Archives mensuelles : juillet 2022

Ce nucléaire qui nous tant menés en bateau

Le nucléaire ruine la France après lui avoir constamment menti. On cherche en ce moment un remplaçant au P-DG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, et on ne le trouve pas, car la place ressemble désormais à une bombinette. Oh, Dieu du ciel, quelle arnaque. En mars 1974, ce grand corniaud de Pierre Messmer, Premier ministre d’un président mourant – Pompidou -, responsable de tueries de masse jamais dénoncées au Cameroun à la fin des années Cinquante, annonce un vaste plan. Il s’agit d’investir 100 milliards de francs de l’époque en dix ans, de manière à construire un parc unique au monde de plus de 50 nouveaux – il en existe alors 6 – réacteurs nucléaires.

Qui a décidé dans notre dos à tous ? La (presque) secrète commission PEON, farcie d’ingénieurs des Mines, qui savaient construire du pouvoir concentré, qui leur appartiendrait pour une relative éternité. Ces gens-là promettaient la Lune, une énergie surabondante, pratiquement gratuite à terme, qui ferait de la France, comme l’annonça Giscard d’Estaing dans ces termes, une Arabie saoudite de l’électricité.

Le temps a passé et la totalité de ces salauds a échappé à tout jugement, tout procès, aidés par une presse servile, achetée par des centaines de pages de publicité payées par Cogema, puis Areva, puis Orano, sans oublier bien sûr EDF. L’échec est si vaste, si irrémédiable que l’État français, ultralibéral pourtant, vient de renationaliser EDF, perdant cette fois 10 milliards d’euros de notre bas de laine, après l’annonce d’une perte colossale de 5,3 milliards d’euros au premier semestre 2022. Si EDF était privée, les amis, cela fait beau temps que la clé aurait été placée sous le paillasson. On parle d’une dette qui approcherait pas à pas de 50 milliards d’euros que l’entreprise n’a aucune chance de rembourser avant la saint-glinglin. D’autant que les essais d’EPR – les réacteurs de nouvelle génération – sont un puits sans fond, tant à Flamanville (Normandie) qu’en Finlande. Ce qui n’empêche le lobbyiste Macron de lancer, dans une fuite en avant totale, la construction de six nouveaux réacteurs EPR en France. L’aventure, c’est l’aventure. L’aventure, c’est fun, quand c’est la société qui paie contre sa volonté.

Il faut vraiment que la société soit en catalepsie pour accepter de tels désastres annoncés. Cela durera-t-il ? Mystère. En 2011, j’ai eu le bonheur d’écrire 40 articles sur le nucléaire dans Charlie. Pour un hors-série que je vous joins ci-dessous. Je n’ai pas tout relu, et il est probable qu’il y a des scories et des erreurs. Mais tel qu’il est, ce document disait la vérité pendant que tant d’autres, savants comme tout, répétaient boniments, approximations et mensonges. Vous, je ne sais, mais moi, ça me fait réfléchir un peu.

PS du 1 août 2022 :

Dans ma précipitation à finir ce texte avant d’aller me coucher – tout arrive -, j’ai oublié bien des choses. Car je n’ai pas parlé de la situation actuelle des réacteurs nucléaires de France. La moitié d’entre eux – sur un total de 56 – sont à l’arrêt. Pour cause de maintenance ou…de sécheresse, qui abaisse le débit des fleuves et empêche le refroidissement des centrales.

Ce n’est pas tout. Le parc actuel est une ruine. On avait promis une durée de vie des réacteurs de trente ans, mais évidemment, on a changé d’avis en route. Plusieurs fois. D’abord trente et même vingt-cinq ans. Ensuite un peu plus. Puis quarante ans. Puis cinquante. Et l’on parle désormais de soixante. Or ces si vieilles choses se fissurent et posent problème. L’hiver prochain sera rude, à cause du gaz jusqu’ici importé de Russie, mais aussi, bien qu’on ne le dise pas, de l’incurie crasse des responsables du nucléaire.

Dans l’état de panique qui est le leur – le gouvernement ne TROUVE pas de successeur au patron d’EDF Jean-Bernard Lévy, touché par la limite d’âge -, il faut avant toute chose camoufler l’état des lieux. Opportunément, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient d’accorder à EDF un surprenant blanc-seing pour « gérer » les graves phénomènes de corrosion constatés dans les centrales les plus vieilles.

Et ce n’est pas tout. Le démantèlement des centrales débranchées est une farce macabre, de Brennilis – réacteur « d’essai » dans les monts d’Arrée (Bretagne) – à Superphénix, dans l’Isère. C’est une bombe à retardement technique, économique, écologique, politique. Qui pèse son poids de dizaines, voire de centaines de milliards d’euros. Les nucléocrates au pouvoir s’en tapent, ils ne seront plus là pour assumer les conséquences de leurs actes.

