Un film sur le Loup recommandé par Jean-François Noblet

J’ai le sentiment assez clair qu’il faut aller voir le film dont mon ami Jean-François Noblet nous parle ci-dessous. Pour ma part, j’irai sans faute.

 La vallée des loups

Publié par Jean-François Noblet le samedi 17 décembre 2016

Jean François Noblet www.noblet .me

La vallée des loups, un film formidable

Mon ami Jean Michel Bertrand nous avait déjà régalés avec son précédent film « Vertige d’une rencontre » qui racontait son admiration des aigles royaux.

Naturaliste accompli, parfaitement intégré dans les montagnes alpines où il est né, « Milou » pour les intimes, avait le rêve de filmer des loups sauvages dans sa vallée d’enfance. Il raconte dans le film « La vallée des loups » sa longue quête, les innombrables nuits d’affûts par tous les temps et il nous montre, pour la première fois en France des images extraordinaires de vrais loups en liberté. Non pas des loups apprivoisés ou prisonniers d’un parc animalier  mais une meute et ses louveteaux acceptant une certaine promiscuité avec un naturaliste respectueux, discret et compétent.

Je ne vous raconterai rien des détails de l’histoire pour vous laisser le plaisir de la découverte mais j’affirme que ce film est un chef d’œuvre qui fera date dans l’histoire de la protection de la nature. En effet les nombreuses scènes d’animaux sauvages filmés sont d’une qualité exceptionnelle : cadrage impeccable, lumière d’enfer et comportements rarement observés. On sent là l’amour immense de l’auteur pour toutes les formes de vie.

De multiples pointes d’humour et un commentaire pris sur le vif enregistré par Milou lui-même, sobre et profond à la fois nous démontre qu’il est possible de faire partager autrement la passion pour la nature et le respect du sauvage.

C’est là que réside l’intérêt majeur de ce film. Il montre comment les naturalistes ressentent intimement leur place au milieu du monde vivant, les émotions de rencontres avec des animaux libres sur le terrain et il nous fait partager ce bonheur. On est loin des explications scientifiques moralisatrices ou des interviews de personnalités reconnues voulant nous convaincre. Non Milou renverse, à lui tout seul, toutes les bêtises et les rumeurs qui circulent sur le loup, par la beauté des images et la sincérité d’un homme du pays.

Courrez voir ce film et emmenez y vos enfants. Ce sera la plus formidable manière de démarrer la nouvelle année pour que nous puissions espérer sauver enfin la nature et tolérer la présence de quelques loups à nos côtés.

26 réflexions sur « Un film sur le Loup recommandé par Jean-François Noblet »

  1. Espérons que ce film fasse naître de nouveaux biocentristes.
    Le cinéma a sa place aussi pour véhiculer la notion de rapprochement de l’homme avec la nature environnante donc le vivant pas toujours perçu pleinement comme une normalité.

  2. Veille de Noël. Une pensée pour le loup.
    Une terre partagée, enfin. Une planète pour lui, pour nous, sans visa, sans armes contre lui. La liberté.
    La vie, l’impérieuse. Une place pour la vie.
    Pour lui, pour nous, pour les indomptables, la terre est assez grande.
    En finir avec les zones de non-droit où l’on tire à vue sur des espèces protégées.
    L’aube d’un nouvel âge.
    Un Noël pour le loup.

  3. Au temps pour moi! Nous sommes encore en décembre et pas de projection la semaine prochaine où que ce soit.
    On voudrait en fait un Noël pour tous les animaux et tous les végétaux de cette planète.

  4. Noël, c’est l’esprit de partage et l’acceptation de tous, sans aucune différence.
    C’est ainsi offrir la possibilité à tous de s’exprimer, de vivre, de donner et d’échanger sans restriction. C’est offrir une place pour tous sur la planète : Vivre tous ensemble en respectant tout autre être vivant. Puisse ce film faire naître de nouvelles passions et ouvrir des perspectives plus joyeuses quant à l’avenir du loup.
    Merci monsieur Jean Michel Bertrand.

