Archives mensuelles : décembre 2011

Le grand miracle de l’aggradation des terres (alléluia !)

Passer une année pleine au pays des aveugles est une chose. Finir 2011 sans l’ombre d’un espoir est au-dessus de mes forces. Et c’est pourquoi je vous parlerai aujourd’hui de l’aggradation. Je ne doute pas une seconde que certains lecteurs de Planète sans visa connaissent le mot. Mais je crois également que la plupart n’en ont jamais entendu parler. Or l’aggradation est un miracle. Elle l’est, car elle est l’envers de la dégradation. Elle est un soleil.

J’avoue ne pas bien savoir d’où le mot vient. À peine si je sais qu’il a servi dans le langage des géologues, et qu’il continue d’ailleurs. Je vous renvoie à un colloque canadien remarquable, tenu en 1992, et qui amène à l’histoire que je vais vous conter (ici). Il s’agissait à cette occasion de faire le point, avec des Portugais, sur une manière de restituer aux sols dégradés par l’agriculture intensive et ses diverses pestes chimiques la fertilité sans laquelle nous ne saurions vivre. En cette occurrence, par le « bois raméal fragmenté » ou BRF. En deux mots, ce dernier consiste à broyer finement du bois venu des arbres, arbustes et arbrisseaux proches, de la forêt, des fagots et restes en toutes formes. Ce broyat se révèle être, pour des raisons complexes qui me sont en partie mystérieuses, un magicien. Toute magie a ses limites, nous sommes d’accord, mais le BRF est capable d’authentiques prouesses.

Mais est-ce bien de lui que je veux vous parler ? Eh bien non, désolé de vous avoir emmené sur ce chemin de traverse. Mon sujet s’appelle Zoram Naagtaaba, mais aussi Filly Wemanegre, Tenkeega, sans oublier Terre Verte. Trois noms burkinabé, comme vous n’aurez pas manqué de le remarquer. Et un quatrième français, semble-t-il. Les premiers sont chacun une association du Burkina Faso, État si pauvre de l’Afrique de l’Ouest. Et le dernier une structure de soutien française créée le 23 avril 1989 à Landrecies (Nord), dans une région qui connaît le sens du mot solidarité.

En cette année 1989, seule Zoram Naagtaaba existait déjà. Cette association a été lancée pour servir de cadre juridique à une ferme sahélienne pilote, Guiè. Mais j’entends déjà des questions sur le Sahel, et je m’empresse d’y répondre. Le Sahel – en arabe – ???? -, le mot signifie lisière, côte, frontière – est une immense bande qui relie la mer Rouge à l’Atlantique, marquant une transition climatique, pluviométrique, floristique entre le géant saharien et les savanes plus au sud, où il pleut encore abondamment. Cette ceinture s’étend sur environ trois millions de km2. Et se trouve soumise à des caprices météorologiques qui paraissent de plus en plus graves.

En fait, c’est presque simple. Le Sahara, jadis verdoyant et accueillant aux activités humaines, est devenu le plus vaste désert chaud de notre monde. Les hommes et leurs pratiques, dont l’écobuage – qui consiste à brûler la végétation arborée pour obtenir de l’herbe à bétail l’année suivante – ont leur part dans ce désastre. Quoi qu’il en soit, les peuples installés plus au sud, dans ce Sahel aux pluies incertaines, ont continué à pratiquer surpâturage et déboisement, entraînant sans cesse une aggravation de la situation. Allons droit au but : le Sahel est une zone clé de la crise écologique planétaire.

Et c’est ici que des hommes simples mais d’exception ont décidé d’agir. Je ne sais pas la répartition de tous les rôles, mais je reçois des nouvelles régulières des réalisations de cette belle équipe, par la voie électronique. Vous pouvez d’ailleurs en faire autant (ici). Pour ce que je comprends, il y a au point de départ rencontre entre des paysans burkinabè et un Français, Henri Girard, agronome vivant depuis des lustres au Burkina. Dans une, puis deux, trois fermes enfin, les associés démontrent sur le terrain l’efficacité miraculeuse de techniques au service des hommes. Lesquelles reposent notamment sur la création d’un périmètre bocager, ou wégoubri dans la langue mooré. C’est-à-dire un paysage agricole équilibré, où les champs sont délimités et protégés par des haies vives boisées. Incluant parcelles privées et communs.

