Une histoire trash (sur un océan de merde)

C’est tellement incroyable que j’ai mis un peu de temps à croire. Il existe en ce moment, quelque part dans le Pacifique, un continent flottant chargé de merde, sous la forme de déchets des sociétés humaines (attention, en anglais : en.wikipedia.org). Ce continent, situé entre Hawaï et la Californie, pourrait avoir la surface de 15 millions de km2, mais je dois reconnaître que les estimations varient. Dans tous les cas, il faut faire un effort d’imagination pour enregistrer une telle nouvelle.

Mais voici, dans le détail. D’abord, le nom : on l’appelle Trash Vortex, qui veut dire tourbillon d’ordures. Ou encore The Great Pacific Garbage Patch, pour Grande nappe de déchets du Pacifique. Je ne vais pas essayer de me montrer savant, car je découvre comme vous. Des courants dûment répertoriés, associés à des vents, maintiennent un mouvement d’enroulement appelé en anglais gyre. Les déchets s’accumulent et la taille du monstre grandit (Une animation saisissante : oceans.greenpeace.org).

Charles Moore, l’océanographe qui a repéré la bête, appartient à un institut de recherche, Algalita (attention, en anglais : www.algalita.org). Selon lui, on y trouverait trois millions de morceaux de plastique au km2 ! Et dans la zone centrale du vortex, le rapport stupéfiant de six kilos de plastique pour un kilo de plancton. Imaginons ensemble une soupe monstrueuse de peut-être 100 millions de tonnes de déchets flottants (attention, en anglais : www.independent.co.uk).

À la notable exception de Rue 89, nul ne parle encore de ce phénomène inouï dans la presse française (www.rue89.com). Je note pourtant, sur un sujet voisin, un article de grande valeur dans Le Monde daté d’aujourd’hui, sous la plume de Stéphane Foucart (www.lemonde.fr). Le réchauffement en cours entraînerait la désertification croissante des océans, en bloquant la remontée de nutriments essentiels à l’alimentation du plancton végétal.

Je ne vous apprends rien en rappelant que ce dernier est à la base des chaînes alimentaires les plus complexes. Là où n’est pas le planction végétal, la vie ne saurait. Depuis 1998, 6,6 millions de km2 de « déserts » biologiques seraient apparus sur les océans de notre planète.

Notre esprit confus n’est sans doute pas réellement capable de lire de telles horreurs. J’en suis d’accord, cela nous dépasse. Mais justement, nous devrions songer aux animaux, qui fuient lorsqu’ils sentent poindre le désastre. Parce que nous sommes des mammifères singuliers, et que l’échappée hors de ce monde est impossible, il nous faut trouver une riposte humaine. Elle a un nom bien connu dans l’histoire : la révolte.

30 réflexions sur « Une histoire trash (sur un océan de merde) »

  1. sur le site rue 89, j’aime assez la réaction de Claude lebreton à l’article . la révolution doit commencer de l’intérieur de chacun .

  2. On a – à une échelle moindre heureusement ! – la même chose dans le golfe de Gascogne. A quelques dizaines de km de la côté, il y a une masse compacte de déchets qui surnagent. Suivant les vents, les tempêtes, des quantités plus ou moins importantes viennent souiller les plages landaises et basques.

    Ces déchets viennent principalement du Nord de l’Espagne et de ses décharges qui balancent directement dans la mer. S’y rajoute le dégazage des bateaux et la pollution chimique invisible (Le taux d’hydrocarbures au large de Saint de Luz était, il y a quelques années, plus élevé qu’à Fos sur Mer !) .

    Si les plages n’étaient pas nettoyées très régulièrement, elles ressembleraient à des décharges d’ordures. Vous pouvez voir quelques photos avec les liens suivants :
    http://www.amisdelaterre.org/Prestige-la-pollution-touche-les.html
    http://www.amisdelaterre.org/La-Corogne-et-Capbreton-l-ocean.html

    Bon appétit

    MH

  3. Si je puis ajouter mon humble témoignage : étant un ancien de la marine marchande, je navigait sur un minéralier fin des années 70, en route vers le Japon. Encore au large peut-être à un jour de Kobé je fus stupéfait d’observer sur un océan calme d’innombrables trainées de dètritus comme dècrits plus haut s^étirant sur des dizaines de milles au gré des courants de surface. Je fus une deuxième fois surpris en dèbarquant pour la première fois au Japon en découvrant l’hyper propretè des villes et de leurs habitants.