  5. Marina,
    « Un Noël pour tous les animaux et tous les végétaux », oui, cent fois oui. Un Noël pour la vie, pour toutes les vies.
    Le loup, j’y reviens. J’y reviens parce qu’il incarne l’universel. Il est l’emblème par excellence de ce qui nous tient à cœur, ici : La vie. Il en est l’expression la plus haute qui soit. La vie puissante, et plus encore. La vie libre, indocile. Plutôt endurer le froid, la faim parfois, que de se soumettre. L’absolu, il en est le dépositaire. Il porte nos regards là où nous refusons de voir. Il dérange, et pas seulement les éleveurs. Il dérange, parce qu’il pose la question ultime : Qui, sur la terre, a le droit d’exister ? Qui en décide ?
    Décréter qu’une espèce n’a pas sa place parmi les vivants, relève du sacrilège. J’ignore si la Pape, l’Eglise, les chrétiens se sont élevés contre cette profanation. Pas plus que je ne sais si les philosophes de ce siècle ont considéré cette question. Que les politiques restent sans voix n’a rien d’étonnant. Non qu’ils soient d’horribles personnes. Mais la pente démagogique, la grande machine médiatique à faire la lumière et l’ombre surtout, l’obsession du chiffre, le désir de ne pas heurter l’électorat… autant de mauvaises raisons de ne pas parler du loup. Quand on fait partie de cette vaste machine, qu’on le veuille ou non, on finit par se soumettre. Pour obtenir quoi ? Le renforcement de la machine à broyer les êtres, les idées, l’autonomie, la liberté. Cette machine a besoin d’adhésion, tout autant que d’opposants raisonnables. EELV est devenu un parti de techniciens. Lire, ou relire « L’enfer vert » de Pièces et main d’œuvre, entre autres.
    Le loup, un dernier mot sur lui. C’est un frère de rêveries, un frère de peine et de forces vives. Je retrouve ce passage, dans « Les racines du ciel » de Romain Gary :
    « Je dois vous dire aussi que j’ai contracté, en captivité, une dette envers les éléphants, dont j’essaie seulement de m’acquitter. C’est un camarade qui avait eu cette idée, après quelques jours de cachot – un mètre dix sur un mètre cinquante – alors qu’il sentait que les murs allaient l’étouffer, il s’était mis à penser aux troupeaux d’éléphants en liberté, et chaque matin, les allemands le trouvaient en pleine forme, en train de rigoler. Il était devenu increvable. Quand il est sorti de cellule, il nous a passé le filon, et chaque fois qu’on n’en pouvait plus, dans notre cage, on se mettait à penser à ces géants fonçant irrésistiblement à travers les grands espaces de l’Afrique. »
    Quand on n’en peut plus d’étouffer, quand la douleur, la maladie nous sont une cage où nos battements de cœur s’éteignent, peut-être que les images du loup nous aideront à devenir des vivants, des insoumis.

    1. Frédéric,
      Lors des vacances, enfants, nous devions attendre que le loup hurle là-haut dans les Apennins pour pouvoir aller nous coucher. Dans le silence de la nuit noire, ce hurlement nous rassurait. Le loup était encore là, nous pouvions aller dormir. C’était un rituel magique et simple que nous n’abandonnions pas malgré le silence douloureux qui s’installa durant plusieurs années. Il allait finir par revenir.
      Les récits de la vie de saint François d’Assise nous avaient accompagnés toute notre enfance et nous y croyions alors. C’était rassurant et beau de voir qu’un homme pouvait enfin restituer sa place à tout ce qui vivait et nous ravissait. C’était aussi un exemple à suivre pour nous. Cela semble niais, insuffisant, et nous étions certes candides.
      Les hommes du cru avaient beau réciter ces fables à leurs progénitures, ils n’en pourchassaient pas moins leur frère loup.
      Peu à peu, les loups repeuplent leurs terres d’origines et ils sont déjà trop nombreux pour certains!
      Non seulement les décrets nomment les espèces qui ont leur place parmi nous mais aussi dans quelles proportions pour ne pas déranger l’électeur bien-pensant d’ici-bas.

    2. oh que j’aime ces échanges sur le Loup et sa place, son message …
      franchissons une étape supplémentaire : nous avons dans notre ADN des mémoires du loup du mode de vie des loups et de leur façon d’être en relation dans la meute, de respecter une hiérarchie,
      une branche de la psychologie humaine travaille en s’appuyant sur ce pré-supposé, et ça nous ramène à des valeurs très basiques, facteur de paix,
      nous avons des mémoires vastes et précieuses d’être à la base des mammifères (+ la conscience de soi et la capacité de choisir) si nous n’en tenons pas compte nous nous cognions constamment à ces lois naturelles sans comprendre ce qui nous empêche d’être libres .. .tant de choses à dire sur ce sujet … bonne année !

