L’animal, cette chose

Ce matin de pluie, je pense à d’autres que moi-même. Au circaète, quand il apparaît au-dessus du vallon et que je bois un verre sur ma terrasse du Sud. Au blaireau, qui n’hésite pas à prendre le même chemin que moi, celui qui mène justement, plus haut, à cette terrasse où la vie est si douce. Au renard qui mulote dans l’un des prés de Jean, un peu plus bas.

Comment, vous n’avez jamais vu un renard muloter ? Mais c’est extraordinaire, savez-vous ? D’abord il entend, quelque chose que nos oreilles saturées ne perçoivent pas. Quelqu’un, à la vérité. Disons un campagnol qui se faufile entre deux herbes. Alors, le renard s’arrête. À la vitesse instantanée du rêve, il bondit. Pas sur sa proie, non pas. En l’air, très haut. Des gens sérieux assurent qu’il peut atteindre quatre mètres, mais je ne parierai pas ma vie sur ce chiffre. En tout cas, il serait sans conteste champion olympique du saut en hauteur, ce qui dérangerait le commentaire de L’Équipe magazine.

Ensuite, le renard s’abat. Et sur le campagnol, le plus souvent sur un campagnol. J’aurais pour ma part préféré dire : le renard campagnole, mais on ne m’a pas demandé mon avis. Va donc pour le mulot. Le renard mulote, boulotte et repart vers de nouvelles aventures. La famille des canidés, à laquelle il appartient, existe sur cette terre depuis environ 40 millions d’années, contre 2 sans doute pour la nôtre.

En ce matin de pluie, je pense à toutes ces bêtes et bestioles. Peut-être l’avez-vous lu, la Commission européenne a décidé il y a un mois de ramener le taux de jachère dans l’Union, dont la France bien sûr, à 0 %. On va cultiver, croyez-moi sur parole, les machines vont tourner, épandre, disperser engrais et pesticides, puis le lisier, c’est-à-dire la merde. La France va se couvrir, comme rarement depuis des décennies, de pluies de molécules chimiques et de merdier géant.

Les troglodytes et papillons, les couleuvres et abeilles, les chevreuils et hérissons qui habitaient dans ces marges du monde industriel, ou qui s’y reposaient un peu, vont devoir changer d’adresse. S’ils peuvent. Et sinon, comme d’habitude, qu’ils meurent. Que pèse réellement un kilo d’orvets ? Ou un filet de rainette ? Ou le coeur palpitant d’un criquet ?

Je me souviens très bien d’un livre paru en 1987, La chasse à la française (éditions Quelle est belle company). D’ailleurs, pour l’occasion, je viens de le ressortir de ma bibliothèque. Son auteur, Roger Mathieu, m’avait sans le savoir sidéré. Car jusqu’au moment de ma lecture, je ne m’étais jamais posé cette question clé : à qui appartient la faune sauvage ?

Mathieu notait que les animaux étaient en fait relégués dans une extravagante catégorie juridique, celle appelée res nullius, autrement dit la chose à personne. Le droit de chasse, hérité de la tradition romaine, renforcé par la révolution française, accordait néanmoins aux nemrods la propriété de l’animal flingué. En revanche, les faisans et cochangliers d’élevage, une fois relâchés, redevenaient, pour quelques minutes au moins, res nullius.

Quand cela cessera-t-il ? Lorsque les poules auront des dents ? Allez savoir. Il y a une quinzaine d’années, je travaillais pour l’un des plus grands journaux français, et je passai quelques minutes de détente, un après-midi, en compagnie de quatre à cinq journalistes, piliers de l’entreprise. À un moment, je me rappelle avoir osé une phrase pourtant quelconque sur le droit éventuel des arbres et des animaux à vivre. Eh bien, la vérité, c’est que tout le monde s’est moqué de moi. Mais gravement, irrémédiablement. Je venais d’énoncer une sornette. Peut-être rient-ils encore, qui sait ?

Je ne suis pas un spécialiste du droit. Je n’y connais même rien. Je suis pourtant certain qu’il faut trouver de toute urgence des moyens d’arrêter le massacre, ici comme ailleurs. La biodiversité, synonyme de la beauté, n’appartient pas à la sottise, à l’appât du gain, à cet incroyable appétit pour la dévastation. Je pense, je suis intiment convaincu qu’il nous faut forger des outils neufs, y compris juridiques, pour juger le crime. Car assez parlé, il faut agir. Tuer des espaces, tuer des espèces, tirer dans le tas, abattre une forêt, vomir dans les mers, autant de crimes.

