Plus jamais comme avant

 

Dans la suite de ce que je viens d’écrire, ce complément très court. La mort des oiseaux doit être pour nous tous un point zéro. Intérieurement, fondamentalement, nous devons nous faire le serment que rien ne sera plus jamais comme avant. Il fallait bien qu’on en arrive là ! Mais cela a, en tout cas aura pour moi des conséquences. Il va falloir unir quantité de forces qui aujourd’hui s’ignorent, voire se méprisent. Je crois qu’il est possible de réfléchir à quelque chose de jamais vu encore, autour de l’horrible dossier des pesticides.

Et j’y réfléchis. Et je vous tiendrai au courant, bien sûr. Il faut se tenir prêts à agir. Assez de plaintes et de larmoiements, ô combien justifiés. Assez ! Je vous le répète : il va falloir agir.

Sarkozy, vraiment ?

Je vous dois ce modeste aveu, qui ne surprendra aucun lecteur familier de ce lieu : je ne suis pas, je ne suis plus de ce monde. Je me réveille ce matin au son de la radio, qui annonce la garde-à-vue de Nicolas Sarkozy, soupçonné d’avoir reçu l’argent de Kadhafi pour financer sa campagne électorale de 2007. Là-dessus, emballement. J’attrape quelques mots d’Edwy Plenel, qui se rengorge – en réalité, à juste titre – d’avoir été premier, via Mediapart, à évoquer la question dès 2012. Je pourrai le taire, mais non : à l’époque, je n’y ai pas cru. Je trouvais que les pièces publiées manquaient de crédibilité.

Donc, Sarkozy. Mazette ! ce serait donc un ruffian. Mais dites-moi, qui l’ignore encore ? Et qu’est-ce que cela apporte à la compréhension de notre monde en déroute ? Dans le même désordre, je classe la mobilisation en cours, qui doit déboucher jeudi sur une grève et une manifestation de défense du service public. Ce n’est pas même que je m’en fous. Je soutiens ce mouvement, car je vois bien ce qui se profile : le laminage de tout ce qui aura été acquis, pour que passe le business cher à Macron.

Je soutiens mais constate avec horreur que ces supposés combattants sociaux, que ces fiers journalistes de Mediapart se contrefoutent de phénomènes incomparablement plus graves. Ce matin, au sixième ou septième rang des nouvelles dignes d’être retenues, ces deux études du CNRS d’une part, et du Muséum d’autre part. À cause d’un système agricole aux mains des marchands de pesticides, le tiers des oiseaux de nos campagnes ont disparu en quinze ans. Bien sûr et sans conteste, c’est de nature biblique, au sens apocalyptique. À ce rythme, il ne restera bientôt que les pigeons des villes, farcis d’ordure.

Moi, je vois décidément que je n’appartiens plus à cet univers de pacotille, qui détourne le regard quand on lui parle d’oiseaux et de beauté. La bagarre pour les piafs et les abeilles est pourtant une occasion unique et tragique de refonder la politique. De lui donner le sens qu’elle a pu mériter ailleurs, autrement, en d’autres temps. Je vomis la totalité de tous ceux qui prétendent mener le destin des hommes en ignorant si complètement ce que nous sommes. Des êtres vivants, vibrants, désespérément liés aux écosystèmes et à tous leurs merveilleux habitants. Mediapart, shame on you.

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L’article du Monde qui décrit l’atroce déclin des oiseaux

 

En 15 ans, 30 % des oiseaux des champs ont disparu

Le printemps risque fort d’être silencieux. Le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) publient, mardi 20  mars, les résultats principaux de deux réseaux de suivi des oiseaux sur le territoire français et évoquent un phénomène de  » disparition massive « ,  » proche de la catastrophe écologique « .  » Les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse, précisent les deux institutions dans un communiqué commun. En moyenne, leurs populations se sont réduites d’un tiers en quinze ans. « 

Attribué par les chercheurs à l’intensification des pratiques agricoles de ces vingt-cinq dernières années, le déclin observé est plus particulièrement marqué depuis 2008-2009,  » une période qui correspond, entre autres, à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune – européenne – , à la flambée des cours du blé, à la reprise du suramendement au nitrate permettant d’avoir du blé surprotéiné et à la généralisation des néonicotinoïdes « , ces fameux insecticides neurotoxiques, très persistants, notamment impliqués dans le déclin des abeilles, et la raréfaction des insectes en général.

Plus inquiétant, les chercheurs observent que le rythme de disparition des oiseaux s’est intensifié ces deux dernières années.