  4. @ mathieu hangue, oui, j’avais cité une partie de l’article des amis de la terre le 03/12 sur mon site . mais tout le monde à l’air de zapper d’une info à l’autre sans aucunne réaction . En fait, je suis un peu stupéfiée par le fait que via internet, on peut tout savoir, dire ce que l’on pense et passer à autre chose . Je me souviens d’un interview de Bill gates datant de plusieurs mois, où il déclarait au journaliste de france 2, tout sourire « aujourd’hui », grâce à la dernière version de microsoft, les internauts ont la liberté d’avoir accès à tout » . Et si cette liberté était un leurre ? une faiseuse d’appathie ? Au fond, plus besoin de faire la révolution: on rencontre des communautés qui nous correspondent, on dit ce que l’on pense sans embage, puis , satisfait, on éteind l’ordi . Plus de sentiments d’injustice ou de frustration, pas de manifs, pas de révoltes . Et je suis sûre que si cela évolu, le droit à l’accès à l’info évoluera également . je dois dire que je suis vraiment sidérée par la teneur de ce qui peut être dit, et par ce qui semble être fait . en tout cas, dans mon entourage, c’est vraiment le syndrome du soufflé sortant du four !

  5. Si, comme le pense Bernard Langlois (encore dans « Politis », sorry), seule la « pédagogie des catastrophes » peut encore être efficace, il n’y a plus qu’à espérer un changement rapide des courants qui retourne tout ça aux envoyeurs et leur ouvre peut-être enfin les yeux (y a qu’à voir l’enthousiasme de beaucoup pour le recyclage des déchets…).

  6. Il y avait un article sur ce sujet dans le numéro spécial d’Echo Nature, dont j’ai déjà parlé ici. Il est signé Dominique Viel. Elle y explique bien les effets des plastiques sur les organismes vivants. Elle détaille d’où proviennent les différents types de plastiques. C’est sidérant en effet, immensémment révoltant. Elle dit aussi, que la zone la plus à risque après celle de l’Océan pacifique, est la méditerranée qui offre le plus grand nombre de déchets au km carré parmi les fonds marins explorés.
    Alors, on peut déjà tenter d’éliminer le plastique de notre maison : pas facile, vraiment pas. j’essaie depuis un an, mais j’ai encore beaucoup de boulot, il y en a partout partout partout…

  7. Juste 2 remarques:

    Utiliser le terme de « continent » (également repris sur le site Rue89) peut porter à confusion : on s’attend à une masse compacte de déchets.

    Voici une vidéo de Charles Moore qui permet de se rendre compte des dégats :
    http://video.google.com/videoplay?docid=3892310789953943147
    (12 minutes, en Anglais)

    D’autre part, Greenpeace parle d’une plaque de déchet de la taille de la France (dont la superficie est inférieure à 600.000 km2). Les estimations varient donc de ce que dit Greenpeace à 15 millions de km2…

    Ceci n’enlève rien aux conséquences désastreuses de cette densité de déchets.

  8. Le phénomène est bien connu … des marins (merci Bernard). Maud Fontenoy en a parlé dans sa chronique sur Europe1 cet été.
    Mais le pire est que le plastique disparait : il faut lire le chapitre 9 intitulé « Eternels polymères » (et les autres chapitres bien sur) du livre de Alan WEISMAN « HOMO DISPARITUS » pour comprendre le phénomène et savoir où est passé le plastique : sous l’effet des vagues il se morcelle de plus en plus et devient invisible, sauf au microscope quand on examine des unicellulaires marins qui constituent le plancton : le plastique est à l’intérieur ! il est rentré dans la chaîne alimentaire … bon appétit !

