De quoi Ebola est-elle le nom ?

Cet article a été publié le 6 août 2014 par Charlie Hebdo, sous un autre titre

Derrière les maladies émergentes, dont la fièvre Ebola qui dévaste l’Afrique, l’Internationale des gougnafiers. Un siècle de déforestation massive et d’agriculture intensive explique largement la dissémination de nouveaux fléaux.

Qui sait ? Peut-être que la Grande Peste – de 30 à 50 % de la population européenne meurt  entre 1347 et 1352 – a commencé comme cela. Ou encore la « grippe espagnole » de 1918, qui zigouilla davantage – 20 millions de morts – que la Première Guerre mondiale, celle qui devait être la dernière.

Une chose est sûre, et c’est que la fièvre hémorragique dite Ebola – une rivière de la République démocratique du Congo – est hors de contrôle. Après le Liberia et la Sierra Leone, tous les pays voisins sont désormais menacés, dont le Nigeria et ses 170 millions d’habitants. L’un des virologues au contact des malades, le Sierra Léonais Sheik Umar Khan, est mort la semaine passée, frappé lui aussi par le virus.

C’est donc l’angoisse dans des pays où les systèmes de santé croulent déjà sous le poids d’autres maladies. En attendant mieux, il n’est pas interdit de se poser une ou deux questions bien emmerdantes. La principale est celle-ci : pourquoi tant de maladies émergentes ? Selon les sources les plus sérieuses, leur nombre explose depuis cinquante ans, que l’on parle d’Ebola, du sida, du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), des hantavirus, du virus du Nil occidental, entre autres joyeusetés.

Il serait stupide de vouloir tout expliquer par la dévastation écologique de la planète, mais il serait franchement con de passer à côté. Car d’évidence, une des clés de la situation s’appelle déforestation. Dans un texte impeccable (1) publié par la FAO (Organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation), les chercheurs Bruce Wilcox et Brett Ellis expliquent par le menu l’arrière-plan de ces émergences (ou réémergences). Grossièrement, l’essentiel du phénomène viendrait de « changements dans le couvert végétal et l’utilisation des terres, notamment les variations du couvert forestier (en particulier la déforestation et la fragmentation des forêts), ainsi que l’urbanisation et l’intensification de l’agriculture ».

Les hommes pénètrent toujours plus loin dans les forêts tropicales, sortent virus et autres micro-organismes pathogènes de l’extrême stabilité écologique où ils se trouvaient, entrent au contact d’animaux de toutes sortes – primates, rongeurs, chauve-souris – qui deviennent les vecteurs de ces infections. On est très loin de tout comprendre, mais il est certain que le bouleversement de centaines de millions d’hectares de steppes et prairies, et surtout de forêts, a mis au contact des êtres vivants qui ne l’étaient pas dans le passé proche.

Wilcox et Ellis vont encore plus loin, écrivant : « Les premiers pathogènes responsables de fléaux tels que la variole seraient nés en Asie tropicale, au début de l’histoire de l’élevage et lorsque les forêts ont commencé à être défrichées à grande échelle, au profit de cultures permanentes et d’établissements humains ». La France n’est nullement à l’abri : une étude parue en 2008 dans la revue Nature (2) propose la première carte mondiale des maladies émergentes, et notre beau pays tempéré y occupe une place de choix.

Pourquoi ? Parce que nous avons beaucoup de ports – sur la Méditerranée, l’Atlantique, la Manche et la mer du Nord -, où les bateaux débarquent sans cesse des hôtes inattendus. Et parce que les anciens liens coloniaux font atterrir chaque année à Roissy, Marseille ou Lyon des centaines de milliers d’habitants de pays tropicaux. Le reste s’appelle dérèglement climatique, qui fait irrésistiblement remonter vers le Nord des espèces jusqu’ici confinées plus au sud.

Charlie, qui n’est pas devin, ne sait rien de ce qui va se passer, mais la promiscuité toujours plus grande entre les hommes, les animaux sauvages et les milliards de prisonniers de l’élevage concentrationnaire ne saurait annoncer le printemps. Pour que la situation s’améliore, il faudrait commencer par respecter ces équilibres écologiques qui emmerdent tout le monde, à commencer par les aménageurs-massacreurs. À moins de devenir sages, et même très sages, Ebola n’est qu’un début.