 » Quelques rescapés « Le constat est d’autant plus solide qu’il est issu de deux réseaux de surveillance distincts, indépendants et relevant de deux méthodologies différentes. Le premier, le programme STOC (Suivi temporel des oiseaux communs) est un réseau de sciences participatives porté par le Muséum -national d’histoire naturelle. Il rassemble les observations d’ornithologues professionnels et amateurs sur l’ensemble du territoire et dans différents habitats (ville, forêt, campagne). Le second s’articule autour de 160  points de mesure de 10  hectares, suivis sans interruption depuis 1994 dans la  » zone-atelier  » du CNRS Plaine et  val de Sèvre, où des scientifiques procèdent à des comptages réguliers.

 » Les résultats de ces deux réseaux coïncident largement et notent une chute marquée des espèces spécialistes des plaines agricoles, comme l’alouette « , constate l’écologue Vincent Bretagnolle, chercheur au Centre d’études biologiques de Chizé, dans les Deux-Sèvres (CNRS et université de La  Rochelle). Ce qui est très inquiétant est que, sur notre zone d’étude, des espèces non spécialistes des écosystèmes agricoles, comme le pinson, la tourterelle, le merle ou le pigeon ramier, déclinent également. « 

Sur la zone-atelier du CNRS – 450  km2 de plaine agricole étudiés par des agronomes et des écologues depuis plus de vingt ans –, la perdrix est désormais virtuellement éteinte.  » On note de 80  % à 90  % de déclin depuis le milieu des années 1990, mais les derniers spécimens que l’on rencontre sont issus des lâchers d’automne, organisés par les chasseurs, et ils ne sont que quelques rescapés « , précise M. Bretagnolle.

Pour le chercheur français,  » on constate une accélération du déclin à la fin des années 2000, que l’on peut associer, mais seulement de manière corrélative et empirique, à l’augmentation du recours à certains néonicotinoïdes, en particulier sur le blé, qui correspond à un effondrement accru de populations d’insectes déjà déclinantes « .

A l’automne 2017, des chercheurs allemands et britanniques conduits par Caspar Hallmann (université Radboud, Pays-Bas) ont, pour la première fois, mis un chiffre sur le déclin massif des invertébrés depuis le début des années 1990 : selon leurs travaux, publiés dans la revue PloS One, le nombre d’insectes volants a décliné de 75  % à 80  % sur le territoire allemand.

Des mesures encore non publiées, réalisées en France dans la zone-atelier Plaine et  val de Sèvre, sont cohérentes avec ces chiffres. Elles indiquent que le carabe, le coléoptère le plus commun de ce type d’écosystème, a perdu près de 85  % de ses populations au cours des vingt-trois dernières années, sur la zone étudiée par les chercheurs du CNRS.

 » Tendance lourde «  » Or de nombreuses espèces d’oiseaux granivores passent par un stade insectivore au début de leur vie, explique Christian Pacteau, référent pour la biodiversité à la Ligue de protection des oiseaux (LPO). La disparition des invertébrés provoque donc naturellement un problème alimentaire profond pour de nombreuses espèces d’oiseaux et ce problème demeure invisible : on va accumuler de petites pertes, nid par nid, qui font que les populations ne sont pas remplacées. « 

La disparition en cours des oiseaux des champs n’est que la part observable de dégradations plus profondes de l’environnement.  » Il y a moins d’insectes, mais il y a aussi moins de plantes sauvages et donc moins de graines, qui sont une ressource nutritive majeure pour de nombreuses espèces, relève Frédéric Jiguet, professeur de biologie de la conservation au  Muséum et coordinateur du réseau d’observation STOC. Que les oiseaux se portent mal indique que c’est l’ensemble de la chaîne trophique – chaîne alimentaire – qui se porte mal. Et cela inclut la microfaune des sols, c’est-à-dire ce qui les rend vivants et permet les activités agricoles. « 

La situation française n’est pas différente de celle rencontrée ailleurs en Europe.  » On est dans la continuité d’une tendance lourde qui touche l’ensemble des pays de l’Union européenne « , note M.  Jiguet.