Pour aller vite, ce système permet une conservation presque complète des eaux pluviales sur la parcelle cultivable et limite considérablement l’érosion et la divagation d’un bétail toujours menaçant pour les cultures. Je les cite : « De même que le désert appelle le désert, le bocage appelle le bocage ! Un bon entretien de ce milieu crée une dynamique et il n’est pas rare de voir pousser dans les haies vives des arbres semés par le vent ou les oiseaux, ainsi que la réapparition d’une faune qu’on croyait disparue à jamais. Ce retour de la biodiversité dans des terroirs dégradés est un résultat majeur de notre programme d’embocagement ».

Grâce au « ruissellement zéro », grâce à la technique antique du « zaï », les sols si lourdement dégradés par des activités sans avenir reprennent vie. Ils se trouvent restaurés. Dans le petit vocabulaire des mots d’espoir que je tiens près du cœur, aucun je crois ne résonne aussi fort que celui de restauration. L’avenir, s’il est, appartient tout entier à la restauration écologique, collective, décisive, des écosystèmes. Si le système utilisé dans les fermes de Guiè, Filly et Goèma pouvait s’étendre à la région martyre qu’est le Sahel, je crois, je crois sincèrement que le processus de stérilisation de la vie commencé là-bas il y a des milliers d’années pourrait être inversé.

Nous en sommes loin, mais si près pourtant. En cette extrême fin de l’année 2011, ceux de Guiè, Filly et Goèma nous montrent une voie concrète et réaliste. Réaliste ne veut pas dire aisée, concrète ne veut pas dire réussie. 2011 a été une très mauvaise année de pluies, et 2012 s’annonce menaçante. À Filly, par exemple, il n’a plu que 422  mm. Lisez donc avec moi la fin d’un message signé Henri Girard : « Comme annoncé en octobre, nous allons réagir à cette menace de famine en lançant des travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), afin de permettre aux populations de gagner l’argent nécessaire pour s’acheter des céréales, tout en travaillant pour améliorer leur environnement (pistes rurales boisées, bullis, aménagements bocagers). Si vous souhaitez nous soutenir (chèque, virement, CB, PayPal), nous vous en rappelons le lien : ici ».

S’il vous reste deux sous, je vous invite bien entendu à les envoyer au plus vite là-bas, ce qui sera une bonne et heureuse action. Et au-delà, permettez-moi de vous dire que la grande révolution est là. Dans la rupture totale, ici même comme partout ailleurs, avec l’agriculture industrielle, qui est en train de nous conduire à la plus grande famine de tous les temps. Oui, je forme le voeu, en cette fin d’année 2011, que nous soyons assez forts, assez fous, assez grands pour faire disparaître en dix ans cette manière criminelle de traiter les sols, les êtres, les plantes. Je ne conçois pas d’urgence plus totale que de vaincre l’industrie de l’agriculture, pour la changer en une vaste coalition planétaire, mêlant urbains et ruraux, en faveur de l’agroécologie. Elle seule peut nourrir ceux qui viennent. Elle seule peut nous conserver longtemps encore cette biodiversité qui meurt à si vive allure. Elle seule est humaine. Le reste n’est que barbarie chimique et destruction de tout par tous.

Amis lecteurs, je crois, et je me répète : je crois qu’une voie existe, aussi étroite qu’elle soit. Il faut forcer le passage, avancer, ne plus jamais reculer. Le Burkina Faso montre l’exemple.

De nouveau, le site de Terre Verte : http://www.eauterreverdure.org

Le fabuleux retour de ma tata Thérèse à moi

Un bug, comme on dit, a fait disparaître l’article précédant celui-ci, qui est consacré aux photos de Sylvia Tostain. Le texte est revenu, on peut donc le lire plus haut.

