Tout le monde ne lit pas le journal Le Monde. Moi-même, qui l’ai découvert par miracle lorsque j’avais 14 ans – ce qui aura probablement modifié le cours de ma vie -, je ne suis plus un fidèle. Plus d’une fois, il me tombe des mains. Est-ce bon signe pour le quotidien ? Pour moi, peut-être ? ¿Quién sabe?
Hier au soir, en tout cas, je l’ai lu. Depuis quelques mois, je savais que l’équipe du journal préparait une nouvelle rubrique quotidienne de deux pages, appelée Planète. Centrée, m’avait-on dit, sur la crise écologique. Et j’en étais heureux, bien que l’initiative arrivât fort tard compte-tenu de l’aggravation des problèmes. Il n’empêche : j’en étais bien satisfait.
La une du Monde datée du mercredi 24 septembre 2008 ouvre à droite sur un éditorial d’Éric Fottorino, le patron (ici). Sous le titre Bienvenue sur notre Planète, il présente le nouvel espace réservé donc à… Et c’est là que les choses se compliquent et s’emberlificotent. Car dans la première partie, qui figure donc en couverture, le mot écologie n’est pas prononcé. Bizarre, bizarre, je vous assure cher cousin et cher lecteur que cette absence m’a semblé bizarre. D’autant que la présentation faite par Fottorino fleure bon la bluette. Planète devra aider Le Monde – je cite – à « expliquer le monde tel qu’il est et surtout tel qu’il vient, apporter des des débuts de réponse clairs à des phénomènes complexes ».
Comme j’aime la langue de bois ! Quelle musique inimitable ! Ce n’est pas tout, car il me fallait tourner la page pour terminer la lecture de l’éditorial. Et là, le sublime. Directement et sans détour, le sublime. Une nouvelle citation : « Notre intention n’est pas d’accumuler dans ces pages un stock accablant de mauvaises nouvelles ! Se borner à rendre compte des catastrophes planétaires, des cyclones, raz de marée, fontes des glaciers et autres destructions forestières serait inapproprié, de même qu’observer les migrations par le seul prisme des réfugiés écologiques ou des sans-papiers désespérés. Au contraire, tout un chacun, individu, entreprise, Etat ou groupe d’Etats, unions régionales ou mondiales, est en mesure d’apporter des solutions aux défis naturels de ce troisième millénaire ».
Je compte sur votre propre lecture critique, et me contente d’un mot sur l’admirable et, je l’espère, inoubliable : « Se borner à rendre compte… ». Pardonnez, j’en oubliais un deuxième. Le Monde ne versera pas dans un « scientisme forcené ». L’adjectif forcené est une trouvaille géniale, surtout sous la plume de Fottorino, qui est aussi un écrivain. On peut donc espérer – sait-on jamais ? – qu’il connaît le sens des mots. Et donc, je note qu’il rejette noblement le « scientisme forcené ». Mais pas le scientisme, dont je rappelle qu’il est une sorte de foi dans les vertus supposées de la science à régler les principaux problèmes humains. Éric, merci.
Et ce n’est pas tout. Cet éditorial est un régal, un festival de l’idéologie, camouflée comme il se doit sous les ors de la raison et des grands principes. Car Fottorino ose enfin évoquer la menace des menaces, ce dérèglement climatique qui désorganise déjà la vie de centaines de millions d’humains. Je sais que ce n’est pas très grave quand il s’agit de sortir chaque jour un journal, tâche glorieuse de notre grand journaliste-écrivain. Je le sais, et le prie respectueusement de pardonner ce qui suit.
Qui est ? Disons un pleur, se changeant faute de mieux en rire débondé, frôlant un peu – j’avoue tout – l’hystérie. Car Fottorino, signant un article-clé du grand quotidien de référence français, nie tout simplement la crise climatique en cours. Non le réchauffement, mais la crise. Oh certes, d’une manière telle qu’aucun esprit honnête ne saurait lui en faire reproche. Oh ! on sait encore écrire, et l’on prend les précautions idoines. Pourtant, Fottorino nie. Comment ? En s’appuyant d’une manière hypocrite sur la géographe Sylvie Brunel. Laquelle est une anti-écologiste primaire, dans la belle tradition de ce grand couillon de Luc Ferry.
