Sur la Chine (avec mes excuses)

Je reconnais d’emblée que j’abuse. Parler de la Chine comme je vais le faire, alors que le temps des vacances est censé occuper notre monde, c’est rude. Mais je suis rude.

Et donc, la Chine, changée en un aspirateur planétaire. Un agent de destruction géant qui fait le vide autour du vide qu’est devenu ce grand pays. Ne croyez pas qu’il existe quelque part une vision générale et raisonnablement complète de ce qu’est la Chine d’aujourd’hui. Nul ne sait, moi non plus, bien sûr. Mais surtout : nul ne sait. En 1980, j’ai lu un livre d’un auteur tchèque oublié, Milan Simecka, Le rétablissement de l’ordre (éditions Maspero). Simecka y racontait ce que les staliniens, après août 1968, avaient fait de l’un des pays les plus civilisés de la vieille Europe. Et il notait que si le régime en place « avait besoin tout à coup d’une idée force, ou d’une analyse impartiale d’un problème social important, il n’aurait personne à qui le demander ».

Ainsi va la vie dans les contrées de tradition stalinienne. Le mensonge règne et empile ses chiffres par milliers et millions jusqu’au sommet. D’étage en étage, les bureaucrates truquent. Aussi bien, ceux de là-bas ne disposent ni ne peuvent disposer d’un état réel de l’eau, des forêts, de la faune, de la flore, de l’air du territoire qu’ils occupent depuis 1949.

On va y fêter les Jeux Olympiques, comme on commence à le savoir. La seule certitude, je dis bien certitude, c’est que la Chine est au bord du grand krach écologique, et que pour gagner du temps, il lui faut détruire alentour, jusque très loin de ses frontières terrestres. Le principe de cette affaire est simple : grâce aux centaines de milliards de dollars accumulés dans ses banques, grâce à ses excellents techniciens et ouvriers, grâce à ses diplomates hors pair, grâce aussi à une corruption organisée dans le moindre détail, la Chine achète tout ce qui peut servir, chez elle, à bâtir des villes, des routes, des usines, des bagnoles.

Je crois, je suis même sûr que bien peu de gens réalisent si peu que ce soit l’ampleur du chaos que répand la Chine en Asie, en Afrique et même en Amérique tropicale. Prenons un exemple décrit dans le journal britannique The Daily Telegraph par son correspondant basé au Kenya, Mike Pflanz (ici, en anglais).C’est un formidable article, vraiment. Pflanz rapporte comment Pékin a fait son trou en République démocratique du Congo (RDC), cet ancien Zaïre pour lequel la France de Giscard, il y a trois siècles, en fait trente ans, était prête à tout. Régnait alors sur place un petit salopard comme l’Afrique aime. Notre salopard, Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga.

Que fichent les Chinois dans ce pays infiniment martyrisé, où l’interminable guerre civile en cours a fait des millions de morts ? Mais des affaires, voyons, comme nous avons si mal su faire pendant le temps long où les Blancs dominaient les Noirs. Pékin a signé avec les hommes de Kinshasa un contrat qu’il n’est pas exagéré de dire diabolique. En échange de minerais, notamment du cuivre et du cobalt, des ouvriers chinois devraient reconstruire 3 300 km de routes, 8 000 km de voies de chemin de fer, édifier des barrages, bâtir 32 hôpitaux, 145 dispensaires, etc.

Je retiens l’exemple d’une route en travaux dans le sud de la RDC, qui avance à la vitesse hallucinante de 800 mètres par jour. Elle rejoindra à terme l’autoroute de 1 600 km qui mènera alors à Kisangani, sur le fleuve Congo. Sur le fleuve et au coeur même de la plus belle forêt tropicale d’Afrique. Vous imaginez les conséquences, j’imagine.

Ce big deal n’est que la partie émergée d’un iceberg que nous ne verrons jamais en totalité. Le ministre d’E?tat a? l’Agriculture de la RDC  a signé l’été passé un e?norme contrat avec une socie?te? chinoise, ZTE International. Il s’agit de produire de l’huile de palme sur 3 millions d’hectares dans les provinces de l’E?quateur et de Bandundu. L’essentiel sera destiné bien entendu à la production de biocarburants. Trois millions d’hectares d’un coup !