J’hiberne et j’attends tranquillement le 4 janvier 2012. Ce jour-là sortira un livre très doux à mon cœur, dont le titre est : Ma tata Thérèse. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une pure et simple réclame, car je suis l’auteur de ce livre, illustré par l’excellente Catherine Meurisse, qui officie par ailleurs, et comme moi, à Charlie-Hebdo.

Ce livre sort aux éditions Sarbacane (ici), que je souhaite vous présenter en quelques mots. Il y a quelques années, je ne sais plus trop, j’ai reçu un coup de fil d’Emmanuelle Beulque, qui se présentait comme éditrice, éditrice d’une maison dont je n’avais jamais entendu parler, du nom de Sarbacane. Je suis comme vous tous, j’ai été jeune – si -, et même enfant. Je ne saurais oublier plus d’une minute combien les sarbacanes ont joué un rôle perforant dans ma vie, et quelquefois enthousiasmant. Que celui qui n’a jamais lancé des fléchettes en papier sur des passants renonce dès à présent à lire Planète sans visa.

Emmanuelle, donc. Charmante, intelligente, imaginative. Elle connaissait une partie de mon travail, du temps où je marchais à pied, chaque mois, pour le magazine Terre Sauvage, et me proposait de faire un livre, qui deviendrait La France sauvage racontée aux enfants. Bon, j’ai oublié de dire que Sarbacane est une maison qui publie à destination des enfants. Je ne peux pas dire que la proposition d’Emmanuelle m’a emporté. Non pas. Je ne savais pas trop. Je ne voyais pas trop. Ce qui m’a décidé, c’est elle. Et son époux Frédéric Lavabre, aussi épatant qu’elle, je dois dire, et par ailleurs excellent graphiste. En somme, ces deux-là formaient un couple au travail, cherchant, trouvant, créant des formes, des ambiances, des couleurs souvent très belles.

J’ai donc fait avec eux cette France sauvage racontée aux enfants, et un peu plus tard un roman appelé Yancuic le valeureux, une histoire que j’avais inventée jadis pour mon fils aîné, quand il était gamin. Au fil des ans, même si je les vois peu, je dois confesser que j’ai pour Emmanuelle et Frédéric comme une affection. Au moment où je vous parle, j’ai sous le coude une nouvelle histoire, qui raconterait, par la voix d’un loup, l’incroyable périple qui l’a mené au début des années 90 des montagnes d’Italie – les Apennins – jusque dans les Alpes de chez nous, soixante ans après son abominable éradication.

Mais revenons donc à Ma tata Thérèse. Le club hélas réduit des mes vieux aficionados sait que j’ai écrit ici même plusieurs épisodes des aventures de ma si chère Thérèse. Il est facile de les retrouver en tapant Thérèse dans le petit moteur de recherche situé en haut et à droite de cette page. Bien entendu, le mieux sera encore d’acheter ce livre. Bien entendu. De quoi parle-t-il ? Ben, comme je crois l’avoir écrit plusieurs fois, de ma tante. Il s’agit de souvenirs personnels, qui remontent à mon enfance. Je jure solennellement n’avoir rien inventé, et j’ai d’ailleurs demandé à mon frère Régis, qui m’accompagnait souvent chez notre tata, de me signaler d’éventuelles outrances. Il m’a donné sa bénédiction ce qui veut dire, aussi incroyable que cela paraîtra aux yeux de mes lecteurs, que tout y est véridique.

Je dois avouer que même moi, qui ai vécu ces aventures, ai des moments de doute. Le perroquet Coco a-t-il existé ? Le moineau Nono ? Le singe atèle paralytique ? Les pigeons venant rendre visite des toits voisins ? La colombe diamant sur la pipe de Gaston ? La chatte Leuloeil et ses vilaines griffes ? Le faisan dans les cabinets ? Les fennecs ? Le tendre agneau devenu jeune mouton ? Inutile d’ajouter, ce que je fais pourtant, que ma tata entretenait des relations magiques avec les animaux de Paris et du monde, quels qu’ils soient.

