Nuit de Chine à Pékin

La Chine est notre cauchemar. Les bureaucrates stalino-maoïstes qui règnent là-bas ne seraient rien sans notre soutien à leur folie. Bien sûr, les transnationales jouent un rôle clé dans la dislocation accélérée des sociétés humaines. Évidemment ! Certains d’entre vous savent bien que notre champion Alstom a construit 12 des 26 turbines géantes des Trois-Gorges, ce barrage démentiel sur le Yangtsé. L’exemple n’est là que pour signaler notre rôle direct. Mais la vérité complète est pire. Nous sommes des millions en France à soutenir cette terrible involution par nos achats made in China. Regardez donc vos clés USB.

Au-delà encore, bien que nous en refusions le poids conscient, la grande majorité du peuple français manifeste, par ses votes et ses actes, qu’il préfère une Chine en plein délire qui achète nos produits et soutient notre niveau de vie artificiel qu’une Chine qui serait demeurée pauvre et paysanne. Ce n’est pas du masochisme, j’espère qu’il ne s’agit pas seulement de masochisme. Je crois davantage qu’il exprime une vérité refoulée qui ne peut que saper en silence nos plus fortes déterminations. Le lien entre eux et nous est puissant. La ligne de destruction passe par Paris avant que d’atteindre Pékin. Si je vous embête avec tout cela, c’est que je viens de tomber par hasard sur une chronique publiée dans le numéro 676 de Politis, en 2001. J’en suis l’auteur. Mais je n’en suis pas heureux pour autant, on comprendra sûrement pourquoi.

 Chronique

C’est donc fait, sous les vivats de la (petite) foule (stipendiée) de Doha : la Chine fait partie de l’Organisation mondiale du commerce. A coup certain, nombre d’économies du Nord – et nous tous, donc – y trouveront leur compte, du moins dans un premier temps. La Chine va réellement se mettre à consommer, amis de la croissance, et l’on roulera bientôt en Peugeot, Renault et Nissan jusque dans les chefs-lieux de canton de cet immense pays rural.
L’extrême et inévitable aggravation de l’effet de serre qui s’en suivra ? On s’en fout, voyons. Mais les conséquences prévisibles de cette nouvelle révolution seront aussi sociales et culturelles, pour ne pas dire ontologiques. Le Beijing Fazhi Bao – le Quotidien des lois, publié à Pékin – vient d’annoncer que 60 000 personnes recherchées par la police ont été arrêtées entre le 20 septembre et le 5 novembre, dont 13 000 pour meurtre. Pas mal, hein ? L’opinion chinoise considère, dit-on, que la plupart de ces délinquants sont des paysans à la dérive, partis chercher « fortune » dans les métropoles. Ils seraient 100 millions à ne plus être fixés à la campagne, et à ne pas l’être vraiment en ville. 100 millions !
Mais ce n’est rien encore à côté de ce qui se prépare. L’entrée dans l’OMC de la Chine annonce probablement le plus grand exode rural de toute l’histoire de l’homme, un drame aux dimensions bibliques. D’ores et déjà, les droits de douane passent de 21 à 17 %, prélude à une ouverture en profondeur du marché chinois aux produits de l’agriculture industrielle du Nord. Par quelle espèce de miracle les 800 millions de paysans chinois encore à la terre pourraient-ils résister à un tel déferlement ?
Les bureaucrates chinois sont certes gens prudents, et surtout inquiets pour leur survie politique, mais ils ne pourront rien pour sauver la civilisation paysanne sur laquelle repose pourtant leur pays depuis 4 000 ans. Déjà tout craque : l’épouvantable chantier du barrage des Trois-Gorges n’est pas seulement achevé que Pékin lance une autre opération géante, qui vise à transférer les eaux du Yangtsé vers le Fleuve Jaune et les rivières Huai et Hai, plus au nord. 64 milliards de dollars (!) devraient au total être dépensés, sans qu’aucune évaluation des conséquences écologiques du projet n’ait été conduite.
Ainsi va la « modernisation » capitaliste, ainsi galope la mondialisation. Un pays d’1,3 milliard d’habitants, déjà gravement menacé par la désertification, le manque d’eau et de terres arables, la pollution des rivières et des nappes phréatiques, bascule sous nos yeux dans l’inconnu et les folles aventures. Vive le marché mondial, pardi !