(1) http://www.fao.org/docrep/009/a0789f/a0789f03.html
(2) http://www.nature.com/nature/journal/v451/n7181/full/nature06536.html

Le Loup, cet Arabe des montagnes

Cet article a été publié le 30 juillet 2014, sous un autre titre, par Charlie Hebdo

Ségolène Royal a décidé de tout flinguer. Les loups, les ours, en attendant les flamants roses demain. En faisant cadeau sur cadeau aux chasseurs et à la FNSEA, elle met à bas quarante ans de bagarres pour la beauté.

Ségolène Royal déconne à plein tube, sous les applaudissements des chasseurs et des beaufs. Rappelons, car ce serait facile à oublier, qu’elle est ministre de l’Écologie. Le 7 juillet, à l’Assemblée, elle déclare sans trembloter à propos des loups : « le nombre d’individus recensés dépasse désormais celui qui avait été fixé ». Revenus naturellement par l’Italie il y a vingt-cinq ans – après complète extermination -, ils seraient 300, contre 3000 en Espagne. Le Loup, ce Rom.

Encouragé par la bonne dame, le parc national des Écrins organise le 10 juillet une battue en son cœur, en théorie zone de protection maximale pour les animaux. L’objectif est de virer un loup qui s’y serait réfugié, de manière que des clampins à fusil le butent à la sortie du parc. On admire l’élégance : pas de tir dans un parc national, puisqu’on y protège, mais à la porte d’entrée, oui. Le Loup, cet Arabe.

Le 19 juillet, Royal est dans les Pyrénées et annonce qu’il n’y aura pas de réintroduction d’ours dans les zones de pastoralisme, c’est-à-dire partout. L’ours, le légendaire Moussu – le Monsieur – des montagnes pyrénéennes peut aller se faire foutre. Après avoir régné pendant des dizaines de millénaires, il n’a cessé de décliner, surtout au siècle dernier, pour cause de poison et de flingot. Il y en avait une centaine avant-guerre, 70 en 1954, 30, puis une poignée, puis un seul, mâtiné de gênes slovènes.

Slovène ? Pendant que disparaissaient les autochtones un  à un, des fêlés réussissaient in extremis à obtenir une réintroduction d’ours venus de Slovénie, à partir de 1996. Au total, ils seraient aujourd’hui 24 dans le massif, quand toutes les études scientifiques clament qu’il y a de la place pour au moins 250 animaux. Mais Royal n’en a évidemment rien à secouer : en abattant d’un coup 30 ans d’efforts associatifs en faveur des ours, elle est devenue la chouchoute des archi-beaufs locaux, qui ne parlent jamais que d’ours « importés » de Slovénie, Ce pays barbare, 30 fois plus petit que la France, abrite la bagatelle de 400 ours.

Mais ce n’est pas tout. Ce même 19 juillet, Royal lâche un mot sur les vautours : « On regarde ce qu’on peut faire ». Avec cette précision loufoque : « Il y a eu des attaques, non contre des animaux vivants, mais fatigués ». Cette sublime sottise donne raison aux grands délirants – les mêmes dégueulent sur les ours « étrangers » – qui prétendent que les vautours, stricts nécrophages depuis l’Éternité, attaquent depuis peu des animaux vivants, comme des vaches en train de vêler.

