François Hollande est un homme politique dérisoire. Chacun a bien vu qu’il n’avait été élu que par défaut, grâce à la détestation de l’autre. Et maintenant qu’il est nu, ma foi, il est nu. Je dois dire que je n’ai pas même d’antipathie pour lui. J’imagine que, dans d’autres circonstances, j’aurais pu jouer au baby-foot avec lui, activité de bistrot où j’ai longtemps excellé, soit dit sans me vanter. Ajoutons qu’il est moins drôle dans son rôle de petit flic de la croissance. Ce jour est à marquer d’une pierre noire, car la soldatesque est à nouveau intervenue contre les Braves de Notre-Dame-des-Landes. Si les écologistes officiels – des ONG jusqu’au parti Europe-Écologie-Les-Verts – étaient autre chose que des plaisantins sinistres, il est bien évident que des routes seraient partout barrées, et pas seulement dans la région concernée. Aucun ne semble avoir même eu l’idée d’une vaste manifestation nationale à Nantes, qui aurait été le minimum. C’est très con, car c’est vain, mais j’ai honte pour eux.
Revenons à Hollande. Il n’y a rien à attendre de lui pour des raisons multiples. La principale est que la nature et ses crises empilées ne fait pas partie de ses préoccupations. Ni le vaste monde et ses épouvantables contradictions, ni la famine pourtant omniprésente, ni l’immense désastre chinois, dont nous sommes pour le moins coresponsables. Et ne parlons pas, car à ce stade, c’est dépourvu de sens, du sort du loup, de l’ours et du lynx, animaux qui nous font l’immense honneur de cohabiter avec nous sur le territoire qu’ils appellent la France. Il n’y a rien à attendre de Hollande et de sa bande de clampins, et il convient de faire une croix sur ce quinquennat, du moins du point de vue qui est le mien, qui est la défense de la vie sur Terre.
Tous les lecteurs de Planète sans visa n’en sont pas convaincus, de loin. Et c’est aux dubitatifs que je dédie ce qui suit. Le Monde d’avant-hier a publié une série d’articles intéressants sur « Les hommes du Président ». On pénètre, non sans quelque appréhension, dans les coulisses des innombrables réunions où sont calées les grandes décisions. Je vous mettrai ci-dessous les textes eux-mêmes, en espérant que Le Monde ne m’en voudra pas trop. De la sorte, et en conscience, vous pourrez juger le tout à votre goût, y compris mon point de vue.
Mais voyons. Dans la garde très rapprochée de Hollande ne figurent guère que des énarques, dont beaucoup ont suivi les cours de cette grande école – l’ENA – en même temps que le président il y a plus de trente ans. Des fidèles, donc. Mais en même temps, quelle infernale pauvreté ! Une seule et même vision de problèmes pourtant assez complexes pour dérouter les meilleurs des intellectuels. Or ces gens ne sont pas les meilleurs intellectuels de la place, de fort loin. La décision publique est en réalité concentrée entre les mains d’aveugles et de mal-entendants. Qui ont si peu vécu, si peu entendu d’opinions discordantes qu’ils croient que leur formation lilliputienne les autorise à parler de tout. À trancher de tout. Une mention pour Aquilino Morelle, qui passe pour être la plume du Président. Il était le directeur de cabinet de Montebourg au moment des primaires socialistes précédant l’élection présidentielle. Il avait servi également Jospin à Matignon, en 1997. Le cas est intéressant : qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
Évidemment, aucun n’a la moindre idée de l’existence d’une crise écologique planétaire qui est la question essentielle de notre époque. Évidemment. Nicolas Revel, secrétaire-général adjoint de l’Élysée, dispose de 11 conseillers pour lui tout seul. Ses tâches, telles que rapportées par Le Monde sont en effet immenses : « sa “feuille de route” des prochains mois : “Contrats de génération, sécurisation de l’emploi, mise en œuvre des outils opérationnels de la conférence environnementale”, sans oublier la préparation pour le début 2013 d’un projet de loi sur la décentralisation, un dossier qu’il suit également de près ». Je ne sais pas si vous me suivrez, mais j’ai un faible pour cette expression extra-terrestre : « mise en œuvre des outils opérationnels de la conférence environnementale ». Voilà un aveu si direct, si complet de la vérité profonde de ces personnes que c’est en est confondant. Voilà ce que pensent ces petites Excellences. Outils, opérationnels : il faut et il suffit de tirer l’échelle.
