Archives mensuelles : janvier 2008

Courte adresse à MM. Fottorino et Ramonet

J’aurai beaucoup lu le journal Le Monde. Dès l’âge de 14 ans, je crois bien, rusant comme je pensais pas savoir pour trouver l’argent nécessaire. Oh, que de souvenirs étranges ! Il me semble qu’à cette époque, cette lecture me permettait d’échapper un peu à la misère – matérielle et morale – de ma famille. Il y régnait en effet une atmosphère que je qualifierai par euphémisme de pesante. Le sous-prolétariat n’est pas une adresse recommandable.

J’ai lu le Monde bien des années, et je sais ce que je lui dois. Il n’est pas besoin d’être ingrat, mais il n’y a pas lieu, non plus, d’être complaisant. Depuis des années, ce quotidien me tombe des mains. Je n’expliquerai pas ici pourquoi, mais il n’est pas exclu que j’y revienne, car après tout, la crise globale dans laquelle nous sommes touche bien entendu l’information elle-même. Les quelques mots qui suivent sont destinés, même s’il ne les lit pas, à Éric Fottorino, grand patron du grand journal.

Dans Le Monde daté de ce samedi 5 janvier, en page 24, je découvre sur la colonne de droite un articulet. Qui prévient d’un changement en dernière page à compter du lundi 7 janvier 2008. Il y aura à cette date, et chaque jour, un « article de réflexion » appelé à clôturer l’édition. Ma foi. Mais qui écrira donc ? Cela devient beaucoup plus intéressant.

Lundi, une journaliste du Monde, Sylvie Kauffmann, pour une Lettre d’Asie, qui existe déjà. Mardi, Nicolas Baverez, politologue et historien, mais surtout perpétuel observateur du « déclin » supposé de la France. Mercredi, une Lettre des États-Unis signée de la correspondante locale, Corinne Lesnes. Jeudi, un commentaire de Régis Debray, devenu difficile à présenter. Vendredi, un « décryptage politique » – mazette ! – par un éminent chercheur du CNRS, Christian Salmon. Samedi enfin, retour aux fondamentaux habituels, avec la chronique économique d’Éric Le Boucher. Plus tard devraient s’agréger des personnalités aussi certaines que les économistes Pisani-Ferry et Askenazi, ainsi que l’anti-islamiste professionnelle Caroline Fourest.

Eh bien, je suis partagé. Le rire pourrait assez bien faire l’affaire. Car voilà résumée la vision des choses de la haute hiérarchie de notre quotidien de référence. Une pincée de géopolitique – l’Amérique, la Chine -, deux doigts de politique classique, un soupçon de sanglot décliniste, un roboratif sandwich « médiologique » façon Debray, et avant tout énormément d’économie. Je vous le dis en toute simplicité, je ris. Vous n’êtes pas obligé de me croire, car je sais que cela paraîtra forcé. C’est pourtant vrai.

Mais il y a le reste. Laissons même toute considération sur tel ou tel. Sur Debray, qui se sera trompé tout au long de sa vie de médiologue – il a plus ou moins créé l’infernale théorie du foco de guérilla, encensé Castro, Guevara, puis Mitterrand, puis De Gaulle, puis les pizzas de Pristina, j’en oublie -, que pourrais-je ajouter qui ne soit franchement déplaisant ? Laissons. Ce qui restera au fond de cette énième réformette des pages du journal Le Monde, c’est que nos grands journalistes passent à côté de l’important, de l’essentiel. Que pourrait-il y avoir de plus décisif que la destruction systématique de la vie sur terre ? Je cherche. Une chronique de M. Le Boucher, peut-être ? J’espère pour vous que vous ne perdez pas trop de temps en sa compagnie, car il y a des limites à ce que l’on peut supporter.

Le Boucher est un homme qui mise tout, absolument tout sur l’économie libérale. Elle n’est pas le problème. Elle est la solution. À tout ou presque. Chaque semaine depuis des années, Le Boucher livre dans Le Monde sa vision de la planète. J’ai arrêté depuis un moment, je le confesse. Et je rappelle au passage que cet adepte d’une déontologie de fer n’est pas seulement rédacteur-en-chef au Monde. Il est aussi membre de la fameuse commission Attali, chargée par Son Altesse Sérénissime (SAS) Sarkozy de traquer les freins à la croissance de la dévastation du monde.