Et ce n’est pas tout : la question des déchets n’est nullement réglée. Ces pauvres ingénieurs, si minablement ingénieux, entendent imposer leur loi à des menaces qui brilleront de leurs mille feux pendant des centaines de milliers d’années.

Bon, cette fois, stop.

N’oubliez pas le cadeau ci-dessous.

Sortez de la paille, descendez des collines*

Est-il spectacle plus écœurant que celui de cet été 2022 ? Hier, et c’est désormais simple rituel, on apprenait que le jour du Grand Dépassement tombait cette année le 28 juillet. Je rappelle ce que cela signifie : la Terre crée chaque année un certain volume de richesses biologiques. Pas plus, pas moins. Cette biocapacité est aussitôt dévorée par une humanité devenue folle, singulièrement depuis que la révolution industrielle d’il y a 250 ans lui a donné des moyens matériels sans cesse croissants, qu’elle ne peut d’aucune manière mener.

Quand tout ce qui pouvait l’être a été cramé dans tant d’aventures absurdes, il ne reste plus que la bête, qui ressemble chaque jour davantage à un squelette. À partir de ce 29 juillet, on se paie donc sur la carcasse. Les activités humaines s’en prennent aux réserves. À ce qui reste. Aux équilibres fondamentaux. Pour les cinq mois qui viennent.

Les journaux annoncent donc, comme à la parade, que « la planète vit à crédit ». Même un quotidien comme Le Monde. Or cette expression est d’une rare sottise, car en matière d’écologie scientifique, il n’est aucun crédit possible. Ce qui est pris est pris, et concourt au désastre en cours. Aucune dette de cette sorte ne sera jamais remboursée. Au reste, elle est absolument inchiffrable.

Comme si cela ne suffisait pas, on apprend cet après-midi que la mer Méditerranée est en train de bouillir. Elle aussi connaît sa canicule, beaucoup plus longue que ce qui se passe en surface, en France pour ce qui nous concerne. Bien sûr, ce n’est qu’un mot, car elle ne bout pas. Mais sa température dépasse de 6,5° ce qu’elle est normalement à cette saison. Et sur de très larges surfaces. À ces dimensions, les mots manquent, car bien sûr, nous voici confrontés à des temps apocalyptiques. La mer Méditerranée est un immense mouroir. Un cimetière sans sépultures. Nul ne sait encore qui survivra à cette tuerie organisée, mais une chose est certaine : c’est hors de contrôle. Ce que l’on peut faire ? Rien.

C’est ailleurs, c’est autrement que l’on peut agir. Revenons au spectacle. En France, il prend des aspects pathétiques. Par exemple, la Nupes, censée être l’opposition écologiste à ce sinistre monsieur Macron, se fout totalement de ces informations pourtant décisives. Elle se bat ces jours-ci pour une augmentation du pouvoir d’achat et une réduction du prix de l’essence à la pompe. Ce n’est pas seulement absurde, c’est directement criminel. Car en résumé, le pouvoir d’achat, dans le monde tel qu’il va, c’est des émissions de gaz à effet de serre. Mélenchonistes, ne criez pas avant d’avoir lu le texte que j’ai publié il y a quelques semaines, très court, qui figure au pied de celui-ci. J’y montre sans difficulté qu’il est une tout autre façon de parler aux pauvres de ce pays, qui permettrait de relier efficacement combat écologique et justice sociale. Mais voyez-vous, ces gens s’en moquent bien. Ce qui compte, c’est leurs tripatouillages à l’Assemblée nationale, qui commencent à faire penser à la Quatrième République défunte.

Bien entendu, il n’est plus qu’une seule voie, celle d’une révolte essentielle. Celle d’une rupture totale, qui envoie au diable toutes les formes politiques anciennes. Toutes. Toutes. Est-ce bien clair ? Comme j’ai créé le mouvement des Coquelicots en septembre 2018, je me sens une responsabilité. Ce surgissement a été un beau moment, qui a conduit à des centaines de rassemblements mensuels – jusqu’à 850 – partout en France. Pour l’interdiction des pesticides. En défense de la beauté du monde. Oui, je sens comme un devoir. Et les idées ne me manquent pas, par chance. J’espère vivement que vous en entendrez tous parler si j’y réussis, mais l’échec ne me serait pas souffrance. Car que cela vienne de moi ou de tout autre, ou de tous autres, cela ne change rien à la nécessité absolue de combattre ce monde. Et ses si nombreux défenseurs.