Est-elle réversible ?  » Trois pays, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni, ont mis en œuvre des politiques nationales volontaristes pour inverser cette tendance lourde, en aménageant à la marge le modèle agricole dominant, explique Vincent Bretagnolle. Aucun de ces trois pays n’est parvenu à inverser la tendance : pour obtenir un effet tangible, il faut changer les pratiques sur des surfaces considérables. Sinon, les effets sont imperceptibles. Ce n’est pas un problème d’agriculteurs, mais de modèle agricole : si on veut enrayer le déclin de la biodiversité dans les campagnes, il faut en changer, avec les agriculteurs. « 

Stéphane Foucart

© Le Monde

 

Ce qui n’a pas changé depuis 1789

Vous lirez ci-dessous un reportage que j’ai fait en Haute-Loire, pour Charlie. Vous y verrez comment Laurent Wauquiez et ses amis se comportent loin des caméras. Je crois que c’est un complément utile à l’épisode grotesque de l’École de Commerce de Lyon. Je rappelle que Wauquiez confiait à des étudiants que tout ce qu’il raconte sur les plateaux médiatiques n’est que bullshit. Dans les deux articles qui viennent, je vois qu’il y a matière à s’interroger sur la manière dont le pouvoir réel s’exerce. La Haute-Loire comme allégorie de la France ? Pour moi, cela ne fait hélas pas de doute. Armez-vous de patience, car c’est long. Vous me direz.

 

Mon reportage est ici.

Et si vous voulez faire une (très) bonne action, c’est là.

 

À quand une véritable histoire du mouvement antinucléaire ?

Je ne vais pas vous embêter longtemps. Il va de soi que je soutiens de toutes mes petites forces ceux de Bure, qui bagarrent contre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires. Mais dans le même temps, je m’interroge, et je m’interroge depuis des années sur l’incapacité du mouvement antinucléaire à regarder son histoire. Or elle est chargée. Or elle regorge d’étrangetés, de personnages que l’on peut qualifier sans exagération de troubles.

Pourquoi une telle faiblesse de ce mouvement, au moment même où le nucléaire, après nous avoir fait trembler chaque jour, s’enfonce dans une tragique déroute financière et industrielle ? Pourquoi, depuis Malville, n’a-t-on jamais retrouvé l’élan des années 71 à 77 ? Il y a bien des raisons limpides, qui renvoient à l’immaturité et à la stupidité, sans compter l’épuisement du souffle de 68. Certes oui, le mouvement a constamment eu des faiblesses intrinsèques.

Mais à coté de cela, il n’est pas besoin d’être un grand enquêteur pour savoir, ou du moins pressentir, que les appareils au service de l’atome, notamment militaires, auront perpétuellement essayé de détruire nos mobilisations, et de manipuler les groupes. Je ne suis pas en train de vous servir une mauvaise soupe conspirationniste. Je veux juste vous dire que sans un bilan historique honnête de près de cinquante ans de combat contre l’atome, on aura bien du mal à avancer réellement. C’est tout.

Christophe Castaner est une brêle

Vous connaissez peut-être Christophe Castaner, petit patron de la République en marche de Macron. Le monsieur s’est présenté comme tête de liste socialiste aux élections régionales (Provence-Alpes-Côte d’Azur) de 2015 avant de rejoindre Macron, l’homme du business et des transnationales l’année suivante. C’est dire la profondeur de ses nobles convictions. Il est en outre, car on ne lâche rien, sous-ministre en charge des Relations avec le Parlement. Un poste, on se doute, où les principes valsent à mesure que se vident les bouteilles à la Buvette de l’Assemblée, où l’on ne boit pas que du lait de jument.

Pourquoi parler ce jour d’un personnage aussi minuscule ? Parce que. Parce que je viens de lire une de ses déclarations. Ainsi que vous savez, la police a chassé provisoirement les occupants de la forêt de Bois Lejuc, où des écologistes protestaient depuis des années contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires, censé maintenir le poison pour 100 000 années et plus.

Eh bien, Castaner, sur commande bien sûr, s’est aussitôt employé, en petit perroquet, à répéter sur BFM les « éléments de langage » qu’on lui avait préparés. Ce qui a donné : « Il y a une occupation illicite, ce ne sont pas de gentils écologistes dans la forêt. Il n’est pas question qu’il y ait des zones de non-droit ». Pas de zone de non-droit. Pas question. Voilà un homme qui parle au nom d’un gouvernement qui tolère, accepte et bien souvent plébiscite les zones de non-droit d’une nature autrement dévastatrice, et qui fait semblant – car au fond, qu’en a-t-il à foutre ? – de s’indigner. Mais on ne l’entendra jamais batailler sérieusement contre les paradis fiscaux, qui ruinent peuples et pays. Contre la toute-puissance des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui ruinent peuples et pays. Contre la mondialisation de l’économie, qui ruine peuples et pays. Contre le système de production et de consommation défendu par son maître, qui ruine la planète et tous ses habitants, humains compris.

Regardez-le si vous le voyez aujourd’hui ou demain sur un écran. Et dites-moi le fond de votre pensée. N’est-il pas une brêle de première ?