  9. Bonjour tout le monde,
    Pfououou!!!!, je commence à manquer d’air.
    Pour jouer avec les chiffres de VincentP, je suis dans l’état du type qui a déjà à digérer 600000 informations «  »toutes plus gèèèniâles » » les unes que les autres et qui vient de réaliser à la 600000 et unième qu’il était naïf et fatigué et … et …, qu’il y a encore 15 millions d’info trash (concernant l’homme et son impact sur la terre et son prochain) à ingérer. Avec toute la douleur et le découragement que ça suppose.
    Alors, oui, j’ai juste envie de rejoindre (ou dépasser ??) Fabrice (je te salue au passage): je finis par ne plus croire qu’à la …REVOLTE !!!! Allons au chaos, avec l’espoir que les lois de l’entropie feront que quelque chose de meilleur sortira de là-dedans. (voir les travaux du prix nobel Prigogine). Ou pas d’ailleurs.
    En tous les cas, je crois, Bénédicte (avec toute l’affection que j’ai pour vous)(à force de vous lire), avoir commencé ma révolution intérieure il y a déjà un bout de temps. Je crois avoir beaucoup usé au long des années et de la tempérance et de la philosophie; or, force m’est de constater que l’homme, en matière d’horreur, est un tonneau des Danaïdes: il est sans fond.
    Je suis prêt à entendre raison… mais sincèrement, je vais avoir du mal.
    Bien amicalement à tous autant qu’à chacun.
    Un révolutionnaire.
    Jean

  10. Un révolutionnaire:
    Suite:
    sauf qu’à y réfléchir un instant, je dois faire contrition: je ne saurais même pas vraiment comment « acter » ma révolte.
    Pourtant, et même si ce n’es pas le personnage favori de mon panthéon:
    « Vous pouvez obtenir plus avec des paroles aimables et un bon flingue qu’avec des paroles aimables seulement. »

    Al Capone

    Peut-être le temps des paroles aimables est-il passé ?
    C’est en tous cas là où j’en suis aujourd’hui suite à  » Une histoire trash (sur un océan de merde) »
    Jean

  11. Ah zut!
    Dans l’émotion je ne me suis pas relu (ci-avant) et j’ai laissé une vilaine erreur orthographique… que vous m’avez déjà pardonnée.
    J’en profite pour vous donner la réponse qu’un copain vient de m’envoyer et après ça, je me tais pour un moment; je trouve ça très triste… mais tellement vrai.
    A vous de jouer…
    Jean
    Citation de Frank Zappa (Musicien):
    «  »Une bonne partie de la population ne fait aucun effort de réflexion, et ce n’est pas parti pour s’arranger. Alors ou bien on lutte pour une cause perdue et on y perd sa santé, ou bien on essaie de prendre les choses comme elles sont et de s’y faire. » »

  12. @ Ah Jean, si tu cites Zappa, tu as toute mon estime ! enfin, il faut surtout l’écouter !!! c’est un des plus grand , avec Tom Waits, un faible pour Magma …et je suis indécrotable, mais les Beatles ou Mozart, ça harmonise l’âme (à défaut de l’emplir de mille teintes comme Franck Zappa) . Evidemment les Zicos, pour ce qui est de la politique…on ne peut pas être génial partout, et puis il met une telle fantastique énergie au service de la musique … remarque, de prime abord , il a raison . seulement, ma logique intérieure me dit que je dois faire quelque chose, puisque ça ne tourne pas rond . l’homme semble sans limitte dans ses actes, c’est vrai, qu’ils soient bons ou mauvais . Vu hier un petit reportage d’Arte sur Gandhi (c’est marrant d’ailleurs comme tous les discours actuels tendent à dire qu’il a échoué, alors que c’est on ne peut plus faux . Ses actes ont eu et ont encore de grandes conséquences dans le monde entier, comme si on cherchait un peu à décourager le quidam), bref, Gandhi , quand on répendait des excréments et des morceaux de verre sur son chemin, enlevait ses sandales pour continuer pieds nus dessus . marcher sur la haine comme sur la braise, oui, sans limitte . capable de merveilles aussi, c’est pour ça que je cause, je cause, mais ne prends pas d’armes . Même si j’ai toujours eu un faible pour l’ambiance tontons flingueurs et les dialogues d’Audiard .
    En même temps, personne n’a dit que la vie c’était Disney land …

  13. mais c’est vrai que je parle beaucoup sur ce site, parce que les chiffres sont vraiment indigestes . besoin de me rassurer peut-être auprès de personnes censées .