Ma tata, qui n’avait jamais un sou vaillant, habitait dans l’une des premières HLM de Paris, rue Larrey, au-dessus de la Grande Mosquée, dont on pouvait voir les jardins intérieurs depuis son balcon. Moi, je vivais dans la banlieue Est de Paris, dans une HLM aussi, évidemment. Nous étions une famille de cinq gosses, élevés par ma mère après la mort de mon père ouvrier, quand j’étais encore un simple mioche. Si je voulais – ce n’est qu’une simple menace, restez donc -, je pourrais aisément faire pleurer dans la chaumière la plus lointaine. Car j’ai connu des situations aussi violentes qu’angoissantes. Par bonheur, il y avait Thérèse.

Elle aura changé le cours de ma vie, bien qu’il me soit impossible de savoir comment, et à quel point. Elle était dépourvue de culture, et sur le plan politique, elle lâchait parfois de telles énormités que je préfère, quarante années plus tard, les garder encore pour moi. Cela ne l’empêchait pas d’exprimer une générosité sans bornes, ainsi qu’un amour trépidant pour tout ce qui l’entourait. Certes, les animaux étaient du premier cercle. Mais sa petite-fille Laetitia, qui vivait avec elle, était aussi sa (grande) joie. Et quant à moi – je ne peux parler de mon frère Régis -, je tremble rétrospectivement à l’idée que j’aurais pu ne pas connaître cette vieille bique de tata Thérèse.

Entre mes six et mes douze ans, alors même que je n’allais la visiter que (bien trop) rarement, elle m’a donné l’inexprimable de la vie. Elle m’a montré sans discours qu’une autre existence est possible, aussi baroque et bancroche qu’elle ait pu paraître aux innombrables fâcheux du quotidien. Elle était la fantaisie, la folie, le bonheur, elle m’aura donné le meilleur sans jamais seulement le savoir. Elle illustrait à merveille le sous-titre de Planète sans visa. Car, oui, elle pratiquait chaque matin « une autre façon de voir la même chose ».  Elle était dotée d’une âme. Elle m’a appris la présence de l’âme. Elle est donc immortelle. Et je l’aime par-delà la mort, qui n’est rien.

Un livre de photos (pour les fêtes ?)

Je suis bien embarrassé, car je suis obligé – par moi-même – de vous parler d’un livre où j’ai une place. Il y a deux ans, je crois, j’ai croisé la photographe Sylvia Tostain, qui m’a parlé alors d’un projet étrange. Elle voulait faire un livre de photos, accompagnés de textes, qui présenteraient la galaxie écolo d’aujourd’hui en France. Qui irait de Daniel Cohn-Bendit – horreur, malheur – à Christian Vélot, de Serge Orru, du WWF, à Nicolas Hulot, de Gilles-Éric Séralini à Corinne Lepage, d’Yves Cochet à Allain Bougrain-Dubourg, de Marie-Monique Robin à Katia Kanas, de José Bové à Jean-Claude Pierre, de Michèle Rivasi à…moi-même.

Le livre était improbable, le projet semblait démesuré compte tenu des moyens de Sylvia, et au profond de moi, j’avais des doutes sur l’avenir d’un ouvrage aussi bizarroïde. J’ai aidé néanmoins Sylvia, comme je l’ai pu, et elle a fini par gagner, se passant, bien obligée, d’éditeur. À l’arrivée, comme vous le verrez peut-être, le résultat est unique. Inattendu, curieux en diable, mais bel et bien réussi. Je précise que chaque double page est occupée par un personnage de la scène – ce mot convient-il ? – écologiste française. Avec une biographie courte mais sérieuse, quelques phrases de sa main, et même une signature. Après l’avoir regardé plus d’une fois, j’en tire la conclusion qu’il nous offre un panorama vrai de ce qui est. Une sorte de plongée dans un mouvement que je juge pour ma part englué, et même perdu, mais qui existe en tout cas.

