Si cela continue de la sorte, je vais être obligé de dire du bien d’Internet. C’est dire si le poulet que m’a adressé Jean-Didier Vincent m’a plu. Qui est ce monsieur ? Un savant, membre de l’Académie des sciences, ancien directeur de l’Institut de neurobiologie Alfred Fessard du CNRS. Entre autres : ce grand personnage me pardonnera de ne pas citer tous ses titres. Donc, un savant, mais un savant furieux contre moi, après avoir lu mon article de jeudi, Au-delà de la condition humaine. Quelle magie, ce Net ! À peine publié, déjà conspué. La gloire me rend euphorique, savez-vous ?
Bien sûr, il faut se reporter à ce que j’ai écrit avant-hier, et vous m’en voyez désolé, mais c’est nécessaire. Découvant ma prose avec horreur, le professeur Vincent a aussitôt, avec beaucoup d’obligeance, riposté sur son blog. Et de quelle manière brillante (http://sciences.blog.fondapol.org) ! Mais le préférable, c’est de vous livrer le texte tout chaud sur un plateau. Le voici :
En réponse au Canard Enchaîné, à Fabrice Nicolino, et autres calomniateurs
« Au delà de la condition humaine ». Voilà un article qui fleure bon le vieux terroir français. Sarcasmes antiscientifiques, dénonciations de ses chercheurs qui portent atteinte à la dignité de l’homme et des puissances occultes ou industrielles qui sont derrière. Ceci dans une attaque tout terrain, où je me suis senti visé. D’abord sur la référence au président Chirac, avec qui je n’ai rien à voir, ni de près, ni de loin. Bien que « de gauche », comme on disait autrefois, j’appartiens en effet à cette Fondation, indépendante de tout parti politique, où il m’est donné de côtoyer des « esprits libres » et de m’exprimer selon ma convenance. Ensuite, je ne suis certainement pas un suppôt du transhumanisme, bien au contraire.
Par contre, en tant que biologiste, je m’inquiète de l’avenir de l’espère humaine, exposée à une menace de nouvelles spéciations (cf. le billet Que va devenir l’espèce humaine ?) par l’apparition de barrières non seulement géographiques, mais aussi sociales, des populations qui composent pour l’instant l’humanité une et indivisible. Le transhumanisme n’est qu’une des composantes de ces menaces et il est préférable de le connaître dans ses tenants et aboutissants, plutôt que de se contenter de sarcasmes. Une enquête, dont je rendrais compte très bientôt, que j’ai eu l’occasion de faire dans la Silicon Valley, dans des universités de la cote est, ainsi qu’auprès de certains dirigeants de la NSF (NeuroSciences Fondation), montre la réalité des investissements qui sont faits, y compris par l’Etat dans le domaine des technologies convergentes (les « NBIC » : nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitive). Il serait criminel de ne pas s’intéresser à ce qui se passe, c’est là la seule ambition que j’affiche dans mon cycle de conférences « Innovation scientifique, innovation politique : l’humain en question », dont la prochaine opposera Jean-Claude Ameisen (président du comité d’éthique de lINSERM) et Alain Prochiantz (neurobiologiste) autour de la question « Le vivant, l’homme et la mort : comment les nouvelles technologies changent la donne », le 21 novembre prochain.
Un dernier point : Michel Houellebecq, qui est tout sauf un imbécile, est l’un des rares intellectuels français à avoir perçu dans son dernier livre La possibilité d’une île toutes les menaces que fait peser sur l’Homme ce fameux post- ou transhumanisme. Je vous en conseille vivement la lecture, vous y trouverez votre profit, en attendant de vous recevoir pour la prochaine conférence organisée par la Fondation archéo-chiraquienne, où, je l’espère vous vous sentirez à l’aise. Par ailleurs je vous signale que nous avons le mérite de n’être absolument pas sarkozyste, une rareté en ces temps qui courent.
Bien à vous, Jean-Didier Vincent.
Ma première réaction, mettez-vous à ma place, a été d’applaudir. Quel brio ! Et puis, bêtement, je me suis mis à réféchir. Tout d’abord, je ne dis pas un mot de Jean-Didier Vincent dans mon papier. Pas un, il n’est simplement pas cité ! Autrement tourné, où serait la calomnie, qui viserait notre héros ? En revanche, et sans vouloir me montrer procédurier, ne suis-je pas, moi Fabrice Nicolino, calomnié inutilement ? La question est simple : si quelqu’un m’accuse de calomnier, alors que je ne le fais pas, qui est le calomniateur ? Je le rappelle pour permettre à Jean-Didier Vincent de réviser, la calomnie est une imputation mensongère qui nuit à la réputation. Nous y sommes, en plein.
Monsieur Vincent ne supporte pas, au-delà de ce vilain argument, qu’on rapproche Fondapol, la fondation dont il est un membre si exceptionnel, et Jacques Chirac. Étrange. Chirac est-il à ce point pestiféré ? Fondapol a été créé par l’un des extrêmes proches de Chirac, Jérôme Monod, en liaison directe avec l’UMP. Au reste, Sarkozy, à peine élu, lui a coupé les vivres, montrant par là que l’UMP ne financerait plus les bonnes oeuvres de son prédécesseur. Si cela ne s’appelle pas une fondation proche de Chirac, autant se faire greffer un cerveau tout neuf, car les choses ne sauraient être pires.