Autre destinataire de ce petit mot du jour : Ignacio Ramonet. Je ne connais pas et ne souhaite connaître Ignacio Ramonet. Il est le directeur du Monde Diplomatique, il a pratiquement inventé Attac et joué un rôle de premier plan dans l’émergence de ce que l’on appelle l’altermondialisme. Cela devrait en faire une personnalité aimable, mais non, tel n’est pas le cas. Je ne vais pas vous infliger ici ma critique, assez totale, du mensuel et de ses chefs vénérés. Il y aurait de quoi dire, qui déplairait sans aucun doute, mais ce n’est pas le moment. Commentons plutôt le dernier éditorial de Ramonet, publié dans le numéro de janvier 2008 du si fameux Diplo (www.monde-diplomatique.fr).

Ramonet y raconte de grandes sottises sur l’Afrique. Nul n’est à l’abri, je le précise. Ni moi ni personne. Il reste que Ramonet va loin. Sous le titre « l’Afrique dit non », il se livre à un hommage appuyé au despotisme qui règne sur ce continent dévasté. Au motif d’un conflit sur les Accords de partenariat économique (APE), aux conséquences exagérées pour les besoins de la cause – selon moi du moins -, Ramonet va jusqu’à vanter le « courage » du président sénégalais Abdoulaye Wade. Wade, grand libéral devant l’Éternel, qui mène son pays sur la route de la Côte d’Ivoire et du Kenya ! Wade !

Ramonet est un audacieux, n’hésitant pas à écrire ce qu’il a envie de lire : « Cette cruciale victoire de l’Afrique est un signe supplémentaire du moment favorable que connaît le continent. Au cours des dernières années, les conflits les plus meurtriers se sont terminés (seuls demeurent ceux du Darfour, de la Somalie et de l’est du Congo), et les avancées démocratiques ont été consolidées. Les économies continuent de prospérer – même si les inégalités sociales demeurent – et sont pilotées par une nouvelle génération de jeunes dirigeants »

Certes, nul n’est devin, et les événements kényans ne pouvaient être prévus, du moins à l’année près. Mais tout de même ! Les économies prospèreraient ? On verrait naître une « nouvelle génération de jeunes dirigeants » ? Depuis quand Ignacio Ramonet n’a-t-il pas quitté les halls d’hôtel climatisés ?

Allons, j’arrête. Mais non sans citer un dernier paragraphe, qui hésite entre le burlesque et la grande tragédie : « Autre atout enfin : la présence de la Chine, qui, investissant massivement, est sur le point de supplanter l’Union européenne au premier rang des fournisseurs du continent africain, et qui, par ailleurs, pourrait devenir, dès 2010, son premier client, devant les Etats-Unis. Il est loin le temps où l’Europe pouvait imposer de désastreux programmes d’ajustement structurel. L’Afrique se rebiffe désormais. Et c’est tant mieux ».

Pauvres de nous ! La Chine capitaliste, agent devenu majeur de la crise écologique planétaire, deviendrait donc un étendard au milieu des flammes. La Chine qui spolie, corrompt et détruit comme on n’ose plus le faire en Occident depuis des décennies, cette Chine serait donc un appui pour le continent africain ? Eh bien, je vous le dis calmement, nous ne sommes pas rendus. Entre Le Monde, aveugle, et Le Diplo, sourd sinon muet, la nécessaire connaissance du monde réel devra attendre son tour. Jusqu’à quand ?

Bill Gates roi de l’Afrique (une nouvelle révolution verte)

2008, hein ? Peut-être faudra-t-il attendre quelques jours avant que la vie ne devienne belle pour de bon. En Afrique, lecteurs de ce blog, les philanthropes sont de sortie. Au Kenya, par exemple, où la guerre civile menace d’emporter ce que les commentateurs présomptueux présentaient comme un exemple de stabilité.

Au Kenya donc, la fondation Rockefeller finance une extraordinaire structure appelée African crops (www.africancrops.net). Laquelle a réuni le 5 octobre 2007, à Nairobi, de nobles spécialistes africains encravatés – pour les messieurs – ou pomponnées – pour les dames. Objet de la rencontre ? Lever les barrières commerciales qui entravent le commerce des semences de maïs, lutter contre les bureaucraties, diffuser des « connaissances » sur l’intérêt de nouvelles variétés. Et donc, bien sûr, lutter contre la faim.