Je crois que les temps sont mûrs pour que lève une pâte sans aucun précédent connu. La crise de la vie a-t-elle jamais, au cours de la longue aventure humaine, été aussi grave ? Bien sûr que non. Nous y sommes. C’est l’heure. Oublions le reste, car il n’y aura bientôt plus de reste. Révoltés, jeunes et vieux, sortez les fusils pacifiques de vos cachettes mentales et pointez-les dans la bonne direction. Un seul mot de reconnaissance : vivant. Vivants.

VIVANTS

*Extrait du Chant des partisans, qui permit à quelques milliers de refusants armés de continuer à croire dans l’avenir, quand il était minuit dans le siècle.

Un article mien publié en mai 2022

Comment parler aux smicards ?

Puisque c’est comme cela, parlons des législatives. Je me dois de préciser un point pour éviter des lettres pénibles de lecteurs. Je suis pour la distribution radicale des richesses, et il m’arrive de rêver encore d’un monde sans Dieu, ni César, ni tribun. Je me souviens très bien de ma mère, gagnant seule, pour elle et ses cinq enfants, quelque chose comme 800 francs par mois au début de 1968. Si donc quelqu’un a envie de me (mal)traiter, qu’il tienne compte de ces mots.

Et maintenant, voyons ensemble cette revendication de la gauche désormais unie : 1400 euros nets pour le smic mensuel. Qui pourrait être assez salaud pour écrire que c’est trop ? Hélas, le problème n’est pas celui-là. Du tout. D’abord, la question de la justice est universelle. Elle concerne aussi bien le sous-prolétariat français que les milliards de gueux de la planète, dont cette gauche ne parle jamais. Jamais. D’un point de vue planisphérique, les pauvres de chez nous sont les riches du monde. Ça embête, mais c’est un fait qui n’est pas près de disparaître. Que quantité d’immondes aient beaucoup, beaucoup plus, n’y change rien.

Donc, dès le premier pas, considérer le monde réel, et pas notre France picrocholine. Ensuite, réfléchir à cette notion largement utilisée dans les années 70, et malheureusement disparue : l’aliénation. Par les objets. Par la possession frénétique d’objets matériels qui déstructure l’esprit, rompt les liens de coopération, enchaîne dans une recherche jamais comblée de choses. Lorsque je tente de voir les êtres et leurs biens avec mes yeux d’enfant, je me dis fatalement que « nos » pauvres disposent de béquilles dont nous n’aurions jamais osé rêver : des bagnoles, des ordinateurs, des téléphones portables. Moins que d’autres ? Certes. Mais cette route n’en finira jamais.

À quoi sert de distribuer de l’argent dans une société comme la nôtre ? Même si cela heurte de le voir écrit, une bonne part de ce fric irait à des objets ou consommations détestables, qui renforcent le camp de la destruction et du commerce mondial. Qui aggravent si peu que ce soit le dérèglement climatique. Je crois qu’on devrait proposer tout autre chose. Un gouvernement écologiste, pour l’heure chimérique, s’engagerait bien sûr auprès des smicards.

Il s’engagerait aussitôt, mais en lançant un vaste plan vertueux. On créerait un fonds abondé sur le coût pour tous des émissions de gaz à effet de serre. L’industrie paierait, mais aussi le reste de la société, à hauteur des moyens financiers, bien sûr. Ce fonds garantirait à tous les smicards – et donc à leurs enfants – l’accès permanent à une alimentation de qualité, bio, locale autant que c’est possible. À un prix décent, c’est-à-dire bas.

Ce serait un merveilleux changement. La santé publique en serait sans l’ombre d’un doute améliorée. L’obésité, cette épidémie si grave, régresserait fatalement, ainsi que le diabète et tant d’allergies. Quant à l’industrie agroalimentaire, elle prendrait enfin un coup sérieux. Au passage, une telle volonté finirait par créer des filières économiques solides et durables. Car à l’autre bout se trouveraient des paysans. De vrais paysans enfin fiers de leur si beau métier. À eux aussi, on garantirait un avenir.

Parmi les questions les plus graves de l’heure, s’impose celle de la production alimentaire. Tout indique que les sols épuisés de la terre ne suffiront pas longtemps à (mal) nourrir le monde. La France, qui fut un très grand pays agricole, se doit d’installer de nouveaux paysans dans nos campagnes dévastées par la chimie de synthèse et les gros engins. Combien ? Disons 1 million. Ou plus. Le temps d’un quinquennat. C’est ainsi, et pas autrement qu’on aidera à faire face à ce qui vient et qui est déjà là. Le dérèglement climatique est une révolution totale.

Pour en revenir aux smicards, qui souffrent je le sais bien, sortons ensemble des vieux schémas. Inventons ! Faisons-les rentrer en fanfare dans cette société qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Mais pas au son de la frustration et des sonneries de portables.