Faut-il soutenir ? (sur les Antilles)

Rapide, rapidos, deux mots. Patrick et Thibault ont évoqué en commentaire un appel d’intellectuels antillais à propos de la grève en Guadeloupe et en Martinique (ici). Thibault propose de réconcilier les points de vue – social et écologique, j’imagine – autour de ces mots en effet très frappants.

Que dire ? Je me sens une proximité totale avec les grévistes de là-bas. Et j’espère chaque matin qu’ils ne céderont pas. Je suis donc solidaire. Mais de quoi ? Voilà bien une question embarrassante. Car ces îles sont des artifices nés de la colonisation par la France, qui n’ont pour l’heure aucune autonomie économique ou énergétique. Il me semble que tout part de là. Il me paraît que l’urgence est de penser un embryon de production locale sans laquelle il n’est pas d’avenir souhaitable. Pour l’heure, la France et les intermédiaires commerciaux tiennent les Antilles par les couilles. Et ça fait mal. L’expression a son poids masculin, j’en ai conscience. Mais je n’ai rien trouvé de mieux.

Tout est importé à prix d’or. Et sur place, la camarilla des anciens maîtres blancs continue de dominer les circuits. Ce qui impliquerait, pour avancer réellement, de dynamiter le système social intérieur – on appelle ça une révolution – et de modifier en profondeur les relations avec la métropole. Jusqu’à l’indépendance ? Pourquoi pas ?

Mais il y a un hic. Le texte des intellectuels, lyrique, me fait penser à des montagnes de littérature politique élevées partout dans les années 70. Pour le moment, j’en suis désolé, rien n’indique que ce mouvement saura trouver une voie d’avenir. S’il s’agit de relancer massivement la production agricole vivrière, d’accord ! Il faudra au passage poser la question atroce de la pollution par le chlordécone – un pesticide – qui rend dangereux pour des siècles des milliers d’hectares de bananeraies. S’il s’agit de séparer les besoins en effet essentiels – un toit, une alimentation de qualité, des soins de santé appropriés – de tout le reste, d’accord ! S’il s’agit de clamer que la vie humaine doit tourner le dos à la prolifération d’objets matériels qui détruisent, aliènent et désespèrent, d’accord !

Mais s’il s’agit de combattre pour que les Antillais surconsomment de manière aussi stupide que la France métropolitaine, merde ! S’il s’agit d’arracher 200 euros pour payer la dernière facture du téléphone portable, merde ! S’il s’agit de surinvestir dans la bagnole individuelle, comme je l’ai tant vu sur place, merde encore !

Bref et malgré tout, ce mouvement me plaît beaucoup. Même si je demeure sceptique quant à la direction qu’il prendra finalement. En un dernier mot, je suis convaincu que l’avenir des Antilles passe par une réduction importante de biens importés et la chasse aux gadgets matériels. Par un recentrage sur la culture profonde du peuple créole, et sur une agriculture sans laquelle il faudra toujours tendre la main en direction de Paris. En somme, moins de supermarchés, mais plus de liberté. Moins de télé, mais plus de « cases à palabres ». En attendant de voir, et comme on dit dans des îles voisines de celles-là : suerte ! Bonne chance, bon courage, bons vents.

Besancenot et les animaux

Ce sera court, et pour une fois, c’est vrai. Besancenot. Le NPA. Je me suis fait secouer en divers lieux du Net à la suite de l’article que j’ai consacré à ce parti il y a quelques jours. Mon Dieu ! Quelle confusion mentale, morale et politique chez certains. J’oublie à chaque fois la profondeur du mal, et c’est tant mieux pour moi.

Enfin, je voulais vous signaler une joliesse des fiers et valeureux militants qui viennent de se lancer à l’assaut du ciel. Au cours du congrès de fondation du NPA, il y a quelques jours, une poignée d’adhérents a tenté de faire voter un amendement. Lequel demandait de prendre en considération « la sensibilité des animaux, eux aussi victimes de la course à la productivité ». Et de réclamer la fin de pratiques comme la corrida, l’utilisation des animaux dans les cirques ou la chasse à courre.

Bon. Rejeté, vous pensez bien. Les révolutionnaires du NPA ont bien d’autres choses en tête que le grand massacre des animaux par les hommes. En France, on n’en tue jamais qu’un milliard par an pour nous nourrir d’une viande industrielle. Un milliard qui passe par les cercles de l’enfer et de la concentration avant de provoquer – un comble ! – obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers et diabètes chez eux qui s’en goinfrent.