« Spécialiste de l’humanitaire » – elle a été présidente d’Action contre la faim (ACF) -, elle ne cesse de pourfendre les gens dans mon genre. Je n’ai pas le temps d’insister, mais je vous promets un article complet sur elle, car elle le mérite, ô combien. Proche des thèses de Claude Allègre et de son clone Lomborg (“L’Écologiste sceptique”), elle ne croit rien des menteries sur la dégradation des écosystèmes. Rien. J’ajoute, pour avoir lu certains de ses textes, sur lesquels je reviendrai, qu’elle est formidablement ignorante. Mais à un point qui étonne un peu, tout de même. Y compris sur le sujet de prédilection qui est le sien, ce fameux « développement » qui ruine le monde. Brunel, qui le défend ardemment et constamment, est bien obligée de noter qu’il n’a pas atteint ses objectifs. Mais pourquoi ? La réponse, qui figure dans l’un de ses derniers livres (Le développement durable, PUF, coll. Que sais-je ?) est d’une profondeur telle qu’elle finirait par faire douter (d’elle). Je vous la livre : « Ce ne sont ni l’argent ni les moyens qui manquent, mais une volonté concertée ». Mazette, nous sommes dans la stratosphère de la pensée planétaire.
Malgré ce détour, je n’ai pas oublié Fottorino. S’appuyant donc sur l’excellente Brunel, il conclut son noble édito de la sorte : « Gare aux idées reçues, aux modes qui se démodent. “Historiquement, les phases de réchauffement ont toujours été porteuses de progrès”, écrit Sylvie Brunel, citant les opportunités liées selon elle à une montée des températures : la libération de terres cultivables sur les hautes latitudes, l’augmentation de la période propice à la croissance des végétaux, l’ouverture de nouvelles routes circumpolaires “qui permettront d’économiser l’énergie nécessaire aux trajets actuels qui contournent les continents par le sud” ».
Oui, vous avez bien lu. Éric Fottorino et Sylvie Brunel considèrent que le réchauffement climatique est une chance pour l’humanité, un progrès. Je sais bien qu’ils le croient sincèrement. Mais comme je suis un voyou, j’ajouterai qu’il ne faut pas non plus désespérer Lagardère, qui se trouve être le premier actionnaire extérieur du journal le Monde. Mais oui, notre cher marchand d’armes (entre autres) national joue un rôle clé, désormais, grâce à Jean-Marie Colombani, dans l’avenir d’un quotidien qui fut jadis – comme le temps passe – à peu près indépendant. Un dernier mot sur la pub, cette industrie du mensonge encore plus décisive pour les fins de mois de la presse. Je formulerai l’hypothèse suivante : Le Monde ne peut pas dire la vérité sur l’état de la planète, car celle-ci s’oppose frontalement à la marche des affaires. À la fuite en avant de l’industrie et de ses innombrables produits inutiles, qui tuent la vie sur terre. Le réchauffement climatique est une chance, car sinon, la pub ira ailleurs. Et Le Monde périra. Ite missa est.
PS : Vous faites comme vous voulez, mais je vous conseille de conserver soigneusement le texte de Fottorino. Nous pourrons avec un peu de chance le montrer plus tard à nos enfants et petits-enfants, de manière à ce qu’ils s’étonnent avec nous de l’état de la (non) pensée et de la presse en France, en 2008. Je vous le dis et vous demande de me croire : cet éditorial est un grand document.
Avec beaucoup de chance, plutôt ! En effet, la pub dirige « le monde » (avec et sans majuscule.
C’est pas bien Fabrice, tu fais du copier-coller avec les articles en ligne, avec leurs fautes : « (…) apporter des des débuts de réponse clairs (…) », troisième paragraphe.
