Vous connaissez comme moi cette phrase mille fois répétée : « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Il y a des variantes qui ne changent rien au fond, comme par exemple : « Quand le sage pointe la lune, le fou regarde le doigt ». Antique sagesse, n’est-ce pas ?
Sauf grave erreur de ma part, elle nous vient du Bouddha lui-même (Petite info qui n’a rien à voir, je ne suis pas bouddhiste). J’ai retrouvé trace d’une pensée qui lui est attribuée, et que je vous offre : « L’être puéril saisit l’extrémité du doigt et non la lune [que le doigt signale] ». Tout viendrait donc de là.
Quel rapport avec Dominique Belpomme, cancérologue reputé, et depuis quelques années écologiste distingué ? Voyons cela, si vous me permettez. Dans les Antilles françaises, singulièrement dans les bananeraies, l’État a laissé faire une pure et simple horreur pendant des décennies. Je sais un peu de quoi je parle, car j’ai consacré – avec mon co-auteur François Veillerette – un chapitre du livre Pesticides, révélations sur un scandale français, au cas de la Guadeloupe.
C’est étrangement simple : malgré des rapports dissimulés pendant trente ans dans les tiroirs de l’administration, un pesticide terrible, le chlordécone, a été massivement utilisé. Même quand il était officiellement illégal. Les sols concernés sont pollués pour des siècles, car ce produit est d’une stabilité chimique étonnante. Des siècles, oui. Les conséquences sanitaires sont à la mesure de cette folie, même si aucun lien épidémiologque ne peut, pour le moment être établi entre exposition et flambée de certaines affections graves.
Bon, et la suite ? Le professeur Belpomme a rendu il y a quelques semaines un rapport sur cette pollution chimique en Martinique. Et je suis allé à une conférence de presse où il rendait compte de son travail. Des élus des Antilles, de Guyane, et de France métropolitaine assistaient à la réunion, dont Christiane Taubira. J’y ai dénoncé en direct – non repris à la télé, hélas – certains responsables du désastre.
Depuis, une infernale rumeur circule dans les petits milieux parisiens, notamment chez les journalistes. Je ne fréquente pas, mais ce bruit est arrivé chez moi, par de multiples entrées. Que dit-il ? Que Belpomme – qu’il me pardonne – est un charlatan. Qu’il ne pense qu’à faire parler de lui. Je lui épargne le reste. Hier mardi, j’ai reçu de l’Artac, association du professeur Belpomme, une lettre ouverte censée défendre sa réputation. J’ose espérer qu’il n’a pas besoin de moi, mais évidemment, évidemment je le soutiens de tout coeur.
Personne – journalistes, fonctionnaires, politiques – n’a jamais su élever la voix quand il fallait pour protéger les paysans antillais. Et personne n’ose encore s’attaquer au professeur Tubiana, président honoraire de l’Académie de médecine, qui couvre de sa haute autorité des rapports autrement incertains que celui du professeur Belpomme, sur qui la meute croit pouvoir s’abattre. Moi, je vous le dis en conscience : Belpomme est avec nous. Et je suis avec lui.
Apparemment le professeur a prêté le flanc à la critique par ses façons de faire. Ses critiques (dans le désordre Weckstein, libé, Ollier, UIPP….) ne se privaient pas de profiter de l’occasion. Le sage devrait inspecter son doigt avant de le pointer sur la lune. Le cafouillage en terrain ennemi a fait une victime. Je la salue. Quant aux gens qui font de l’apologie de l’empoisonnement agrochimique leur métier, ont-ils seulement eu la correction de ne pas mettre des enfants au monde ?