Juste avant d’aller voter

J’arrive à me surprendre moi-même, ce qui ne peut pas être un mauvais signe. Moi qui ai si peu voté dans ma vie, je vais me déplacer dimanche. Il est vrai qu’il s’agit d’un vote contre. Contre un tyranneau désespérant, de gauche à ce qu’on rapporte depuis des décennies. Je lui préfère une politicienne que je connais, de gauche à ce qu’il semble aussi, anciennement écologiste, et contre qui j’ai durement ferraillé. Je continuerai d’ailleurs. Avec elle, quelques hectares de la ville où j’habite pourraient être sauvegardés, quand l’autre, au pouvoir, veut les changer en promotion immobilière.

Ce n’est rien ? Je confirme : ce n’est rien. Mais je vis ici, et pas ailleurs. Et je sais que je souffrirais de voir détruit cet espace unique. Donc je vote. Et dans le même temps, je nous appelle à nous libérer de ces formes politiques absurdes et régressives. Car voyez où nous en sommes : même l’OCDE entonne des couplets angoissés.

Je précise qu’OCDE veut dire Organisation de coopération et de développement économique. Créée en 1948, instrument de toujours du libéralisme à la sauce exclusivement libérale, cette structure dispense aux pays qui en font partie – essentiellement le Nord – des études et des conseils. Toujours basés sur la même approche : dérégulation, libre-échange, gains de productivité, concurrence. L’OCDE se confond pratiquement avec l’idée de dévastation écologique.

Or qu’apprend-on ? Cette sublime institution, après avoir pourfendu au printemps dernier la criminelle industrie des biocarburants, s’attaque aujourd’hui à la crise écologique. Par le biais d’un rapport intitulé Perspectives de l’environnement (synthèse en français). En deux mots, ça craint. Énormément. La combinaison de la crise climatique, du stress hydrique, de l’érosion de la biodiversité, des pollutions, et de la poussée démographique rend l’avenir, à l’horizon 2030, peu désirable. Appelons cela un euphémisme.

À cette date, il pourrait y avoir sur terre 8,2 milliards d’humains, et si l’économie vantée jusqu’ici par l’OCDE continue au rythme actuel, sa taille aura (presque) doublé en 22 annnées. La demande en matières premières devrait augmenter de 60 % dans les pays industrialisés, et de 160 % chez les grands pays dits « émergents », comme la Chine, l’Inde, mais aussi le Brésil ou la Russie.

L’OCDE, qui ne peut ni ne pourra changer de rôle, tente de proposer des solutions à l’intérieur du cadre. Selon elle, pour au moins se donner de l’air, les sociétés humaines devraient consacrer 1 % du Produit intérieur brut (PIB) mondial de 2030 à une sorte de restauration écologique. Autrement dit, et d’un certain point de vue, rien. Autre élément plaisant et un rien déconcertant : l’OCDE plaide – elle ! – pour une taxe carbone, mais sans prononcer le mot fatal. Nous en sommes là : les libéraux veulent désormais taxer les émissions de gaz à effet de serre. Cette révolution sent la peur, peut-être un début de panique.

Bien entendu – hélas -, ce système démentiel est incapable de se réformer. Et la marche à l’abîme se poursuivra. Je lisais ce matin quelques pages d’un de mes auteurs préférés, André Gorz. Dans Écologica (chez Galilée) sont réunis sept textes du penseur écologiste. Et j’y lis ceci, page 29 : « La « restructuration écologique » ne peut qu’aggraver la crise du système. Il est impossible d’éviter une catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui y mènent depuis 150 ans. Si on prolonge la tendance actuelle, le PIB mondial sera multiplié par un facteur 3 ou 4 d’ici à l’an 2050. Or selon le rapport du Conseil sur le climat de l’ONU, les émissions de CO2 devront diminuer de 85% jusqu’à cette date pour limiter le réchauffement climatique à 2°C au maximum. Au-delà de 2°, les conséquences seront irréversibles et non maîtrisables.

La décroissance est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux ».

Je souscris, cela n’étonnera guère. Mais pour en revenir aux élections, je maintiens, moi qui m’apprête à voter pour des enjeux dérisoires, qu’il faut se débarrasser au plus vite des formes politiques anciennes. Toutes. C’est-à-dire la totalité de la droite, la totalité de la gauche, Verts compris. Si je vote néanmoins, c’est que j’ai conscience d’être aussi l’individu limité – ô combien ! – que je suis. Mon intérêt bien compris est que l’espace urbain menacé par le lamentable maire de chez moi soit sauvé. Mais l’intérêt général et de l’avenir commun impose la rupture.