  6. Marina,
    Un pacte avec le loup. Une réconciliation possible. L’amour à la place de la haine. Chaque être de la création respecté pour ce qu’il est. Ecarter la tentation de posséder. La pauvreté volontaire pour éloigner la misère…
    La voie ouverte par Saint-François d’Assise est peut-être plus que jamais d’actualité. Serait-il un écologiste avant l’heure ? Un frère de pensées par-delà les siècles ?
    Je n’ai pas la foi religieuse, ni le penchant pour les dogmes, ce qui n’exclut pas la recherche du sens, du sacré dans les plus infimes parcelles de vie, comment vivre sinon, comment accueillir nos beautés, nos épreuves ?
    Etions-nous « candides » de croire aux récits de l’enfance, aux légendes avec « une place à tout ce qui vivait et nous ravissait » ? Sans doute. Mais c’est peut-être cette candeur qui sera notre salut. Est-ce que c’est trop rêver ?
    « Le loup sauvage, avec son retour, il apporte une autre dimension. Il enrichit mes rêves… Il enrichit mes rêves. » Jean-Michel Bertrand.

    1. @ Frédéric Wolff
      « La voie ouverte par St-François d’Assise est peut-être plus que jamais d’actualité. Serait-il un écologiste avant l’heure? Un frère de pensée par delà les siècles ».

      St-François d’Assise écologiste, un frère de pensées non plus, je ne crois pas sachant que le loup a toujours été la bête noire, « la beste » des évêques et cardinaux; même ambition soutenue de mal-faisance chez les curés des communes qui dans les registres paroissaux (état civil) indiquait: « dévoré par le loup » lorsque l’enquête sur un crime n’aboutissait pas.
      Comme dans toute « l’histoire » de la religion chrétienne, il était ( l’est toujours) nécessaire de mettre en valeur la foi envers dieu propagateur du bien contre le mal sur la terre des vivants.
      De même, la guerre de 30 ans (guerre de religion + la disette) n’a pas ménagé canis lupus, la beste dévorant les cadavres laissés tardivement sur les champs de batailles.
      L’histoire de St François d’Assise me fait penser au conte musical russe(instruments cuivre) de Pierre et le loup où le loup attrapé par la queue par un lasso est emmené au zoo pour y être emprisonné.
      Par ailleurs, les éclésiastiques n’on jamais aimé « le sauvage » ( non maitrisé par l’église) puisqu’ils ont créé St-Hubert ( la messe de St-Hubert) le patron des chasseurs.

      « Etions-nous « candides » de croire aux récits de l’enfance, aux légendes… »

      Les récits (de toutes époques) ont été enregistrés par les scribes pour être perpétrés dans le temps tout comme les religions.
      Les vieux philosophes des premières républiques grecs savaient…

  7. Un film qui fera date, j’en suis certain.
    Un grand merci à Fabrice d’en parler ici !
    Faite un maximum de bruit autour de vous pour élargir au maximum l’audience de ce film jalon : dans ce monde de dingues, comme pour les bouquins de Fabrice (et les autres !), ce sont les premiers jours qui son déterminants pour assurer le succès ou l’oubli dune oeuvre, de ces 3 ans de travaux sur le loup et plus largement, sur notre relation au sauvage et au monde ! Ce que nous propose ici Jean Michel Bertrand à travers sa quête du loup est réellement prodigieux et de toute beauté ! Le message qu’il fait passer est très fort, pour moi très profond.
    Et puis il y a ceci aussi :
    Je viens de terminer le bouquin de Morizot (sur le loup aussi, décidemment…) : « Les diplomates, cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant » … et bien les amis, j’en suis complètement soufflé ! Là aussi, on est dans l’ouvrage qui fera date. C’est bien plus qu’un livre, c’est un véritable programme où Baptiste Morizot actualise tous les apports actuels concernant notre relation au monde que des auteurs comme Descola, De viveiros, Latour, Charbonnier etc… sont en train de vivifier avec beaucoup de vigueur et de rigueur dans un sens qui va vers une civilisation davantage accordée aux écosystèmes ! Un immense espoir pour moi à la lecture de ce livre !
    Je trouve que Morizot peut faire gagner 10 ans aux écologistes honnêtes préoccupés par la recherche de pistes solides et fondées pour un changement vital de civilisation.
    A chacun de faire l’effort de comprendre ce qu’il propose, ça en vaut très largement la peine.