Pour le NPA, tout cela n’existe pas. Car ce parti est évidemment anthropocentriste. La terre est à l’homme. Et quand il parle de crise écologique, il devrait davantage parler de crise environnementale. Car c’est cela qui l’intéresse : l’environnement. Ce qui environne les activités humaines et peut les déranger, comme le nucléaire. Pas la vie dans son infinie complexité. Pas ces millions d’espèces différentes qui coexistent de plus en plus mal avec notre soif de domination.

Non, et je me répète, le NPA n’est pas et ne deviendra pas écologiste. Pour savoir ce qu’est un écologiste, je vous renvoie à la belle figure d’Arne Næss, qui vient de mourir (lire ici). Je ne crois pas qu’il aurait pris sa carte au NPA. Moi-même, je crains de devoir m’en passer.

Julien Dray (Glucksmann, Kouchner, Sollers, etc.)

Ne fuyez pas encore. Je jure que je ne tente pas un saut périlleux arrière retourné. Si je vais parler brièvement de quelques célébrités politico-médiatiques, c’est bien pour évoquer finalement la crise écologique, comme on verra. J’essaierai d’être bref, tout en sachant que je n’y parviendrai pas.

Julien Dray, actuel député socialiste de l’Essonne. Il a mon âge, ce qui fait que nous avons eu 15 ans, et même 16 ans en même temps. Étonnant, non ? J’ai connu Juju – on l’appelait déjà ainsi – vers le début de 1971, car l’école où je me trouvais alors n’était pas éloignée de la sienne. Et nous étions pareillement saisis par la fièvre de la révolution. Je ne dirais pas ce que je pensais alors de lui,  car on m’accuserait d’inventer ou de lui faire un procès rétrospectif. Ce que je peux certifier, c’est qu’il me faisait rire, involontairement je dois ajouter. Je le revois penché à l’une des fenêtres de la mairie de Bondy (Seine-Saint-Denis), mégaphone en mains. Ce jour-là, nous avions décidé une grève contre « l’impérialisme français au Tchad ». Oui, j’ai fait fait grève contre cela.

Juju, donc. Vous devez savoir qu’il a de gros ennuis. Un rapport d’une structure de surveillance des comptes bancaires, Tracfin,  a découvert ce qu’il faut bien appeler des mouvements de fonds stupéfiants sur les comptes personnels du député. Il n’a pas été interrogé, et j’en resterai donc là. À un détail près, qui n’a rien de pénal. Qui n’a rien d’illégal. Juju est bourré de thunes, comme je dis quand vous n’êtes pas là. Et il n’est jamais comblé. Et il a acheté une maison à Vallauris (Alpes-Maritimes) grâce à de l’argent que lui a passé le grand homme de gauche à la sauce Mitterrand – et petit homme de droite – qu’est Pierre Bergé, richissime comme on sait. Mais Juju rembourse, affirme Bergé. Sûr, il rembourse. De cela, je ne saurais douter. Il rembourse.

Pour le reste, madonna !  Juju reçoit chaque mois, pour le cumul de ses charges publiques, autour de 15 000 euros. Sans compter les revenus de sa femme. Sans compter le bel argent que tant de gens s’acharnent à lui prêter ou à lui donner. Et cela ne suffit pas. Cela ne suffira jamais. Si je n’aime pas du tout ce garçon, ce n’est même pas pour cela. Cela suffirait, notez, mais non, je pense à autre chose. Pas même à ses liens amicaux noués à la buvette de l’Assemblée nationale avec des figures de la droite, dont Charles Pasqua, dès le milieu des années 80. Pas même le fait que Juju, si Royal avait gagné les élections, serait devenu ministre de l’Intérieur, et grand flic de France.

Il y a autre chose. SOS Racisme. Cette invention politicienne, manoeuvrée depuis l’Élysée par Mitterrand, et suivie pour le compte de son maître par Juju et Harlem Désir. Cette guignolade des années 80, quand par ailleurs les socialistes réhabilitaient le capitalisme extrémiste, mettaient sur orbite Tapie, donnaient les clés d’une télé à Berlusconi, cette guignolade a aggravé dans des proportions inouïes la crise ontologique des banlieues. Au moment où il aurait fallu lancer un plan national majeur pour empêcher à toute force la formation des ghettos, Juju and co, si délicieusement « modernes », préféraient les concerts « antiracistes », les petites mains « Touche pas à mon pote », les passages à la télé, et les grosses subventions publiques et privées. Dont acte, comme il m’arrive aussi de dire. Dont acte.

