En défense de Sarkozy (l’affaire du SMS)

Le journal Le Nouvel Observateur se moque de la crise écologique d’une façon étonnante, comme je l’a déjà écrit ici (fabrice-nicolino.com). Ce qui n’est pas loin d’être une infamie intellectuelle et morale. Qui l’est, d’ailleurs, à quoi bon hésiter ? Ce journal, qui serait celui des intellectuels de gauche – et des grosses bagnoles, et des grands voyages, et des statues du commandeur -, regarde ailleurs tandis que tout s’embrase. Ailleurs, c’est-à-dire nulle part. Ailleurs, c’est-à-dire dans le tréfonds privé d’une personne humaine.

Le SMS. Oui, le fameux SMS qu’aurait envoyé Sarkozy à Cécilia quelques jours avant de convoler avec Carla. Pour ceux qui seraient encore ignorants, Le Nouvel Observateur a publié une minuscule info prétendant que notre président a proposé à son ancienne épouse de revenir à la maison. Et donc de rompre avec la future. On me suit ?

Je trouve cela lamentable de bout en bout. Mais avant de vous dire deux mots du journaliste Airy Routier, signataire de ce scoop, je voudrais rappeler cette évidence : même Sarkozy a droit à sa part d’intimité. Même lui. Même mon pire ennemi, ce qu’il n’est d’ailleurs pas. Un SMS, jusqu’à plus ample informé, c’est une correspondance privée. Je rapporte cela de discussions avec d’autres, car pour ma part, je n’en ai jamais envoyé. Une correspondance privée.

Un message émis dans la sphère intime peut avoir de multiples sens, dont certains échappent même à son auteur. Il peut être vrai, faux, il peut signifier le contraire de ce qu’il dit, il peut mentir comme un arracheur de dents, il peut gémir, se contorsionner, pleurer, exulter, crier si fort que les murs de Jéricho s’effondreraient.

On peut, on doit bien entendu critiquer durement Sarkozy, y compris sur les éléments de vie familiale qu’il met en scène à des fins politiques. Et il y a à faire. Mais regarder derrière son épaule, épier ce qu’il a envie de dire, même si c’est délirant, à tel(lle) ou tel(le) de ses proches ? Jamais ! Le Nouvel Observateur a franchi une ligne imaginaire, qui sépare la liberté de la totalité. D’un côté des marges, des coins et recoins, des caches où pleurer, baiser et déconner à tout va. De l’autre, une vision morbide où l’homme a des comptes à rendre sur tous les aspects de son comportement. Devant un tribunal grotesque, le pire qui soit : celui de la foule.

Non. Non ! Je respecte pour ma part la vie privée de Nicolas Sarkozy. Mais en ce cas, que dire de monsieur Routier, journaliste au Nouvel Obs, où siègent tant de donneurs de leçons, où trône une seigneurie appelée Jean Daniel, entre deux publicités clinquantes pour la destruction du monde ? Oui, que dire ?

Je ne l’ai jamais rencontré. Peut-être est-il sympathique, même si j’en doute. Je me souviens, la liste n’est pas exhaustive, de trois faits d’armes – publics, eux – de ce journaliste. Dans l’interminable feuilleton Elf, au cours duquel s’engloutit Le Floch-Prigent, il prit souvent le contre-pied de la juge Éva Joly. Il estimait, ce qui est son droit, que madame Joly abaissait la loi au nom de la lutte contre la corruption. On peut avoir un autre point de vue, ce qui est mon cas. On peut penser que Routier, en prenant si souvent le parti de personnages aussi vertueux que Roland Dumas, faisait aussi des choix moraux. Ce qui est mon cas.

Autre histoire digne d’intérêt. Au début de 2001, Routier a signé chez Grasset un livre d’entretiens avec le président gabonais Omar Bongo, Blanc comme nègre. Bongo. L’ancien espion français d’avant l’indépendance, devenu maître chez lui pour l’éternité relative de sa vie. Bongo. Elf. La Françafrique. L’assassinat de Robert Luong, amant de madame, le 2 octobre 1979, en France. Bongo. Et Routier. La morale en actes.

Enfin, la bagnole, cette saloperie de bagnole. En mars 2007, Airy Routier a publié chez Albin Michel le livre La France sans permis, se prévalant en quatrième de couverture de son titre de rédacteur-en-chef au Nouvel Obs. Quel bel ouvrage ! Routier, délinquant automobile – c’est public -, y raconte comment il a peu à peu perdu la totalité des points de son permis de conduire. Un autre aurait attendu pour pouvoir reprendre le volant, mais pas lui. Pas Airy Routier ! Il continue donc, défiant les radars de l’Inquisition, et le raconte dans ce livre qui est une ode aux beaufs d’ici et d’ailleurs.