Oui, la rupture. Ceux qui pensent que le moindre début de solution pourrait être trouvé dans la vision défunte font perdre un temps désormais précieux. C’est en dehors qu’il faut se retrouver. Je suis le partisan déclaré du grand dehors.

22 réflexions sur « Juste avant d’aller voter »

  1. j’aime beaucoup cet extrait du texte d’andré gorz !
    il faudrait mieux qu’une révolution pour que ça change …
    j’ai un peu d’espoir en un mai 08 …

  2. a) il n’y a pas d’enjeux dérisoires.
    b) on ne peut pas gueuler contre les libéraux et le libéralisme destructeur à longueur de temps et, en s’abstenant, conforter ceux-ci dans l’idée que que les français sont plus ou moins d’accord avec leur politique de « réformes », qui ne sont en fait que des mesures de régression sociale. Il faut donc sanctionner ce système destructeur et ses représentants par le vote, car défiler dans la rue n’a pas beaucoup d’impact, et de toute manière les médias le taisent : hier, les salariés du ministère de l’environnement manifestaient pour les budgets, pour avoir les moyens de faire leur travail.La télé n’en a pas parlé. ( A propos, combien y a t-il de grêves et de manifs par semaine depuis l’avènement de Sarko? Si quelqu’un a ce chiffre, je suis preneur) .
    c) Sur cette planète, les pays où le droit de vote est libre et les élections sincères sont si peu nombreux, que ne pas voter dans un pays comme la France serait une vraie faute.
    donc : Rendez-vous dans les urnes!

  3. Je l’avais déjà notifié ailleurs sur ce blog mais l’extrait fait aussi partie de « Repenser le travail avec André Gorz », le numéro 28 de la revue EcoRev’ dont Gorz était le parrain (le texte à pour l’occasion été rebaptisé « Le travail dans la sortie du capitalisme »).
    La première partie du texte est déjà en ligne (http://ecorev.org/spip.php?article568) et le reste sera mis en ligne dans le courant de l’année avec le reste du dossier. En attendant, n’hésitez pas à soutenir la revue pour l’aider à diffuser les idées qu’elle porte.

    Par ailleurs, je signale aux parisiens & parisiennes qui lisent cet excellent blog, la tenue d’un débat, samedi 15 mars : « André Gorz :
    Perspectives pour penser le travail au XXIème siècle », suivi d’un moment d’échanges sur le thème de « Travail et Démocratie ».
    Plus d’info ici : http://www.lesperipheriques.org/article.php3?id_article=527

    manu.

  4. D’accord avec Patrick : il faut jouer sur tous les tableaux, sans illusions.
    Dans ma commune, la liste PS-PC-Verts propose, entre autres choses qui me paraissent aller dans le bon sens, que les repas des cantines scolaires passent peu à peu (et avec des produits locaux) au bio – et je m’abstiendrais pour mieux laisser passer les partisans de Nicolas le Petit ?!

  5. [quote]Dans ma commune, la liste PS-PC-Verts propose[/quote]

    Dans la mienne c’est un nouveau stade de foot mais bon l’alternative est pire, en somme le choix d’élire démocratiquement le moins pire …

  6. Dans mon bled, y a qu’un liste aux municipales… et pas des plus intéressantes, alors, franchement, je crois que pour la première fois, je ne vais pas y aller. C’est possible ça, une seule liste? Ca me rappelle les élections russes…

  7. Ben alors Bénédicte….ce n’était pas la peine d’attendre l’ouverture du bureau de vote depuis samedi…..Valérie cherche partout Bénédicte!…moi aussi j’ai été contraint de voter aujourd’hui…..Jivaro me dit: vous etes bizarres vous autres les Humains !

  8. mais j’ai été voter ce matin figurez vous ! une liste a-politique qui choisi (peut-être) de faire du neuf . nous verrons..j’étais avec les choucas, j’ai croiser la route d’un grand renard à pattes et queue noire « pourtant, que la montagne est belle… » . dites à sandro minimo que son pays est « presque » le plus beau, et les suisses super accueillants !

  9. Nous voilà rassurés 😉 !
    Donc, finalement, j’ai voté pour les cantonales (vote contre, peu convaincant) et bulletin nul pour les municipales avec la liste unique de l’équipe sortante, piteuse. pas de liste un peu alter ici, et c’est pas demain! En revanche, beaucoup de gens qui font des choses intéressantes individuellement ou en réseaux dans leur choix de vie, c’est déjà ça.