Deuxième cas : le bon docteur Kouchner. Une seule chose m’intéresse dans le mauvais livre que Pierre Péan vient d’écrire sur lui (Le monde selon K, Fayard). Une seule, qui n’est pas contestée. Ni contestable. Kouchner a noué des liens d’affaires, fructueux pour lui, avec Omar Bongo, président du Gabon, et Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo. J’arrête là, car chacun peut savoir aisément qui sont ces hommes et comment ils traitent leurs peuples. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus sur Kouchner, « médecin humanitaire » et porteur de sacs de riz sous les sunlights. Tiens, c’est un grand, grand copain de Cohn-Bendit. Mais je m’égare.

Troisième cas, André Glucksmann. Si je pense à ce « philosophe » aujourd’hui rallié – il a 71 ans – à Sarkozy, c’est que je suis tombé sur un petit film qu’on peut regarder en ligne (ici). Nous sommes en 1978, et on y voit  Glucksmann opposé au responsable du parti communiste français René Andrieu. Dédé – oui, certains le nomment ainsi – a toutes les apparences d’un soixante-huitard sur le retour. Jean, baskets, cheveux longs. Et il attaque avec violence Andrieu – qui le mérite cent fois, certes -, lui reprochant cinquante ans de mensonges sur l’Union soviétique.

Et alors ? Eh bien, ce que personne ne sait alors, ce que tout le monde a évidemment oublié depuis, sans s’y être intéressé d’ailleurs, c’est que Glucksmann, en cette année 1978, traîne lui-même un épouvantable passé stalinien. Il a adhéré au parti communiste en 1950, au pire de cette histoire de sang et d’horreur. Certes, et je n’ai aucune raison de le cacher, il a quitté le monstre après l’intervention de Budapest. Mais il a remis le couvert dès les années 60, en devenant un maoïste, plutôt un maolâtre déchaîné. Jusque vers 1973 ou 1974, il a soutenu de toutes ses forces le régime de Pékin, qui avait tué ses citoyens par dizaines de millions. Et la révolution culturelle de 1966, qui est probablement l’acte de manipulation politique le plus achevé de l’histoire humaine. Or donc, quand il engueule Andrieu à la télé en 1978, il vient à peine de quitter la grande famille de la dictature. Mais il a un visage si expressif ! Si sincère ! Des ailes blanches ajoutées à ses épaules ne dépareraient pas dans ce si joli chromo.

Sollers enfin. Il y a de quoi se les mordre, pardonnez-moi, je suis souvent aux limites de la vulgarité quand je m’énerve. Cet écrivain de troisième ordre règne – ou a régné – sur une partie des journaux qui sont censés faire la critique littéraire de ce pays. Il commentait ces derniers jours, dans Le Nouvel Observateur (ici), un ouvrage posthume de Roland Barthes (Carnets du voyage de Chine, Christian Bourgois). En avril 1974, Barthes, Sollers et une poignée d’autres de la revue Tel Quel – joli nom, tel quel, pour une pareille entreprise -, partent en Chine pour une tournée de propagande en faveur du régime.

À cette date, Mao, qui n’est pas encore tout à fait mort, dévaste une ultime fois son pays, au cours d’une purge géante, et sanglante cela va sans dire. Mais Sollers est lui aussi, après avoir été stalinien de souche au PCF, un stalinien pékinois passionné. Enthousiaste. En cette année 1974 où René Dumont commence sa campagne électorale des présidentielles, et parlera bientôt d’eau, de pétrole et de nourriture devant des caméras de télévision médusées, Sollers est donc à Pékin.

Il soutient encore, publiquement, une dictature extraordinaire, et d’ailleurs en place 35 ans plus tard. Il a 38 ans, ce n’est donc pas tout à fait un perdreau de l’année. Tout rapprochement avec les crapules « intellectuelles » qui firent le voyage de Berlin en pleine guerre mondiale, en octobre 1941 – entre autres Chardonne, Jouhandeau, Fernandez, Brasillach, Drieu La Rochelle, Bonnard – serait très déplaisant pour Sollers. Mais ne se fout-il pas de tout ? À commencer par nous ?