L’affaire réserve, malgré les apparences, son lot de surprises. Car une énorme offensive est en cours, qui se fixe pour objectif de changer le cours de l’histoire africaine. Je suis contraint de faire court, ce qui est un peu dommage. Bill Gates, le héros bien connu de Microsoft, a créé avec son épouse Melinda une fondation prestigieuse, qu’il a dotée à la hauteur vertigineuse de 28,8 milliards de dollars. Mais oui. En comparaison, la fondation Rockefeller, elle, lancée en 1913, fait figure de nain.

Mais les deux s’aiment, car elles ont le même but : aider l’humanité souffrante. En conséquence de quoi, elles ont décidé de lancer ensemble une Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra) dotée dans un tout premier temps de 150 millions de dollars (en français : www.agra-alliance.org/fr). Dès ce mois-ci, un premier contingent d’étudiants financés par l’Agra commencera une formation dans les locaux du Centre d’Afrique de l’Ouest pour l’amélioration des plantes (Wacci), qui se trouvent au coeur de l’université du Ghana, à Accra. Il s’agit en fait de créer une nouvelle génération d’agronomes africains, au service de l’agriculture industrielle mondialisée.

Le propos est simple, sinon simpliste. Dans les années 50, les fondations Ford et déja Rockefeller ont puissamment financé la Révolution verte, qui devait ensuite déferler en Inde, au Pakistan, en Amérique latine, notamment. Le vrai bilan de cette grandiose aventure inclut – pourquoi le nier ? – une augmentation des rendements, donc un recul de la faim. Mais aussi une dévastation écologique sans précédent des sols et nappes phréatiques dans le Sud, qui compromet gravement tout avenir.

N’importe. Au passage, les transnationales de l’agrochimie ont imposé leur modèle, et vendu leurs engins et produits. Les tracteurs, les engrais, les pesticides n’auront pas été perdus pour tout le monde. Hélas, hélas, l’Afrique des années 60 du siècle passé, plongée dans les affres d’une toute nouvelle indépendance, était restée à l’écart du grand mouvement. Et cela ne pouvait durer, en tout cas pas avec un Bill Gates en pleine forme, aimant à ce point les enfants et les Africains. D’où cette idée, qui sera bientôt, sauf révolte décidée, une réalité. Incluant, au passage, les OGM.

Comme il se doit, Monsanto et consorts ne sont pas loin derrière. Ainsi qu’un certain Ernesto Zedillo, d’ailleurs. Qui est ce brave garçon ? L’ancien président du Mexique, membre éminent du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir pendant la bagatelle de 70 ans. Inutile de se perdre : le PRI, c’est le pire. Élu à l’été 1994, en pleine insurrection zapatiste dans le Chiapas, Zedillo est surtout connu pour le massacre de 45 Indiens à Actea, en décembre 1997, perpétré par des sbires liés à son parti.

Il mériterait bien d’être oublié, mais Gates aime les hommes et croit en la rédemption. Il vient de faire entrer Zedillo dans le staff de direction de sa fondation. Il y suivra notamment le dossier de l’Agra. Croyez-le ou non – mais croyez-le -, on reparlera tantôt de cette Révolution verte en Afrique. Sur fond de guerres civiles, de désagrégation des États, de partitions, d’extrême violence ethnique, elle annonce un très grand désastre de plus. Au moins, et pour commencer, tenons-nous au courant. Et s’il devient possible de faire, faisons. Mais vite, car ces hommes courent à très vive allure.

Une idée folle (suite)

Je n’abuserai pas de votre temps aujourd’hui. Simplement, relisant ce que j’ai écrit si vite hier, je me rends compte de toutes les imperfections du texte. C’est ainsi, je n’y peux rien et je n’y veux d’ailleurs rien. L’essentiel s’y trouve.

Je veux néanmoins préciser quelques détails. D’abord, je me suis emberlificoté dans les mailles du mot travail, à la recherche d’un hypothétique « travail utile ». Le sujet est si compliqué qu’il commanderait un livre. Ce que j’ai voulu dire, c’est qu’il existe une masse de travail colossale, au Sud bien entendu, mais également au Nord. Trouver le moyen de mobiliser cette force inouïe, à des fins de restauration écologique, changerait totalement la face de cette planète.