    Bon film et bonne lecture à tous 😉

    P.S : mes commentaires sont bloqués lorsque j’écris depuis chez moi, parfois, ailleurs, ça fonctionne alors j’en profite car le clavier me démange souvent mais je ne peux plus écrire en attendant que le spécialiste de la question trouve une parade 😉

  8. Je viens de voir que Baptiste Morizot a emporté le prix du livre de l’écologie remis par la Fondation d’Ecologie Politique. Content de constater que je ne suis pas seul à constater que ce livre est un précieux jalon pour le loup en particulier mais surtout, pour l’écologie en général ! Jetez vous dessus, conseil d’ami 😉

  9. Pour Fabrice, dans votre maison de hobbit, et pour toutes et tous,
    Bien que je n´aime pas trop les voeux conventionnels, je vous souhaite une année 2017 émaillée de petites ou de grandes joies, et pourquoi pas les deux, de bonheurs inattendus, au détour d´une belle lecture, d´un film ou d´une rencontre avec ceux et celles qui partagent vos valeurs.

    Merci à vous Fabrice, encore et encore, pour votre acharnement à dénoncer les crimes commis contre la planète.
    Et merci pour les biographies des grands conquérants de l´Histoire. Je me gondole à chaque fois ! Je viens de lire celle de Pyrrhus ! Illustrée par Vuillemin, c´est un délice ! Ah ! Les cours d´histoire, généralement si ennuyeux, auraient sacrément plus de gueule si on pouvait trouver vos textes dans les manuels 🙂 !

  10. Ecoutez CO2 Mon Amour sur France Inter samedi prochain, 7 janvier de 14h à 15h,
    Denis Cheyssoux parlera de ce film ‘La Vallée des loups’.

  11. Un commentaire hors sujet, actualité oblige : la nouvelle année et les vœux qui l’accompagnent. Des vœux pour le loup, des vœux pour chacun, pour chacune, des vœux pour tout ce qui est cher à notre cœur.