Reste la question du prix de 35 euros, qui n’est pas rien. Il va de soi qu’il faut de l’argent pour débourser une telle somme, et je pense en priorité à ceux qui ne l’ ont pas. Évidemment. Reste que ce livre a toutes les chances de devenir collector, car il a su saisir avec finesse ce qu’est une galaxie. Sylvia est une femme plus optimiste que moi, même si elle s’en défendrait peut-être. Mais n’avons-nous pas besoin d’espoir ? Cela va de soi. En tout cas, je crois bien vous avoir trouvé un cadeau de Noël ou du Nouvel An. Et ma photo personnelle me flatte. J’en ai assez dit, et même trop dit. En tout cas, c’est fait.

Ci-dessous, divers textes de Sylvia Tostain. Il y a une adresse sur le net :  http://www.messages-pour-un-monde-meilleur.fr/
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« Messages pour un Monde Meilleur » de Sylvia Tostain
50 acteurs pour la Planète réunis autour d’un même combat : laisser à nos enfants une Terre vivante.

« Messages pour un Monde Meilleur » est un ouvrage dans lequel la photographe Sylvia Tostain raconte l’histoire de notre planète malmenée, à travers les portraits de personnalités engagées dans des combats pour la protéger et laisser à nos enfants une Terre vivante…
Ce projet personnel, mené de manière originale et inédite sous la forme d’un recueil artistique où la photo côtoie l’écriture, est devenu un ouvrage collectif où chacun signe de sa plume un « Message pour un Monde Meilleur ».

Des personnalités remarquables

Ethnologues, agronomes, médecins, scientifiques, porte-paroles et représentants d’associations, militants, agriculteurs, éleveurs, apiculteurs, ou encore politiques, juristes, économistes ou philosophes…

Arnaud Apoteker, Claude Aubert, Youri Bandazhevsky, Émilie Barrucand, Sandrine Bélier, Dominique Belpomme, Jean-Pierre Berlan, Marie-Christine Blandin, Allain Bougrain Dubourg, Lydia & Claude Bourguignon, Jacques Boutault, José Bové, Jean-Michel Calut, André Cicolella, Henri Clément, Yves Cochet, Daniel Cohn-Bendit, Roland Desbordes, Philippe Desbrosses, Benjamin Dessus, Dany Dietmann, Marc Dufumier, Michel Fernex, Véronique Gallais,Emmanuelle Grundmann, Nicolas Hulot, Katia Kanas, Guy Kastler, Serge Latouche, Lylian Le Goff, Gilles Lemaire, Corinne Lepage, Fabrice Nicolino, Serge Orru, Jean-Marie Pelt, Claude-Noëlle Pickmann,Jean-Claude Pierre, Isabelle Poitou, Michel Prieur, Jean-patrick Razon, Michèle Rivasi, Marie-Monique Robin, François Sarano, Gilles-Éric Séralini, Wladimir Tchertkoff, Jacques Testart, Christian Vélot, François Veillerette, Patrick Viveret, Ghislain Zuccolo

Sylvia Tostain est partie à leur rencontre et les a photographiés … comme l’étaient les acteurs des années 50. « Messages pour un Monde Meilleur » est un projet créatif qui réunit deux univers photographiques : Sylvia Tostain présente ses portraits en noir & blanc sur les images de Frédéric Di Méglio, mondialement primé pour ses magnifiques photographies d’univers subaquatiques. Un choix guidé par une démarche tant artistique que symbolique, pour raconter l’histoire de la Terre, la planète bleue…

Ce projet est édité par l’association « Mouvement artistique pour un Monde meilleur», qui a pour but de développer des projets culturels autour de sujets ayant trait à l’environnement et au social.
L’ «Association La Nef», la «Fondation Nature Vivante», l’association «Générations Futures», «Stella Studio», et le «WWF France» y ont apporté leur soutien.