Il y a une vraie mode en géographie désormais, mettre en avant l’homme ostentatoirement, parfois même, comme Sylvie Brunel, ne pas hésiter à déclarer que la nature est mauvaise, car dangereuse pour l’homme. J’aurais aimé dire que son doctorat d’économie parle en elle plus que son agrégation de géographie, mais ce n’est même pas le cas. La dimension naturaliste de la formation de géographe passe de plus en plus à la trappe, la géographie, pour beaucoup, n’est plus qu’une science sociale, une science de l’espace des sociétés. Ce qui n’empêche pas nombre de géographes assez incompétents en la matière de penser qu’ils ont un avis éclairé sur les milieux biophysiques (pour ne pas dire naturels, la rigueur voulant qu’on mette alors des guillemets).
Sylvie Brunel a raison quand elle dit qu’une Terre plus chaude a toujours signifié jusqu’à maintenant (du moins d’après ce que l’on sait de la reconstitution des paléo-environnements quaternaires) un temps plus clément, moins de sécheresses, etc. C’est une connaissance livresque juste. Sauf que : la dynamique actuelle du climat n’est pas celle-ci !!!
Chaque fois que j’ouvre Sud-Ouest, grand quotidien régional, je pique une quinte. Mais pourquoi le droit de donner des boutons aux lecteurs ne serait-il réservé qu’aux journaux régionaux ?
Le Monde essaye de rattraper son retard…
MH
C’est pire qu’un scandale. Que fait Hervé Kempf??
James Hansen disait récemment que les négationnistes climatiques, et tous ceux qui avaient tout fait pour propager l’idée que le réchauffement climatique n’était pas d’origine anthropique (ou pas si grave que ça) devraient un jour être jugés comme des criminels. La justice écologique devra un jour mettre ces gens devant leurs responsabilités.
Ce qui se passe au Monde et que tu dénonces est pire qu’un scandale, c’est innommable, car ce sont ces gens-là qui vont ralentir la prise de conscience qui pourrait se soulever, si seulement il n’y avait pas ces dangereux négationnistes pour semer le doute dans les esprits.
Il ne faut pas en rester à cette note sur ce blog, mais il faut absolument crier haut et fort que cet édito laisse présager la pire des choses: que l’un des quotidiens les plus importants en France commence à prêcher pour les thèses réactionnaires et anti-scientifiques d’Allègre & co.
Il faut faire quelque chose.
@ sandro, d’accord à 100% .
Egalement tout à fait d’accord avec Sandro. Ca fait peur tout ça. Y’a pas de mots. Le combat est vraiment inégal. De combien d’années vont ils faire reculer la prise de conscience ? ….Ca fait peur.
Hervé kempf dois sans doute se sentir à l’étroit mais heureusement qu’il travaille encore là bas. Il y a encore une ouverture. J’espère.
pourquoi pas faire un forum des lecteurs critiques de la presse et faire venir… la presse ! Il faudra bien un jour que les directeurs des journaux et journalistes se rendent compte que les lecteurs sont critiques et ne gobent pas tout de leur propagande.
Sandro et Cyril,
Je dois vous avouer que je suis sidéré, moi aussi. Et d’accord pour estimer qu’il faut trouver une manière utile de réagir à ces mots incroyables. Mais je compte sur vous pour trouver l’idée ! Bien à vous,
Fabrice Nicolino
Bravo Sandro, et merci Fabrice. Je me suis pris la tête dans les mains en lisant la note éditoriale de Fottorino ce matin dans le métro. Passe encore, effectivement, les premiers paragraphes, du gros dégoulinant é-qui-li-bré comme sait le faire le Monde (à quand deux colonnes: le changement climatique est-il une bonne chose, Untel:’non’, Brunel: ‘oui’), mais la fin, c’était à gerber. Si EF devait citer qqn, je comprends qu’il ne choisisse pas un enragé comme toi qui dit avec ses tripes sa souffrance et sa révolte de porter sur ses épaules l’inconscience et l’inconséquence des hommes, mais il pouvait aller chercher Hulot, Jancovici, le GIEC, plutôt que cette [ici, une insulte que je ne peux laisser, F.Ni] inconnue et visiblement non informée; et en plus il accompagne son propos par des procédés staliniens visant à « nous » renvoyer dans le camp d’extrémistes à ne pas écouter.