    Autant le reconnaître tout de suite. Je ne suis pas doué pour les vœux. Je ne l’ai jamais été, et les années n’arrangent rien. Dès qu’il faut souhaiter la bonne année, je balbutie une vague formule empruntée à l’usage. J’essaie d’y mettre de la conviction, mais personne n’est dupe. Je déprimerais les apôtres les plus endurcis de la pensée positive.
    Un exemple ? La santé. Celle que l’on se serine jusqu’au 31 janvier. Il en faudrait, des nuits d’étoiles, pour exaucer les SMS, les MMS et j’en passe. Plus d’un milliard de vœux électroniques rien qu’en France ! A chaque message, une giclée d’ondes nocives, une gerbe de CO2. Plus on se souhaite d’aller mieux, plus on va mal. Déprimant, je vous dis. Etrange, d’ailleurs, cette formule. Aller bien, aller mal, comme s’il fallait toujours aller quelque part. Moi, je ne me sens jamais aussi bien qu’immobile, à me régaler d’un bon livre, à contempler la pluie dans les brins d’herbes ou un rouge-gorge perché sur ma grelinette de jardinier rêveur.
    Mais heureusement, l’actualité réserve de bonnes surprises. La dernière en date à propos des allergies. Je cite, texto : « Une bonne nouvelle pour 18 millions de Français ». Aussitôt, je m’imagine de vraies mesures contre la pollution atmosphérique (500 000 morts par an en Europe, quand même), chimique, électromagnétique… Naïf que je suis. Il s’agit de tout autre chose. L’allergologie va être enfin reconnue comme une spécialité médicale à part entière. Bigre. Pour mémoire, l’OMS estime que, d’ici à 2050, la moitié de la population occidentale sera touchée par l’allergie, à cause du réchauffement climatique et de la pollution, notamment. Drôle d’époque où l’air pur est un luxe, et la frivolité la chose la plus accessible qui soit. Rassurons-nous, la médecine industrielle étend son emprise.
    Autre nouvelle en forme de question : « 2017 sera-t-elle une année blanche ? ». Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’urgence vitale de créer des zones blanches sans ondes toxiques pour les électro-hypersensibles qui vivent une torture innommable. J’ai même pris la formule au mot : une année sans Linky, sans wifi, sans smartphones, sans tablettes, sans brosse à dents intelligente ! Voyez un peu où j’en suis rendu. Eh bien figurez-vous qu’il s’agit de savoir si, oui ou non, l’impôt à la source nous dispensera de prélèvement en 2017. A l’heure de la sixième extinction des espèces, enfin un sujet crucial pris à bras le corps.
    Nouvel exemple : le travail qui est la santé, comme on nous le chante sur tous les airs. Qui ne souhaite pas en trouver un ? Et quand on l’a, de plus en plus souvent, qui n’en est pas malade ou pire encore ? Merci patron, pour notre poison quotidien. Nos emplois valent mieux que nos vies. Cyber-pétitionnons pour l’égalité d’accès à la maladie remboursée par la Sécurité Sociale. Et versons notre obole à la recherche médicale.
    Alors non, ce n’est pas d’un génie sortant de sa lampe merveilleuse dont nous avons besoin. C’est de savoir ce que nous voulons vraiment. C’est d’être prêt(e)s à des renoncements, et tant pis si le mot n’inspire pas le désir facile. On ne pourra pas tout avoir et son contraire. La biodiversité et le massacre du loup. Le smartphone et l’absence d’ondes toxiques, de flicage, de mines polluantes, d’aliénation. Le développement industriel et la préservation de la nature, de la santé, de l’autonomie. Plus de technologie et moins de chômage. La voiture « propre », les énergies « vertes » industrielles et la fin du pillage, des pollutions, des « gadgets de destruction massive »…
    Désolé si je plombe le rituel des bons vœux. Je vous avais prévenu(e)s. Faites excuse, mais je n’ai pas la baguette avec la pluie d’étoiles filantes à volonté. Même s’il y en avait dans le ciel, elles me resteraient invisibles. Plus myope que moi, on appelle ça aveugle. Quant à fredonner les douces berceuses des « magazines 100% positifs », je préfère de loin les contes de fée.
    Bref, les fossoyeurs de la vie sur terre ne sont pas des partenaires, mais des adversaires. Ils ont un nom : l’industrie et ses valets. Imaginer qu’on puisse pactiser avec eux, rêver qu’ils vont devenir écologistes, se figurer qu’on va vider la banquise à la petite cuillère de nos bons gestes – nécessaires mais tragiquement insuffisants –, relève pour moi de la fadaise la plus désespérante qui soit. A ne pas nommer la cause du mal, à en rester au citoyennisme cosmétique, à se contenter de sa ration d’illusions lénifiantes, on laisse finalement le champ libre à la machine à détruire.
    Nous sommes dans un combat. Les victimes se comptent par millions. Les empoisonné(e)s de la chimie, les asphyxié(e)s des particules fines, les torturé(e)s des ondes toxiques, les martyr(e)s des élevages et des abattoirs industriels, les éléphants, les loups, les vies aliénées, restreintes à la survie…
    Négocier les dimensions de sa cage ou de la corde qui va nous pendre – nous ou notre prochain, humain ou non humain –, non merci. Nous ne ferons pas l’économie d’un affrontement. De toute façon, il est déjà là, nous le subissons de plein fouet, et si ce n’est pas encore le cas pour certain(e)s, ce n’est qu’une question de temps.
    Alors oui, le combat est à mener. Dans nos vies quotidiennes, dans nos paroles incarnées, dans les limites que nous dressons à la société industrielle et à ses métastases. A Notre-Dame-des-Landes et ailleurs, des individus renoncent au confort factice de la soumission. Ils engagent plus grand que leur existence.
    Il y a un siècle de cela, éclataient des mutineries sur le front de la guerre. Refus de monter en ligne, refus de participer à la boucherie nationale. Refus d’obéir.
    « Je préférerais ne pas », vous connaissez la formule de Bartleby, dans la fameuse nouvelle de Melville. Ne pas quoi ? Chacun(e) y met ce qu’il entend. Ne pas troquer sa vie contre un emploi inutile et nuisible, ne pas consommer ce qui dévaste le monde, ne pas cautionner ce qui est contraire à ses valeurs, ne pas obtempérer aux injonctions funestes… Et s’il le faut, si le souffle est là, s’engager davantage. Ce monde fait de nous des absents. Prenons-le au mot, et absentons-nous de ses usines, de ses supermarchés, de ses bureaux, de ses écrans de contrôle… Soyons dans la présence à notre vie, à l’essence de la vie.