Ensuite, une mobilisation vraie créerait un élan probablement jamais vu dans la vie des hommes, du moins par son ampleur. Car il serait à la mesure des extraordinaires craintes qui diffusent chez chacun de nous, le plus souvent hors de notre conscience. Pour dire les choses simplement, je crois que l’enthousiasme peut modifier la trajectoire. Disant cela, je n’oublie rien des obstacles, en apparence incommensurables. Mais je nous renvoie aussitôt à Sénèque, l’indémodable. Vous connaissez sans doute cette phrase, usée de n’avoir jamais beaucoup servi : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».

J’y ajouterai cette citation, que l’on attribue généralement à Antonio Gramsci, mais qui lui venait de Romain Rolland : « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ».

Pour bien commencer l’année (une idée folle)

Ce que je vais vous dire ce 1er janvier n’a rien de fignolé. Je commence en effet à près de 17 heures, et je n’ai guère de temps, en réalité. Mais je suis poussé malgré moi. Rien de grave. Rien de léger non plus. Voici mon point de départ : s’il devait y avoir une priorité, une priorité véritable, quelle serait-elle ? Eh bien, ma réponse est celle-ci : il n’y a rien de plus urgent que de restaurer ce qui peut l’être dans le fonctionnement des écosystèmes naturels.

Je reconnais que, présenté de la sorte, cela ne vaut pas le champagne du Nouvel An. Mais il est certain que tout sera désormais plus difficile, à mesure que les prairies et les cultures, les rivières, les océans, les forêts, les zones humides, les savanes se dégraderont davantage. Il est temps, il est même bien tard pour rappeler que toute société humaine, tout projet de quelque nature que ce soit repose in fine sur la bonne santé écosystémique de la planète.

Le deuxième point est aussi évident. Il existe dans nos circuits financiers délirants des masses jamais encore assemblées de puissance matérielle. Cette dernière accroît en proportion la gravité de la crise écologique et se dissout dans des achats aussi intéressants que le Big Mac, le Rafale, la Kalachnikov, la voiture, l’autoroute urbaine, le téléphone portable, la télé à écran plat, la guerre en Irak, le salaire des bûcherons d’Amazonie, le salaire des planteurs de palmiers à huile, le check-up confirmant l’obésité universelle, la corruption, sans compter le pur et simple gaspillage sous l’une de ses dix milliards de formes. En bref, il y a de l’argent. Il n’y en a jamais eu autant, il n’y en aura peut-être jamais autant.

Troisième point : le travail utile socialement disparaît massivement. Qu’elle s’appelle chômage au Nord, économie informelle ou désoeuvrement ailleurs, l’inactivité « occupe » une quantité invraisemblable d’humains. Combien ? Aucune statistique ne permettra jamais de savoir quelle est la quantité de travail disponible sur terre. Je postule qu’elle est, pour la question qui m’intéresse, sans limites discernables. Si l’on y tient, je gagerai qu’au moins un milliard d’entre nous, peut-être deux, et qui sait davantage, pourraient travailler plus utilement, rapidement qui plus est.

Et alors ? C’est là, bien entendu, que tout se complique abominablement. Ce que j’entrevois n’a rien de secret. Il faut trouver un moyen de relier ces données indiscutables. Il faut trouver un biais qui permette d’utiliser une fraction importante de la richesse produite, de la distribuer dans de bonnes conditions, jusqu’à la plus petite communauté perdue, en échange d’un travail concret, au service de tous, au service de l’ensemble, au service de l’avenir commun.

Ce n’est pas la peine de protester encore. Laissez-moi préciser un peu. D’abord, il ne s’agit pas d’imposer. Ce travail servirait en priorité ceux qui s’y adonneraient. Si vous limitez la sécheresse ou l’inondation en tel point précis du globe par des travaux de génie écologique, qui en profitera d’abord ? Eux ou d’autres ? Non, il s’agit de proposer un salaire, peut-être un revenu familial garanti à qui accepterait de rétablir des équilibres rompus. Ici, ce serait par le développement de l’agro-écologie, au détriment des cultures industrielles et chimiques. Là, par le retour de la rivière aux règles hydrologiques éternelles. Donc, contre les grands barrages et l’irrigation au service de l’exportation. Ailleurs, par la reconstitution minutieuse de communautés végétales stables, par exemple sous forme de vraies forêts.