Fabrice, je ne pense pas que Fottorino considère, de concert avec Brunel, que le changement climatique ne serait pas un problème. Ce qu’il considère, c’est que c’est un problème parmi d’autres, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, et réels, les problèmes et les injustices dans l’humanité, et cela il le considère parce que le Monde appartient à l’ancien monde…
Quel canard procède à une hiérarchie des sujets qui soit vraiment proportionnelle à leur gravité?
Quel canard est capable de trier entre l’anecdotique adapté à sa temporalité courte et au niveau de complexité que peut contenir 5000 signes, quand les vrais problèmes vulgarisés demanderaient des centaines de pages?
Quel canard enfin dans ce pays où tout le monde fait concours de rationalisme laïc est capable de considérer les sujets de manière vraiment rationnelle, c’est-à-dire en se départissant des credos post-modernes — foi « dans la capacité d’adaptation du capitalisme », « dans le progrès », « dans l’homme », « dans la technique »…?
La catastrophe d’ampleur géologique déclenchée par l’activité humaine n’est pas appréhensible par le cadre de pensée du Monde, ni du monde politique, d’ailleurs.
Géry,
J’ai été obligé d’ôter un mot de ton papier, car les insultes ne sont pas permises, pour des raisons aussi diverses que variées. Par ailleurs, je trouve ton propos sur Fottorino très optimiste. J’aimerais que tu aies raison, toi. Bien à toi,
Fabrice Nicolino
oui, j’ai été excessif et grossier. Ce n’est pas acceptable. Merci de de n’avoir pas laissé passer.
Pour info :
Le livre de Brunel » a qui profite le développement durable ? » est pathétique !…Elle n’apporte aucune réponse.(ni aucun élément montrant qu’elle connaît son sujet)…mais se contorsionne pour éviter d’avoir à remettre en cause son idée du développement…pour elle, la protection de l’environnement est un stratagème des riches pour préserver leurs acquis.(le livre ne vole pas très haut )..Plutôt être négationniste que d’avoir à se remettre en question…Sylvie Brunel est également l’épouse d’Eric Besson ce qui n’a aucun rapport mais aggrave son cas !
Olivier,
Merci de ces précisions. Concernant Besson, j’ai estimé en effet que cela n’avait rien à voir. Et si tu veux mon avis, cela n’aggrave pas son cas. Bien à toi,
Fabrice Nicolino
Fabrice. L’idée ! Oui. L’idée. Moi, vous savez et sans aucune humilité, je ne suis pas grand chose dans l’organigramme social actuel et mes réflexions sont celles d’un type qui a juste un curseur moral différent de quelques autres sur cette terre ( mais pas très différent des lecteurs de ce blog)….Alors l’idée que je pourrai avoir est forcement limitée, naïve sans doute et forcément simple à dire puis compliquer à faire…
Concernant cet édito libéral et si l’on en reste au niveau du journalisme, de la presse, etc, je reviendrai alors sur l’un de vos précédents post qui envisageait un autre type de revue. Vous vous rappelez ? Et bien , j’avais à l’époque laissé un commentaire où je disais que si « nouvelle revue » il y avait il faudrait que ce soit un quotidien car il aurait plus d’impact. Un quotidien vendu avec les autres. A la criée s’il le fallait…Mais bon, voilà, c’était une idée facile, comme ça, d’un lecteur lambda (moi) à qui il manquait quelque chose dans la presse actuelle. Et au vu de ce que fait Fottorino aujourd’hui avec Planète ( qui salit véritablement ce que j’espérais y trouver ), je me dis que ce quotidien est encore plus nécessaire pour établir le contrepoint. Et libérer Hervé aussi !!
Maintenant voilà. Ce n’est peut être pas faisable. Pas souhaitable. Je ne sais pas. Vous avez sans doute plus de cartes en main pour répondre à ce projet.