Le bois fait partie du Grand Jeu, bien sûr. Car l’Asie ne suffit plus aux besoins chinois. Et pourtant ! Le Kampuchea, le Cambodge donc, est aux mains de l’économie de pillage. Sa forêt, sa sublime forêt en particulier. Je vous renvoie à un article d’une clarté parfaite, écrit par l’ancien correspondant du Monde à Pékin, Francis Deron (ici). La route la plus moderne du royaume cambodgien sert en bonne part à acheminer du bois volé au peuple et à ses descendants. Au total, 1 000 km qui lient le Cambodge au Laos, puis au Yunnan chinois. En juin 2007, l’ONG Global Witness a raconté comment le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, celui-là même qui vient d’être triomphalement réélu par la manipulation, profitait du trafic du bois tropical.

La Chine dévore la forêt du Cambodge, qui aurait perdu 30 % de sa surface entre 2000 et 2005. Qui oserait écrire ce que signifie un tel événement ? Qui ? Je m’en sens incapable. Las palabras entonces no sirven, son palabras. Même en Guyane française, a priori si lointaine, les Chinois sont là, chéquier en mains. Mais lisez plutôt (ici) cet entretien avec le chercheur Pierre-Michel Forget. Et notamment cet extrait : « Cependant, je suis en particulier préoccupé par une nouvelle menace pour les forêts tropicales du bouclier de la Guyane : La Chine. Récemment j’ai rencontré un groupe de forestiers chinois qui ont été invités à visiter la Guyane pour évaluer son potentiel en bois tropical, et maintenant la Guyane et la Chine semblent intensifier la coopération économique. La Chine a l’argent comptant et a besoin de bois tropical. La Guyane a en bois tropical a besoin d’argent comptant. Il semble probablement que la Guyane deviendra une source importante de bois pour le développement de la Chine mais il semble peu probable que la Chine s’inquiétera beaucoup de la durabilité du bois de construction moissonnant à moins que le gouvernement de la Guyane l’exige ».

Au Guyana tout proche, c’est pire, car cela dure depuis des lustres déjà. Si le coeur ne vous lâche pas en route, et si vous lisez l’anglais, allez donc parcourir ce rapport implacable, qui met en cause aussi, soyons honnête, la Malaisie et Singapour (ici). Bon, de toute façon, retenez que des milliers, des dizaines de milliers de Chinois, tourneboulés par la propagande commerciale de notre Occident, sont désormais des missi dominici qui parcourent le monde chargés d’or pour mieux le ruiner.

La Chine est pour longtemps, le noeud principal des contradictions (presque) insolubles de notre univers. Elle tente d’imiter le modèle qui, en deux siècles, nous a plongés dans la pire crise de l’histoire de l’homme. Elle n’y arrivera pas, évidemment. Mais quand les yeux s’ouvriront enfin, où en serons-nous ? La responsabilité des sociétés du Nord, comme la nôtre, sont immenses, car nous continuons de vouloir le beurre et son argent. Nous voulons le téléphone portable, nous voulons exporter le nucléaire à Pékin, et les turbines, et nos belles bagnoles. Mais nous voudrions que la Chine, que nous encourageons de toutes nos forces à « se développer », le fasse gentiment, en nettoyant avec soin la fosse d’aisance sur laquelle elle est assise.

Raté, raté, raté. Au moment où vont débuter les JO de la honte, pensez à cela. À cela, dont on parlera si peu. À cela, qui décidera évidemment de la suite et du reste. La Chine est la grande plaie ouverte du réel.

PS : Je ne reprendrai régulièrement ce blog que vers le 20 août, lorsque mes côtes cassées en juillet auront affiché leur réconciliation définitive. Pour ceux que cela intéresse, mon ami David Rosane est bien venu me visiter. L’endroit qui est le mien au bas de la carte de France est « la capitale mondiale du bruant zizi et de l’alouette lulu ». La citation est de David, cela va de soi.

Calade et cagadou (une mauvaise odeur)

Bon, j’ignore si vous savez ce qu’est une calade. C’est une technique, une trouvaille, une invention de l’esprit humain, qui n’est pas la pire. Une calade, c’est un chemin, une ruelle, une rue éventuellement. En pente. Oui, en pente. On en fait dans le Sud depuis des siècles et des siècles, depuis mon enfance au moins. Quelquefois, l’artisan génial à l’œuvre place à la verticale dans le sol des pierres serrées entre elles que le mouvement des roues de la charrette et des bœufs finira par polir. Je m’égare, car ce temps a disparu pendant que je me retournais, et il n’y a plus de bœufs chez nous. Chez vous, peut-être ?