Il est temps de conclure, et je remercie les vaillantes et vaillants qui m’auront suivi jusqu’ici. Ces itinéraires, divers sans nullement être variés, auraient-ils un rapport avec la crise écologique ? Mais oui, pardi. La misérable génération que je viens d’évoquer, narcissique, indifférente à l’injustice, au malheur humain dans sa dimension universelle, cette génération exprime bien entendu une décadence des valeurs morales essentielles. Il est bien certain que des gens pareils ne pouvaient en aucune manière considérer l’effondrement des systèmes naturels, bien plus grave que celui des bourses et des économies. Le plus drôle, dans le genre grinçant, c’est que ces personnages n’auront cessé de parler d’autre chose, toute au long de leur vie sans but ni vérité, quand l’évidence s’imposait pourtant qu’il fallait réagir. La crise de la vie, massive, obsédante, angoissante, si déroutante aussi, leur sera restée inconnue.

Cette génération encore au pouvoir, qui inclut évidemment Sarkozy et sa bande, entretient avec nous des liens complexes. Ne mentons pas. Cette fois du moins, regardons les choses en face. Sans les lecteurs de leurs niaiseries, sans les électeurs qui ont garni leurs comptes bancaires, sans cette complicité diffuse et massive, pas de pitres, pas de pantins, pas de turlupins. Ces tristes figures sont aussi les nôtres.

Cela changera-t-il ? Oui, bien entendu. Quand ? Nul ne peut savoir. Comment ? Personne ne nous le dira non plus. Mais je dois affirmer ici ma conviction qu’il faudra un sursaut inédit pour nous débarrasser de ces négateurs de la destruction du monde. Je ne souhaite nullement leur mort, on s’en doute. Je rêve que des humains un peu meilleurs que ceux qui les laissèrent triompher leur tournent le dos à jamais. J’espère le voir de mes yeux. J’espère que l’esprit nouveau qui lève enfin, malgré les grandes incertitudes de l’heure, obligera notre société à se choisir d’autres porte-parole que ces insupportables médiocrités. Je sais. Je suis en plein rêve.

Yves Thréard, journaliste splendide, éditorialiste magnifique

On se détend, on se marre, on ne parle plus de Sébastien Genest, on déconne à propos d’un type dont je n’avais jamais entendu parler, mais qui mérite le détour. J’aurais continué à tout ignorer d’Yves Thréard sans un courrier d’une lectrice de ce blog, Eva, que je remercie donc sans manières.

Thréard est journaliste. La honte, mais bon, moi aussi d’après ce que j’ai entendu dire. Au Figaro, quotidien dirigé par l’immarcescible Étienne Mougeotte, anciennement dédié au remplissage des cerveaux par la pub sur TF1. Au Figaro, dont le propriétaire est un certain Serge Dassault. Lequel a été longtemps le patron opérationnel de la petite entreprise créée par son père, Marcel. J’imagine que vous le savez, Dassault fabrique entre autres des avions militaires. Des Mirage, des Rafale, bientôt une superbe chose qui s’appelle pour le moment nEUROn. Quel beau nom ! Je crois que les créatifs qui ont travaillé sur le sujet sont de vaillantes personnes. Moi, j’aurais bien proposé nEUnEUROn, mais on ne m’a pas demandé, malgré la faiblesse de mes prix.

Mon préambule n’est pas terminé. Le 16 mars 1988, la journée s’annonce belle. À Halabja, je veux dire, qui est une ville kurde d’Irak de 60 000 habitants, à quelques kilomètres de l’Iran. Et puis des avions du défunt régime de Saddam Hussein envahissent le ciel. Je rappelle, car ce n’est pas qu’une anecdote, qu’en cette année 1988, Saddam est encore notre ami. Celui de l’Occident, celui que l’Occident a décidé de massivement financer et armer contre l’Iran chiite. J’espère que vous suivez.

Les avions. Ce 16 mars, ils sont un tantinet bizarres. Les bombes qu’ils déversent pendant des heures n’explosent pas comme celles qu’on voit habituellement dans les films de guerre américains. Elles sifflent et répandent à terre comme une odeur de pomme pourrie. Le lendemain, dans les rues, il y a 5 000 morts, dont des bébés encore au sein. Dans la rue. Car les bombes étaient des armes chimiques, vous l’aviez compris. Détail : parmi les avions, des Mirage vendus par monsieur Dassault. Qui n’y est pour rien, puisqu’il ne pilotait aucun des engins lui-même. D’ailleurs, ce n’est pas un criminel de guerre, c’est un industriel.