Ailleurs, pareil. En baie de Somme, les pauvres pêcheurs réclament la peau des phoques, accusés de se servir en poissons dans leurs filets. Les blaireaux, chargés de tous les vices et de toutes les maladies, font l’objet un peu partout de plans d’éradication, par exemple à l’aide de chloropicrine, un gaz de combat. Dans le massif du Bargy (Haute-Savoie), des centaines de bouquetins ont été abattus sous un grossier prétexte sanitaire, provoquant une pétition de près de 50 000 personnes (1).
Même les riziculteurs de Camargue entrent dans la danse. Certains de ces charmants garçons ont été épinglés pour un usage massif de pesticides interdits, et les étangs de la région sont tous gravement pollués, mais les voilà qui réclament des mesures contre les flamants roses, qui boulotteraient leurs saines récoltes. Alain Grossi, chef riziculteur (La Provence du 27 juin) : « Il y a une distorsion de traitement criante entre le loup et le flamant, entre les éleveurs et les producteurs ». Les gros durs de là-bas réclament des tirs contre les flamants, comme font les pisciculteurs avec les cormorans.

La morale est simple : un cycle historique s’achève. En 1971, la droite pompidolienne créait le ministère de l’Environnement. En 1976, la droite giscardienne faisait voter la « Loi n° 76-629 relative à la protection de la nature », qui avait fait absurdement lever des espoirs. La gauche de 2014 offre aux plus cons ce que la Nature a fait de plus beau. C’est le progrès.

(1) http://sauvonslesbouquetins.over-blog.com/tag/bouquetins%20du%20bargy

Le ministre et les requins de la pêche industrielle

Cet article a été publié par Charlie-Hebdo le 23 juillet 2014

Frédéric Cuvillier, sous-ministre et cachottier. Pendant qu’il soutient mordicus le désastre de la « pêche en eau profonde », on apprend qu’il défend surtout les intérêts de sa ville, Boulogne-sur-mer.

Il est très difficile de ne pas insulter de la pire manière les tenants de la pêche industrielle. Mais on va essayer, pour les besoins de la démonstration. La France vient en effet de commettre une très grande vilenie. Une de plus ? Assurément, mais comme elle touche aux océans, c’est-à-dire à l’essentiel, on raconte. En un peu plus d’un siècle, les filets ont dévasté des équilibres écosystémiques vieux de millions d’années. Grâce à de menues inventions comme celle du chalut « moderne », à la fin du XIXe siècle, et plus tard les filets dérivants, ou encore les navires-usines, qui peuvent atteindre ou dépasser 100 mètres de long et emmagasiner des milliers de tonnes de poissons.

Le résultat est connu : les océans se vident à une vitesse ahurissante. On se contentera de citer l’étude classique de Ransom Myers et Boris Worm, parue dans la revue Nature en 2003 (1). Selon eux, 90 % des gros poissons ont disparu des mers depuis les débuts de la pêche industrielle. On peut être sûr que le pourcentage est dépassé.

Les poissons sont rares, mais le fric doit rentrer. Depuis une poignée d’années, les vils crétins qui ont tout détruit dans les premiers 200 mètres ont commencé à racler jusqu’à 1500 mètres de profondeur, au moins. Grâce à de nouveaux câbles en acier d’une résistance parfaite. Ce qu’on appelle la « pêche en eau profonde ». Le chalut est un bulldozer.

C’est délirant pour tant de raisons qu’on n’en retiendra ici qu’une seule : les poissons des profondeurs – par exemple la lingue bleue, le grenadier de roche ou le sabre noir – se reproduisent beaucoup plus lentement que les poissons vivant plus haut qu’eux, et un simple coup de filet flingue tout ce qui vit pour des dizaines d’années. Inutile de dire que les espèces non commerciales qui sont chopées par le chalut sont rejetées, mortes, à la baille.

Le drame est si impressionnant que des associations tentent depuis des années de faire interdire cette chierie par le Parlement européen. Et parmi elles, impossible d’ignorer Bloom (http://www.bloomassociation.org), créée par une valeureuse du nom de Claire Nouvian. En décembre 2013, Le Parlement de Strasbourg a failli voter une interdiction pure et simple, mais au dernier moment, s’est contenté d’une limitation qui n’a pas de sens. Claire Nouvian, en décembre : « C’est la victoire du lobbying acharné des industriels et de la fabrication d’un mensonge?d’Etat (…) La gauche et la droite, alliées, prennent parti pour la pêche industrielle ».