En savoir plus :

Extrait du livre en ligne : http://www.mamm.fr/flipbook2_mmm_extrait/flipbook2.htm
Dossier de presse : http://www.messages-pour-un-monde-meilleur.fr/medias/documents/Livre-MMM_Com-presse_4p-print.pdf

Le livre est vendu par internet sur le site de l’association, et dans les Biocoop (320 magasins en France).
Format : 24 cm x 32 cm, couleur, 144 pages;
imprimé sur papier PEFC avec des encres végétales

Association Mamm
www.mamm.fr

Sur Durban (rien à ajouter à ce qui suit)

Je critique beaucoup, et compte bien continuer. Mais j’ai aussi des affinités. Parmi les associations écologistes « officielles », nul doute à mes yeux que les Amis de la Terre sont un cas à part. Je connais, un peu au moins, certains de ses membres. Je trouve des gens comme Sylvain Angerand ou Christian Berdot simplement formidables. Et même si je sais moins au sujet de Martine Laplante, Caroline Prak, Alain Dordé, Laurent Huttinet, tout m’indique qu’ils sont valeureux. En conséquence de quoi, je vous glisse ci-dessous le bilan tiré par les Amis de la Terre du minable sommet climatique qui vient de s’achever en Afrique du Sud. Non, rien à ajouter.

Durban : un sommet qui touche le… fond.

Montreuil, le 12 décembre 2011 – A Durban, on s’est mis d’accord pour continuer à discuter en vue d’un accord, en 2015, qui devrait préfigurer d’un autre accord plus ferme, qui pourrait entrer en vigueur en 2020, si on est d’accord pour fixer des objectifs contraignants, sans savoir si ces objectifs auront un quelconque effet sur les climats. C’est ce qu’on appelle « une avancée considérable ».

Le Protocole de Kyoto est entré en vigueur en 2005. Dans l’esprit de ses auteurs, le plus gros effort devait d’abord être fait par les pays qui, pendant des décennies, ont produit des gaz à effet de serre et sont historiquement responsables des changements climatiques auxquels nous assistons aujourd’hui.

Le protocole prévoyait une baisse des émissions de gaz à effet de serre entre 2008 et 2012,  de 5,2 % par rapport au niveau de 1990 pour les états industrialisés. De 1990 à 2008, le Japon a augmenté ses émissions de 6,5 %, les Etats-Unis de 16 %, l’Australie et la Nouvelle Zélande de 25 %, le Canada de 28 %. La France les a diminuées de 0,8%. (A noter les résultats de l’Allemagne : -17 %) (1).

Face à l’immobilisme des grands pollueurs historiques, les pays émergents comme la Chine et l’Inde se font prier et ne veulent pas remettre en cause leur croissance industrielle. L’Union européenne joue toujours un rôle ambigu, entre des ambitions affichées et des actes souvent modestes, sans compter son soutien actif à de nombreuses fausses solutions nuisibles socialement et écologiquement comme les marchés carbone, la compensation et les agrocarburants.

Entre ces deux fronts, les pays les plus pauvres subissent déjà lourdement les changements climatiques. Pour le nigérian Nnimmo Bassey président de la Fédération Internationale des Amis de la Terre : « Ce que les pays riches doivent entendre haut et fort, c’est que l’Afrique ne veut pas payer pour leur crise. Tout autre accord qu’un accord juridiquement contraignant avec de fortes réductions des émissions pour les pays développés, dans une seconde phase d’engagements du Protocole de Kyoto, doit être appelé par son nom : ce sera un permis d’incinérer l’Afrique et ses peuples. »

L’accord de Durban prévoit qu’un Fonds Vert soit être mis en place. Les pays industrialisés se sont engagés à payer 100 milliards de dollars, mais pour l’instant le vert reste la couleur de l’espoir et pas encore celle des dollars. Pour les Amis de la Terre, ce Fonds n’est pas une aumône, mais seulement le remboursement des dettes écologiques et climatiques des pays riches envers les pays qu’ils ont pillés ou qui supportent déjà les changements climatiques.

