Nantes, cinq minutes d’arrêt (ou plus)

Il s’agit d’une resucée. Pour une raison que j’ignore, j’ai eu envie d’exhumer ce texte paru ici même il y a près de sept ans. Cela fait bizarre, non ?

Voler ne mène nulle part. Et je ne veux pas parler ici de l’art du voleur, qui conduit parfois – voyez le cas Darien, et son inoubliable roman – au chef-d’oeuvre. Non, je pense plutôt aux avions et au bien nommé trafic aérien. Selon les chiffres réfrigérants de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), ce dernier devrait doubler, au plan mondial, dans les vingt ans à venir. Encore faut-il préciser, à l’aide d’un texte quasi officiel, et en français, du gouvernement américain (http://usinfo.state.gov).

Les mouvements d’avion ont quadruplé dans le monde entre 1960 et 1970. Ils ont triplé entre 1970 et 1980, doublé entre 1980 et 1990, doublé entre 1990 et 2 000. Si l’on prend en compte le nombre de passagers transportés chaque année, le trafic aérien mondial devrait encore doubler entre 2000 et 2010 et probablement doubler une nouvelle fois entre 2010 et 2020. N’est-ce pas directement fou ?

Les deux estimations, la française et l’américaine, semblent divergentes, mais pour une raison simple : les chifres changent selon qu’on considère le trafic brut – le nombre d’avions – ou le trafic réel, basé sur le nombre de passagers. Or, comme vous le savez sans doute, la taille des avions augmente sans cesse. Notre joyau à nous, l’A380, pourra emporter, selon les configurations, entre 555 et 853 voyageurs. Sa seule (dé)raison d’être, c’est l’augmentation sans fin des rotations d’avions.

Ces derniers n’emportent plus seulement les vieillards cacochymes de New York vers la Floride. Ou nos splendides seniors à nous vers les Antilles, la Thaïlande et la Tunisie. Non pas. Le progrès est pour tout le monde. Les nouveaux riches chinois débarquent désormais à Orly et Roissy, comme tous autres clampins, en compagnie des ingénieurs high tech de Delhi et Bombay. La mondialisation heureuse, chère au coeur d’Alain Minc, donc au quotidien de référence Le Monde lui-même – Minc préside toujours son conseil de surveillance -, cette mondialisation triomphe.

Où sont les limites ? Mais vous divaguez ! Mais vous êtes un anarchiste, pis, un nihiliste ! Vade retro, Satanas ! Bon, tout ça pour vous parler du projet de nouvel aéroport appelé Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Je ne vous embêterai pas avec des détails techniques ou des chiffres. Sachez que pour les édiles, de droite comme de gauche, sachez que pour la glorieuse Chambre de commerce et d’industrie (CCI) locale, c’est une question de vie ou de mort. Ou Nantes fait le choix de ce maxi-aéroport, ou elle sombre dans le déclin, à jamais probablement.

Aïe ! Quel drame ! Selon la CCI justement, l’aéroport de Nantes pourrait devoir accueillir 9 millions de personnes par an à l’horizon 2050. Contre probablement 2,7 millions en 2007. Dans ces conditions, il n’y a pas à hésiter, il faut foncer, et détruire. Des terres agricoles, du bien-être humain, du climat, des combustibles fossiles, que sais-je au juste ? Il faut détruire.

La chose infiniment plaisante, et qui résume notre monde davantage qu’aucun autre événement, c’est que l’union sacrée est déjà une réalité. l’Union sacrée, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est le son du canon et de La Marseillaise unis à jamais. C’est la gauche appelant en septembre 1914 à bouter le Boche hors de France après avoir clamé l’unité des prolétaires d’Europe. L’Union sacrée, c’est le dégoût universel.