Dans les coulisses, comme l’a raconté à Charlie un député proche du dossier, la bataille a été sanglante, et seule une très opportune erreur de vote – une erreur ? – a permis aux lobbyistes de l’emporter sur le fil, avec 342 voix contre 326. Depuis, le camp de la mort continue de marquer des points et la dernière magouille en date s’appelle Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la pêche et de la mer. Cuvillier est un fervent de la pêche en eau profonde, qu’il soutient mordicus à Bruxelles dès qu’il en est question. Extrait d’un courrier officiel du 12 mars 2014 : « La France ne pourrait accepter une mesure qui viserait à interdire de manière drastique et sans discernement l’utilisation de certains engins et notamment le chalut de fond, qui aurait de lourdes conséquences socio-économiques ».

Ça a l’air sérieux, mais c’est pure foutaise. Huit Associations, dont Bloom, ont publié le 8 juillet un communiqué franc du collier, par lequel elles accusent la France d’avoir dissimulé des données essentielles. À force d’obstination, elles ont en effet obtenu la publication d’études officielles, notamment de l’Ifremer. Un, le massacre est réel – par exemple pour des espèces de requins menacés d’extinction -, et deux, Cuvillier ment à chaque fois qu’il s’étend sur les conséquences économiques d’une interdiction.

Les effets sur la pêche française seraient en fait dérisoires, sauf pour un port et un bateau. Le port s’appelle Boulogne-sur-mer, et Cuvillier en était le maire jusqu’à son entrée dans le gouvernement des bras cassés. Encore bravo.

(1) http://www.nature.com/nature/journal/v423/n6937/abs/nature01610.html

Nantes, cinq minutes d’arrêt (ou plus)

Il s’agit d’une resucée. Pour une raison que j’ignore, j’ai eu envie d’exhumer ce texte paru ici même il y a près de sept ans. Cela fait bizarre, non ?

Voler ne mène nulle part. Et je ne veux pas parler ici de l’art du voleur, qui conduit parfois – voyez le cas Darien, et son inoubliable roman – au chef-d’oeuvre. Non, je pense plutôt aux avions et au bien nommé trafic aérien. Selon les chiffres réfrigérants de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), ce dernier devrait doubler, au plan mondial, dans les vingt ans à venir. Encore faut-il préciser, à l’aide d’un texte quasi officiel, et en français, du gouvernement américain (http://usinfo.state.gov).

Les mouvements d’avion ont quadruplé dans le monde entre 1960 et 1970. Ils ont triplé entre 1970 et 1980, doublé entre 1980 et 1990, doublé entre 1990 et 2 000. Si l’on prend en compte le nombre de passagers transportés chaque année, le trafic aérien mondial devrait encore doubler entre 2000 et 2010 et probablement doubler une nouvelle fois entre 2010 et 2020. N’est-ce pas directement fou ?

Les deux estimations, la française et l’américaine, semblent divergentes, mais pour une raison simple : les chifres changent selon qu’on considère le trafic brut – le nombre d’avions – ou le trafic réel, basé sur le nombre de passagers. Or, comme vous le savez sans doute, la taille des avions augmente sans cesse. Notre joyau à nous, l’A380, pourra emporter, selon les configurations, entre 555 et 853 voyageurs. Sa seule (dé)raison d’être, c’est l’augmentation sans fin des rotations d’avions.

Ces derniers n’emportent plus seulement les vieillards cacochymes de New York vers la Floride. Ou nos splendides seniors à nous vers les Antilles, la Thaïlande et la Tunisie. Non pas. Le progrès est pour tout le monde. Les nouveaux riches chinois débarquent désormais à Orly et Roissy, comme tous autres clampins, en compagnie des ingénieurs high tech de Delhi et Bombay. La mondialisation heureuse, chère au coeur d’Alain Minc, donc au quotidien de référence Le Monde lui-même – Minc préside toujours son conseil de surveillance -, cette mondialisation triomphe.

