Quand je pense que je ne connaissais pas l’association toulousaine Solidarité (ici) ! Je vous laisse vous rendre compte par vous-même. C’est l’ami Christian Berdot qui a mis sous mon nez le texte ci-dessous signé Jacques Berthelot. Si je le publie, c’est parce qu’il complète et enrichit mon article précédent. À tous ceux, souvent de bonne foi, qui ne comprennent pas les liens que je fais sans cesse avec les formes de combat retenues dans notre Occident gavé – la réforme des retraites, oui – et le désastre que notre mode de vie entraîne fatalement, je conseille de lire ce qui suit.
Un point avant de laisser la parole à Jacques Berthelot. J’ai publié en septembre 2007 le livre La faim, la bagnole, le blé et nous (une dénonciation des biocarburants). Dans ce monde plein de nouvelles vides, empli de cerveaux creux, j’ai pu écrire des choses que je crois toujours importantes. Mais le livre a fait un flop, et malgré mes efforts après sa publication – j’ai à peu près tout essayé pour secouer les associations écologistes officielles, tout occupées à leur splendide Grenelle de l’Environnement -, aucune mobilisation n’a eu lieu.
Or les tenants de l’agriculture industrielle, chez nous, sont au centre de l’opération criminelle qui consiste à importer à bas prix des plantes alimentaires pour les changer en carburant. J’ai parlé au détour d’un chapitre d’un groupe français dont il va être question, Tereos. Au printemps 2007, Bernard Chaud est entré à la direction de cette structure agro-industrielle qui emploie 14 000 personnes. Pour y développer le secteur si profitable des biocarburants. Chaud était avant cela en charge du même dossier à la Direction générale des politiques économiques et internationales (DGPEI) du ministère de l’Agriculture. C’est bien. C’est moral. Et nous sommes coresponsables du crime, nous tous qui ne faisons rien d’autre que voter, et manifester de République à Nation, ou partout ailleurs.
Faim au Mozambique et dividendes aux coope?rateurs de Tereos (par Jacques Berthelot)
Pour la 2e?me journe?e conse?cutive des e?meutes de la faim ont lieu au Mozambique suite a? la hausse de 30% du prix du pain. Ceci n’est qu’un pre?lude a? ce qui risque d’arriver a? un niveau bien plus conside?rable si se concre?tisent les projets de 4,5 millions d’ha d’agrocarburants dans ce pays, y compris dans le cadre d’accords triangulaires Bre?sil Mozambique-UE. Une version actualise?e du commerce triangulaire France-Indochine-Se?ne?gal ou? le Se?ne?gal devait sacrifier sa production de ce?re?ales pour exporter un maximum d’arachides transforme?es en huile dans la « me?tropole » et consommer a? la place les brisures de riz, de?chets dont ne voulaient pas les Franc?ais mais qui ont enracine? le « tie?boudie?ne » comme base de l’alimentation se?ne?galaise. Cet accord triangulaire permettra au Bre?sil de contourner les droits de douane dont sont frappe?es ses exportations d’e?thanol dans l’UE, alors que les produits du Mozambique, en tant que PMA (pays moins avance?) entrent gratuitement.
Parmi les locations a? long terme, mentionnons les 98 000 ha loue?s pour 50 ans, renouvelables, au Mozambique avec 15000 ha d’extension possibles, par la sucrerie Sena dont le groupe coope?ratif franc?ais Tereos et sa filiale bre?silienne Guarani posse?dent 75% du capital et qui a produit 37 700 t de sucre en 2009-10 sur 15 000 ha avec l’objectif d’en exporter beaucoup vers l’UE dans le cadre de sa De?cision « Tout sauf les armes » de 2001 qui autorise l’entre?e sans protection ni quota aux PMA et est assure? d’un prix minimum de 335,2 €/tonne. Dans le rapport de Tereos international de mars 2010 on peut lire : « Le Mozambique a produit 500 000 tonnes de sucre en 2009 et dispose d’une capacite? totale de production de 600 000 tonnes. La production d’e?thanol devrait atteindre entre 800 millions et 1,6 milliard de litres d’ici 2020. Fortes re?serves foncie?res. Depuis 2009, le Mozambique exporte en Europe ses produits sans droits de douane » (ici).
Et dans un autre rapport plus long de juin 2010 Tereos souligne deux autres avantages du Mozambique : « la terre qui appartient au gouvernement ; un environnement le?gislatif favorable ». Pre?cise?ment le contrat passe? avec le gouvernement du Mozambique, qui vaut jusqu’en 2023 et sera renouvelable par pe?riode de 5 ans, pre?voit une re?duction de 80% de l’impo?t sur le revenu et l’exemption de toute taxe sur la distribution des dividendes.
Tereos International a ainsi re?alise? un profit net de 194 millions d’€ en 2010, et des dividendes verse?s a? Tereos France de 27,5 millions d’€, de quoi mettre du beurre dans les e?pinards des 12 000 « coope?rateurs » franc?ais de Tereos, soit 2293 € potentiels par « coope?rateur ». Or le Mozambique, ou? 70% de la population vit au dessous du seuil de pauvrete?, connait un de?ficit alimentaire croissant, dont 90% est lie? aux importations de ce?re?ales.