L’avion a reconstitué cette ligue jamais tout à fait dissoute. Dans un article du journal Le Monde précité (http://www.lemonde.fr), on apprend dans un éclat de rire morose que le maire socialiste de Nantes, le grand, l’inaltérable Jean-Marc Ayrault, flippe. Il flippe, ou plutôt flippait, car il craignait que le Grenelle de l’Environnement – ohé, valeureux de Greenpeace, du WWF, de la Fondation Hulot, de FNE – n’empêche la construction d’un nouvel aéroport à Nantes. Il est vrai que l’esprit du Grenelle, sinon tout à fait sa lettre, condamne désormais ce genre de calembredaine.

Il est vrai. Mais il est surtout faux. Notre immense ami Ayrault se sera inquiété pour rien. Un, croisant le Premier ministre François Fillon, le maire de Nantes s’est entendu répondre : « Il n’est pas question de revenir en arrière. Ce projet, on y tient, on le fera ». Deux, Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux Transports, a confirmé tout l’intérêt que la France officielle portait au projet, assurant au passage qu’il serait réalisé.

Et nous en sommes là, précisément là. À un point de passage, qui est aussi un point de rupture. Derrière les guirlandes de Noël, le noyau dur du développement sans rivages. Certes, c’est plus ennuyeux pour les écologistes à cocardes et médailles, maintenant majoritaires, que les coupes de champagne en compagnie de madame Kosciusko-Morizet et monsieur Borloo. Je n’en disconviens pas, c’est moins plaisant.

Mais. Mais. Toutes les décisions qui sont prises aujourd’hui, en matière d’aviation, contraignent notre avenir commun pour des décennies. Et la moindre de nos lâchetés d’aujourd’hui se paiera au prix le plus fort demain, après-demain, et jusqu’à la Saint-Glin-Glin. Cette affaire ouvre la plaie, purulente à n’en pas douter, des relations entre notre mouvement et l’État. Pour être sur la photo aujourd’hui, certains renoncent d’ores et déjà à changer le cadre dans vingt ou trente ans. Ce n’est pas une anecdote, c’est un total renoncement. Je dois dire que la question de l’avion – j’y reviendrai par force – pose de façon tragique le problème de la liberté individuelle sur une planète minuscule.

Ne croyez pas, par pitié ne croyez pas, ceux qui prétendent qu’il n’y a pas d’urgence. Ceux-là – tous – seront les premiers à réclamer des mesures infâmes contre les autres, quand il sera clair que nous sommes tout au bout de l’impasse. Qui ne les connaît ? Ils sont de tout temps, de tout régime, ils sont immortels. Quand la question de la mobilité des personnes sera devenue une question politique essentielle, vous verrez qu’ils auront tous disparu. Moi, je plaide pour l’ouverture du débat. Car il est (peut-être) encore temps d’agir. Ensemble, à visage découvert, dans la lumière de la liberté et de la démocratie. Peut-être.

9 réflexions sur « Nantes, cinq minutes d’arrêt (ou plus) »

  1. Déjà (re)publié en décembre 2012…
    http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1453

    C’est con, mais ce qui m’affecte le plus, c’est de ne plus voir un ciel bleu sans traînées blanches. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants ne peuvent pas connaitre un bonheur si simple.
    A quarante balais je n’ai encore jamais pris l’avion, et je ne suis pas pressé.

  2. Le Sénat adopte définitivement le projet de loi d’avenir agricoleLe Sénat a adopté le 24 juillet les conclusions de la CMP. Les mesures de protection contre les pesticides, l’abattage des loups ou encore la compensation agricole en cas d’artificialisation divisent agriculteurs et écologistes.
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    Les sénateurs ont définitivement adopté jeudi 24 juillet le projet de loi d’avenir agricole, par 181 voix contre 135, suite au vote de la commission mixte paritaire (CMP) le 23 juillet. Un texte qui divise les syndicats agricoles et les écologistes.