Donc, des calades, des restes de calades qui témoignent de ce que fut l’histoire pénible des hommes, lorsqu’il fallait monter des pierres et du bois depuis le ruisseau. Ou, de manière plus drolatique, quand les gosses du village glissaient dans la couche de cagadou qui obstruait le passage dès le haut du chemin. Le cagadou, oui, c’est de la crotte.

Je précise pour les lecteurs de ce rendez-vous que je suis dans un hameau entre Causses et Cévennes, par bonheur. Sauf que j’ai deux côtes cassées, pour cause d’imbécillité, qui ne saurait disparaître de ma vie, car c’est un destin. L’autre soir, l’esprit surchargé d’humeurs de vin rouge et bio, je suis sorti dans la nuit, et j’ai marché au hasard des pas. Et dans une calade pleine de ronces, je me suis proprement étendu de ma hauteur sur le sol. Lequel avait conservé assez de pierre dure pour me faire (très) mal.

Depuis, je suis un petit vieux égrotant, qui va sa route en se tenant le flanc. Así están las cosas. Mais comme je suis par ailleurs vaillant, faut pas croire, je continue de tailler au sécateur ce qui peut l’être. Je remets en état, ainsi, une calade de Jean, qui descend jusqu’au fond du vallon. En faisant attention à mes gestes, oui da. Un matin vers 8 heures, Jean, passant avec son troupeau de brebis devant l’entrée de la calade où je me trouvais, m’a engueulé. À sa façon, n’est-ce pas. Il redoutait apparemment que je ne disperse ronciers et prunelliers sur la petite route, en quoi il avait tort. Le temps que j’explique mes plans, il était parti, emporté par ses bêtes. Ahimè ! J’ai continué mon travail, mais qui oserait appeler cela un travail ? Une tâche, peut-être ?

J’en oublie de vous parler du reste. Je viens de lire que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) demande un moratoire sur les biocarburants. L’OCDE ! Cette structure abominable abreuve les États membres, tous développés, de conseils avisés sur la manière – libérale – de détruire ce qui peut l’être encore. On peut trouver pire, mais il faut chercher.

Quoi qu’il en soit, cette prise de position a un sens. Au moment où je vous parle, la presque totalité des institutions les plus infâmes de la planète ont pris position contre les biocarburants. C’est le cas, mais la liste n’est pas limitative, du FMI, de la Banque mondiale, et de l’OCDE donc. Tous les doctes experts de ces assemblées reconnaissent un rôle clé des biocarburants dans l’affolement qui s’est emparé du prix des aliments de base dans le monde. Je vous le rappelle, la Banque mondiale estime que cette criminelle production est responsable pour 75 % de l’inflation en cours.

Et puis quoi ? Et puis me voilà à radoter, ce qui ne surprendra guère les lecteurs les plus assidus de ce blog. Car dans le même temps, le mouvement écologiste, qui devrait être au premier rang de ce combat humain essentiel, décisif, ontologique, n’a pas encore bougé le moindre orteil. Pas plus tard qu’avant-hier au soir, croisant José Bové en voisin – ou presque -, je l’ai pressé une nouvelle fois d’engager son nom dans cette bataille. Le fera-t-il ? Hum.

En France, les chiffres existent pourtant, et n’ont rien de secret. J’en ai publié certains dans mon livre de l’automne dernier, La faim, la bagnole, le blé et nous (Une dénonciation des biocarburants). Si je suis à ce point furieux, mais furieux à mordre, c’est que ce monde sans âme saigne plus que jamais. Je vous disais l’autre jour que selon Jacques Diouf, de la FAO, 50 millions d’humains de plus ont été jetés dans la famine en 2007. Les biocarburants jouent un rôle essentiel dans cette abomination.

Je ne suis pas amer, mais, je le répète, follement furieux. Surtout, je dois le dire, contre les écologistes, qui forment pourtant ma famille. Je vous jure solennellement que j’ai fait ce que je pouvais pour remuer Greenpeace, le WWF, Nicolas Hulot, José Bové donc. Et beaucoup d’autres. Mais rien ne vient. Nous nous retrouvons ainsi dans une situation inouïe : les maîtres du monde laissent filtrer des vérités premières sur le crime, et la critique se tait, se rendant complice.

Car ce n’est pas la peine de se voiler la face : ceux qui ne luttent pas contre le déferlement des biocarburants acceptent du même coup la multiplication des famines, la détérioration accrue du climat et la destruction de forêts tropicales. Osons dire l’évidence : le mouvement écologiste français se déshonore. Et je me permets de renvoyer à un article écrit sur ce blog voici quelques semaines (ici). Oui, le mouvement qui est le mien va avoir quarante ans. Et il est malade. Et il sent la mort.

