  groupe, vieillie, et de nous propulser directement dans le monde de demain, et me?me d’apre?s-demain. La condition essentielle d’un de?me?nagement re?ussi  tient en un mot : e?nergie. Tous postes confondus – transports, chauffage, industrie, agriculture – la consommation d’e?nergie repre?sente 80 % des e?missions de gaz a? effet de serre dans un pays comme la France. Certes, rien n’oblige le?galement a? choisir aujourd’hui des normes plus strictes que celles qui existent, mais c’est ne?anmoins notre inte?re?t. Il ne fait aucun doute que le prix du pe?trole et des carburants fossiles va continuer a? augmenter tout au long des anne?es qui  viennent. En outre, les normes thermiques et plus ge?ne?ralement e?cologiques seront fatalement de plus en plus contraignantes. Et cou?teuses.

Autrement dit, le de?me?nagement doit e?tre une de?cision strate?gique, qui inte?gre l’avenir pre?visible a? 20 ou 30 ans. Le ba?timent choisi doit impe?rativement obe?ir aux conside?rations e?nerge?tiques et climatiques de l’avenir. Tout en prenant en compte, pour le bien-e?tre et la sante? des salarie?s, les connaissances nouvelles dans le domaine des pollutions de l’air inte?rieur et de la toxicologie industrielle. Notre nouveau sie?ge doit e?tre une vitrine claire et cohe?rente des engagements a? long terme en faveur de l’avenir e?cologique et climatique. Il doit avant toute chose e?tre capable de mesurer son bilan carbone global. C’est-a?-dire sa contribution nette, par anne?e, a? l’e?mission de gaz a? effet de serre.

Il doit e?galement e?tre e?volutif. C’est-a?-dire disposer d’une vraie souplesse, d’une capacite? d’adaptation a? une e?ventuelle de?gradation de la situation. Il est e?vident qu’un tel projet ne?cessite le concours de prestataires experts dans ces problématiques, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les informations dont nous disposons en cette fin mai 2007 nous font craindre une de?cision de?cevante. Sans doute, le nouveau ba?timent permettra des e?conomies d’e?nergie par rapport aux locaux actuels. Mais en l’absence d’une forte volonte?, impliquant un investissement rentable a? terme, nous risquons fort de nous tromper d’e?poque, et de nous contenter de mesures cosme?tiques. ?

Suivaient 6 propositions détaillées (elles ne le sont pas ici).

1 – D’abord, veiller a? la qualite? de l’air dans les locaux de travail.

2 – Un immeuble moderne, bioclimatique, e?conome.

3 – Un mode de chauffage durable et solidaire (une chaudière centrale à bois).

4 – Une production autonome d’e?nergies renouvelables.

5 – Des moyens de transport indispensables et adapte?s.

6 – Un restaurant d’entreprise au service de la vraie qualite?, avec des produits biologiques ou du moins issus de l’agriculture durable.

Les (faux) mystères de Veracruz (sur la grippe porcine)

Une histoire de fou. De fou parce que vraie, comme si souvent. Je vous parlais ce matin même du combat pour le mot juste. De la manière dont on était passé de l’expression sustainable development à celle, qui n’a rien à voir, de développement durable. Eh bien, cela n’a pas traîné : une nouvelle bagarre mondiale vient de commencer. Faut-il, oui ou non, parler de grippe porcine à propos de ce qui se passe au Mexique et désormais partout ?

La Commission européenne, redoutant un effondrement des marchés du porc, réfute en bloc l’expression, et tente d’en faire avaliser une autre par l’opinion. Il vaudrait mieux parler de « nouvelle grippe ». Rigoureusement sic. Et ce n’est probablement qu’un début, on verra bien. Pour ma part, je ne dispose évidemment d’aucune information confidentielle sur la réalité de ce nouveau drame. Mais je me renseigne, ma foi. Si, par bonheur pour vous, vous connaissez la langue espagnole, lisez sans attendre ce pénétrant article de l’association Grain, dont je ne pourrais jamais dire tout le bien que j’en pense (ici).

Extrêmement documenté, en vérité implacable, il démontre ce que nous sommes un certain nombre à savoir. L’élevage concentrationnaire des animaux d’élevage est un lieu idéal pour la circulation des maladies. Il est un espace parfait pour la recombinaison génétique  des virus, et jusqu’à preuve du contraire, il y a bien eu recombinaison. Incluant, n’en déplaise aux marchands, un virus de grippe porcine.

Peut-être le savez-vous déjà, mais le premier cas de grippe porcine rapporté au Mexique est celui d’un gamin de quatre ans de La Gloria, un gros village proche de la ville de Perote, dans l’État mexicain de Veracruz. Or il se passe des choses terribles à La Gloria depuis qu’un gigantesque élevage  de porcs, Granjas Carroll, s’est installé sur place. Il s’agit d’une filiale du géant de l’Américain Smithfield Foods, plus gros producteur mondial de porcs.

Ce qui est proprement insupportable, c’est que les habitants de La Gloria – 3 000 habitants – se plaignent depuis des années des pollutions de la porcherie et depuis des mois d’un syndrome grippal qui défie l’entendement. Le quotidien La Jornada a même publié le 4 avril un article apocalyptique (ici), donc près d’un mois avant l’alerte en cours. Eh bien, lisez et relisez ce qui suit : à cette date, trois enfants étaient morts, et 60 % de la population locale souffraient d’affections respiratoires diverses, souvent atypiques. 60 % !  Commentaire du journaliste de La Jornada : « Los pobladores atribuyen la aparición de las infecciones a la contaminación generada por los criaderos de cerdos de la trasnacional Granjas Carroll ». Les habitants, qui ont d’excellentes raisons de le penser, attribuaient l’origine de leurs infections à la présence de la porcherie industrielle Granjas Carroll.

J’arrête là, car je ne suis pas devin. Peut-être s’agit-il d’un autre foyer, d’un autre virus, d’une autre tragédie que celle dont on nous parle en boucle, bien que j’en doute. Ce qui demeurera certain, c’est la volonté – là-bas comme ici – de ne surtout pas toucher à l’ignoble modèle de la bidoche industrielle. Et de cela, nous reparlerons, croyez-moi.

PS : Christian Berdot me signale que l’article de Grain cité plus haut est en français à l’adresse suivante : http://www.grain.org/articles/?id=50