Tout
le monde en a marre, non ? Des milliers d’heures sur les radios
et télés, des kilomètres de signes dans les gazettes auront été
consacrés au coronavirus. Pour dire et répéter les mêmes choses
dans un sens puis dans l’autre, et retour. Non ?
En
mars 2020, quand nous n’en étions qu’au début, l’infectiologue
Didier Sicard, pas plus con que tant d’experts de TF1 ou de
France-Inter, s’interrogeait (1). Très au fait du sujet, il
réclamait un examen en urgence des causes animales de la pandémie.
Et comme il connaissait fort bien une partie de l’Asie, il ajoutait :
« Ce
qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt
primaire est en train de régresser parce que les Chinois y
construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la
jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur
de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la
Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La
route de la soie, que les Chinois sont en train d’achever, deviendra
peut-être aussi la route de propagation de graves maladies ».
La
nouvelle Route de la soie, qui fait se pâmer tant d’économistes et
autres crétins, reliera à terme la Chine – on y achève une
quatre-voies de 5000 km –, l’Asie centrale et même l’Europe où un
Viktor
Orbán,
clone hongrois de Trump, est en train de vendre son pays à Pékin.
Précisons
à l’attention des grincheux que je ne suis spécialiste de rien. Je
vois, car je lis, qu’une affaire mondiale comme celle-là recèle
d’innombrables mystères. En fera-t-on le tour ?
Mais
cela ne doit pas empêcher de parler de ce que l’on sait avec une
raisonnable certitude. Et nul doute que la crise écologique
planétaire est le responsable principal de l’émergence de tant de
virus menaçants. La logique en est dans l’ensemble connue : les
activités humaines remettent en circulation des organismes vivants
neutralisés par des relations biologiques stables depuis des
millénaires, parfois des centaines de millénaires.
L’incursion
des humains – braconniers suivant la piste des bûcherons – dans
les forêts tropicales les plus intouchées ne pouvait manquer
d’avoir des conséquences. Et ce n’est qu’un petit exemple. Quantité
de virus dits émergents sont en effet des zoonoses, des maladies ou
infections qui passent de l’animal à l’homme. Tel est le cas
d’Ebola, des hantavirus, du SRAS, de la fièvre du Nil occidental,
probablement du sida. Ce n’est qu’un aperçu, car l’on compte environ
200 zoonoses, dont beaucoup sont bactériennes.
Dès
le 17 avril 2020 – il y aura bientôt un an -, 16 responsables
d’autant d’organismes scientifiques différents écrivaient (2) :
« La
pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de
l’environnement : c’est bien, encore une fois, une
perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface
homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges
et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux
pour les populations humaines ».
Et
les mêmes posaient une question qui devrait pétrifier nos
responsables : « À
la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, il est
paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie
continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et
que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers
d’un parcours scolaire de lycéen ».
En
clair, tout le monde s’en tape. Pourquoi ? Parmi les nombreuses
raisons en cause, j’en retiens deux. Un, nos chefaillons actuels, qui
incluent les écologistes officiels, sont d’une inculture
monumentale. Ils ne savent pas, obsédés que sont la plupart par
leur sort personnel et leur place dans l’appareil d’État. Deux, les
rares qui entrevoient une lueur n’ont pas le courage de remettre en
question le monde qui est le leur, son organisation, ses buts.
Il
y faudrait la force d’un Gandhi et nous n’avons à notre disposition
qu’une classe politique et administrative plus bas-de-plafond
que le dernier des nains de jardin. Voilà pourquoi votre fille est
muette.
(1)franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19
(2) lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/la-pandemie-de-covid-19-est-etroitement-liee-a-la-question-de-l-environnement_6036929_3232.html
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Jean-Louis
Beffa, héros méconnu de l’amiante
Le
coût de l’amiante est tel qu’il ne sera jamais calculé vraiment.
L’industrie en a longuement profité, et maintenant la société paie
les dégâts, les milliers de morts chaque année, les vies
disloquées. Des braves se battent depuis 25 ans devant les
tribunaux, et parfois gagnent, et souvent perdent, et continuent
pourtant.
En
2017, une expertise judiciaire estimait qu’on ne pouvait pas
connaître la date précise d’une contamination par l’amiante, menant
droit à un non-lieu en 2018. Les magistrats jugeaient alors
impossible de retenir la responsabilité pénale de tel ou tel
dirigeant d’une entreprise. En l’occurrence, il s’agissait de l’usine
Everite située à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne. Gros soupir
de soulagement patronal.
Mais
la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce non-lieu, et renvoie le
dossier à des juges d’instruction. Selon eux, en effet, et il s’agit
de citations tirées de son arrêt, « c’est
toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et/ou au
décès ».
Du même coup, « chaque
dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de
responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres
d’amiante ».
C’est
déjà beaucoup moins drôle pour certains, car Everite était une
filiale de Saint-Gobain, ce qui nous rapproche fatalement d’un
certain Jean-Louis Beffa. Ce personnage central du capitalisme
français est entré à Saint-Gobain en 1974, dont il a été le P-DG
dès 1986, quand il était encore légal d’empoisonner le prolo avec
l’amiante.
Le
cas est d’autant plus intéressant qu’un Beffa, dans notre sainte
république, semble intouchable. Ingénieur des Mines, un temps
membre du club Le Siècle, il a été aussi des conseils
d’administration ou de surveillance de GF Suez, de Siemens, de la
Caisse des dépôts, de BNP-Paribas, etc.
Cerise amiantée sur le gâteau, Beffa fait partie dès 1994 du conseil de surveillance du journal Le Monde, qu’il préside depuis 2017. En Italie, travaillant des années sur des milliers de pièces, un tribunal d’appel à condamné en 2013 l’industriel de l’amiante Stephan Schmidheiny à 18 ans de taule. Beffa, quelle chance.
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Les
Tartarin veulent la peau du Loup
Comment
va le Loup en France ? Pas bien. Je rappelle qu’il est revenu
naturellement d’Italie il y a une trentaine d’années, après avoir
été totalement exterminé. Pas bien, donc, et c’est l’Office
français de la biodiversité (OFB) qui le détaille dans un rapport,
avec le CNRS (1). Attention, l’OFB, c’est pas les Naturalistes en
lutte : les chasseurs, pour s’en tenir à eux, siègent à son
conseil d’administration.
Il
n’empêche que le texte est limpide. S’appuyant diplomatiquement sur
des « points de vigilance », ses auteurs constatent
qu’entre 2014 et 2019, la mortalité atteint 42%, toutes classes
d’âge confondues, contre 26% avant 2014. Ce qui rapproche l’espèce
du point au-delà duquel la population commence à décliner.
En
ajoutant d’autres signes préoccupants, les rédacteurs de la note
sortent un peu plus du bois, et ils écrivent : « Plusieurs
signaux vont dans le sens d’une dégradation de la dynamique de la
population ».
Et appellent entre les lignes, mais sans détour, à une révision de
la politique actuelle, qui vise, ça c’est Charlie qui le dit, à
contenir les oppositions et satisfaire quelques clientèles
électorales.
Il
n’y a aucun mystère : depuis 2014, des centaines de loups ont
été butés « légalement », malgré leur statut de
protection. Ils seraient 580 et en cette année qui commence, l’État
donne le droit d’en abattre 121. Courons donner des leçons aux
paysans africains sur la cohabitation avec les éléphants. Et aux
gueux de l’Inde sur la sauvegarde des tigres, si mignons à la télé.
(1) https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/