Le cas Macron confine au sublime. Emmanuel Macron a été choisi au milieu des mêmes pour servir au poste stratégique de secrétaire-général adjoint de l’Élysée. Il sait à peu près tout, décide de beaucoup, et comme la petite Cour élyséenne le désigne comme une sorte de Mozart de la politique – Joannes Chrysostomus Wolfgangus Theophilus, sache que je suis le premier désolé de cet absurde rapprochement -, il règne assurément. Or qui est-il ? Âgé de 34 ans seulement, Macron a déjà un pedigree qui en jette. Une grand-mère directrice d’école, des parents médecins, l’école chez les Jésuites, lauréat du Concours général de français à 16 ans, Prix de piano du conservatoire d’Amiens, l’ENA on s’en doute, inspecteur général des Finances, puis un titre dans le privé d’ associé-gérant chez Rothschild.
Banquier d’affaires, Macron a convaincu l’alors patron de Nestlé, Peter Brabeck, d’acheter la branche aliments du groupe Pfizer, pour la bagatelle de 12 milliards de dollars. Bien entendu, quantité de gens de droite, à commencer par le controversé François Pérol, à la fois ancien de chez Rothschild et ancien secrétaire général adjoint de Sarkozy à l’Elysée, le portent aux nues. Ajoutons pour faire bon poids que ce laudateur de l’industrie transnationale a été le le rapporteur adjoint de la fameuse Commission pour la libération de la croissance française. Oui, celle de Jacques Attali, l’immarcescible Attali, qui recommandait dans son rapport de 2008 de tout faire pour « libérer » la croissance française. Et d’accélérer donc la destruction de tout ce qui tient encore debout.
Eh bien, ce même Attali est celui-là même qui a présenté Macron à Hollande. Leur monde est si petit. Résumons mon propos : nul, dans l’entourage de Hollande, ne lui parlera jamais des limites physiques indépassables de la planète. Nul ne lui conseillera jamais de ne pas construire l’aéroport maudit de Notre-Dame-des-Landes. Nul n’évoquera jamais la Chine sous l’angle de l’inévitable catastrophe qu’elle annonce. Nul ne lui dira qu’il entrerait dans l’Histoire en interdisant d’un seul mouvement pesticides et biocarburants. Nul ne lui glissera de renoncer à tout jamais à l’exploitation de combustibles fossiles de notre sous-sol, en préalable à une authentique mobilisation contre le dérèglement climatique. Nul ne lui recommandera de dire cette évidence, pourtant, que la bagnole individuelle est une tragique impasse pour toute l’humanité, du nord au sud. La liste n’est pas limitative. Elle est précisément sans limites.
Le constat, froid malgré l’apparence, que Hollande et ses amis nous éloignent d’éventuelles solutions aux terribles problèmes de l’heure, ce constat a de nombreuses conséquences sur lesquelles je vous laisse réfléchir. Ces gens sont en tout cas, à mes yeux, détestables. Et je tiens au mot : détestables.
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Autour de François Hollande, un quintet plus technique que politique
LE MONDE | 27.10.2012 à 11h30 • Mis à jour le 27.10.2012 à 11h32
Par David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder
Aquilino Morelle, conseiller politique
Non, Aquilino Morelle n’a pas changé. « Je suis toujours le même, assure-t-il. J’ai les mêmes analyses, sensibilités, perceptions et défauts. » Directeur de campagne d’Arnaud Montebourg, sur l’aile gauche, pendant la primaire socialiste, « noniste avéré », le conseiller politique du président, 50 ans, dont la ligne politique n’est pas précisément celle-ci, exclut néanmoins de « travestir a pensée, faire des calculs » et juge « indispensable » de conserver une certaine liberté de ton. « La fonction n’a de valeur qu’à cette condition, sinon elle ne vaut rien, dit-il. Si un conseiller dont la vocation est de parler de politique avec le président ne peut pas dire librement ce qu’il pense d’une situation ou d’un projet, il ne sert à rien. »
Docteur en médecine et énarque, M. Morelle, qui n’a jamais réussi à se faire élire et se verrait volontiers ministre de la santé, se fait donc un devoir, lors de ses discussions quotidiennes avec le président, de n’éviter aucun sujet. Même les plus sensibles. « Il faut le faire avec tact et au bon moment, mais je n’ai pas le droit d’hésiter à dire quelque chose au président », explique-t-il.