    Alors que Coop de France a salué l’élaboration d’un « texte équilibré », la FNSEA a pointé « un modèle mal défini d’agro-écologie » prôné par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Tandis que la Confédération paysanne a critiqué « le manque d’ambition » du texte en la matière, en dépit de « quelques avancées » dont la prise en compte des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

    Le Sénat a en effet approuvé les dispositions de la CMP qui reconnaît l’existence des PNPP telles que le purin d’ortie comme biostimulants. Ce qui leur permettra « d’échapper à la lourdeur règlementaire pour les produits phytosanitaires », s’est réjouie la Confédération paysanne. Cette disposition a été adoptée fin juin en commission de l’Assemblée. L’association Aspro-PNPP dédiée à la promotion de leur usage a salué « une belle avancée pour leur reconnaissance ». Les PNPP « doivent faire l’objet d’un agrément sur la base d’un dossier « simplifié » pour inscription sur une liste européenne spécifique. Elles peuvent ensuite être commercialisées sans autorisation de mise sur le marché », selon l’association.

    Polémique sur l’épandage des pesticides et les tirs de loup

    La CMP a en revanche retiré du texte un amendement, voté par le Sénat le 21 juillet, visant à limiter la dissémination des pesticides hors des parcelles agricoles lorsqu’elles se trouvent à proximité d’habitations « afin d’améliorer la protection des riverains ». Au grand dam de la FNSEA, le projet de loi, adopté par les sénateurs, maintient néanmoins la restriction de l’usage des pesticides près des lieux sensibles (hôpitaux, établissements de santé, écoles, maisons de retraite…). Les agriculteurs devront, selon le texte, mettre en place des mesures de protection : « des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables ».

    Le syndicat Coordination rurale qui « porte un regard mitigé » sur ce nouveau texte, a déploré « l’opprobre une nouvelle fois jetée sur les exploitants qui utilisent, avec raisonnement, des produits homologués ». Il a « attiré l’attention de chacun sur les conséquences sanitaires que pourrait avoir une impossibilité de protéger leurs récoltes, y compris sur les surfaces en agriculture biologique ». A l’inverse, la fédération d’association France Nature Environnement estime cette mesure « insuffisante ». Pour Claudine Joly, en charge des pesticides à FNE : « Le minimum pour protéger la population des dérives de pesticides est d’instituer une distance d’au moins 50 mètres. Par ailleurs, cette protection doit impérativement être étendue aux zones résidentielles : la santé publique concerne tout le monde ». L’ONG Générations Futures souhaite également l’interdiction des pulvérisations de pesticides près de tous les lieux habités.

    Autre disposition polémique du texte : la CMP a maintenu les dispositions votées par le Sénat permettant aux éleveurs de se voir délivrer par le préfet une autorisation de tir de prélèvement de loups, en cas d’attaque avérée de leurs troupeaux pour une durée de six mois. Si la Coordination rurale est « reconnaissante aux parlementaires d’avoir pris la mesure de la détresse de l’élevage face aux attaques de loup », FNE déplore que le législateur ait « reculé devant les pressions des lobbies sans avoir le courage d’assumer les engagements internationaux de notre pays » plutôt que de rechercher les moyens « d’une coexistence entre l’élevage et ce prédateur ».

    ((De son côté, le groupe écologiste du Sénat « espère que les nouvelles dispositions autorisant les éleveurs victimes d’une attaque à tirer le loup n’empêchera pas la mise en application des alternatives, à savoir le panel des mesures de protection ». La Confédération paysanne estime, quant à elle, que « de véritables actions de piégeage doivent être menées par les services de l’Etat pour éliminer les meutes dévastatrices ».)))

    FABRICE TU AS RAISON: LE GROUPE EELV AU SENAT N’EST QU’UNE BANDE DE CRAPULES,ET SA TÊTE LE CHEF DE FIL D EELV.

    Groupements d’intérêt économique et environnemental

    La création de groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) est confirmée par les parlementaires. Ces collectifs pourront bénéficier de majorations dans l’attribution des aides publiques afin de mettre en place des projets visant la double performance économique et environnementale. Selon le ministère de l’Agriculture, les projets de GIEE en cours impliqueraient 10 à 12.000 agriculteurs, sur 490.000 exploitations agricoles. La loi « encourage la méthanisation agricole collective » au sein des GIEE, se sont félicités les sénateurs écologistes.