J’aimerais aussi qu’un pont se crée entre les combattants du social et ceux de l’environnement au niveau de la presse, j’entends ( mais c’est valable plus généralement aussi). . J’ai l’impression d’un combat, chacun de son côté alors que les points communs entre les deux actions,sont légions. Une lutte commune renforcerait l’action et toucherait sans doute plus de monde. Je ne sais pas moi, un plan B vert ?!
Quoi ? J’ai zéro pointé ? Fô que je rebosse l’idée ? Bon, bien d’accord Fabrice. J’y retourne.
Mais bon. Après mon combat contre les frelons d’Asie. Après que mon amie ait fini ses nichoirs. Après que nous ayons convaincu jour après jour, chaque fois un peu plus…..Après tout ce qui rend un peu plus fier et plus heureux…. Contrairement à mes lectures du Monde !
Mais je suis prêt à participer à toute manière utile de répondre à cet édito décompléxé. Je sais pas moi ? Un droit de réponse écrit par la plume alerte de l’auteur de ces lieux…Et signée par des millions de ces adeptes crypto-verts ? Hein, pourquoi pas ?
1) Il se trouve des tas de gens intelligents (e.g. des cadres du MAE de ma connaissance) pour appréhender avec des préoccupations à courte vue (l’échelle d’un coup politique, d’une carrière, d’une vie…) ce qui relève de changements d’ordre géologique, i.e. qui portent à la fois sur des échelles de temps qui dépassent celles de l’histoire, et contre lesquels on ne pourra rien une fois qu’ils seront enclenchés. La fonte des glaces, formidable opportunité pour le commerce, la prospection minière et pétrolière, et pour les pays riverains! Fottorino en est peut-être.
2) le reste, l’avenir nous le dira! L’arrêt possible du Gulfstream, formidable opportunité pour l’Europe? La disparition de 2/3 des terres arables en Afrique subsaharienne d’ici 2050, quand la population du continent doublera, formidable opportunité? La libération des sols gelés sibériens de souches virales de style H5Nx qui tueraient autant de monde que la grippe espagnole, 50 à 100M, opportunité?
3) les exigences d’une vie humaine (remplir un journal et en assurer la rentabilité, agir en politique, mobiliser les hommes…) et l’importance de la morale moderne comme guide de l’action et de la réflexion impliquent d’accorder une importance à certains sujets disproportionnée par rapport à leur gravité réelle. Ce n’est pas pour dire que certains sujets devraient laisser indifférent ou n’ont pas d’implication — le calvaire des otages en Irak ou en Colombie, un attentat, un crime raciste, ou toute injustice — sans parler de ceux qui peuvent laisser de marbre — les résultats de telle entreprise, le futur candidat UMP aux régionales en IdF — mais ces sujets consomment beaucoup de papier parce qu’ils répondent à la temporalité d’une vie humaine, d’un journal et d’un journaliste, d’un homme politique, d’un mandat, d’une carrière, et offrent prise à la réflexion et la volonté d’agir…
La « crise » écologique (mot inapproprié, qui laisserait penser qu’il s’agit d’un sujet brûlant parmi d’autres, qu’il serait possible de résoudre à force de volonté et d’organisation), il faut des milliers de pages pour l’expliquer, ses conséquences sont lointaines et / ou incertaines, et ses implications sont tellement pénibles à envisager: à population constante, nous devrions vivre avec moins, sur moins d’espace, moins nous déplacer, moins réussir, nous qui avons, et ceux qui aspirent à avoir, et tout ça, tout ce renoncement à la vie telle que nous la connaissons, pour quoi?
Pour annoncer et vouloir mettre en application le changement radical de vie nécessaire, il faut être un marginal et ce n’est que dans la marginalité qu’on trouve la volonté d’être dur avec soi à ce point (même si la décroissance est censée être joyeuse!).