Où sont les limites ? Mais vous divaguez ! Mais vous êtes un anarchiste, pis, un nihiliste ! Vade retro, Satanas ! Bon, tout ça pour vous parler du projet de nouvel aéroport appelé Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Je ne vous embêterai pas avec des détails techniques ou des chiffres. Sachez que pour les édiles, de droite comme de gauche, sachez que pour la glorieuse Chambre de commerce et d’industrie (CCI) locale, c’est une question de vie ou de mort. Ou Nantes fait le choix de ce maxi-aéroport, ou elle sombre dans le déclin, à jamais probablement.

Aïe ! Quel drame ! Selon la CCI justement, l’aéroport de Nantes pourrait devoir accueillir 9 millions de personnes par an à l’horizon 2050. Contre probablement 2,7 millions en 2007. Dans ces conditions, il n’y a pas à hésiter, il faut foncer, et détruire. Des terres agricoles, du bien-être humain, du climat, des combustibles fossiles, que sais-je au juste ? Il faut détruire.

La chose infiniment plaisante, et qui résume notre monde davantage qu’aucun autre événement, c’est que l’union sacrée est déjà une réalité. l’Union sacrée, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est le son du canon et de La Marseillaise unis à jamais. C’est la gauche appelant en septembre 1914 à bouter le Boche hors de France après avoir clamé l’unité des prolétaires d’Europe. L’Union sacrée, c’est le dégoût universel.

L’avion a reconstitué cette ligue jamais tout à fait dissoute. Dans un article du journal Le Monde précité (http://www.lemonde.fr), on apprend dans un éclat de rire morose que le maire socialiste de Nantes, le grand, l’inaltérable Jean-Marc Ayrault, flippe. Il flippe, ou plutôt flippait, car il craignait que le Grenelle de l’Environnement – ohé, valeureux de Greenpeace, du WWF, de la Fondation Hulot, de FNE – n’empêche la construction d’un nouvel aéroport à Nantes. Il est vrai que l’esprit du Grenelle, sinon tout à fait sa lettre, condamne désormais ce genre de calembredaine.

Il est vrai. Mais il est surtout faux. Notre immense ami Ayrault se sera inquiété pour rien. Un, croisant le Premier ministre François Fillon, le maire de Nantes s’est entendu répondre : « Il n’est pas question de revenir en arrière. Ce projet, on y tient, on le fera ». Deux, Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux Transports, a confirmé tout l’intérêt que la France officielle portait au projet, assurant au passage qu’il serait réalisé.

Et nous en sommes là, précisément là. À un point de passage, qui est aussi un point de rupture. Derrière les guirlandes de Noël, le noyau dur du développement sans rivages. Certes, c’est plus ennuyeux pour les écologistes à cocardes et médailles, maintenant majoritaires, que les coupes de champagne en compagnie de madame Kosciusko-Morizet et monsieur Borloo. Je n’en disconviens pas, c’est moins plaisant.

Mais. Mais. Toutes les décisions qui sont prises aujourd’hui, en matière d’aviation, contraignent notre avenir commun pour des décennies. Et la moindre de nos lâchetés d’aujourd’hui se paiera au prix le plus fort demain, après-demain, et jusqu’à la Saint-Glin-Glin. Cette affaire ouvre la plaie, purulente à n’en pas douter, des relations entre notre mouvement et l’État. Pour être sur la photo aujourd’hui, certains renoncent d’ores et déjà à changer le cadre dans vingt ou trente ans. Ce n’est pas une anecdote, c’est un total renoncement. Je dois dire que la question de l’avion – j’y reviendrai par force – pose de façon tragique le problème de la liberté individuelle sur une planète minuscule.

Ne croyez pas, par pitié ne croyez pas, ceux qui prétendent qu’il n’y a pas d’urgence. Ceux-là – tous – seront les premiers à réclamer des mesures infâmes contre les autres, quand il sera clair que nous sommes tout au bout de l’impasse. Qui ne les connaît ? Ils sont de tout temps, de tout régime, ils sont immortels. Quand la question de la mobilité des personnes sera devenue une question politique essentielle, vous verrez qu’ils auront tous disparu. Moi, je plaide pour l’ouverture du débat. Car il est (peut-être) encore temps d’agir. Ensemble, à visage découvert, dans la lumière de la liberté et de la démocratie. Peut-être.