    Je me relis, et comme souvent, j’hésite. Quel destin à ces lignes ? La corbeille ? Le tiroir où finissent ces tentatives de dire, inaccomplies, ces mots qu’on retient, maladroits ? Une esquisse d’autre chose à venir, peut-être ? Il y aurait tant à raturer, à ajouter.
    Par exemple, ce qui m’est apparu, hier matin, à la fenêtre. Des gouttelettes d’eau, par milliers, sur les branches des arbres. La vie s’égouttait lentement de toute la brume encore tenace. Un crépitement très doux parcourait chaque parcelle du jardin. C’est tout un monde qui bavardait à n’en plus finir. Le temps semblait s’être arrêté pour toujours. Et brusquement, le soleil a percé le brouillard. Ce fut comme une scène de théâtre qui s’éclairait soudain. Une lumière des commencements, loin du faux brillant. Les gouttes sont devenues des étoiles, et les étoiles des vœux, je les ai fait grandir en moi, et tous ces vœux, additionnés les uns aux autres, les uns aux nôtres, ont ajouté des pierres à l’édifice de nos combats.
    Ces gouttes d’eau sont devenues des larmes, et à ces larmes, se sont mêlés des rires, et j’ai pensé qu’un jour, l’aube en fera un arc-en-ciel. Il éclairera le monde. Les oiseaux en seront émerveillés, et les humains aussi. La valeur de la vie leur apparaîtra comme une évidence et rien n’importera plus que de la protéger. Ce jour viendra.
    On croit que l’hiver est une saison morte, alors que sous la terre, toute une vie foisonne. Les graines attendent le moment propice pour germer. Et quand le moment est là, rien ne peut l’arrêter. Il en va de même des idées justes que l’on porte à bout de bras et de mots qui se lient. Quand l’heure est venue, ces idées emportent tout. Elles en ont fini d’être en dormance. Ce que l’on pensait impossible se réalise. Que vienne enfin ce jour, éperdument.

    1. j’aime beaucoup vos longs messages … vieux loup
      mais j’ai du mal avec le « combat », combattre c’est la guerre, combattre la connerie c’est la renforcer,
      on combat pour une bonne cause, ok ,et ça alimente la guerre … c’est désolant
      et que faire de la guerre, sinon des blessés et des morts
      oh mort où est ta victoire ?
      et comment semer de la paix, de la co-création ? c’est ça qui m’intéresse aujourd’hui …
      bonne année

  12. Rien en vue par chez moi: 1 projection en banlieue lyonnaise, 1 autre perdue dans le Jura… et c’est tout.
    Espérons que le bouche-à-oreille va fonctionner

    1. Tu trouves ça « croustillant »… un père qui meurt tué par sa fille ? Pas moi : c’est au contraire d’une tristesse sans fond.

  13. Voici ce qu’écrivait Gramsci au sujet du nouvel an:

    « Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année. C’est pourquoi je hais ces nouvel an à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. On finit par croire sérieusement que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette ses erreurs etc. etc. C’est un travers des dates en général. On dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire; on peut l’admettre. Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien élevée conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvel an. Le nouvel an de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne. Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que la vie en Italie a commencé en 752, et que 1490 ou 1492 sont comme des montagnes que l’humanité a franchies d’un seul coup en se retrouvant dans un nouveau monde, en entrant dans une nouvelle vie. Ainsi la  date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante.Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle. Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant. »
    Antonio Gramsci, 1er janvier 1916

  14. Sortie officielle en salles mercredi 4 janvier.

    Vu il y a une semaine un cerf visiblement consommé, pattes en vrac, peau enroulée, peau du museau retroussée, en pleine zone à ours, dans les Pyrénées, notre autre grand prédateur est peut-être passé par là…

    La nuit, sous la tente, des aboiements rauques. Le lendemain clé de l’énigme : la glace du lac gelé en contrebas « vivait ». Et puis la sapinière en-dessous, pas touchée depuis longtemps, pays des ents, poursuivait sa vie avec une constante de temps dix fois supérieure à la nôtre…
    Pas vu un bipède sur 2 jours.