Alors il est plus facile de faire comme Eric Fottorino, (et la totalité des gens que je connais, sinon quelques lecteurs de Nicolino et Jancovici): considérer que le changement climatique (dont la cause, l’expansion de la société industrielle fondée sur les combustibles fossiles) est un problème grave mais un problème parmi d’autres, que l’humanité va s’en rendre compte, que des accords internationaux vont être conclus, que la technologie nous permettra de vivre mieux, i.e. en consommant plus, que l’on va s’adapter, que le capitalisme, de toute façon, s’est toujours adapté à tout, que les voitures électriques ou à hydrogène, et les énergies renouvelables, et la croissance verte, etc., et maintenant, revenons aux vrais sujets, le déficit du commerce extérieur, le mari de Carla, la démission d’untel. Il vaut mieux retourner dans le business as usual, je vais relire le Monde ce soir, d’ailleurs.
à Géry. Moi j’ai eu le temps de le lire. Peut-être pas acceptable. Mais tellement vrai.
Grande questions que celle du « Journalisme » !…
Journalistes de France et de Navarre où êtes vous ?… Et qu’attendez vous pour faire votre métier ?…
Foutus…Hélas
RÉACTIONS DES ABONNÉS DU MONDE.FR
Un scientifique :
« Monsieur Fottorino, dans les jours prochains vous devriez accorder 8 pages à des personnes réellement informées (Le Treut, Jancovici, le GIEC…) sur la dimension scientifique du réchauffement climatique et ses conséquences, certaines ou potentielles, pour les conditions de la vie humaine sur « notre planète » . Cela permettrait peur-être de rattraper l’effet catastrophique de votre éditorial, qui vient de faire perdre des années de travail informatif sur la gravité du sujet. C’est désespérant. «
Comment ça, Brunel et Besson, pas de lien…
Mais n’ont-ils pas érigé chez eux un totem dédié à la crôôôôôaaaaaaaassance et, le soir venu, ne se griment-ils pas de pétrole, ne s’affublent-ils pas de gadgets électroniques, et ne dansent-ils pas autour en braillant des absurdités ? Tout en priant la Très Sainte Économie ?
C’est marrant, je tombe aujourd’hui sur ce billet et je le trouve assez en contradiction avec ce que j’ai pu lire dans les fameuses pages Planète du « Monde »… il me semble que la prise de conscience de la crise climatique a été plus aigue dans ce journal que dans tout autre quotidien national. C’est d’ailleurs le Monde, si je ne m’abuse qui a dénoncé le premier et avec le plus de force les prises de position de Claude Allègre sur le changement climatique… bref, je trouvais le Monde plutôt alarmiste sur le sujet de l’environnement et lire ce billet quelques mois après sa publication m’aura beaucoup amusé !
Armando,
Marrant ? Dans quel sens ? Il va de soi que le conflit traverse Le Monde comme tout organisme vivant. Mais dire qu’il a été le premier à « dénoncer » Allègre relève, vous me pardonnerez, de l’étourderie la plus manifeste. Et quant au fond, je ne vois rien à retoucher. Bien à vous,
Fabrice Nicolino
Marrant parce que quand je lis dans votre post « Je formulerai l’hypothèse suivante : Le Monde ne peut pas dire la vérité sur l’état de la planète, car celle-ci s’oppose frontalement à la marche des affaires » et quand je regarde les sujets traités dans ce journal (dans les fameuses pages Planète), je me dis que vous devriez avoir l’honnêteté de dire que vous vous être planté.
Quant à Allègre, je ne pense pas être étourdi. Le Monde est en effet le premier canard à avoir couvert le négationnisme climatique du monsieur. A moins que vous ne me citiez la référence à laquelle vous pensez…
amts
Armand
Pour Armand,
Le fond des choses, qui n’est ni ma faute ni la vôtre, c’est que nous ne nous comprenons pas. Bien entendu, je maintiens, car je sais de quoi je parle. Ceci, pour la première partie de votre propos. Quant à la seconde, ce n’est pas parce que vous ne lisez pas toute la presse que je vous en ferai le reproche. Mais enfin, ce n’est pas une raison suffisante pour écrire le contraire de ce qui est. Or tel est le cas. Pour ne prendre qu’un, je dis bien un exemple, le quotidien Libération a critiqué les positions d’Allègre bien avant Le Monde, et d’une manière plus nette.