La sécurité routère n’est en effet que le masque de l’hydre fiscale bien connue des poujadistes. Citations : « Taxer les automobilistes, quoi de plus tentant pour un Etat en mal de recettes ? ». « C’est, pour le ministère des finances, une affaire en or ». « Il apparaît clairement que l’argument de la sécurité routière n’est plus qu’un maquillage visant à justifier et à masquer la levée d’un impôt nouveau auprès des seuls automobilistes ». C’est beau, non ?

Le professeur Claude Got, pourfendeur de la bêtise humaine, a consacré de longs développements sur le Net (www.securite-routiere.org) à cette « oeuvre », qu’il place aussi haut, dans l’échelle de la manipulation, que le livre de Thierry Meyssan sur le 11 septembre 2001 (L’Effroyable imposture). Juste une citation : « Airy Routier est un menteur, nous verrons que son livre contient des dizaines d’erreurs factuelles, ou d’affirmations sans preuves, subtiles ou grossières ».

Et alors ? Rien d’autre que de l’information, vérifiée. J’ai voulu montrer que le journaliste Airy Routier se dispense de règles simples, qui rendent pourtant la vie entre humains moins difficile. Héros certain de la décadence morale dans laquelle nous sommes tous, bon gré mal gré, plongés, il continuera de parader, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Et ce SMS, alors ? Est-il vrai, est-il faux ? Il pue, si vous voulez mon avis.

21 réflexions sur « En défense de Sarkozy (l’affaire du SMS) »

  1. de quel droit parles-tu fabrice ? nous ne sommes pas dans un état de droit, mais dans une ère de marché . as-tu jamais ouvert dans un train un « closer » abandonné par son propriétaire ? Tu verrais compbien ton discours est depuis longtemps oublié. c’est édifiant de bétises, vérité et mensonges crus , vulgarités, platitudes en tout genre , un des journaux les plus lus de France .
    Tout se regarde et se montre car se vend . ainsi chez un médecin, un jeune homme qui arrive traumatisé : lors des vingt ans de sa douce, chaque amie de cette dernière a eu l’extrême délicatesse de lui offrir un sex-toy et de commenter à grands cris délicats devant le prince charmant .
    je me souviens d’un bouquin de Peter ustinov tout gentil : « le viel homme et mr smith », et du moment où mr smith alias the devil,si content au début de la libération des moeurs, s’endort , lassé par nos platitudes excercées sans passion, juste par mode .
    le nouvel obs , les lecteurs, le président, et la génération présidentielle à venir (pour ce qu’on a pu voir), tout cela est comiquement pathétique . pour le reste, ce matin j’ai préparé des semis à la ferme, en plein soleil, dans un choeur d’oiseaux , et puis c’est tout .

  2. D’accord avec Bruno. Sarkozy l’a bien cherché, il a fait l’étalage de sa vie privée et s’est mis en scène depuis toujours pour récolter les faveurs médiatiques. Je ne dis pas que la méthode journalistique n’est pas douteuse dans l’histoire de ce SMS, mais franchement, c’est largement mérité.

    Quant à la bagnole, je ne pourrais être plus d’accord. Quelle belle saloperie.

    http://sandrominimo.blog.tdg.ch/

  3. D’accord avec Fabrice pour le respect de la vie privée; mais (comment)peut-on récupérer un sms sur un autre téléphone..?
    Ce défenseur de la bagnole s’appelle vraiment Routier? Le pauvre…peut-être en changeant de nom, Marcheur par exemple, il deviendrait humain et trouverait un semblant de conscience…non, connerie de ma part: la conscience ça rapporte pas.

  4. Divers et varié,

    Il s’appelle Routier.

    Les chants d’oiseau, il n’y a rien de mieux. Ou peut-être…mais il faut chercher.

    Un principe ne se découpe pas en tranches, de manière à satisfaire tout le monde. Le respect de la sphère privée, c’est pour moi une base de la civilisation. Sarkozy l’aurait cherché ? Et alors ? La pire des crapules – et, mille excuses, mais Sarkozy ne concourt pas – mérite-t-elle pour autant la torture, ou une condamnation à mort ? Le droit, c’est le droit. Pour tous ou pour personne.