2 réflexions sur « Nuit de Chine à Pékin »

  1. Le gouffre s’ouvre en effet davantage encore sous nos pieds… et qu’on ne se mette pas à accuser (seulement) les chinois : la majorité de ce qu’ils produisent est destiné à l’oppulent occident qui en crèvera lui aussi…
    C’est comme ceux qui s’inquiètent de la démographie galopante du tiers monde… en oubliant que c’est avant tout le mode de vie occidental qui hypothèque notre planète et l’avenir de nos enfants : qui consomme plus d’eau, plus d’éléctricité, plus de tout : une poignée d’américains ou bien des millions d’africains ? Les premiers bien sûr !

  2. Le barrage des Trois Gorges n’a été possible que grâce à l’argent des contribuables que nous sommes. Etonnant, non ?

    En effet, les grandes firmes internationales qui y participent Siemens, Alstom et d’autres ne s’engagent dans ce genre de projet qu’en ayant l’assurance d’être payées. Pour cela, il y a dans chaque grand pays industriel, une agence de crédit à l’exportation (ACE). En Allemagne, elle s’appelle Hermes, en France, c’est la Coface.

    Lorsqu’un industriel français par exemple, est tenté par une proposition foireuse mais juteuse, il s’assure que l’état français, via la Coface, garantira le paiement du chantier …quoiqu’il arrive !

    En une dizaine d’années, les contribuables français ont ainsi payé l’équivalent de deux fois le scandale du Crédit Lyonais à nos grands exportateurs pour des projets la plupart du temps nuisibles socialement et environnementalement.

    C’est aussi comme cela que Total, ayant obtenu le feu vert de Jospin, s’est lancé dans le projet d’oléoduc en Birmanie, dont le tracé fut revu et corrigé par la junte birmane pour mieux pénétrer dans les zones rebelles à « pacifier ».

    A la décharge de Jospin, son ami – et autre grand socialiste ! – Kouchner, rendait quelque temps plus tard, un rapport assurant qu’il n’y avait pas de travail forcé sur le site…

    Mais souvent, pour ces projets risqués, il y a une double garantie car l’état demandeur se porte aussi caution. Aujourd’hui, la dette des pays du Sud aux Agences de Crédit à l’Exportation représente près d’un quart de la dette des pays du Sud.

    Mais chut, cela regonfle le CAC 40.

    Sans ces Agences de Crédits à l’Exportation, aucune grande entreprise internationale ne se serait lancée dans un projet aussi conroversé que le barrage des Trois Gorges. Le barrage ne fonctionnera peut -être jamais mais nos entreprises et nos banques s’ens ont mis plein les poches !

    On estimait aussi qu’en 2002, de 30% à 50% des contrats militaires étaient couverts par la Coface.

    Toutes ces affaires se déroulant en toute opacité, comme le notait la Cours des Comptes…

    Quant à l’accès de la Chine à l’OMC, cela signifie que pour pouvoir vendre plus de chaussettes et de clés USB, elle doit en contrepartie ouvrir ses frontières aux produits agricoles extérieurs.

    Les importations de produits agricoles étrangers vont inonder le marché et accélérer la mise au chômage dans un pays où les deux tiers des 1,3 milliard d’habitants vivent à la campagne.

    Les difficultés vont être très grandes. Pour les analystes, les prix des produits agricoles vont probablement tomber lorsque les importations augmenteront après l’adhésion à l’OMC, vu que les prix intérieurs sont bien plus élevés que ceux du marché international.

    Certains économistes estiment que la Chine devra finalement trouver des emplois pour 200 millions de paysans !

    Alors, soit la Chine réussit à les employer en détruisant des millions d’emplois dans d’aures pays qui en seront déstabilisés, soit elle glissera lentement mais surement dans le chaos social… Et il y a fort à craindre qu’en cas de trouble internes, la réponse des dirigeants chinois ne soit un nationalisme agressif avec boucs émissaires extérieurs…

    MH

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