Bien à vous,
Fabrice Nicolino
Cher Fabrice,
c’est amusant, vous avez ces trois travers typiquement journalistiques : 1) incapacité à reconnaître qu’on s’est trompé ; 2) utilisation exagérée de l’argument d’autorité (« je sais de quoi je parle », sous-entendu : vous, non) ; 3) conviction profonde plus forte que les faits, même si ces derniers sont irréfutables…
D’une part l’assertion « Le Monde ne peut pas dire la vérité sur l’état de la planète, car celle-ci s’oppose frontalement à la marche des affaires” est factuellement fausse si on se réfère aux articles publiés par ce journal (quelques uns pris au hasard dans les dernières semaines : http://tinyurl.com/knmyxg ; http://tinyurl.com/nqsrtd ; http://tinyurl.com/m6ykje etc etc.)
D’autre part, le premier article consacré par le Monde au négationnisme climatique allégrien l’a été le 4 octobre 2006 (http://tinyurl.com/maoqhf), c’est à dire avant tout autre organe de presse national Libération compris (jusqu’à ce que vous m’apportiez la peuve du contraire)… Et ce sur une page entière si j’ai bonne mémoire (à vérifier, les archives du Monde ne donnant pas accès au PDF).
Je suis ouvert à toute démonstration du contraire de ce que j’avance, mais s’il vous plaît sans user de l’argument d’autorité. Ce n’est pas parce que vous travaillez dans la presse que- vous la lisez forcément mieux et plus que moi. Ce n’est pas non plus parce que vous êtes journaliste que vous êtes nécessairement plus savant que moi ou que tout autre, sur les questions d’environnement.
Bien à vous,
Armand
Cher Armand,
Je vais arrêter là, ce qui nous fera des vacances à tous les deux. Je n’apprécie pas plus que cela votre ton, mais cela n’est pas très grave. Il me semble que vous êtes vous, plus que moi, doté d’un sérieux ego qui vous permet de juger et d’expédier l’autre vers les charmantes contrées que vous lui concédez.
Avant d’aborder le point Allègre, deux mots sur Le Monde. Vous ne me comprenez pas. Cela (m’)arrive tous les jours. Mais réellement, vous ne me comprenez pas. Ce que je pense et que j’ai expliqué des dizaines, des centaines de fois, c’est qu’un journal comme Le Monde – et tant d’autres – ne vit que de la promotion des objets matériels produits par notre monde. Ce qu’on nomme la pub. Et la fabrication de ces objets en très grande partie inutiles et coûteux est le grand moteur de la destruction en cours du monde. Dans ces conditions, un journal comme Le Monde, sauf à se détruire lui-même, ne saurait dire la vérité des processus à l’oeuvre.
Vous voyez dans un conflit de pensée, avec une naïveté que je juge amusante, l’opposition entre la position vraie – la vôtre – et la position fausse, qui serait la mienne. Ma foi, cela vous regarde.
Concernant Allègre, je maintiens, évidemment. Non par obstination, mais parce que je sais, en effet, de quoi je parle. Pour une raison simple :j’ai écrit personnellement des articles démontant l’absurde position de Claude Allègre dès 2002 dans la presse nationale, en l’occurrence l’hebdomadaire Politis. Le fait que vous ne le lisiez probablement pas ne change rien à la réalité : vous vous êtes trompé, et pas moi. Le papier que je vous glisse ci-dessous, daté de septembre 2002, n’est que le premier d’une longue série étalée au fil des ans.
C’est ainsi. Le Monde n’est pas le premier journal national à avoir osé égratigner Claude Allègre. Rassurez-vous, je ne suis pas du genre à demander contrition. Mais je pourrais, certes. Voici l’article de 2002, avec son titre.