Une franchise politique rendue possible, selon un autre conseiller de l’Elysée, par sa « proximité particulière » avec François Hollande, laquelle remonte à l’ère Lionel Jospin, dont M. Morelle fut la plume à Matignon. Outre le « conseil politique pur », les notes et les propositions, il consacre une bonne part de son temps, dans l’ancien bureau de Valéry Giscard d’Estaing et d’Henri Guaino à gauche de celui du président, à l’écriture des discours présidentiels, souvent jusqu’à une heure avancée de la nuit. Et à un « porte-parolat officieux », même s’il réfute le terme de story telling : « Je n’ai pas l’impression de raconter un récit, une histoire car il y a un côté raconter des histoires. Je réponds aux interrogations de la presse, j’essaie de l’aider à comprendre ce qu’il se passe. »
LE SUPER-RÉGALIEN
Sylvie Hubac, directrice de cabinet
Dans le top management de l’équipe présidentielle, c’est sans doute la plus discrète, celle qui évite le plus le contact avec les journalistes. Sylvie Hubac, 56 ans, directrice de cabinet de M. Hollande, n’en occupe pas moins une place essentielle dans le dispositif, qui s’est vue attribuer un « portefeuille plus large » que ses prédécesseurs, selon l’Elysée. Outre la gestion du palais, et notamment l’application des restrictions budgétaires, elle pilote les contacts du président avec les grandes institutions et supervise « un certain nombre de sujets régaliens », des questions judiciaires et policières au mariage pour tous.
Ce qui n’est pas allé sans quelques difficultés de frontière et « petits conflits territoriaux » avec le secrétaire général adjoint Nicolas Revel, notamment sur la décentralisation, selon un habitué de l’Elysée. Tous deux ont piloté de concert la réception des représentants des départements et des régions, et celle des présidents d’agglomérations, prévue mardi 30 octobre.
Enarque, issue comme François Hollande et Pierre-René Lemas de la promotion Voltaire de l’ENA, cette conseillère d’Etat considère sa tâche auprès du président de la République comme « l’aboutissement d’un engagement, le service d’un projet au plus haut niveau ». « C’est unique », ajoute Mme Hubac, mettant en avant une « exigence de réussite ». La directrice de cabinet du chef de l’Etat, ex-directrice nationale de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles et ancienne présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, manifeste un goût prononcé pour les spectacles et tente de continuer à y assister malgré son agenda, même si celui-ci la contraint souvent à n’arriver qu’à l’entracte.
LA « TOUR DE CONTRÔLE »
Pierre-René Lemas, secrétaire général
Il est « la tour de contrôle », comme le dit un des piliers de l’équipe. Celui qui « voit tout » et par qui « tout passe ». Le principe est simple : « il ne peut y avoir une note ou une information qui lui échappe ». Bras droit d’un président jaloux de sa liberté, Pierre-René Lemas, 61 ans, connaît trop bien François Hollande – ils étaient ensemble à l’ENA – pour savoir que celui-ci a aussi ses propres canaux. Mais lui veille à ce que la « machine » tourne efficacement, en y mettant la part de rondeur et la bonhomie qui le caractérise.
Décrit comme « très convivial » et « très facile », Pierre-René Lemas fait partie, comme Bernard Rullier, le conseiller parlementaire du président, de ceux que François Hollande a fait venir de chez Jean-Pierre Bel, le président du Sénat. Pierre-René Lemas en dirigeait le cabinet. Outre ses liens anciens avec le président, il a pour lui un parcours d’une grande diversité : un temps journaliste, passé par les cabinets de Gaston Defferre et de Pierre Joxe dans les années 1980, ce qui a achevé de faire de lui un décentralisateur convaincu, il a connu des moments délicats comme préfet en Corse, et connaît le coeur de l’appareil d’Etat pour avoir été directeur général de l’administration au ministère de l’intérieur de 2000 à 2003.
« C’est un fonctionnaire, mais ce n’est pas un technocrate. C’est un préfet, il connaît la réalité sociale, locale, syndicale. Il n’a pas une vision désincarnée des dossiers », constate l’un de ceux qui le côtoient chaque matin à la réunion qu’il préside dans son bureau d’angle du premier étage du palais de l’Elysée, où il est rare qu’il reçoive un visiteur sans lui demander, au bout de quelques brèves minutes, s’il l’autorise à allumer une cigarette.