Fin de l’introduction. Et début de la rigolade avec cet éditorial de Thréard paru ce matin dans Le Figaro. Oui, le monsieur éditorialise (ici). Franchement, un chef-d’œuvre. Il en est de grands et de sublimes. Il en est de si petits qu’ils en deviennent invisibles. Nous parlons ici d’un chef-d’œuvre indépassable de fantaisie baroque de (très) bas étage. Disons. Thréard tempête sur les OGM. Pour lui, il y a « la soldatesque anti-OGM », devant laquelle même son fier héros Nicolas Sarkozy aurait reculé depuis son arrivée à l’Élysée.

Heureusement pour Thréard, vous le savez peut-être,  un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) estime qu’il n’y a rien de nouveau en matière de maïs MON810. Le MON n’est pas le début de Mon pote, mais le début de Monsanto. L’Afssa, agence publique sur laquelle un livre est à faire, bien que ne produisant aucune étude – elle se contente de regarder ce qui existe – rapporte donc en conclusion que : « les éléments du rapport le Maho (…) n’apportent aucun élément nouveau qui remettrait en cause la sécurité sanitaire des maïs portant l’événement MON 810 ».

Je ne peux commenter ici la malignité extrême du texte de l’Afssa. Sur l’ensemble du dossier, mon copain Frédéric Jacquemart, un scientifique comme je les apprécie – il préside le Groupe International d’Études Transdisciplinaires (Giet) – a écrit des analyses éclairantes que vous pouvez lire en ligne (ici). L’affaire est politique. On s’en serait douté.

Dans son inoubliable édito, Thréard réussit des tours de force dignes du grand Zampano (héros de La Strada, de Fellini). Cet homme a du coffre. Trois citations. La première : « Depuis de nombreuses années, les scientifiques les plus avertis de notre pays affirment que les organismes génétiquement modifiés sont “bénéfiques pour la santé humaine”». Les plus avertis. Thréard est un humoriste. Bénéfiques. Thréard est un grand inventeur d’informations. Jamais personne n’a écrit que les OGM pouvaient être bénéfiques pour la santé humaine. Même pas ses amis « scientifiques avertis ». La deuxième : « En fait, dans ce débat sur les OGM, rien n’est scientifique, tout est politique ». Copieur, va. La troisième : « Le progrès est souvent regardé comme suspect (…)  Le terreau a été habilement cultivé par les batteurs d’estrade, les dévots du bio, les tenants de l’altermondialisme pour que le greffon anti-OGM se développe solidement dans les sondages (…) Afin de préserver le nucléaire, fleuron de l’industrie française, on a provisoirement sacrifié la question des OGM. Son traitement dans le cadre du Grenelle a ressemblé à une mascarade, pour être habilement confié à une Haute Autorité à la composition fort discutable ». Là, si j’étais la caution écologiste du Grenelle – je ne cite personne, je ne remets pas le couvert -, je me poserais tout de même une ou deux questions. On aurait donc évacué la lourde question du nucléaire ? On aurait viré de la table du Grenelle le réseau Sortir du nucléaire ? J’attends des preuves, monsieur Thréard.

Au fait, qui est Thréard ? Un charmant garçon muni d’une licence de droit et d’un DEA de lettres, qui aura beaucoup travaillé – comme journaliste – en Afrique, avant de devenir directeur de la rédaction de l’inénarrable France-Soir en 1997, puis de passer au Figaro. Sa déontologie ? Mais poser la question est déjà une insulte, non ? Tant pis, j’y vais. Le 28 juin 2007, le journaliste Nicolas Poincaré présente sur RTL son émission On refait le monde. Je ne l’ai jamais écoutée, désolé, la pub me rend malade physiquement. N’importe, l’émission a eu lieu. Et ce jour-là, Yves Thréard fait partie des invités. Et ce jour-là, en direct, il annonce ceci : « Je vais dire quelque chose de très important. Pendant toute la campagne [électorale de 2007], j’ai entendu  que Dassault vivait des commandes de l’Etat. C’est faux ! Archi-faux ! Dassault n’a pas eu une seule commande de l’Etat en matière militaire ».

