Ces « écologistes » qui flinguent les peuples

Paru dans Charlie y a pas longtemps

Le WWF et deux autres structures du même genre sont accusés par l’ONU de préférer la « protection » des réserves à la protection des humains. Patron du WWF en France ? Un ancien ministre de Hollande, Pascal Canfin.

Franchement, les boules. Je ne savais pas qu’il existe un Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des populations autochtones. En l’occurrence, une : Victoria Tauli-Corpuz. Cette fille appartient à un peuple des Philippines qu’on appelle Igorot, et c’est une combattante. Elle a notamment aidé des paysans pauvres, du temps de ce salaud de Ferdinand Marcos, à bagarrer contre un projet de barrage sur la rivière Chico, finalement abandonné en 1980.

Si je parle de cela, c’est que Tauli-Corpuz est une véritable écologiste, ce qui donne tout son sens à ce qui suit. Un congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) vient de s’achever à Hawaï et la dame en a profité pour lâcher une bombe : d’importantes associations de protection de la nature violent allègrement les droits des peuples autochtones et soutiennent divers projets qui aboutissent à chasser de leurs terres ancestrales des populations pauvres. Qui finissent – c’est moi qui le précise – au bordel ou dans les bidonvilles. Tout cela, bien entendu, au nom de la protection des écosystèmes.

Tauli-Corpuz n’a cité aucun nom au cours de son intervention, mais a confié en marge qu’elle visait dans son rapport à l’ONU, non encore publié, trois grandes boutiques : Wildlife Conservation Society (WCS), Conservation International (CI) et le WWF. L’affaire n’est pas exactement nouvelle, et j’en ai déjà parlé ici, mais il faut y revenir. En 2004, la prestigieuse revue américaine WorldWatch publiait un article renversant (1), sous le titre : « Un défi pour les conservationnistes ».

L’auteur, Mac Chapin, y montrait ce que sont devenues les grands business de la protection de la nature, dont le WWF et Conservation International. Si le mot business s’impose, c’est que ces transnationales brassent des centaines de millions d’euros par an, et qu’elles sont cul et chemise avec la grande industrie et les États les plus corrompus de la planète. Leurs pontes, payés dans les 400 à 500 000 euros par an, vivent d’ailleurs comme des PD-G.

Chapin rappelle au passage que la presse mexicaine, il y a près de quinze ans, a accusé les bonnes gens de Conservation International de vouloir faire expulser par les flics locaux des Indiens vivant dans la forêt Lacandone. Dans le Chiapas, dans l’épicentre de la révolte zapatiste contre Mexico ! Le texte de Chapin a fait à l’époque grand bruit, et puis a été oublié.

Plus près de nous, si j’ose écrire, l’association Survival attaque depuis des années le WWF, documents à l’appui, et l’accuse de financer au Cameroun des brigades qui s’en prennent aux Pygmées baka. Survival : « Les Baka n’ont ni consenti à la création de zones protégées sur leur territoire, ni accepté les lois qui les criminalisent et les assimilent à des braconniers parce qu’ils chassent pour se nourrir. Ils subissent harcèlement, coups et torture et nombreux sont ceux qui dénoncent des morts parmi eux ».

C’est d’autant plus dingue et rageant que de nombreux travaux démontrent que les peuples autochtones sont les mieux placés pour protéger les territoires dont ils tirent leur subsistance. Ceux qui détruisent à coup de bull et de tronçonneuses sont justement les copains des « conservationnistes ». Lesquels ont visiblement pris des cours de com, car le patron du WWF, Marc Lambertini a aussitôt déclamé : « Le rapport de madame Tauli-Corpuz est un importante contribution à l’avancée des bonnes pratiques en matière de droits des autochtones ». Et tous d’affirmer la main sur le cœur que les cas dénoncés sont « de la vieille histoire ». Tauli-Corpuz, qui n’est pas née de la dernière pluie, assure de son côté que tout continue comme avant sur le terrain.

Le directeur du WWF en France est l’ancien sous-ministre Pascal Canfin, en charge du « développement » entre 2012 et 2014. Je lui rappelle que l’Agence française de développement (AFD), dont il avait la tutelle, a financé en Éthiopie l’un des barrages sur l’Omo, qui a détruit la vie de milliers de Daasanach et de Muguji. On peut donc parler de continuité.