LE SINOLOGUE
Paul Jean-Ortiz, sherpa
Il fait partie de ces hommes qui ne cherchent guère à en imposer. Réservé, sans goût pour l’épate, Paul Jean-Ortiz, 55 ans, n’a rien de ces diplomates de salon qui vous expliquent doctement la façon dont tourne le monde. Les journalistes en savent quelque chose : au 2, rue de l’Elysée, dans l’une des annexes du palais où se trouve la cellule diplomatique de la présidence de la République, les « briefings » qu’il tient avant les déplacements à l’étranger du président, parfois difficiles à suivre tant ils sont dits d’une voix basse, sont tout sauf des leçons-spectacles truffées de formules définitives.
S’il s’était rapproché de François Hollande environ deux ans avant l’élection, « PJO », comme on l’appelle souvent, sait que sa nomination comme « sherpa » du président en a étonné plus d’un. A ceux qui croyaient en leurs chances et le faisaient parfois savoir, le président a donc préféré cet ancien collaborateur d’Hubert Védrine dont la démarche un peu nonchalante et l’humour pince-sans-rire cachent « un gros bosseur très précis et ultra méthodique », comme le décrit un membre de l’équipe.
Parfaitement bilingue en chinois, ancien consul à Canton et conseiller d’ambassade à Hanoi et Pékin, Paul Jean-Ortiz était directeur Asie et Océanie au ministère des affaires étrangères quand François Hollande l’a appelé à ses côtés. A l’Elysée, il dirige une équipe d’une dizaine de conseillers, et est assisté pour les questions européennes par Philippe Léglise-Costa, 45 ans, ancien numéro deux de la représentation permanente de la France auprès de l’UE.
L’AUTRE HOMME DE DOSSIERS
Nicolas Revel, secrétaire général adjoint
Depuis le début, il est l' »autre » secrétaire général adjoint, celui que l’on cite toujours en second tant Emmanuel Macron, son alter ego de onze ans son cadet, a le don de capter la lumière. Dans le bureau qu’occupait avant lui Christian Frémont, le directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy, Nicolas Revel semble en avoir pris son parti : « Je me définis en creux », répond-il quand on l’interroge sur sa place dans le dispositif élyséen.
Le creux, pourtant, ne signifie pas le vide, loin de là. Car après avoir précisé qu’il ne s’occupe « ni de l’économie ni du super-régalien », domaines respectifs d’Emmanuel Macron et de Sylvie Hubac, Nicolas Revel vous fait vite comprendre que son périmètre est large (« les ministères sociaux, l’éducation, la culture, la recherche… »). Et qu’il n’a pas de trop de onze conseillers autour de lui pour appliquer sa « feuille de route » des prochains mois : « contrats de génération, sécurisation de l’emploi, mise en oeuvre des outils opérationnels de la conférence environnementale », sans oublier la préparation pour le début 2013 d’un projet de loi sur la décentralisation, un dossier qu’il suit également de près. « L’objectif est clair : c’est que soient lancés avant l’été les principaux véhicules de transformation de la vie quotidienne », dit-il.
Conseiller-maître à la Cour des comptes, Nicolas Revel ne connaissait pas François Hollande avant d’entrer à l’Elysée, qu’il a rejoint après neuf années passées auprès de Bertrand Delanoë comme directeur-adjoint puis directeur du cabinet à la mairie de Paris. Autour du président, il fait partie de ces conseillers discrets qui fuient plus qu’ils ne cherchent le contact avec la presse. Peut-être parce que c’est un monde que ses parents, Claude Sarraute et Jean-François Revel, lui ont fait trop bien connaître.
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Emmanuel Macron, monsieur superlatif
LE MONDE | 27.10.2012 à 11h55 • Mis à jour le 27.10.2012 à 11h56
Par Claire Guélaud
Tous ou presque en parlent au superlatif : ses camarades de promotion, ses anciens collègues de l’inspection des finances, ceux qui travaillent avec lui à l’Elysée. Emmanuel Macron ? « C’est la star de l’équipe. Il a tout ce qu’il faut pour son poste, avec en plus un profil un peu décalé », assure un conseiller du président. « Un garçon de cette qualité humaine et intellectuelle, je n’en ai pas rencontré tous les dix ans », dit Jacques Attali, qui fit de lui le rapporteur adjoint de la commission pour la libération de la croissance française.
« Sympathique et ouvert », complète Claude Bébéar, figure du capitalisme français et président de l’Institut Montaigne, qui loue son « expérience de haut fonctionnaire » et sa « bonne vision de l’économie. Au poste qu’il occupe, c’est un atout. Trop de princes qui nous gouvernent ne savent pas de quoi ils parlent ».