Concernant le transhumanisme, que vous dire ? Monsieur Vincent ne veut pas qu’on puisse associer sa personne, si éminente, avec les illuminés qui recherchent l’immortalité et la métamorphose de l’homme. Je le comprends, pour sûr, mais c’est lui qui a invité ces gens, et c’est lui qui a pris la responsabilité insigne d’accueillir sur le site de la Fondation le texte transhumaniste de présentation qui figure dans mon article. Lui, et nul autre. Et ce n’est pas si rigolo, à la réflexion.
Enfin, concernant Michel Houellebecq, je me permets d’espérer, respectueusement, Académie oblige, que monsieur Vincent soit meilleur neurobiologiste que lecteur. Dans le cas contraire, il y aurait peut-être à craindre. Je n’écarte pas la pénible hypothèse qu’il n’ait pas compris que ma citation concernant Houellebecq se rapportait à la fin de 2001. Et non pas, comme il donne à le penser, à aujourd’hui. Mais baste, même un neurobiologiste a le droit d’être distrait. Bien entendu, je maintiens intégralement mes propos sur l’auteur de Plate-forme, qu’il s’agisse de 2001 ou de 2007.
Et après ? Où veux-je en venir, pour le cas où l’on ne m’aurait pas compris ? Ayant attaqué les transhumanistes, j’ai trouvé sur mon chemin, bloquant le passage, monsieur Jean-Didier Vincent. Cela doit tout de même avoir une signification. Et il reste que la fondation Fondapol, chiraquienne, a déroulé le tapis rouge pour une conférence sur l’immortalité en plein Paris. Exactement, donc, ce que j’ai écrit jeudi. J’attends avec intérêt et même gourmandise les prochains commentaires de notre grand professeur.
PS 1 : Comme je suis une personne charitable, j’ai laissé de côté toute considération concernant le style et l’ordonnancement des idées dans le petit texte de Jean-Didier Vincent.
PS2 : Cet ultime point qui n’a rien à voir, ou presque : que vient faire cette allusion au « bon vieux terroir français », sous la plume du maître ? Je reste perplexe et en suis réduit à la conjecture. Mais je n’ose penser que Jean-Didier Vincent a envisagé de me discréditer en faisant une discrète allusion aux effluves d’un autre temps. Par exemple ceux des années trente du siècle passé. Par exemple ceux d’un vieux maréchal d’antan. Je n’ose.
il a existé d’autre versions du transhumanisme, par exemple, l’homme nouveau par la sélection génétique .Ah ! grandir enfin, sortir de ce désir de l’enfant : l’omnipotence . L’histoire ne fait que répéter l’immaturité de l’homme .La nature n’accepte plus d’en payer le prix .
Cher Fabrice Nicolino,
« Ma première réaction, mettez-vous à ma place, a été d’applaudir », (que ne l’avez-vous fait, hélas), « et puis, bêtement, je me suis mis à réfléchir » (à quoi bon réfléchir, si c’est bêtement ?). Vous êtes un habile « discutant », j’aurais plaisir à le faire de vive voix avec vous, à condition que nous le fassions en compagnie d’une bonne bouteille. Ensemble nous essayerons de réfléchir des moyens d’atteindre l’immortalité – rassurez-vous, je n’ai guère d’illusions, alors autant en profiter pour boire un coup. A bientôt je l’espère, la Fondation pour l’innovation politique vous est ouverte, vous n’y risquez rien.
Bien vôtre,
Jean-Didier Vincent
(Membre de l’Institut, seulement pour vous agacer)
si vous n’avez guère d’illusion monsieur Vincent, vous êtes fort maladroit et je suis , pour ma part, fortement en colère après vous ,et vos echanges de « beaux-esprits » m’exaspère ! Savoir quel est l’homme de gauche ou le pétainiste de vous deux, chacun s’en moque éperduemment. mais si vous vous interressez « pour voir » au transhumanisme, je trouve pour le moins incongru d’avoir invité des responsables de ce mouvement à une conférence de votre noble institution de « cerveaux » : fondapol. Vous esssayé de nous refaire le coup du pont de la rivière kwai sans aucun doute ? Un de mes meilleurs amis souffre encore des piqures reçues dans un camp nazi par un émminent chercheur, il est vrai que la médecine a aussi avancé durant cette période…et la médecine préventive mon cher monsieur ? J’aurai préféré de loin voir les chercheurs de fondapol organiser des manifestations de masse contre les incinérateurs d’ordures ménagères, contre l’épandage en masse de pesticides (c’est un minimum pour un spécialiste des maladies dégénératives du cerveau), pour la diffusion du livre « la peau du cul » écrit par un médecin et qui parle de détournements des fonds de la sécu par ses confrères . mais j’imagine qu’après la conférence, vous avez réciter du Ronsard avec vos homologues américains non loin de la tour Eiffel en dégustant une bonne bouteille…