Pour Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre France : « Ce nouveau traité est une ruse pour détourner l’attention du monde, de l’échec des pays développés à respecter les engagements existants de réduire leurs émissions. Nous n’avons pas besoin d’un nouvel accord. Il y en a un qui existe déjà. Un nouveau mandat sera une porte ouverte à la dérégulation en matière de climat, les pollueurs continueront à polluer, les spéculateurs tireront profit de la pollution  et le reste du monde devra supporter le fardeau de la crise climatique ».

Les Amis de la Terre craignaient que l’agriculture et les forêts ne soient introduites dans les mécanismes de la finance carbone. Les délégués se sont mis d’accord sur le très contesté programme REDD (programme de réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts). Des financements privés et des mécanismes basés sur le marché  pourront financer ces programmes. Un groupe de travail va aussi préparer l’éventuelle entrée de l’agriculture dans ces mécanismes. On livre les forêts et l’agriculture à la spéculation aux dépens des humains les plus vulnérables et des climats.

Pour Bobby Peek de groundWork (Amis de la Terre d’Afrique du Sud) : « On voit très bien ce qui conditionne l’ordre du jour des discussions. De plus en plus de pays viennent à ces négociations sur le climat avec un seul objectif en tête : défendre et promouvoir les intérêts de leurs industries polluantes et de leurs multinationales et pour s’opposer à tout effort mondial pour aboutir à un accord juste et solide qui lutte contre les changements climatiques. Beaucoup de pays profitent de ces négociations climatiques pour impulser de fausses solutions dangereuses pour les climats comme l’expansion des marchés carbone. »

Mithika Mwenda a participé à la Caravane de l’Espoir organisée par l’Alliance Pan-Africaine pour la Justice Climatique. Elle est partie du Burundi et a traversé l’Afrique jusqu’à Durban. Pour lui : « Les climats, c’est comme le Titanic. Les pays riches pensent qu’ils vont s’en sortir. C’est sûr qu’avec le peu de ressources qu’elle a pour s’adapter, l’Afrique coulera en premier, comme les passagers de troisième classe. Mais à la fin, tout le monde coulera. Personne n’y échappera, nos sorts communs sont étroitement et intimement liés. »

(1) http://unfccc.int/files/essential_background/background_publications_htmlpdf/application/pdf/ghg_table_06.pdf

Avis en passant aux réparateurs de vélocipèdes (sur le rôle des rustines)

Exceptionnellement, j’entends rester dans les limites si pauvrement étroites de notre France. Où l’on verra, je pense, que la sociologie et la politique ordinaires mènent tout droit à la crise écologique planétaire, pour peu que l’on s’accorde « une autre façon de voir la même chose », sous-titre de Planète sans visa. Les amis, autant asséner le pire maintenant (rires préenregistrés) : la France n’est plus. La société que j’ai connue, celle où j’ai grandi, dans laquelle j’ai cru à la révolution, où les ouvriers – dont je fus – étaient des ouvriers, votant à gauche parce qu’ils étaient des ouvriers, ce pays a disparu.

Faut-il parler d’un trou noir, dans lequel toute la matière sociale se serait engloutie ? Je le crois. Les classes sociales existent encore, certes  – elles sont consubstantielles à la formation sociale que nous connaissons -, mais enfin, leurs frontières ne sont plus reconnues. Et la mythologie associée jadis à la classe ouvrière, pendant de celle liée à la bourgeoisie, a explosé comme un ballon rouge de l’enfance. Que reste-t-il ? Je vous invite à lire, si ce n’est déjà fait, le dossier du journal Le Monde consacré à la France invisible. Une France des villes moyennes, des territoires ruraux désertés, ou encore du « périurbain », pour reprendre une expression immonde (c’est ici). Une coupure nette oppose chaque jour un peu plus ceux qui profitent, depuis les métropoles, de l’infernale mondialisation, et tous les autres, plus nombreux, mais sans relais social, culturel, politique.