(1) worldwatch.org/system/files/EP176A.pdf

9 réflexions sur « Ces « écologistes » qui flinguent les peuples »

  1. 5 articles d’un coup! Nous sommes gates! Et puis des articles de cette qualite, fouilles, sources, mis dans leur contexte… Merci.

    Pour le WWF, tout le monde sait ici (en Inde) que ce sont des s[bip], ou comme on dit pour etre poli, des « conservationnists », c’est a dire des gens qui travaillent avec l’industrie du tourisme pour vendre du tigre comme d’autres vendent des vagues ou de la neige, et que leur action est une exacerbation du colonialisme, une exacerbation de la destruction ecologique, pour vendre ces tigres, ces vagues, cette neige etc. a une population rarefiee qui ne se deplace plus qu’en jeep et en avion, qui ne peut plus survivre qu’en chambre climatisee avec chiottes attenantes, et qui se croit eclairee parcequ’elle prend des photos de la nature avec des appareils photos qui coutent 30x le salaire de celui qui nettoie leurs chiottes et n’achete que des produits (voiture, tickets d’avion, telephone, desinfectant, etc.) avec un label « vert »… ou avec un label « WWF »…

    Il y a un avertissement de nature philosophique ici: le WWF (et apparentes, ils sont nombreux) represente cette vision de la « nature » denuee d’hommes, c’est a dire une nature « vierge », qu n’a pour eux d’interet que si elle leur est rendue accessible par le travail d’un proletariat invisible, chasse de la nature et entasse dans des bidonvilles de plus en plus sordides.

    1. Bonne analyse.
      L esprit WWF sévit partout y compris dans les Pyrénées.
      Ce n est pas l ours qui fait peur c est le WWF qui avance masque derrière.
      Une anti ours .

  2. J´ai arrêté de soutenir le WWF en 2007 lorsque j´ai découvert avec stupeur, dans la revue qu´il envoie à ses membres (du moins le WWF Allemagne), une publicité pour des voyages en hélicoptère au-dessus du Kamtchatka ! Aller à la rencontre des ours de la péninsule, découvrir la faune sauvage dans un cadre d´une beauté époustouflante ! Une chouette manière de faire la connaissance des bestioles qui vivent dans le coin ! Sûr que les ours ont apprécié le vacarme des hélicoptères qui leur passaient au-dessus de la tête quand ils pêchaient tranquillement leurs saumons.
    Depuis, ce que j´ai appris sur le fonctionnement du WWF a conforté ma décision.

  3. Je suis d’accord. Sachant que ces situations méritent d’être examinées en détail au cas par cas. Chez nous en France, des « autochtones » dévoyés reprennent et détournent ces argumentations avec une rhétorique bien au point pour justifier l’élimination complète des ours et des loups de nos territoires au prétexte que la cohabitation est impossible : « eux ou nous » contre « l’ensauvagement ». Le juge de paix pourrait être le suivi des effectifs et de la stabilité des populations animales concernées sur le périmètre de ces populations humaines autochtones. Ces dernières ont su vivre en équilibre dans leur milieu, contrairement à notre « monde moderne ». Mais il faut s’assurer que cet équilibre ne soit pas rompu par des considérations démographiques … et balayer nous-mêmes devant notre porte.

  4. La conservation de la nature ne peut se concevoir autrement que par l EQUITE.
    Demander aux innonbrables petits de se restreindre pendant que quelques grands se roulent dans la soie c est le capitalisme
    L ecologie ne peut reproduire ce modèle mais c est deja trop tard.
    Le WWF impose son modèle « nantis/domestiques .boy.esclave ».et nos gouvernants aiment Le WWF …

  5. Les « ecoregions » délimitées par le WWF (Afrique ..Pyrénées…)sont soumises à la même logique,au même mécanisme d éloignement des populations humaines au profit du « sauvage »
    F Nicolino a été « the moteur « pour répandre le WWF sur les Pyrénées.En publiant Clamens il est en etat de cont ra diction avàncee.
    Qu’ il s explique !

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