Un tel projet mondial est essentiellement utopique, j’en conviens. Il suppose des pouvoirs qui n’existent pas. Il impose une révolution planétaire qui donnerait, au passage, le pouvoir sur la terre aux paysans. Ruinant à jamais les restes si puissants de la féodalité, l’un des rapports sociaux les plus résistants qui soient. Mais d’un autre côté, avons-nous bien le choix ? Est-il simplement concevable de laisser la vie disparaître à une telle vitesse ?

Je reprends donc. D’abord, créer une idée, qui serve de drapeau à tous, au nord comme au sud. Une phrase suffirait, qui dirait : « Restaurons la vie sur terre ». Dans un premier temps, nous ne serions qu’une poignée derrière une telle proclamation. Mais ensuite, mais demain, mais dans dix ans ? Je crois profondément que nous devons recréer l’espoir. Soit un but magnifique qui rassemble enfin la jeunesse fervente du monde, et les vieux. Les petits-bourgeois effarés que nous sommes et les paysans du riz, au Sri Lanka ou aux Philippines. Les derniers peigne-culs du Tyrol et les gosses des rues de Bogota ou Rio. Les métallos de Detroit et les va-nu-pieds de Kinshasa. Les cadres tokyoïtes et les éleveurs de yacks du Tibet. Les Iakoutes. Les banlieusards. Les Yanomani. Les alcoolos de Moscou et Kiev. Les Bushmen. Les éleveurs de la brousse australienne.

Je crois pour ma part que l’humanité – au moins la partie la plus noble de l’humanité – attend sans le savoir une parole de reconstruction. Je suis même sûr qu’un message unique, répercuté d’un bout à l’autre de la terre, changerait radicalement la donne. À condition d’être ferme. À condition d’être patient. En se souvenant de tout ce qui a été tenté dans le passé, et parfois réussi.

Recommençons. Un, les écosystèmes. Tout n’est pas possible, car certaines destructions sont irréversibles. Mais la marge est géante. Il existe une plasticité de la vie, telle que nous pouvons espérer renverser le courant. Pas partout, non. Pas toujours, hélas. Il reste, néanmoins, que la puissance de feu des hommes, si affolante dans ses effets négatifs, peut être tournée en son contraire. Je pense profondément qu’on pourrait retrouver une partie de la fertilité d’antan. Assez, en tout cas, pour échapper au pire.

Deux, la richesse. La taxe Tobin était une sorte de plaisanterie. Il faut désormais acculer l’oligarchie qui tient les rênes de la si mal nommée économie. Ne plus rater la moindre occasion d’accuser ceux qui préfèrent l’argent à l’existence. Tout en clamant qu’il nous faut récupérer au moins 10 % de la totalité de la richesse produite chaque année. Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais le total se chiffre en milliers de milliards de dollars. Fou ? Raisonnable au contraire. Que représentent ces 10 % au regard de l’enjeu ? Vous, personnellement, ne renonceriez-vous pas immédiatement à 10 % – et bien davantage – de vos revenus en faveur de qui sauverait votre vie et celle de vos proches ?

Non, 10 % est raisonnable, au point dément où nous sommes rendus. Bien entendu, tout resterait à faire. Car nul pouvoir existant ne serait en mesure de gérer et de distribuer comme il convient une telle manne. Mais croyez-moi sur parole : les solutions apparaissent dans le cours d’une action. Pas quand on reste inutilement autour d’une table, la tête entre les bras.

Trois, le travail. C’est peut-être le plus difficile. Mais à coup certain le plus passionnant des trois points que j’évoque. Il s’agirait d’une sorte d’affranchissement de tous, au bénéfice de tous. Cela ne semble pas sérieux. Ça l’est. Je m’autorise un rapprochement, absurde tant tout est différent, mais qui rendra mon propos plus clair. Ceux qui ont osé penser la fin de la royauté et la République en 1750 étaient-ils seulement des fous ?

Je plaide pour un changement d’échelle, de valeurs, de combat. Je pressens comme certain qu’une mise en mouvement, par-delà les différences d’âge et de conditions, toucherait cette part généreuse de l’homme, celle qui peut et doit tout changer. Nous savons, pour notre malheur, que le monde sollicite sans relâche l’individualisme, l’envie, la laideur, la petitesse. Je suggère de nous tourner vers le reste, caché dans les replis de notre âme commune.

Bien entendu, une belle année 2008 à tous.