Pour moi, ce constat est une évidence. Nous n’appartenons plus à la même société. Mais je souhaite ajouter mon grain de poivre, ma poudre de piment à moi. Les objets et techniques, qui jouent un rôle central dans la crise écologique en cours, fragmentent chaque jour davantage la France. Chaque jour qui passe ajoute au désastre, repoussant de plus en plus loin la perspective d’une réaction unique, collective, décisive, à ce qui nous menace tant. Prenons ensemble quelques exemples. Le Net, par exemple, si fortement défendu ici même, à l’occasion, dans tant de commentaires. Le Net atomise comme peu de technologies le pourraient. Il est à lui seul un formidable trip individualiste. Mais surtout, songez à tous ceux qui sont de l’autre côté du miroir. Allons, un effort.

Des millions d’êtres, chez nous, sont constamment humiliés de ne pas savoir se servir comme il faut de cet engin moderne. Des vieux, des paysans, des urbains aussi et bien entendu. La presse n’est qu’un seul hymne au Net depuis près de quinze ans. Il faut surfer, adresser des mails, acheter on line. Et tous ceux qui ne peuvent ou ne savent, quel est leur sort, selon vous ? Il est souffrance. Les machines et les automates, omniprésents dans la vie quotidienne, ajoutent à ce cauchemar. Habitant la région parisienne, j’ai vu ce que tout le monde peut constater. Ces saloperies de machines qu’on trouve dans les stations de métro ou les gares de la SNCF coupent en morceaux les usagers qui y ont recours. Combien ai-je vu de ces gens, en plein Paris du XXIème siècle, renoncer à acheter un billet parce qu’ils ne comprenaient rien aux manipulations nécessaires ? Abandonnant pour la raison qu’une file d’impatients, derrière eux, réclamaient la place ? Dans le métro, il me semble que c’est pire, car dans un nombre croissant de stations, on ne peut plus acheter de billets aux employés, qui ne délivrent plus que des « informations ».

On ne peut que tenter d’imaginer la situation des étrangers, des bancals et boiteux de la vie, des très jeunes, des très vieux, des innocents, bref de tous ceux qui ne sont pas « entrés dans la modernité ». On pourrait évidemment multiplier les exemples, notamment à propos de ces numéros de téléphones surtaxés, qui rendent fous ceux qui sont pourtant obligés de les utiliser. Pour ce qui me concerne, j’ai souvent renoncé à obtenir des informations de Gaz de France, de la hotline du Net, de France Telecom bien sûr, de la Poste pardi. Je peux du même coup imaginer ce qu’est la vie de chaque jour pour des millions de largués de ce monde insupportable. Dans le même temps que la consommation de biens matériels explosait – disons depuis 1960 -, nous avons subi une régression incommensurable du plaisir des choses simples et des services humains. Cela, je vois bien que pas un politique n’en parle.

Telle est pourtant l’une des clés de la crise civilisationnelle dans laquelle nous sommes si gravement plongés. Jadis, voici quelques décennies, le facteur venait à domicile présenter des lettres et mandats papier, et ne manquait pas de bousculer le règlement pour rendre service à des usagers qui le connaissaient et l’estimaient. La Poste est aujourd’hui dans les mains de petits connards qui préparent une privatisation qu’on en arriverait à souhaiter, tant le service autrefois public s’est dégradé.

Qui entend faire de la politique en France doit et devra toujours plus faire le bilan de ces dégradations essentielles dans la manière de vivre ensemble. Qui entend parler de la crise écologique doit et devra toujours plus mettre l’objet et la technique au cœur de la pensée critique. Il faut placer le combat dans tout ce qui nous échappe à force d’être évident : la télé, la  bagnole, le Net et le numérique, donc la vitesse, la disparition accélérée des seuls contacts qui vaillent, c’est-à-dire entre humains, et non entre humains et machines. Ce seul programme, pourtant élémentaire, paraîtra extrémiste à certains. Et il est manifeste qu’il l’est. Comme j’ai pu déjà le dire ou l’écrire, c’est la situation générale qui est devenue extrémiste. Ceux qui croient encore dans le pouvoir des rustines devraient se contenter de réparer les vélos.