A 34 ans, Emmanuel Macron est tout sauf un secrétaire général adjoint de l’Elysée « normal ». Il est bien trop jeune. Trop talentueux. Trop séducteur. Son CV est si impeccable qu’il en est presque décourageant : lauréat du Concours général de français à 16 ans, Troisième Prix de piano du conservatoire d’Amiens, sorti dans les dix premiers de l’ENA (promotion Léopold Sédar Senghor), associé-gérant chez Rothschild à 33 ans ! Où qu’il soit, il capte la lumière. Il séduit. On le courtise.
Aider à définir la stratégie, apporter des idées et de l’imagination, donner l’alerte : tel est son rôle, tout en influence. Dans l’affaire des « pigeons », ces patrons qui se sont mobilisés sur le Web contre l’alourdissement de la taxation des plus-values de cession d’entreprise, le recul du gouvernement a été décidé en commun par Emmanuel Macron et Christophe Chantepy, le directeur de cabinet du premier ministre.
Sur le chantier en cours de la compétitivité, décisif pour l’économie française – et il le sait –, il a suivi les méandres du président, qui a dit tout et son contraire sur le coût du travail. Comme lui, il s’est rangé in fine à l’avis de Bercy : la priorité, en 2013, c’est de protéger la demande pour éviter une rechute. L’idée défendue par l’Elysée d’une trajectoire de compétitivité, une baisse massive des charges des entreprises programmée sur la durée du quinquennat et compensée par une hausse de la CSG, n’a pas résisté aux menaces de récession.
« IL ASSIMILE TRÈS VITE »
Le secrétaire général adjoint de l’Elysée peut jouer un rôle moteur mais il met rarement les mains dans le cambouis, sauf sur le G20 et sur l’Europe, en préparant les conclusions des conseils européens. « Les sujets sont devenus si techniques que la qualité des échanges entre la filière des finances et celle des collaborateurs de chefs d’Etat ou de gouvernement est vitale, explique le directeur du Trésor, Ramon Fernandez. Et cela est vrai dans tous les pays, quelle que soit la configuration politique. »
Le haut fonctionnaire ne voit guère de différence à travailler avec Emmanuel Macron ou avec Xavier Musca, l’ancien secrétaire général de Nicolas Sarkozy. L’échange est continu et il arrive au directeur du Trésor de se rendre dans le bureau du « SGA » quand celui-ci est en conférence télévisée avec un de ses homologues européens : « Il assimile très vite toutes les informations que nous lui transmettons, et il apporte ses idées. Puis il mène la négociation avec ses correspondants. Il tient ses positions sans jamais être péremptoire, agressif ou autoritaire », juge-t-il.
Plus que ses dons intellectuels – qu’une grand-mère directrice d’école, des parents médecins et les jésuites du lycée La providence d’Amiens ont fait grandir –, c’est son sens des relations humaines qui fait la différence. « Il a une capacité incroyable à tisser des liens avec des gens très différents », dit son ami Jean-Baptiste Nicolas, consultant au Boston Consulting Group. « Il a un sens inné des rapports de force », ajoute un de ses anciens chefs, qui préfère rester anonyme. Les membres de la commission Attali gardent le souvenir d’un facilitateur modeste.
Emmanuel Macron, toutefois, n’est pas seulement ce garçon « urbain, raffiné, élégant, un peu vieux jeu » que décrivent ses amis. L’ancien secrétaire de l’association des membres (et anciens membres) de l’inspection générale des finances, a aussi le sens du relationnel utile. A la commission Attali, il avait noué de bonnes relations avec le PDG de Nestlé, Peter Brabeck, qui ne passait pas pour une personnalité commode. En homme averti, le jeune inspecteur des finances a maintenu ce précieux contact qui fut à l’origine d’un de ses faits d’armes chez Rothschild : le rachat, sur ses conseils, par Nestlé de la branche aliments pour enfants du groupe Pfizer, pour 12 milliards de dollars…
Emmanuel Macron est entré en 2008 dans cette banque d’affaires, qui favorise les allers et retours entre le public et le privé et où plusieurs bonnes fées l’avaient recommandé. « Il était fait pour le métier de banquier d’affaires, qui suppose que l’on sache se mettre dans les chaussures de son client », explique François Pérol, président de BPCE, ancien de chez Rothschild et premier secrétaire général adjoint de Nicolas Sarkozy à l’Elysée.