    Fabrice Nicolino

  5. Ce que je voulais dire à propos du sms: ne serait-ce pas une totale manipulation de la part de Sarko and co? Dans ce cas, on ne peux pas plus parler de respect.

    aussi bien que les chants d’oiseaux: le murmure
    d’un ruisseau. Ou le silence, version Paul Morand:
    la neige tombant sur l’eau.

  6. et moi, ce que je voulais dire, c’est que , bien-sûr il y a le droit, mais sur lequel le commerce a pris le pas .Et il faudra blesser au coeur ce dernier pour retrouver des états de droit , et des recoins et recoins pour pleurer, et rire et le reste . En ce qui concerne le chant d’oiseau : si les hommes, résolument, n’avaient d’yeux que pour les réalités, sans admettre qu’on les abuse, la vie, pour emprunter des comparaisons connues, ressemblerait à un conte de fée et aux récits des milles et une nuits . Si nous respections que ce qui est inévitable et a droit à être respecté, musique et poésie retentiraient le long des rues .(je le dévore et le surligne !)
    La lumière des matins de février est une des plus belle pour moi, terriblement blanche et lumineuse , transperçant le froid, elle fait fumer la terre, se réverbère sur les pierres, débusque la famille du lièvre , rend le chien nonchalant et provoque le vol merveilleux du faisan , sur la ferme où je vais traquer le taupin !

  7. @ sandro minimo, oui,pendant ce temps, où Sarkosy parle de ses états d’âmes depuis la guyane, on oublie les autochtones , pourtant français, mais dépourvus de droits vitaux . Tant qu’il y aura des , comment pourrait-on dire, crétins ? pour s’interesser à ce genre de détournement de l’attention… merci pour rue89 en tout cas, site interessant .

  8. Si la morale est à géométrie variable entre la sphère privée et la sphère publique, ce n’est plus de la morale mais du calcul arithmétique des plaisirs dirait Bentham…..

  9. @ eugène, cela fait penser aux nouveaux économistes de ce monde, essentiellement mathématiciens de formation. Quelle est la place laissée dans les calculs arithmétiques du plaisir à l’imprévu ? la poésie ? aucune sinon, tout s’écroule . c’est pour cela que ces systèmes seraient en fait fort simples à détruire . C’est même une question de bon vouloir . Si nous apprenons à nous passer volontairement de nos modes de consommations , ils s’écrouleront d’eux-même .

  10. vue sur Rue 89 :

    Concernant ce fameux SMS, je maintiens que je suis personnellement favorable à sa diffusion s’il existe vraiment. Désolé pour ceux qui pensent que c’est de la presse de caniveau, je crois bien au contraire qu’il s’agit d’un travail journalistique. Le Président de la République n’est pas n’importe qui, il est comptable de ses actes devant le peuple français. Et si un acte semble montrer un trait de caractère pouvant porter préjudice à la France, il est juste de le divulguer.
    Je le répète, si ce SMS est vrai, il trahit un amour fou que je respecte mais aussi une inconstance et une inconséquence dans ses actes. Et ça, c’est grave pour un Président.
    Personne ne l’a forcé à conquérir le pouvoir, personne ne l’a forcé à médiatiser sa vie, personne ne l’a forcé à se mettre toujours et sur tout en première ligne. Dans son discours du Latran, le Président considère qu’il a la même vocation que les prêtres, se consacrer entièrement à sa tache.
    Or aujourd’hui, M. Guéant dit que le Président a en ce moment des problèmes personnels à régler…qui semblent l’empècher de jouer pleinement son rôle . C’est grave !

    Ces arguments sont-ils recevables ?

  11. A-t-on vraiment besoin de savoir si ce SMS est vrai ou pas pour savoir à quoi s’attendre avec Sarko ? Ses activités en qualité de VRP du nucléaire partout dans le monde m’inquiètent davantage, par exemple, que de savoir s’il aime toujours Cécilia, si Carla est enceinte ou pas et autres infos du même tonneau…

  12. @ Bénédicte,

    Tu as bien répéré mon langage métaphorique inspiré des mathématiques. Je voulais juste traduire le fait que la morale, justement, ne relève pas de ces petits calculs plus ou moins conscients, mais d’un autre chose qui ne doit rien non plus au social. La honte par exemple ne s’éprouve pas d’abord du fait d’être sous le regard d’un autre, mais du fait qu’un trop de jouissance s’est obtenu sans modération; et je suis par là au coeur des questions écologiques.