Le crétinisme scientifique
On pourrait et il serait fort agréable de se foutre purement et simplement de Caude Allègre. Mais l’homme est socialiste, scientifique, et les médias lui déroulent constamment sous les pieds un tapis rouge. On l’entendait l’autre matin, sur France Inter, ridiculiser ceux qui tentent d’alerter le monde sur la crise écologique. Et peu avant dans sa chronique hebdomadaire de l’Express, l’ancien ministre y allait plus fort encore, si c’est possible.En résumé, notait-il, « la situation écologique du globe ne cesse de s’améliorer « .
Nous vous parlions, au début de l’été (2002), d’un livre de désinformation écrit par le Danois Bjorn Lomborg, The Skeptical Environmentalist. Eh bien Allègre le reprend à son compte, intégralement! Il va même plus loin, en suggérant de se débarrasser purement et simplement du protocole de Kyoto, dont l’application coûterait selon lui bien trop cher. Quant au dérèglement climatique, dont Allègre niait l’existence dans une chronique de 1995 (dans le Point à l’époque), attribuant toute l’affaire à une mystérieuse conspiration, il est bien obligé d’aujourd’hui reconnaître ses effets. » Le climat change, sans doute, concède le grand esprit, mais comment et à qu’elle vitesse ? »
Pourquoi un homme dont la réputation scientifique n’est nullement usurpée en arrive-t-il à de tels propos? La question dépasse le cadre de ces lignes, et n’est bien entendu pas nouvelle. Sans en avoir apparemment conscience, Allègre nous rejoue, mais en farce cette fois, l’épisode atroce de ces chercheurs indiscutables versant dans les pires inepties staliniennes.
Il ne faut pas prendre la chose à la légère. Le désastre de Johannesburg, où rien n’aura été obtenu, est en bonne part dû à un sabotage organisé par les lobbies industriels, maîtres à l’OMC comme au Sommet de la Terre. Ces réseaux ne se contentent pas de commander à la politique américaine: omniprésents à Bruxelles, dans les couloirs de la Commission européenne, ils dirigent en fait le Nord, au moins le Nord. Et ils ont parfaitement compris qu’il fallait réagir, par tous les moyens disponibles.
Ce que ces gens préparent, c’est la réédition à une échelle incomparable de ce qu’a réussi pendant des décennies le lobby du tabac: gagner du temps, grâce à des auteurs complaisants, à des études tronquées ou truquées, grâce à la publicité et à la propagande.
Évidemment, Allègre n’est pas acheté. Évidemment, il est sincère. Appartenant à cette race d’hommes qui se croient originaux et rebelles quand ils ne sont qu’arrogants et balourds, il ne manquera pas d’être utilisé.
A l’insu de son plein gré ou presque.
Politis, 12 septembre 2002
Bonjour,
En effet, nous ne nous comprenons pas. Si ce que vos dites est fondé (la pub finance la presse, donc la presse ment) alors nous vivons dans une sorte de complot permanent – idée à laquelle je ne souscris pas, à moins qu’elle ne soit démontrée par des faits. Par exemple, dire que le Monde comme beaucoup d’autres canards est extraordinairement indulgent avec le pouvoir actuel est par exemple une assertion que je pense pouvoir démontrer en me fondant sur une documentation complète de la manière dont ce journal (ou d’autres) a traité précédemment d’affaires identiques, sous d’autres exécutifs.
En revanche, en ce qui concerne la crise écologique actuelle, j’ai beau chercher, je ne vois rien à redire, rien à reprocher. Facts please !
Pour le second point, je ne vous parlais pas « d’égratigner Allègre » : je vous parlais de la couverture de ce qui est son premier acte de falsification pure et simple (intentionnelle ou non) de travaux scientifiques sur le changement climatique et qui est sa chronique publiée à l’automne 2006 dans l’Express.
Celle-ci a été couverte de manière critique par le Monde avant tout autre journal. Libération et Politis compris. Cela étant dit, cela ne m’empêche pas d’abonder dans le sens de l’article que vous avez publié en 2002 😉
Bien à vous,
Armand