La crise écologique commande de placer le droit des individus derrière celui de l’avenir commun. Et ce dernier inclut selon moi le droit des plantes et des animaux à être protégés contre nos insupportables errements. Je ne propose pas de sacrifier la liberté des hommes. Je nous conjure d’organiser la coexistence entre nous et le reste, qui est essentiel. Mais avant tout autre considération, je pressens qu’il est nécessaire de parler sans détour, et de nommer le crime. Et de pointer le doigt sur les criminels. Même s’ils nous ressemblent étrangement.

12 réflexions sur « L’animal, cette chose »

  1. Et surtout, n’oublions pas que les grocs (chasseurs en langage codé ornitho ) et leurs familles sont aussi des électeurs, et cela fait du nombre dans certaines régions…et qu’en périodes d’élections,chez nous, je ne peux vous dire où, tout est fait par les socialistes en place , pour ménager leur susceptibilité.Par exemple, déplacer un chargé de la gestion de terrains du Conservatoire du Littoral gênant…puis l’y replacer au bout de 18 mois, après les élections .
    Donc,Fabrice, votre proposition est magnifique, elle est la vie , mais…comment faire avec les hommes et femmes politiques ??
    merci pour vos articles.

  2. Cher Monsieur Nicolino,

    Mon chat vous remercie grandement pour ces nobles pensées.
    Vous faîtes désormais partie de son panthéon personnel, tout près de Stéphanie de Monaco qui elle au moins avait su reconnaître dans les animaux des êtres humains comme les autres.

    Plus sérieusement (?), il y a dans notre rapport à la nature vivante comme une espèce de déni, de refoulé.
    Comme si l’homme, au prétexte de la « civilisation » et des machines, n’était plus un animal.
    Je ne dis pas un animal comme les autres (quitte à peiner Steph de Monac’), mais un animal au sens être vivant qui se doit de boire, manger et respirer pour vivre.
    Et donc de préférence ne pas détruire le milieu dans lequel il vit, grâce auquel il existe, pour ne pas se détruire lui-même.

    Bref, ça ne nous ferait certainement pas de mal si nous arrêtions en effet de voir en l’animal une chose.

    Cependant, si on pouvait faire une exception pour les araignées…parce que, bon, là, quand même…

  3. La beauté fulgurante des animaux qui survivent dans la jungle des sous humains me rend sereine,les actions anti chasse sur le, terrain se multiplient,les chasseurs braconniers subventionnés par nos impots tuent tout ce qui bouge,chat,chouette,mon vieux blaireau qui passait toutes les nuits pour aller manger dans mes terres,water closet a droite,garde manger a gauche,sa puissance et son habilité m’emeuve,mes freres les animaux sont les victimes innocentes du droit fantasmatique, que les clones fetichistes croient avoir pour dissoudre leur peur inouie de la nature sauvage,la peur d’ê^tre libre,de leur part feminine,moi je leur laisse la place a ces animaux,je demenage pour eux,,que jamais je ne photographie ,taisant leur venus a qui que ce soit,d’autre les neantisent,les torturent et tout cela ,desormais quasiment legalement, les colliers wifi,les puces electroniques cancerigenes poséees par ces foutus naturalistes,le piegeage digne des nazis,les battues administratives ou ils eclatent la tete des renardes et laissent des renardeaux a crever sans leur mere,etc,le joyeux spectacle de l’ombre humaine ,qui deversent leur pesticides qui tuent les rapaces millenaires,les cerfs roi des forets retrouvés avec des cancers du foie,les pates fracturees par les piqueurs a la barre de fer ,because,bus trop de Round up,barbarie de la destruction de cette dimension sacrée que porte chaque animal en nous et qui eux nous protegent,et nous accompagnent bien au dela de cette vie, et sont les victimes innocences massacrées par des fous hagards ,tuer,saigner,traquer,sacrifier,nettoyer,eradiquer,l’animal est notre frere et un modele pour chaque etre qui voit ,le courage et l’harmonie que nos freres de chemin nous montre va t’il disparaitre,mais nos rêves hantés par leurs presences continuent de hurler leur souffrance ,le respect et la dignité de leur sauvagerie magnifique devrait être un droit inalienable,l’animal est chez lui sur terre ,autant que moi et vous

  4. Il y longtemps que je pense que nous sommes tous, humains et animaux, interdépendants les uns des autres. En tant que créatures dites intelligentes, nous devrions nous devrions coopérer et non pas « bouffer » ou chasser pour le plaisir nos frères dits inférieurs, parce que différents de nous, mais pourtant si semblables devant la souffrance ! Pour ma part, je suis végétarienne depuis une vingtaine d’années et ne m’en porte oas plus mal je dirais même beaucoup mieux !

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