Faut-il laisser la part de l’homme ?

Je continue d’être en vadrouille, et comme Lili m’offre l’hospitalité de son appareillage électronique, j’en profite une petite heure. Lili travaille quantité de matières, dont de la terre. Et elle m’a montré une soupière si belle que j’en ai été ému pour de vrai. On dirait un oeuf grisáceo d’il y a 70 millions d’années, quand les dinosaures habitaient le monde. Sur la colline d’en face, il y a une carrière de calcaire d’où l’on extrait des pierres, évidemment. Mais dans ces pierres, parfois, il y a des marques nettes de pas de dinosaures. J’en ai vues, j’en possède même.

Il faut dire que là où je suis, ce fut jadis une lagune tropicale, et sur les bords, des animaux disparus aujourd’hui pataugeaient. Je pense à eux régulièrement, car qui nous dit qu’ils ont totalement quitté les lieux ? Avez-vous déjà lu José Carlos Somoza ? Ce romancier d’origine cubaine a écrit de pures merveilles, surtout Clara et la pénombre. Mais dans La théorie des cordes, eh bien, il montre à sa façon comme le temps est un événement déconcertant. Et c’est ce que je crois : déconcertant.

Passons sur les dinosaures. J’ai lu, mais j’ai perdu les références en route, qu’un rapport tenu secret quelque temps par la Banque Mondiale, disait de fortes choses sur les biocarburants. Si j’ai bien parcouru The Guardian, qui a lancé l’affaire, ces derniers seraient responsables de 75 % de l’augmentation des prix alimentaires dans le monde.

Je repense à l’industriel des biocarburants invité avec moi sur France Inter le 30 juin, et qui prétendait, contre l’évidence, que ses productions criminelles n’avaient aucun rapport avec la crise alimentaire actuelle. J’ai appris aussi que Jacques Diouf, inamovible patron de la FAO, estimait à 50 millions le nombre d’humains supplémentaires jetés dans la famine en 2007.

50 millions. 75 %. Ce ne sont que des statistiques destinées aux colloques suivis de petits fours. Derrière, il y a des hommes qui se mordent la langue pour tromper la faim qui les rend fous.

Et à part cela ? Plein de choses, que je ne peux ni ne veux dire. Mais enfin, j’ai rouvert, seul, le chemin creux qui mène au jardin de Patrick, en contrebas. Et retrouvé les pierres qui le délimitaient, surmontées de haies sublimes. Depuis combien de temps était-il dans la ronce et le prunellier ? Des années.

Il m’a fallu trois jours d’efforts véritables mais heureux pour qu’on puisse à nouveau déambuler dans ce délicieux passage. Et j’ai été mordu plus d’une fois par des épines, dont certaines grosses comme le doigt. Mais c’est fait. Simplement, arrivé aux trois quarts de ce rude effort, alors que mon esprit battait la campagne au sens propre, j’ai pensé à ce que je faisais. Aux niches et habitats que je détruisais sans état d’âme. Combien de campagnols ai-je effrayés et chassés de leurs trous ? Combien de serpents ont dû fuir le barbare ? Combien d’insectes, combien d’oiseaux ?

Puis j’ai pensé que ce chemin est à l’homme, depuis le Moyen Age. Pour des raisons que je ne peux préciser, le jardin de Patrick est probablement cultivé depuis au moins 800 ans. Et, sans être sûr de rien, il m’a paru que c’était acceptable, équitable. Alentour, l’animal a repris possession du pays. La pente, le ruisseau d’en bas, les vastes étendues de pins sylvestres et de châtaigniers. A perte de vue, je veux dire. Où que porte le regard, et ici, il va loin.

Presque tout appartient désormais aux bêtes et aux plantes. Et j’en suis infiniment heureux. Cela va au-delà des mots que je suis capable de trouver. Mais peut-être que le chemin devait nous revenir, à nous les quelques humains que nous sommes ici ? Peut-être, je ne sais pas vraiment. Quand je le regarde depuis le hameau, il s’étire vers le bas comme le ferait une couleuvre. Il coule, même, dirait-on.