« IL A EU PLUSIEURS VIES »
Le parcours de premier de la classe d’Emmanuel Macron est moins lisse qu’il n’y paraît : il a raté Normale-Sup. Plus surprenant, il a épousé en 2007 une femme de vingt ans son aînée, professeure de français et mère de famille. Il l’avait rencontrée à Amiens lorsqu’il était en première, à l’occasion d’un stage de théâtre.
Autre trait distinctif, il n’est pas un pur produit Sciences Po-ENA. « Il a eu plusieurs vies : la philosophie, l’inspection des finances, la banque d’affaires », explique Amélie Verdier, directrice du cabinet de Jérôme Cahuzac, qui l’a connu en hypokhâgne au lycée Henri-IV, à Paris. A l’époque se souvient un de ses condisciples, il n’était pas le plus brillant des élèves, « mais au bout de quelques semaines, il dînait déjà avec des profs ».
Etudiant à Nanterre, il a travaillé sur l’Etat et décroché un DEA de philosophie politique. Sa biographie officielle dit qu’il a été l’assistant de Paul Ricœur. Ce n’est pas tout à fait exact. Mais le philosophe, qui avait besoin de quelqu’un pour faire de l’archivage, l’a fait travailler à mi-temps pendant trois ans. « Je ne connaissais rien ou presque à la philosophie, se souvient Emmanuel Macron. C’est lui qui m’a formé. C’est à lui que je dois d’avoir vraiment lu Aristote et Platon. Lors de notre première rencontre, il m’a demandé de classer une vingtaine de pages qu’il avait écrites pour son prochain livre. Je les ai lues et j’en ai fait un commentaire écrit, qu’il a lu très soigneusement et auquel il a répondu. »
Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit et membre de la Fondation Ricœur, raconte qu’Emmanuel Macron a aidé le philosophe dans la conception de l’un de ses derniers livres et des plus difficiles, La Mémoire, l’histoire, l’oubli (Seuil, 2000). « J’ai vu dix fois Ricœur l’accueillir comme un fils, dit-il. Macron est quelqu’un pour qui j’ai un très grand respect comme intellectuel. »
Un temps proche des idées chevènementistes, ce militant socialiste assez jacobin s’est ensuite rapproché de la deuxième gauche, celle d’Esprit et du think tank En temps réel. En 2002, il a rencontré Michel Rocard, auquel le lie une vraie complicité. Jacques Attali, à qui il confie en 2007 qu’il est de gauche, l’invite à dîner avec François Hollande. Cette rencontre, dont plusieurs personnalités revendiquent la paternité, est décisive.
Emmanuel Macron se met au service de l’ancien premier secrétaire du PS avant la primaire socialiste. Il devient la cheville ouvrière du programme économique du candidat Hollande. Il fait le lien entre les économistes du groupe de La Rotonde (Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen, Jean Pisani-Ferry…) et de jeunes « technos » de Bercy et d’ailleurs. Tous saluent son sens de l’organisation et de la synthèse.
UN SOUVENIR PLUTÔT MITIGÉ
Tant de qualités ont leur revers : où est la vérité d’un être qui se met si bien à la place des autres ? « Il a des convictions. Mais il a aussi le sens de la réalité, du possible », observe le consultant Jean Kaspar, ancien secrétaire général de la CFDT. Il a laissé un souvenir plutôt mitigé au conseil de gérance de la Société des rédacteurs du Monde qu’il a aidé, gratuitement, à un moment délicat de la vie du journal, lors de sa recapitalisation.
L’homme est évidemment ambitieux. Sinon, il n’occuperait pas les fonctions qui sont les siennes et pour lesquelles il a divisé par dix sa rémunération. Sa souplesse peut-elle se transformer en duplicité ? Libération a raconté qu’il était allé à Londres, avant la présidentielle, pour rencontrer des expatriés français et minimiser la portée de la taxe à 75 % sur les très hauts revenus, qu’il lui faut bien défendre aujourd’hui. La trouvaille d’Aquilino Morelle, autre conseiller de François Hollande, n’est pas sa tasse de thé. « C’est Cuba sans le soleil », a-t-il écrit à François Hollande.
Il sait donc être impertinent. Le chef de l’Etat ne lui en a pas tenu rigueur. Propulsé en pleine lumière, le benjamin de l’Elysée aimerait retrouver un peu d’ombre. Conscient que sa présence dans les médias agace et peut momentanément desservir ses grandes ambitions.