Poincaré se sent obligé de lui rétorquer : « Et le Rafale, il le vend à qui ? Il le vend à qui, le Rafale ? ». La suite relève de la pure bouffonnerie, et si vous voulez rire à l’œil et aux éclats, c’est possible en ligne sur le blog d’Olivier Bonnet (ici). Je suis charitable, et je dois reconnaître confraternellement que monsieur Yves Thréard dit de temps à autre la vérité. Par exemple le 31 janvier 2008, au cours d’un débat public. À un moment, qui ne durera jamais assez selon moi, il déclare du haut d’une tribune, parlant du quotidien Le Figaro, dont il est je crois directeur-adjoint de la rédaction : « Monsieur Dassault a un journal pour faire œuvre de militantisme politique ». Pour le cas où vous douteriez de moi, ce qui est un droit inaliénable, je vous invite à regarder un bout de film en ligne (ici).

Je dois avouer que cette saine histoire du journaliste-déontologue m’aura utilement diverti. Me voilà détendu comme tout. Je souris, je baye aux corneilles en attendant d’alller faire un tour dehors en sifflotant. Et sur ce, avec votre autorisation, je vais me faire une tasse de café bio et par ailleurs équitable. Car il est 10h35, et c’est l’heure.

Une lettre de madame Genest (polémique)

Je viens de recevoir une lettre de madame Bérangère Genest, que j’ai évidemment mise en ligne en commentaire de l’article où je parlais de son mari (ici). À la réflexion, je pense que cette lettre mérite de devenir un article, qui se conclura par la réponse que j’ai, elle aussi, mise en ligne il y a quelques minutes.

Bien entendu, pour comprendre l’enjeu de cet échange, il faut se rapporter à l’article de départ, et peut-être n’aurez-vous ni le temps ni l’envie. Moi, je crois le propos de madame Genest à la fois éclairant et dérangeant. Dérangeant d’abord, en fait, car malgré les apparences, je déteste mettre quelqu’un dans la peine. Et c’est le cas, très visiblement. Mais aussi éclairant, car il pose de manière concrète le refus viscéral du dissensus, de la critique, de la polémique, partagé par un nombre croissant de personnes.

Cela ne me semble pas bon signe. J’ai vivement attaqué Genest sur un plan public et politique, précisément là où il a décidé d’être, et son épouse répond sur un terrain privé, avec de vraies attaques ad hominem. Non, ce n’est pas bon signe. Mais à vous de juger.

Le courrier de madame Genest

Monsieur Nicolino,
Je viens de lire votre article sur ce mariage Genest/Jouanno manifestement imminent. Je vous remercie de m’en alerter car m’étant moi même mariée avec Sébastien Genest cet été, je ne voudrais pas être la dernière informée du fond de mon Limousin.1000 mercis!

Concernant le reste de votre article au vitriol, je me suis demandée, vous qui nous exposez longuement vos faits de guerre dans votre rubrique “quelques mots sur moi”, si vous lisiez les temps forts des vies des personnes que vous égratigniez sans vergogne. Bien que Sébastien soit largement assez grand pour débattre quand vous le souhaitez de visu (c’est moins fun que par blog mais plus sain), je ne peux m’empêcher de vous glissez ces quelques mots sur votre blog frisant l’autopromotion d’ailleurs…

Que savez vous de qui est Sébastien? de son histoire de militant depuis l’âge de 13 ans? que savez vous de son sacrifice au quotidien depuis des années, tant familial, que professionnel (j’y reviendrai), qu’en terme de santé. Tous ces commentaires acerbes à commencer par les vôtres, suivis tels des disciples des autres blogueurs me font frémir tant vous ne respectez pas l’homme, son existence entière dédiée à la cause de l’environnement.

Vous vous vantez d’être issu de la classe du “sous prolétariat” Monsieur (cela fait-il branché dans les conversations parisiennes?), classe dans laquelle j’ai été élevée également mais où l’on m’a enseigné le respect de l’autre, de son travail, et la valeur humaine. “L’assemblée de petits notables frétillants d’idées reçues”, dont fait partie selon vous Sébastien Genest et les autres membres de FNE, comme son porte-parole d’ailleurs Arnaud Gossement, sont des femmes et des hommes d’engagement, bénévoles, des acharné(e)s de boulot pour que la cause avance. Tout le monde, à petite ou grande échelle doit se battre pour faire avancer LA cause au lieu de se chicaner à grand renfort d’articles dignes de VSD ou Paris Match (le titre est parfait vous pourrez leur transmettre).