Et je pense fatalement à une photo de l’Américain W. Eugene Smith, que j’adore. On y voit deux enfants qui se tiennent par la main, au bout d’un tunnel sous les arbres, comme s’ils s’apprêtaient à entrer ensemble au pays de la beauté. Le frère – j’imagine que c’est son frère – tient sa petite soeur d’une manière telle que rien ne leur arrivera jamais. Jamais rien d’autre que le bonheur sur terre. La vida es bella ya verás, como a pesar de los pesares.

Juste une seconde

Moi, dans un cybercafé ! Je viens de m’arrêter devant, je suis entré dans une sorte de grotte, et de jeunes et vaillants humanoïdes m’ont mené à la table d’où je tape ces mots. Le monde est décidément plein d’hallucinations. Si je romps mon voeu de (relatif) silence, c’est qu’hier, il m’est arrivé quelque chose. Il était vers 9 heures du matin, je parlais avec mon ami Patrick sur le chemin qui mène au hameau, un peu après la grange de René, et un oiseau est venu se poser sur mon épaule droite.

Un jeune rouge queue noir, posé sur moi, clairement décidé à me délivrer un message. J’ai pu tourner la tête, le regarder, mon œil tout contre le sien, et il ne partait pas. Il ne partait pas ! Je ne sais pas ce que vous en penserez, mais moi, je suis marqué.

It was time for me to move on (Jack Kerouac)*

Fini ? Fini. J’arrête ce blog un moment, pour cause d’oiseaux, de vallon et de rivière. Je compte regarder dans une longue-vue en compagnie de David Rosane, qui passe me voir. Je précise pour ceux qui l’ignorent, ce grand gars est un Américain, et par chance, il est un ami. Et par bonheur, il connaît les piafs du monde comme peu. Inutile de dire que l’inventaire ornithologique des lieux où je vais s’en trouvera bouleversé à jamais. Je noterai scrupuleusement, et tenterai de rendre compte fidèlement.

Les jours où je ne regarderai pas, je pense que je boirai, car je pars avec une envie furieuse de Patus et de Bogus. Des vins, ceux de Christophe Beau, un chorégraphe de la vigne bio dont je vous dresserai le portrait fabuleux une autre fois. Les jours où je boirai pas, qui risquent d’être rares, je nagerai dans la rivière, qui se trouve être une des plus belles parmi celles que je connais. Et j’en connais, soit dit sans me vanter. Mais je mélangerai peut-être les plaisirs, en y ajoutant des palabres avec Patrick sur la terrasse, attendant que la nuit emporte le monde. Ou avec Alban, mon voisin punk, qui surgit de temps à autre au-dessus du mur qui le sépare de ma terrasse. Je lève la tête, il est là, avec son ceinturon clouté et ses grolles noires. Prêt à descendre en s’accrochant aux arêtes, et à boire un verre face à l’immensité. C’est grâce à lui que ce blog existe. Eh oui, Alban, il faut assumer tes bêtises ! Sans toi, je n’aurai jamais lancé ce rendez-vous en août dernier. Et sans toi, côté webmaster cette fois, il y a beau temps qu’il m’aurait explosé entre les doigts. Croyez-moi, si vous appréciez quelquefois ce que je vous écris, embrassez Alban de ma part. En plus, il le mérite.

Je n’oublie pas Lili – des bises, Lili -, qui compte m’emmener manger quelque chose dans un lieu qu’elle connaît, et que j’ignore encore. Je crois que son atelier devrait être terminé, et je jure de tout faire pour éclaircir sa vue. À l’automne au plus tard, il y aura des branches en moins, et peut-être un arbre. Parce que, je vous le dis sans détour, ne pas voir ce vallon depuis chez soi – chez elle, en l’occurrence -, tel que je l’admire moi-même chaque matin, c’est un crime contre la destinée humaine. Il va falloir agir.

J’essaierai d’envoyer des messages si l’occasion s’en présente, mais enfin, rien de très sûr. Demandez tous les comptes que vous voudrez au Bogus, car moi, je n’y peux plus rien. Enfin, soyez certains que la relation créée avec vous, lecteurs, est forte, et étonnamment plaisante. Ce temps passé autrement me permettra de réfléchir à la suite, aux suites possibles de cette étrange prise de parole. On se retrouve, c’est juré et même promis.

PS : Certains commentaires pourront être bloqués quelques jours je ne sais où. Mais ils finiront par apparaître, et donc, n’hésitez pas. Je lirai.

* Cette phrase (Exactement : It was time for us to move on) ouvre le chapitre 11 de la troisième partie du livre de Kerouac, On the road. Elle veut simplement dire : Il était temps pour nous de nous remettre en route.