  14. pour finir sur les pourfandeurs genre Al caponne, voici un petit mot de Courteline tiré de sa philosophie : « je ne sais pas de spectacle plus sain, d’un comique plus réconfortant, que celui d’un monsieur recevant de main de maître une beigne qu’il avait cherchée . » A lire après un discours de Luc Ferry, par exemple…(je sais c’est mal, mais ça détend…)

  15. A Jean : que la cause soit perdue (d’ailleurs, mlgré tout, le pire est-il si sûr ? ) ou pas, il faut que l’action de révolte soit – et sans doute avant tout – un « plus » pour soi et non seulement vécue comme un sacrifice envers les autres pour la bonne cause. Un exemple ? Appartenir à une AMAP, au-delà du fait de soutenir l’activité de gens « bien », m’a permis d’apprécier de nombreux légumes dont j’ignorais l’existence auparavant… Non ?

  16. C’est de mal en pis..je laisse un milliard de fautes après moi , désolée !Je réitére, je ne suis pas faite pour l’écran .

  17. Pour en revenir à l’essentiel : la révolte (après je vous lâche pour ce soir !) . @ Jean Calvet : grâce à quoi l’Inde a gagner son indépendance ? Une marche pour le sel . pas de tanks, non . ils ont simplement fait comme si les anglais n’étaient plus là , et ils n’ont plus été présents . Fabrice n’est pas pour le développement durable, moi, je vous recommande très fortement un ouvrage : objectif décroissance aux éditions l’après développement , où l’on retrouve Paul Ariès, Serge Latouche, Pierre Rahbi, ect . Croyez moi, c’est une bombe . Dans sa désobéissance civile que je découvre, Thoreau nous indique que nous vivons dans un monde marchand amorale dont nous restons complices . Si nous étions des milliers à ne plus coopérer, si nous décidions de nous passer de certaines marchandises ? Médiatiquement, l’état caricature régulièrement ce qui l’éffraie le plus . Regardez la télé : on s’y gausse des religions, des écologistes et en particulier des décroissants . la révolution ne marchera que si elle vient du plus profond de nous-même . Bruno a raison, c’est la marche à suivre . On ne peut rien contre l’évidente simplicité .

  18. D’un naturel pessimiste, j’ai pourtant envie de croire qu’un seul grain de sable peut enrayer la machine,une seule pensée positive, un message qui circule peut à lui tout seul faire changer la face du monde, je ne suis pas aussi caler que vous sur ce terrain, mais prenons du recul, ne gardons pas le nez dans le guidon,je crois que les consciences s’ouvrent, les enfants qui m’entourent en parlent , sont attentifs à ce qu’ils achètent et moi même je progresse chaque jour sur ce terrain, une idée qui fait son chemin est plus puissante , que la contrainte sous la menace d’une arme .
    Si vous qui êtes des ardents défenseurs n’y croyaient plus qui y croira !!

    Ah au fait quelle importance si nous faisons une faute ou deux, l’essentiel n’est-il pas l’énergie , la volonté , et l’amour que vous mettez à sauver la terre !!

  19. Hoplà, avec un peu de retard, je viens ajouter mon grain de sel.
    Bravo à gérard qui mentionne le livre d’Alan Weisman. Il me semble que ce dernier nous apprend qu’il existe plusieurs points de convection de ce type dans le monde !
    Au passage, bien que ce ne soit pas l’objectif du livre (d’après son titre, mais qui sait), l’auteur montre en creux (en supplément à l’objet principal) toutes sortes de résultats effrayants de l’action humaine sur la planète. Il fait oeuvre écologiste féroce.

  20. C’est assez flippant cet article…
    Mais c’est aussi symptomatique qu’on en parle nulle part. Les médias continuent de pratiquer la politique de l’autruche pour continuer dans notre système pourri sans se remettre en question.

    @ Bénédicte :

    Internet a une grande force : c’est celui de la liberté de parole. On trouve beaucoup d’infos ou dé débats sur le net qu’on ne trouve pas ailleurs. Mais pour le reste et tu fais bien de le souligner, le web n’est pas exempt de tous reproches. J’avais jamais fait attention mais c’est vrai que les foyers de révoltes se multiplient sur la toile et pourtant en vrai, pas grand chose… Il faut se révolter pour de vrai, aller sur le terrain et manifester!

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