    Si le Réseau Semences paysannes a également salué la possibilité des agriculteurs d’échanger leurs propres semences ou plants, « malheureusement, ce droit reste encore soumis à l’agrément des groupements d’intérêt économique et environnemental donné par des commissions où les multiplicateurs et les vendeurs de semences industrielles qui dominent la « profession » agricole risquent d’être largement majoritaires », déplore-t-il. Et de s’interroger : « accepteront-ils de bon gré que des paysans s’organisent pour ne plus acheter leurs semences chaque année ? ».

    Le texte prévoit aussi la création du groupement d’intérêt économique et environnemental forestier afin de faciliter les démarches collectives des propriétaires forestiers volontaires. La CMP n’est pas non plus revenue sur l’introduction d’un régime spécifique de défrichement pour les communes de montagne affectées par un boisement excessif. Pour Hervé Le Bouler, responsable des politiques forestières de FNE, « il est illusoire d’espérer satisfaire des demandes industrielles immédiates en changeant profondément la forêt (…) en comptant sur des fonds provenant du défrichement des forêts françaises ».

    Lutte contre l’artificialisation des sols et le bois illégal

    Autre disposition conservée : l’introduction d’un système de compensation agricole en cas d’artificialisation de surfaces agricoles, à la satisfaction de la Coordination rurale. « L’équivalent d’un département est artificialisé tous les huit ans. La loi aurait dû être plus ambitieuse, notamment en généralisant l’avis des commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers », ont en revanche regretté les sénateurs écologistes.

    Les sénateurs ont également approuvé les sanctions contre le bois illicite, adoptées le 9 juillet par l’Assemblée. Le projet de loi transpose le règlement « bois » de l’Union européenne qui interdit depuis mars 2013 l’importation de bois et produits dérivés illégalement exploités. L’article 33 du texte impose des sanctions pouvant aller jusqu’à « deux ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende » en cas de non-respect des obligations prévues par ce règlement en matière de contrôle de la traçabilité des produits. Une amende de 500.000 euros est également prévue pour « trafic en bande organisée » ainsi que sept ans d’emprisonnement. Cet article « qui était très insuffisant avant l’arrivée du texte en seconde lecture a été amendé dans le bon sens (…) Enfin, la France inscrit l’infraction et les sanctions dans la loi ! », s’est réjouie l’ONG Greenpeace.

    http://www.actu-environnement.com/ae/news/loi-avenir-agricole-adoption-definitive-senat-CMP-22361.php4#xtor=EPR-1

  3. Fabrice

    Je trouve que vous étiez bien optimiste à la fin de cet article.
    Pendant ces 7 dernières années il semble que (comme moi),à vous lire très régulièrement, vous ayez perdu cet état d’esprit.

    Il y a quelque temps j’aurai terminé ce commentaire, par un « bon courage » ou « bonne journée » ou que « la lutte continue ».

    Mais là …

  4. Un jour lointain, NDDL sera une énigme aussi controversée que les pistes nazcas, parce que « pourquoi cette civilisation avait-elle construit ces pistes alors qu’elle n’avait pas d’énergie pour y faire circuler des engins? Des convictions religieuses peut-être, une caste de prêtres qui avait concentré le pouvoir? »

  5. On pourrait traverser toute l’Eurasie en train si la politique ne s’y opposait pas. Les obstacles aux mouvements des personnes, que tu evoques a la fin (« Quand la question de la mobilité des personnes sera devenue une question politique essentielle »), l’avion permet aux riches d’y echapper. Et bien sur, le prix a payer pour eux est de devenir par leur exception meme, des cibles privilegiees de la violence spectaculaire (vol MH17 detournements d’avions etc.) alors que les pauvres subissent la violence non declaree et anonyme. Mais c’est bien pour echapper a cette violence que l’avion existe, et c’est pour ca qu’il continuera, ou qu’il aura un successeur, meme lorsque le petrole sera fini.

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