Je ne suis pas sûr que Pierre Rousset sera content. Mais après tout, rien n’indique qu’il me lira. Qui est-t-il ? Un militant de premier plan de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et de la Quatrième Internationale. Je précise que je ne partage pas ses idées, même si je rejoins nombre de ses valeurs.
Et je reprends. Qui est-il ? Un révolutionnaire, mais aussi un admirable ornithologue. Qui habite Montreuil, tout près de Paris, donc. Ce que je vais écrire sur l’histoire fabuleuse du parc des Beaumonts comprend peut-être des erreurs, et en ce cas, je les rectifierai sans problème. En deux mots, voilà. Il y a une bonne dizaine d’années, je suis allé passer un moment avec Pierre dans ce parc, situé à un jet de pierre d’une bretelle d’autoroute, encerclé par des cités que je me permettrai de qualifier, moi qui y ai longtemps habité, de craignos. Non qu’on y risque sa vie, mais pour la raison qu’on y meurt d’ennui et parfois de désespoir.
Bref, les Beaumonts. 22 hectares d’une ancienne carrière de gypse, dominant Vincennes. Il y a de cela près de quinze ans, Pierre, qui avait constaté sur place une grande richesse ornitholohique, a tenté de convaincre la mairie communiste de faire une expérience. Je pressens que, si Pierre lit ces lignes, il ajoutera qu’il était loin d’être seul. Reste qu’il a joué un rôle essentiel dans cette aventure, car c’en est une. La mairie a en effet accepté, après moult hésitations, de couper le parc en deux. Sur une moitié, cela resterait un parc urbain quelconque, avec arbres d’ornement, pelouse rase, bancs publics. Mais sur l’autre, on tenterait de recréer un semblant de nature, de vraie nature. Je veux dire, avec des bois vivants, des prairies sèches, des buttes, des mares, des sentes. Au milieu des HLM.
Je me souviens de quelques détails. L’intervention d’une société suisse de génie écologique. L’enlèvement de camions entiers de gravats, de carcasses de bagnoles, de déchets en tout genre. Le remodelage du territoire, le creusement des mares, la plantation d’une petite roselière, et de nombreux arbres, etc. La suite est un prodige, à mes yeux du moins. Car au moins dix ans plus tard, je suis retourné aux Beaumonts. Je sais qu’un incendie criminel a dévasté une partie du lieu, mais je n’en ai pas trouvé trace. Ce que j’ai vu, en revanche, c’est une étrangeté radicale. En certains points, pas partout bien entendu, on oublie ce qui n’est pas le chemin, ou la mare, ou la vaste prairie. On est transporté, ailleurs. Très loin.
Le miracle, c’est que rien d’essentiel n’a été détruit, du moins à mes yeux de passant. Malgré les milliers d’habitants alentour, malgré la folie urbaine, malgré le chômage de masse et la violence sociale exercée sur cette population prolétaire. Non, rien n’a été abîmé. Et Pierre Rousset, accompagné de quelques autres ornithos, ne cesse de compléter l’inventaire de l’avifaune locale (1) . Écoutez-moi, écoutez bien, car c’est grandiose : de mémoire, au moins 120 espèces d’oiseaux, soit environ le tiers de tous les oiseaux de France, ont été observés aux Beaumonts.
Bien sûr, beaucoup ne font que des haltes migratoires, ou même de simples survols. Mais imaginiez-vous la présence à Montreuil, fût-elle furtive, de canards et de bondrées, de faucons et de hérons, d’éperviers, de pics, d’alouettes, de pipits, de bergeronnettes ? Moi, cette histoire me remplit d’une joie simple et profonde. Et au-delà des aides bien réelles qui ont pu l’accompagner tout au long de ces années, je sais que l’ardeur et le pouvoir de conviction de Pierre Rousset ont joué un rôle clé dans l’aboutissement de ce qui est, à mes yeux, un modèle. Alors, ce n’est pas plus compliqué que cela, je voulais lui dire merci. Merci à toi, Pierre Rousset, et en avant comme avant !
(1) http://www.europe-solidaire.org Ce site est essentiellement politique, mais vous y trouverez en cherchant un peu les informations ornithologiques concernant le parc des Beaumonts.
NOTA BENE : Je le regrette, mais je dois mettre entre parenthèses notre rendez-vous quotidien. Je dois en effet aller en province quelques jours, et sauf coup de chance, je ne pourrais rien écrire avant samedi 20 ou même dimanche 21 octobre. D’ici là, bien entendu, révisez.