Vous critiquez le Grenelle, peut-être est-ce totalement imparfait, d’accord. Je ne suis pas une experte, loin sans faut, je reste à ma place de lambda. Mais que proposez vous et qu’arrivez vous à faire vous M. Nicolino? Ce fût des heures, des jours, des semaines de réflexions, de batailles acharnées, de stress, et j’en passe. Alors que vous ne soyez pas d’accord, je l’entends, je peux le comprendre, mais que vous jetiez aux chiens tout ce travail me parait assez petit. La place de Sébastien vous tente-t-elle ? FNE est une fédération jouissant d’un système démocratique, joignez vous à eux afin que vous puissiez apporter votre temps, votre matière grise, vos réflexions pertinentes, constructives, et débattre en bonne intelligence.

Concernant le volet travail, Sébastien passe environ 40 heures par semaines pour FNE (CES compris) à minima. L’unique compensation financière est issue du CES et donc très récente. Elle est de l’ordre de 861,98€ par mois (vos sources sont erronées) pour des déplacements hebdomadaires à Paris. Il ne profite guère des « subsides de l’Etat » que vous évoquiez…
Il a également une entreprise d’élagages délicats où chaque salarié, dont je fais partie, est fier de bosser dans cette entreprise citoyenne, et surtout humaine. Il gagne le même salaire (voire moins) que ses salariés, tout en assurant la gérance. Le partage et l’intégrité ont du sens pour nous, pour lui. Alors les commentaires des bobos me paraissent si ternes…

Je ne vous écris pas en tant que “l’épouse de” mais en tant qu’une femme qui connaît l’envers du décor et que ce type de discours indigne.

Je ne connais pas Mme Jouanno, mais je la plains sincèrement de devoir sans cesse essuyer ce type de discours primaires.

Vous connaissez l’adage, « la critique est facile, mais… » vous devez connaître la suite.

Je vous souhaite de tout cœur, que votre travail, vos valeurs, et votre engagement ne soient jamais remis en question de la sorte, pour vous, ni votre famille également.

Bien à vous,
Bérangère GENEST

Ma réponse à madame Genest

Chère madame,

Croyez-le ou non, je respecte votre point de vue, et comprends, me semble-t-il du moins, votre colère. Je vais tâcher de vous répondre calmement.

Un, le titre était évidemment une blague. Il sous-entendait, il est vrai, un accord entre deux personnages publics. Mais sûrement pas autre chose. Je n’ai donc rien à révéler, et si mon sens de l’humour vous a blessée, je vous prie de m’en excuser.

Deux, et pour le reste, je ne retire pas un mot de mon commentaire. Votre époux est un personnage public, qui a voulu et accepté de l’être. Le droit de critique, même acerbe, même dérangeant, même injuste – à vos yeux – est imprescriptible. Et je le pratique.

Je ne doute pas une seconde de ce que vous écrivez. Je suis bien certain que Sébastien Genest est actif depuis des lustres. Moi aussi, figurez-vous. Pensez-vous que la sincérité et la vaillance soient réservées à vous et à vos proches ?

Je crois la situation assez grave pour autoriser le débat et l’affrontement même. Je n’ai pas accusé votre époux de taper dans la caisse, d’être pédophile ou proxénète. Je pense, et j’écris, qu’il contribue à fourvoyer gravement un mouvement auquel j’appartiens, et dont dépend en partie l’avenir de la vie sur cette terre.

Quand on n’a pas envie de prendre des coups, on ne s’expose pas, voilà tout. J’ai ouvert ce lieu sur le Net, je m’expose et reçois parfois en retour, comme aujourd’hui, une grosse engueulade. Et je n’en meurs pas.

Enfin, concernant vos allusions transparentes à mon passé, il m’a semblé, mais je peux me tromper, que vous aviez quelques doutes. Eh bien, qu’y puis-je ? Vous ne savez strictement rien, et je ne saurais donc vous en vouloir. Je suis bien né, et j’ai réellement grandi dans le sous-prolétariat urbain, dans des conditions telles qu’elles vous étonneraient. Et ma contribution personnelle aux conversations parisiennes qui vous font fantasmer est voisine de zéro. Mais je sais que votre opinion est faite, et qu’elle ne changera pas de sitôt. La mienne pas davantage.

Bien à vous,

Fabrice Nicolino

PS : Vous m’aurez mal lu. Je ne cite aucun chiffre concernant les indemnités d’un membre du Conseil économique et social.