  15. Vu tout à l’heure. Allez le voir. C’est une quête. Une quête initiatique. Au rythme de la Nature. Au rythme des saisons. Au rythme du vent, des tempêtes, du blizzard, des orages, des aubes et des crépuscules, dans des forêts pleines de chandelles trouées par où les chouettes, Chevechette et Tengmalm, passent leur petite tête. Au rythme de la Vie. Allez-y. Vous verrez vos yeux s’embuer de temps en temps.
    Réflexion à la fin du film, en pensant à cette chasse au loup en France, à cette orgie cynégétique qui culmine en octobre-novembre, bien loin du pic de prédation de l’été sur les troupeaux : comment l’homme peut-il être aussi inhumain ? Heureusement qu’il reste des gens comme JM Bertrand qui permettent de rester humaniste. Misanthrope mais humaniste.
    Jadot est opposé à Bové sur cette question https://reporterre.net/Yannick-Jadot-veut-un-plan-europeen-de-transition-energetique. Même s’il a peu évoqué ces question, c’est une bonne chose, et tant mieux s’il est passé devant Rivasi qui a trahi comme Bové ces fondamentaux de l’écologie.

  16. La vallée des loups est un film qui réconcilie avec l’humain. Son sujet est évidemment le fragile retour des loups sur des territoires d’où l’homme l’avait chassé il y a plus d’un siècle. C’est aussi la foi que peut mettre l’homme dans sa quête, ici celle de l’animal. L’énergie, le courage, la folie parfois, dont il fait preuve pour rencontrer la bête prouve bien que l’être humain est capable de déployer des ressources incroyables. Ce qui motive l’auteur de ce splendide documentaire est « l’envie colossale de vivre des trucs », « d’enrichir ses rêves », « loin de la fureur du monde ». Puisse l’homme de notre siècle partager sa sagesse.

  17. Heliotrope,
    Merci pour votre mot. Je comprends votre réaction. Le mot combat a pris un sens péjoratif, et c’est regrettable. Je l’ai longtemps tenu à l’écart de mon vocabulaire. Je l’associais aux joutes guerrières qui ne mènent qu’au trépas des camps en présence, aux vengeances sans limites. Je lui préférais des expressions plus pacifiques. J’ai déserté les champs de bataille qui portent des noms plus flatteurs, mais qui sont jonchés de cadavres : le monde de l’entreprise, des supermarchés… Ces univers sont d’autant plus morbides qu’ils prennent des masques séduisants.
    La question s’est alors posée : Que faire, comment ? Elle est toujours présente en moi. Disons que j’oscille entre un retrait engagé et des velléités plus frontales. Une terre où je « sème la paix », pour reprendre votre formule ; des mots qui, parfois sont des armes modestes, parfois des pas vers la compréhension, prélude à la libération ; des participations – ponctuelles, hélas – à des combats contre un projet d’aéroport, contre une antenne-relais, contre Linky, contre le totalitarisme numérique…
    Que nous le voulions ou non, nous sommes pris dans un combat. Nous sommes face à un adversaire. Je ne sais pas faire comme s’il n’existait pas. Il me rattrape, même dans les bas-fonds de mon jardin, même dans mes tentatives de saisir la beauté. Il met à la torture des êtres que j’aime et qui sont désarmés. Il met ma propre vie à l’épreuve, aussi loin que je sois. Il n’y a plus d’ailleurs.
    Est-ce que combattre « alimente la guerre », est-ce que ne pas combattre nous sauvera ? Je suis bien incapable de répondre. Je crois que vivre est un combat, avec des obstacles à surmonter, des difficultés à vaincre, des prédateurs à tenir à distance. Etre faucheur et semeur volontaires n’est pas incompatible, mais complémentaire, à mes yeux. Préserver des semences anciennes et détruire des champs d’Ogm qui risquent d’hybrider ses variétés paysannes, ce sont deux faces indissociables d’une même bataille. Etre jardinier et lutter contre le nucléaire ou les industries chimiques n’est en rien contradictoire. Etre pour la vie, être contre les forces destructrices de la vie, là aussi, je vois une cohérence.
    On peut combattre de bien des façons. Etre semeur, semeuse de paix, serviteur de symbioses, pamphlétaire à ses heures, occupant(e) d’une zone libre à défendre, désobéissant(e), activiste à la manière de Paul Watson… Je vois dans tous ces engagements une continuité au service d’une cause que nous partageons ici.
    Très bonne année à vous, avec le plus de paix et de co-créations possibles.

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