    Mais je vise aussi les intoxiqués d’une morale bourgeoise qui entretient cette confusion par la distinction entre morale privée et morale publique… Je n’ai par contre aucun commentaire à faire sur l’instrumentalisation publique de la vie privée car à ce petit jeu, quand la vie professionnelle et un peu privée d’un individu est sous le feu des projecteurs, les pierres reviennent parfois très vite en boomrang. Les plus astucieux d’entre vous auront d’ailleurs repéré que j’ai malheureusement commencé moi- même à jouer du mécanisme…

  13. @ Eugène, parce que tu es toi aussi sous les feux de la rampe ? (c’est une petite boutade) .
    Comment vous dire, moi, ce qui me « titille », c’est que , pendant que Nico rend à César ce qui lui appartient (quand on prône l’ultraliberalisme dans un programe en trois points : premièrement le plein emploi, deuxièmement le plein emploi et troisièmement le plein emploi,…), bref, pendant que ce couple dont la france se fout éperdument, je crois, parade telles des stars déchues pour tenter pathétiquement de retenir l’attention, des héros méconnus meurent par milliers chaque jour, d’avoir défendu leurs enfants, leurs femmes, leurs parents, leurs villages, leurs forêts, les singes qui la peuplent . Sous les coups, sous le feu, sur des barques de fortune, pleins d’espoirs ou d’un courage réaliste, ils tombent, et on n’en parle jamais . Très très franchement, Sarko , je m’en fous . Il fait parti d’un monde qui ne m’interesse pas .

  14. Pour Suzan,

    je suis réellement navré d’être à ce point en désaccord. Mais tel est le cas. Le respect d’un espace privé, pour chacun de nous, est un détail, mais décisif, de la civilisation. On voit bien où commence la transgression, nul ne voit où cela s’arrête. Ne le prenez pas mal, mais j’ai le sentiment que vous ne voyez pas si clairement que cela les dangers de l’inquisition. Aujourd’hui, ils paraissent lointains. Mais demain ? Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  15. Fabrice,

    Je serais quand même plus nuancé. Sur le principe, on est d’accord, c’est pas terroche.

    N’empêche que Sarkozy l’hyperactif a réussi à nous cacher pendant des mois qu’il a eu une opération à l’automne. Bénigne, certes, mais cela montre bien une chose : il PEUT tout à fait tenir des choses secrètes pendant un moment s’il le souhaite. J’en déduis que tout ce qu’on voit est une mise en scène de sa vie privée.

    La diffusion du SMS n’était peut-être pas prévue (quoique, franchement j’en viens à douter de plus en plus qu’il ne s’agit pas encore d’un truc pour faire écran de fumée, du vrai « Storytelling », un truc dont on pourrait jamais se douter que la fuite venait de lui…), mais il l’a vraiment bien cherché. Ce type utilise les médias tous les jours pour soigner son image, il est de bonne guerre que ceux-ci répliquent quand ils le peuvent.

    Je sais que c’est différent mais as-tu déjà entendu/vu la compagne de Besancenot? Savais-tu qu’il était papa depuis quelques mois? Non, personne n’en parle, parce qu’il a décidé de séparer sa vie privée et sa vie publique. Sarkozy a mis le doigt dans l’engrenage, il ne faut pas se plaindre quand ça coince…

  16. benedicte, je ne suis pas tout à fait d’accord. L’infect insecte fait justement écran de fumée, de manière, volontairement ou pas, à ce qu’on ne parle pas des vrais problèmes, notamment ceux que tu mentionnes. Donc je ne m’en fous pas, je veux qu’il dégage et paie au plus vite le prix de ses forfaitures.

    Et pour revenir sur le dogme bagnoleux, j’ai l’impression qu’après avoir tout fait pour mettre de la bagnole partout, la collectivité s’est un peu rendu compte des effets néfastes de la chose, et n’a trouvé, comme seule réponse, que le bridage de la circulation par la punition et la gêne, et non, malheureusement, par le changement de dogme (par ex. reconstruire le transport collectif et ratatiner les besoins de déplacements).
    Le Routier voit partiellement juste mais pour de très mauvaises raisons. La majorité des pauvres petits automobilistes n’est pas encore prête à comprendre qu’elle est à l’origine de ses problèmes…

    Quant à « closer », effectivement, la seule fois où j’ai lu ce genre de serpillère, c’est en le récupérant dans un train. Ces publications prennent leurs lecteurs (lectrices) pour des cons. Tout sonne faux. C’est nauséabond. Et hélas oui, le fait que ce soit très vendu en dit long sur l’état mental du peuple. La crise majeure, il n’est pas prêt à la prendre en compte.

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