  10. salut valérie et vous tous ! oui, ce qui est rassurant, ce sont les initiatives individuelles de plus en plus nombreuses . L’environnement n’est pas prêt de figurer parmis les priorités en France .

  11. Une façon différente de ….., meme un apolitique ne peut faire un neuf !…pour cela il faut une poule et a partir de la , comme d’habitude tout se complique !….un « charbonnier  » c’est très beau tout comme les choucas ,craves ,chocards,et je pense que l’on Ferrat tout pour les protéger

  12. je viens de demander a Jivaro son avis sur les elections et la politique terrienne….il a lui aussi une façon différente de….très triste m’a t’il dit,heureusement qu’il me reste encore de l’herbe sans O G M !….

  13. de l’herbe sans ogm ??? En tout cas, d’la beu bien bien bleue, bien frapée sans faux col, oh oui ! Car là aussi, on a poffiné les croisements, améliorer les rendements pour le client, plus rien à voir avec celle de mes quinze ans . j’ai bossé dix ans avec quelques fins gourmets coincés en psychiatrie, j’ai vu des musiciens se passer de musique, des étudiants finir à genoux sur le trottoir, des amoureux cesser de s’aimer avec cette merde, herbe qui n’en est plus . les politiques qui l’ont défendue publiquement à la télé juste pour se donner un côté branché le sont, en herbe,côté assassins . au fait, Jivaro, j’ai voté pour une mauvaise équipe, mais au final, ce n’est pas grave, car c’est Scylla qui a été élu .

  14. Se débarrasser de toutes les idées de droite, oui, à au moins 99%. Mais pas de toutes celles de la gauche, car la différence tient principalement dans la solidarité (et la fraternité) ! On ne doit pas se séparer de ça. Je ne dis pas « plus de pouvoir d’achat » ou « plus de consommation »; je dis que l’humanité entière doit se serrer les coudes, ce qui n’est pas pareil et qui est vraiment une idée de gauche.
    Par ailleurs, il y a une forte corrélation entre les gens veulent la jungle sociale (les ultra-libéraux de tout bord) et les destructeurs de masse de la biosphère (industriels, militaires, bétonneurs, politicards « aménageurs », etc.). On ne peut donc mettre sur le même plan gauche et droite. On trouve un peu plus fréquemment à droite qu’à gauche les monstres cités plus haut.

    Je me suis présenté sur une liste de gauche non écolo; bon, nous avons été balayés. Mais en discutant avec mes co-listiers, j’ai découvert des gens ayant déjà réfléchi sur le sujet (« environnement ») ou désirant le faire. Et, durant la campagne, j’ai l’impression d’avoir pu, bien plus qu’en période habituelle, diffuser des informations permettant de comprendre l’urgence et l’ampleur de la crise majeure. Je dois continuer.
    J’espère, par cet exemple, illustrer que le vote n’est pas inutile.

  15. Et paf!!!!une autre façon de….mais Jivaro ,cheval de selle,taille 151 ,robe Alezan pie tobiano,agé de onze ans existe bel et bien et vit sur des petites parcelles que je m’efforce de faire retourner en prairies naturelles .Résultat retour de trois pieds d’orchidées qui ne supportent surtout pas les engrais .Autrement (bon)il ne fume pas et moi non plus…….juste une petite mousse de temps en temps pas plus…(il adore ça et risquerait de devenir alcoolo… J’ai pas ecrit ..ecolo !!! oki ? amicalement stan

  16. @ stan, ravie de faire conaissance avec Jivaro, mais je ne doutais pas de son existence !!! ravie aussi que ce soit un cheval ! C’est par sympathie (et lourdeur maternelle bien féminine sans aucun doute) que je mets en garde contre l’herbe dernière génération, car c’est vraiment une belle saloperie .Voilà, c’est plus « tu m’es sympathique », que paf !Longue vie à tes prairies et bonne mousse !

  17. L’un des proches conseillers de Barnier se nomme Philippe Rouault Il fait partie du lobby des nitrates.
    Le dernier Porc Magazine fait des louances à Barnier.
    Le lobby vient encore d’essayer de faire changer la norme nitrates en interrogeant l’Afssa, qui répondra négativement .
    Mais ils reviennent régulièrement à la charge.

    Il se présente aux cantonnales à Rennes Ouest.(il vient de perdre sont siège de député.

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